Image de la semaine | 01/05/2017
Quand les crapauds des granites égyptiens démontrent le mélange de magmas à Paris et à Lyon
01/05/2017
Résumé
Magmas acides et basiques enclaves basiques dans divers granites plus ou moins voyageurs de nos villes.
Les collisions entre deux continents se traduisent par tous les phénomènes conduisant à la formation des chaines de montagnes dites « de collision ». Ces phénomènes sont sédimentaires, tectoniques, métamorphiques, magmatiques, topographiques… Le magmatisme associé aux chaines de collision est particulièrement abondant dans les stades tardifs de la collision. Il se traduit par du plutonisme comme par du volcanisme, par du magmatisme acide comme par du magmatisme basique (cf. Des magmas acides et des magmas basiques qui coexistent, se recoupent, se mélangent… en Oman, et Le plus méconnu des volcanismes, le volcanisme des zones de collision, et son volcan actif le plus emblématique : le Mont Ararat (Turquie orientale) pour l'actuel et la chaine hercynienne). Très souvent, le magma acide (en grande partie d'origine crustale) est majoritaire et forme des granites sensu lato, omniprésent dans les chaines de montagnes dès que l'érosion les a dégagées, mais aussi des rhyolites. Mais très souvent aussi, ce magmatisme acide est accompagné (ou précédé ou suivi de peu) par du magmatisme basique, ce qui prouve que la fusion de la croûte n'est pas la seule à avoir lieu en contexte de collision, et qu'elle est accompagnée (voire favorisée) par un magmatisme d'origine mantellique. La coexistence de ces magmas acides et basiques donne lieu à des figures de coexistence (avec mélange très souvent limité), ce qui se traduit dans la majorité des cas par des enclaves basiques au sein des granites et autres roches acides : enclaves de gabbro si les minéraux ferromagnésiens sont anhydres (pyroxène) ou de diorite si les minéraux ferro-magnésiens sont hydratés (amphiboles). Nous avons vu un cas très spectaculaire de cette coexistence la semaine dernière en Oman. Mais ce n'est pas la peine de voyager très loin pour voir cette association gabbro/granite. On peut voir ces enclaves basiques en plus ou moins grande abondance au sein d'une majorité de granites sensu lato, par exemple en Italie (Les enclaves basiques des granites, granite du Monte Capanne, Capo San Andrea, île d'Elbe, Italie), dans les Pyrénées (figures 4 et 5 de Structure fluidale et orientation des enclaves dans les granites), dans le Massif Armoricain (Les “pillows gabbro” de Sainte Anne, granite de Ploumanac'h, Trégastel, Côtes d'Armor et Les « granitoïdes » de Saint Jean du Doigt (Finistère) : des magmas acides fracturant un pluton gabbroïque préexistant)...
Ce n'est même souvent pas la peine de voyager car ces granites à enclaves basiques ont servi a construire de nombreux monuments (antiques, médiévaux…), et aussi à confectionner d'innombrables pavés et dalles de granite pour nos rues et trottoirs. Tous les jours, sur le trajet de la station de métro Debourg (cf. Une faute d'orthographe géologique "miocène" coulée dans le bronze) au Laboratoire des sciences de la Terre de l'ENS de Lyon, je piétine de telles figures de mélange. Mes collègues parisiens font la même chose de la station Luxembourg au Département des sciences de la Terre de l'ENS de Paris. Et sans doute de nombreux collègues professeurs de SVT font la même chose sur le trajet de leur domicile à leur lycée.
Ces enclaves basiques ne sont pas les seules enclaves sombres dans les granites, bien que ce soient les plus fréquentes. On peut en effet aussi trouver dans les granites des enclaves de roches métamorphiques, à structure orientée, souvent très riches en mica noir. Ce sont alors des restites, résidus non fondus de la roche métamorphique à l'origine du granite (cf. Les enclaves surmicacées (restites) des granites).
Ces enclaves sombres, enclaves basiques (les plus nombreuses), ou restites, sont tellement fréquentes que les carriers leur ont donné un nom : des « crapauds ». On peut remarquer que ce nom de crapaud est aussi celui que donne les bijoutiers aux impuretés que l'on peut, parfois, voir dans des diamants ou autres pierres précieuses transparentes.
Dans un premier temps, nous verrons les enclaves basiques du granite d'Assouan, telles qu'on a longtemps pensé en voir à Lyon (église d'Ainay) (une étude récente indique plutôt une origine corse, cf. Faire de la géologie en visitant les monuments romains de Lyon (Rhône). 4/ Les tribulations des colonnes de la basilique d'Ainay), à Paris (Obélisque de la Concorde) et à… Assouan. Puis nous verrons le même type d'enclaves basiques dans un granite breton, le granite de l'Aber Ildut, granite qui a servi en 1836 à réaliser le socle sous l'Obélisque de la Concorde, justement parce que ces granites breton et égyptien se ressemblent, entre autres parce qu'ils ont la même origine. Enfin nous regarderons quelques pavés et dalles de trottoirs sur les trajets station(s) de métro / ENS(s) de Lyon et de Paris. Collègues professeurs de SVT, étudiants et autres amateurs de géologie, regardez les trottoirs de votre ville : vous y verrez sans doute des preuves de l'omniprésence de cette coexistence magma acide/magma basique dans les granites.
Source - © 2008 D'après Corine Rezel - CC3.0 |