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Image de la semaine | 04/01/2021

Faire de la géologie à moins d'un kilomètre de chez soi pendant le confinement

04/01/2021

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les observations géologiques dans un rayon d'un kilomètre autour du domicile d'un géologue confiné à Lyon en novembre 2020 : fossiles, calcaires, stylolites, serpentinite, migmatite… et même un dinosaure.



Zoom arrière sur la géode dans un mur extérieur de la bibliothèque municipale Jean Macé, Lyon 7e, Rhône

Figure 2. Zoom arrière sur la géode dans un mur extérieur de la bibliothèque municipale Jean Macé, Lyon 7e, Rhône

On voit que les cristaux de la mini-géode remplissent la cavité axiale interne à la columelle d'un gastéropode fossile, une nérinée (Nerinea Sp.). Les nérinées sont des gastéropodes marins qui vivaient du Jurassique inférieur au Crétacé terminal. Elles n'ont pas survécu à la crise Crétacé-Paléogène.


Zoom arrière sur la géode dans un mur extérieur de la bibliothèque municipale Jean Macé, Lyon 7e, Rhône

Figure 3. Zoom arrière sur la géode dans un mur extérieur de la bibliothèque municipale Jean Macé, Lyon 7e, Rhône

On voit que les cristaux de la mini-géode remplissent la cavité axiale interne à la columelle d'un gastéropode fossile, une nérinée (Nerinea Sp.). Les nérinées sont des gastéropodes marins qui vivaient du Jurassique inférieur au Crétacé terminal. Elles n'ont pas survécu à la crise Crétacé-Paléogène.



Entrée principale de la bibliothèque municipale de Jean Macé (Lyon, 7ème)

Figure 5. Entrée principale de la bibliothèque municipale de Jean Macé (Lyon, 7ème)

Toutes les dalles murales des murs du rez-de-chaussée sont en calcaire à nérinées.


Pendant le mois de novembre 2020, tout le monde était confiné, et les occasions de faire de la géologie étaient rares quand on était cantonné dans son logement ou sur les trajets domicile-travail ou domicile-magasin et sur un parcours “promenade” à moins d'1 km de chez soi. Mais quand on est intéressé et qu'on a des yeux exercés, on voit forcément plein de choses, contrairement à ceux dont parle le prophète Jérémie (Jérémie 5.21, phrase reprise par les Évangiles, puis par le Coran) : « … peuple insensé et stupide, qui avez des yeux mais ne voyez pas… ». Pendant ce mois de novembre 2020, tout en restant strictement à moins d'1 km de chez moi (Lyon 7e, quartier Jean Macé / Guillotière), j'ai pu photographier, outre les nérinées fossiles et leur géode : des huitres du Jurassique inférieur, une ammonite et des stylolites dans des calcaires du Jurassique moyen, des calcaires à stromatactis et crinoïdes du Paléozoïque, des péridotites schistosées, des migmatites, un stégosaure, une Meganeura… Et le 7e arrondissement de Lyon n'est pas un arrondissement spécial particulièrement riche en curiosités géologiques et est à priori représentatif de tous les quartiers de toutes les villes de France. Et, pour reprendre une autre citation évangélique (Matthieu 7.7), où que vous habitiez, « … cherchez, et vous trouverez… » forcément des objets géologiques intéressants.

Calcaire à gryphées ayant servi à construire les piliers de la devanture d'un magasin d'un certain âge (fermé pendant le confinement)

Figure 6. Calcaire à gryphées ayant servi à construire les piliers de la devanture d'un magasin d'un certain âge (fermé pendant le confinement)

Ces gryphées (Gryphaea arcuata) sont très fréquentes dans le Sinémurien (Jurassique inférieur) de la région lyonnaise et peuvent être découvertes dans les murs de très nombreuses vieilles maisons ou édifices publics de la ville (cf. Le calcaire à gryphées (Sinémurien) des carrières de Saint-Fortunat, Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Rhône), et son pont monolithique ainsi que Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)).


Calcaire à gryphées ayant servi à construire les piliers de la devanture d'un magasin d'un certain âge (fermé pendant le confinement)

Figure 7. Calcaire à gryphées ayant servi à construire les piliers de la devanture d'un magasin d'un certain âge (fermé pendant le confinement)

Ces gryphées (Gryphaea arcuata) sont très fréquentes dans le Sinémurien (Jurassique inférieur) de la région lyonnaise et peuvent être découvertes dans les murs de très nombreuses vieilles maisons ou édifices publics de la ville (cf. Le calcaire à gryphées (Sinémurien) des carrières de Saint-Fortunat, Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Rhône), et son pont monolithique ainsi que Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)).


Calcaire à gryphées ayant servi à construire les piliers de la devanture d'un magasin (fermé pendant le confinement)

Figure 8. Calcaire à gryphées ayant servi à construire les piliers de la devanture d'un magasin (fermé pendant le confinement)

Ces gryphées (Gryphaea arcuata) sont très fréquentes dans le Sinémurien (Jurassique inférieur) de la région lyonnaise et peuvent être découvertes dans les murs de très nombreuses vieilles maisons ou édifices publics de la ville (cf. Le calcaire à gryphées (Sinémurien) des carrières de Saint-Fortunat, Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Rhône), et son pont monolithique ainsi que Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)).


Devanture d'un magasin (fermé pendant le confinement) dont les piliers sont en calcaire à gryphées

Figure 9. Devanture d'un magasin (fermé pendant le confinement) dont les piliers sont en calcaire à gryphées

Ces gryphées (Gryphaea arcuata) sont très fréquentes dans le Sinémurien (Jurassique inférieur) de la région lyonnaise et peuvent être découvertes dans les murs de très nombreuses vieilles maisons ou édifices publics de la ville (cf. Le calcaire à gryphées (Sinémurien) des carrières de Saint-Fortunat, Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Rhône), et son pont monolithique ainsi que Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)).


Joints stylolitiques dans un calcaire bathonien (Jurassique moyen) du Bugey (Sud du massif du Jura, à 50 km en amont de Lyon)

Figure 10. Joints stylolitiques dans un calcaire bathonien (Jurassique moyen) du Bugey (Sud du massif du Jura, à 50 km en amont de Lyon)

Il s'agit d'un joint stylolitique diagénétique et non tectonique, parallèle à la stratification. Ces joints sont obtenus par compaction/dissolution du calcaire à cause de la pression lithostatique.


Joints stylolitiques dans un calcaire bathonien (Jurassique moyen) du Bugey (Sud du massif du Jura, à 50 km en amont de Lyon)

Figure 11. Joints stylolitiques dans un calcaire bathonien (Jurassique moyen) du Bugey (Sud du massif du Jura, à 50 km en amont de Lyon)

Il s'agit d'un joint stylolitique diagénétique et non tectonique, parallèle à la stratification. Ces joints sont obtenus par compaction/dissolution du calcaire à cause de la pression lithostatique.




Vue d'ensemble sur le pilier de la face Nord de l'église Saint Louis de la Guillotière

Figure 14. Vue d'ensemble sur le pilier de la face Nord de l'église Saint Louis de la Guillotière

On retrouve l'ammonite de la figure précédente au 2/3 supérieur de ce pilier ; l'architecte a utilisé des blocs de calcaires bathonien. Il a disposé un bloc sur deux avec la stratification à l'horizontal, et on y voit les joints stylolitiques bien horizontaux. Il a disposé les autres blocs avec leur stratification verticale, les plans de stratification parallèles à la face de l'église. On ne voit plus les joints stylolitiques, mais les fossiles (une ammonite) à plat dans la stratification.


Vue d'ensemble de l'église Notre Dame-Saint Louis de la Guillotière (Lyon, 7e)

Figure 15. Vue d'ensemble de l'église Notre Dame-Saint Louis de la Guillotière (Lyon, 7e)

L'ammonite sur trouve sur le 2e pilier en partant de la gauche, pilier visible entre deux arbres.


De très nombreux magasins, et certains immeubles privés ”récents” ont leur façade ou leur porte d'entrée plaquée de dalles de pierres polies dont l'origine est inconnue, comme pour les calcaires à nérinées. Sur le trajet de chez moi à la station de métro la plus proche, on trouve deux types de “dalles ornementales” : des calcaires roses et des péridotites vertes.

Détail d'une dalle de calcaire rose riche en cavités pleines de calcite (cavité appelée stromatactis, dont l'origine est discutée) en encadrement d'une entrée d'immeuble

Détail d'une dalle de calcaire rose riche en cavités pleines de calcite (cavité appelée stromatactis, dont l'origine est discutée) en encadrement d'une entrée d'immeuble

Dalles de calcaire rose riche en cavités pleines de calcite (cavité appelée stromatactis, dont l'origine est discutée) en encadrement d'une entrée d'immeuble

Figure 18. Dalles de calcaire rose riche en cavités pleines de calcite (cavité appelée stromatactis, dont l'origine est discutée) en encadrement d'une entrée d'immeuble

Ce calcaire contient aussi des tiges de crinoïdes dont la segmentation est visible (cf. Week-end géologique à la Pointe du Chay – Crinoïdes, pinnes et autres mollusques du Jurassique supérieur de Charente-Maritime). Ce calcaire ressemble à certains faciès du Dévonien de la Montagne Noire ou de Belgique.


Entrée d'immeuble à encadrement de dalles de calcaire rose riche en cavités pleines de calcite (cavité appelée stromatactis, dont l'origine est discutée)

Figure 19. Entrée d'immeuble à encadrement de dalles de calcaire rose riche en cavités pleines de calcite (cavité appelée stromatactis, dont l'origine est discutée)

Ce calcaire contient aussi des tiges de crinoïdes dont la segmentation est visible (cf. Week-end géologique à la Pointe du Chay – Crinoïdes, pinnes et autres mollusques du Jurassique supérieur de Charente-Maritime). Ce calcaire ressemble à certains faciès du Dévonien de la Montagne Noire ou de Belgique.


Gros plan sur la section d'une tige de crinoïde photographiée dans le pas de la porte de la photo précédente

Figure 20. Gros plan sur la section d'une tige de crinoïde photographiée dans le pas de la porte de la photo précédente

Certaines tiges de crinoïdes ont une section pentagonale (cf. figure 26 de Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)», sections pentagonales qu'on pourrait trouver dans un mur lyonnais) ; d'autres, comme ici, ont une section circulaire.


Les plus beaux sites pour voir de très belles roches polies sont indiscutablement les cimetières, comme le Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e). Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce ne sont pas les marbres (au sens géologique) et autres calcaires qui sont les plus fréquemment utilisés en France depuis quelques dizaines d'années, ce sont des roches silicatées entièrement cristallisées. Dans le Vieux Cimetière de la Guillotière, les roches les plus fréquemment visibles sont des granites (souvent porphyroïdes) gris, des granites rouges, des gabbros très sombres, et des migmatites. La plupart de ces roches arrivent maintenant du Brésil, de Chine ou d'Inde. Souvent, et contrairement aux granites, il n'y a pas beaucoup d'échantillons de migmatites dans les collections des lycées. Mais souvent, il y a des “marbriers” autour des grands cimetières, marbriers qui reçoivent des dalles toutes faites mais qui les découpent pour les mettre à la taille voulue. Allez voir ces marbriers et demandez-leur des chutes de migmatites !

Une tombe, pour l'instant inoccupée, faite en migmatite, Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e)

Figure 24. Une tombe, pour l'instant inoccupée, faite en migmatite, Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e)

On retrouve en plein Lyon ce qu'on trouve par exemple dans le Massif Armoricain ou Mongolie (cf. Les migmatites, témoins de la fusion partielle de la croûte continentale) ou en Afrique du Sud (cf. Les migmatites micro-plissées de la Sand River, Afrique du Sud). Mais aller échantillonner chez son marbrier est meilleur pour son bilan carbone que d'aller en Armorique, Mongolie ou Afrique du Sud.


Détail sur une tombe, pour l'instant inoccupée, faite en migmatite, Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e)

Figure 25. Détail sur une tombe, pour l'instant inoccupée, faite en migmatite, Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e)

On retrouve en plein Lyon ce qu'on trouve par exemple dans le Massif Armoricain ou Mongolie (cf. Les migmatites, témoins de la fusion partielle de la croûte continentale) ou en Afrique du Sud (cf. Les migmatites micro-plissées de la Sand River, Afrique du Sud). Mais aller échantillonner chez son marbrier est meilleur pour son bilan carbone que d'aller en Armorique, Mongolie ou Afrique du Sud.


Détail sur une tombe, pour l'instant inoccupée, faite en migmatite, Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e)

Figure 26. Détail sur une tombe, pour l'instant inoccupée, faite en migmatite, Vieux Cimetière de la Guillotière (Lyon, 7e)

On retrouve en plein Lyon ce qu'on trouve par exemple dans le Massif Armoricain ou Mongolie (cf. Les migmatites, témoins de la fusion partielle de la croûte continentale) ou en Afrique du Sud (cf. Les migmatites micro-plissées de la Sand River, Afrique du Sud). Mais aller échantillonner chez son marbrier est meilleur pour son bilan carbone que d'aller en Armorique, Mongolie ou Afrique du Sud.


En plus des roches utilisées pour la construction, la décoration ou les sépultures, on peut trouver en ville des œuvres d'art, des sculptures et autres créations où la géologie a très vraisemblablement inspiré l'artiste. En témoigne ce dinosaure et cette libellule géante.

Stégosaure (dinosaure du Jurassique supérieur) en pièces métalliques réalisée par Romain Lardanchet et les élèves du Lycée professionnel Fernand-Forest de Saint-Priest (Rhône)

Figure 27. Stégosaure (dinosaure du Jurassique supérieur) en pièces métalliques réalisée par Romain Lardanchet et les élèves du Lycée professionnel Fernand-Forest de Saint-Priest (Rhône)

Ce stégosaure est maintenant exposé dans le hall d'un ancien garage Citroën construit en 1932, classé Monument historique en 1992, n'ayant maintenant plus fonction de garage et abritant bureaux, école de commerce…



Libellule géante rappelant une Meganeura installée sur les berges du Rhône

Figure 29. Libellule géante rappelant une Meganeura installée sur les berges du Rhône

Sculpture installée par une association naturaliste (Des Espèces Parmi'Lyon, DEPL) sur un quai flottant et végétalisé le long des berges du Rhône, quai flottant destiné à favoriser un retour de la biodiversité dans le fleuve. La sculpture a été réalisée par Michael Relave et Marcel Teillaud à partir de déchets métalliques ramassés dans le fleuve. Elle pèse 60 kg et mesure 1,50 m d'envergure.

Mais cette initiative, fort louable et dont on ne peut que se féliciter, révèle indirectement une méconnaissance profonde des sciences de la Terre. En effet, sur le blog du site de l'association, on trouve la phrase : « il y a quelques centaines de milliers d'années, des libellules de 70 cm d'envergure chassaient au beau milieu des dinosaures », alors qu'il aurait été plus exact, et tout aussi compréhensible par le grand public, d'écrire « il y a quelques centaines de millions d'années, des libellules de 70 cm d'envergure chassaient bien avant l'apparition des dinosaures. » En effet les dinosaures (non aviens) sont bien plus vieux que « quelques centaines de milliers d'années » et les libellules géantes (comme les Méganeura) sont bien plus vieilles que les dinosaures (elles datent du Carbonifère). Cette erreur montre que les enseignants de géologie que nous sommes ont encore du travail à faire, même auprès des associations de naturalistes ! Alors, auprès des élus, des politiques, des industriels…


Localisation des neuf “sites géologiques” lyonnais montrés ici, tous à l'intérieur d'un cercle d'1 km de rayon

Figure 30. Localisation des neuf “sites géologiques” lyonnais montrés ici, tous à l'intérieur d'un cercle d'1 km de rayon

1 – Bibliothèque Jean Macé et ses nérinées / 2 – Piliers d'un magasin en calcaire à Gryphées / 3 – Joins stylolitiques à la gare Jean Macé / 4 – Ammonite à l'église Saint Louis / 5 – Entrée d'immeuble en calcaire rose à crinoïdes / 6 – Entrée d'immeuble en péridotite / 7 – Cimetière de la Guillotière / 8 – Garage Citroën et son stégosaure / 9 – Libellule géante au bord du Rhône


Il y a bien d'autres curiosités géologiques dans l'agglomération lyonnaise que ces quelques photos prises “conjoncturellement” pendant ces quatre semaines de confinement. Planet-Terre a déjà consacré de nombreuses ”images de la semaine” décrivant des affleurements naturels ou artificiels dans la métropole de Lyon. Citons 18 articles tout ou partie consacrés à une « curiosité géologique » lyonnaise.

On peut observer, dans la commune de Lyon, des ammonites, des orthocères et goniatites, une bélemnite avec phragmocône, des thalassinoïdes, des stromatolites et gastéropodes ou encore des coraux et crinoïdes, mais aussi un bloc morainique (le Gros Caillou), un mélange de magmas, des grenats et staurotides, une interrogation sur Myocène ou Miocène, une vue générale de la géologie de Lyon ou une compréhension de la géologie locale à partir du quartier Confluence.

Dans les alentours proches de Lyon, on a déjà évoqué des pierres tombales en calcaire à gryphées, les carrières de Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Saint-Fortunat), des chenaux, des flute casts et des galets mous à Saint-Fons, et un éboulement à Couzon-au-Mont-d'Or.