Image de la semaine | 11/01/2021
Les filons de calcite associés à la Faille Nord-pyrénéenne, Sournia, Pyrénées-Orientales
11/01/2021
Résumé
Tectonique, fracturation, précipitation hydrothermale de calcite dans des filons, et géodes.
On voit les cristaux approximativement perpendiculaires aux bords du filon (les épontes). La cristallisation de la calcite a débuté sur ces épontes et a crû vers le centre de la fracture ouverte. La “frontière” entre les cristaux venant de droite et ceux venant de gauche se voit bien au centre du filon. Les deux photos suivantes correspondent à des détails du filon, l'une au-dessus et l'autre au-dessous de ma main qui donne l'échelle.
Localisation par fichier kmz de la Faille Nord-pyrénéenne près de Sournia, Pyrénées-Orientales.
Figure 2. Détail du filon de calcite, Sournia, Pyrénées-Orientales On voit les cristaux approximativement perpendiculaires aux bords du filon (les épontes). La cristallisation de la calcite a débuté sur ces épontes et a crû vers le centre de la fracture ouverte. La limite entre les cristaux venant de droite et ceux venant de gauche se voit bien au centre du filon. | Figure 3. Détail du filon de calcite, Sournia, Pyrénées-Orientales On voit les cristaux approximativement perpendiculaires aux bords du filon (les épontes). La cristallisation de la calcite a débuté sur ces épontes et a crû vers le centre de la fracture ouverte. La limite entre les cristaux venant de droite et ceux venant de gauche se voit bien au centre du filon. |
Ce marbre montre une schistosité (peu visible sur ces photos), schistosité recoupée par les filons. Ces fractures et leur remplissage par la calcite est donc post-métamorphique. La flèche rouge localise les trois photos précédentes, la flèche bleue localise les figures suivantes (5 à 8). | |
Figure 5. Filons de calcite dans le marbre urgonien près de Sournia, Pyrénées-Orientales Les images suivantes sont des vues de plus en plus rapprochés sur le centre de la photo (flèche bleue). Localement, les cristaux croissant depuis les deux bords ne se sont pas rejoints, laissant au centre du filon une cavité où l'on voit bien la forme pyramidale des pointes de chaque cristal de calcite. Ces cavités sont appelées géodes, ou druses. | Figure 6. Vue rapprochée de filons de calcite dans le marbre urgonien près de Sournia, Pyrénées-Orientales Localement, les cristaux croissant depuis les deux bords ne se sont pas rejoints, laissant au centre du filon une cavité où l'on voit bien la forme pyramidale des pointes de chaque cristal de calcite. Ces cavités sont appelées géodes, ou druses. |
Localement, les cristaux croissant depuis les deux bords ne se sont pas rejoints, laissant au centre du filon une cavité où l'on voit bien la forme pyramidale des pointes de chaque cristal de calcite. Ces cavités sont appelées géodes, ou druses. | Localement, les cristaux croissant depuis les deux bords ne se sont pas rejoints, laissant au centre du filon une cavité où l'on voit bien la forme pyramidale des pointes de chaque cristal de calcite. Ces cavités sont appelées géodes, ou druses. |
À gauche, l'échantillon est vu perpendiculairement à l'allongement des cristaux de calcite et on voit les pointes (on parle de scalénoèdres) par le côté. À droite l'échantillon est vu parallèlement à l'allongement des cristaux, et on voit les pointes de calcite de face. Des cristaux de calcite de forme “pyramidale” de beaucoup plus grande taille sont à (re)voir dans Les macro-cristaux de calcite de la Carrière du Boulonnais, Pas de Calais. |
Figure 10. Schéma expliquant sommairement la genèse des filons de calcite
Au stade 1 une fracture se fait dans la masse du calcaire. Aux stades 2 et 3, la fracture s'ouvre, de l'eau y circule et de la calcite se dépose sur les bords de la fracture. L'ouverture ne se fait probablement pas en une seule phase comme c'est dessiné ici, mais sans doute en plusieurs étapes discontinues, ou en continu. Une forte pression de fluide a pu s'ajouter à l'extension purement tectonique et participer à l'ouverture de la fissure. La croissance des cristaux (dans l'eau) accompagne l'ouverture de la fissure. Au stade 4, la fissure ne s'ouvre plus et est complètement colmatée. Il peut rester localement un vide là où les cristaux partis des deux bords ne se sont pas rejoints.
L'origine de cette précipitation de carbonate est à rechercher dans les propriétés d'une eau hydrothermale chaude remontant des profondeurs, et riche en Ca2+ et en HCO3−. S'il y a précipitation de calcite, c'est que la réaction suivante a lieu : Ca2+ + HCO3− → CaCO3 + H2O + CO2. En remontant, l'eau se refroidit ; la solubilité du CO2 augmente et ce n'est pas cela qui fait précipiter de la calcite. Mais en remontant, l'eau voit aussi sa pression diminuer, et la solubilité du CO2 diminue avec la pression. En remontant, l'eau se dégaze donc, perd du CO2 et la calcite va cristalliser.
Dans les photographies précédentes, de la calcite cristallise dans des fractures simples. Elle peut aussi cristalliser dans des failles où il y a eu des déplacements de part et d'autre du plan de fracture. Si le déplacement est important, la fracture devient une zone de « brèche de faille », encore appelée « cataclasite », ou « gouge » (cf. Plan de faille dans un gouffre du Dévoluy (05) ou les figures 8 et 9 de Miroir de faille décrochante : faille du Vuache, la Petite Balme, Sillingy (Haute Savoie)) et de la calcite va cristalliser entre les clastes.
Au centre, une cavité karstique remplie d'argile ferrugineuse brune et mise à jour par l'élargissement de la route. À gauche, les filons détaillés dans les photos précédentes. À droite, et derrière (un peu à gauche) du personnage, on voit une zone de brèche de faille cimentée par de la calcite. Les trois photos suivantes détaillent cette zone de brèche. | |
Figure 12. Vue rapprochée sur la zone de brèche de faille cimentée par de la calcite On voit bien les clastes (blocs anguleux) de calcaire gris métamorphique cimentés par la calcite blanche. La fracturation hydraulique et la pression de fluide ont pu participer à l'écartement des clastes. | Figure 13. Zoom sur la zone de brèche de faille cimentée par de la calcite On voit bien les clastes (blocs anguleux) de calcaire gris métamorphique cimentés par la calcite blanche. La fracturation hydraulique et la pression de fluide ont pu participer à l'écartement des clastes. |
Figure 14. Détail de la zone de brèche de faille cimentée par de la calcite On voit bien les clastes (blocs anguleux) de calcaire gris métamorphique cimentés par la calcite blanche. La fracturation hydraulique et la pression de fluide ont pu participer à l'écartement des clastes. |
Dans quel contexte géologique trouve-t-on ces filons de calcite hydrothermale ? Ces filons sont associés à la Faille Nord-pyrénéenne, accident majeur de cette chaine de montagne. L'histoire commence avec la chaine hercynienne au sein de laquelle se trouvait la future chaine pyrénéenne, au Carbonifère. Sur la chaine hercynienne effondrée et érodée se dépose une série sédimentaire épicontinentale (majoritairement marine) du Trias au Crétacé inférieur. Les deux derniers faciès dans l'Est des Pyrénées sont des calcaires périrécifaux urgoniens (≈ 130 Ma, cf. Découvrir les rudistes en parcourant les rues de Saint-Sébastien (Pays basque espagnol) et en visitant le musée d'Orgon (Bouches du Rhône)) surmontés de marnes apto-albiennes (≈ 115 Ma). Puis la microplaque ibérico-corso-sarde se met à coulisser (coulissement sénestre) par rapport à l'Europe stable. Ce mouvement décrochant est en fait décrocho-extensif. Il s'accompagne d'un amincissement crustal, d'un fort degré géothermique… causes d'un métamorphisme haute température – basse pression. Ce métamorphisme a été daté à 90 Ma dans ce secteur des Pyrénées-Orientales. Il a transformé les marnes apto-albiennes en métamarnes, le calcaire urgonien en marbre… Décrochement et métamorphisme cessent au Crétacé terminal. La zone amincie se refroidit. À partir du Paléocène (≈ 60 Ma) jusqu'à la fin de l'Éocène (≈ 35 Ma) le bloc ibérico-corso-sarde remonte vers le Nord, “écrase” la zone précédemment amincie en la débitant en blocs se chevauchant les uns les autres. Un de ces chevauchements peut se suivre quasiment de la Méditerranée à l'Atlantique : la Faille Nord-pyrénéenne (ou Front Nord Pyrénéen = FNP). Au niveau du FNP, un bloc majoritairement constitué de socle hercynien chevauche (vers le Nord) un bloc majoritairement constitué de terrains mésozoïques, métamorphisés au Crétacé supérieur dans leur partie Sud.
Les fractures remplies de calcite traversent du marbre (calcaire métamorphique) déformé par la tectonique (principalement décrochante) du Crétacé supérieur. La calcite de ces fractures n'est pas elle-même déformée ni métamorphisée, mais elle englobe des blocs de marbre. Les fractures et leur remplissage sont donc post-métamorphiques. On peut très probablement les rattacher au fonctionnement (prolongé et polyphasé) de la FNP à partir du Paléocène.
Figure 15. La Faille Nord-pyrénéenne à 1,5 km à l'Est de Sournia (Pyrénnés-Orientales)
Du Sud au Nord (de droite à gauche) on trouve le granite dit de Quérigut-Millas, granite tardi-hercynien du Carbonifère supérieur, granite très altéré et arénisé, chevauchant par une faille inverse très raide (FNP) le calcaire urgonien métamorphisé. Ce calcaire est redressé quasiment à la verticale et légèrement renversé. Ce calcaire métamorphisé est en contact “stratigraphique” renversé avec les méta-marne apto-albiennes. La Faille Nord-pyrénéenne, limite entre un granite et un calcaire, se voit très bien dans le relief et dans la végétation : maquis très arboré sur le granite altéré possédant un sol épais, et garrigue rase sur le calcaire quasiment dépourvu de sol.
Le rectangle bleu localise les filons et brèches de failles des figures 1 à 14, le rectangle jaune les photos 16 à 18.
Le nombre des filons de calcite est beaucoup plus important près du FNP qu'au cœur de la barre urgonienne.
Localisation par fichier kmz de la Faille Nord-pyrénéenne près de Sournia, Pyrénées-Orientales.
Cette écaille est à une trentaine de mètres du contact principal granite/marbre. Sa présence au sein du granite montre l'ampleur des mouvements tectoniques, mouvements suffisants pour introduire une “écharde” de marbre dans le granite. L'état de l'affleurement ne permet pas de détailler la nature des contacts limitant cette écharde. Les deux photos suivantes sont des zooms sur le contact Est (à droite) de cette écaille. | |
Ce contact est très cataclasé et altéré. Une toute petite tache verte est visible au centre de la photo. La photo suivante zoome sur cette tache verte. | La présence de sel(s) de cuivre montre l'importance des circulations hydrothermales associées à la Faille Nord-pyrénéenne. |
La carte géologique à 1/50 000 de Saint-Paul-de-Fenouillet n'a pas encore été publiée par le BRGM. La FNP traverse toute la carte d'Est en Ouest depuis Perpignan. |
On peut voir de très nombreux filons de calcite hydrothermale dans les chaines de montagne. On peut noter qu'il n'est pas toujours facile de distinguer un filon de calcite hydrothermale d'une fracture où a circulé de l'eau karstique qui y a déposé de la calcite. Pour simplifier à outrance, on peut dire que les calcites karstiques ont été déposées par des eaux venues de la surface, alors que les calcites hydrothermales ont été déposées par des eaux venues de la profondeur.
Nous vous montrons trois photographies de brèche tectonique cimentée par de la calcite, brèche tectonique associée à la Faille de la Durance près de Réotier (Hautes-Alpes), et une photographie de filon de calcite de grande ampleur dans les marnes noires liasiques près du Pont de Brion (au Sud du département de l'Isère)
Figure 21. Brèche de faille cimentée par la calcite blanche, près de Réotier, Hautes-Alpes On voit bien les clastes (blocs anguleux) de calcaire sombre entourés par la calcite blanche. La fracturation hydraulique et la pression de fluide ont pu participer à l'écartement des clastes. Localisation par fichier kmz de la Faille de la Durance près de Réotier (Hautes-Alpes). ) | |
On voit bien les clastes (blocs anguleux) de calcaire sombre entourés par la calcite blanche. La fracturation hydraulique et la pression de fluide ont pu participer à l'écartement des clastes. | Figure 23. Détail de cette brèche de faille cimentée par la calcite blanche, près de Réotier, Hautes-Alpes On voit bien les clastes (blocs anguleux) de calcaire sombre entourés par la calcite blanche. La fracturation hydraulique et la pression de fluide ont pu participer à l'écartement des clastes. |
Localisation par fichier kmz du Pont de Brion (Isère).
On peut donc voir de beaux filons de calcite en se promenant dans les Pyrénées, les Alpes… On peut en voir d'encore plus beaux en se promenant sur le web. Je suis tombé sur le site Geology In qui décrit une « montagne de cristal » en Égypte. Bien sûr, il n'y a pas que la taille qui compte, mais je n'ai pas pu résister à extraire quatre photographies de ces cristaux géants. À part la taille des cristaux et la géométrie sub-horizontale du filon, ce site égyptien à des points communs avec les filons de Sournia.
Source - © 2016 Geology In Figure 25. Cristaux de calcite dans un filon sub-horizontal, “la montagne de cristal”, Égypte Localisation par fichier kmz de la “montagne de cristal (Égypte). | Source - © 2016 Geology In |
Source - © 2016 Geology In | Source - © 2016 Geology In |