Image de la semaine | 16/11/2020
Les galets mous de la molasse miocène de Saint-Fons (Rhône), comparaison avec leurs équivalents actuels dans les slikkes
16/11/2020
Résumé
Pseudo-conglomérat à galets mous d'argile dans une matrice sableuse, environnement actuel de slikke montrant la formation de galets mous.
C'est la troisième semaine que nous consacrons aux molasses marines miocènes affleurant à Saint-Fons (Rhône) sur le côté Est de la rue Paul Descartes. Ces affleurements molassiques font d'ailleurs partie de l'Inventaire Auvergne-Rhône-Alpes du patrimoine géologique. Le long de cette rue, on peut voir des flute casts et de très nombreux chenaux, dont certains contiennent des galets mous. La notice de la carte géologique de Givors décrit ainsi ces anciens chenaux à galets mous : « L'ensemble des sédiments se présente sous trois faciès dont le faciès des sables de Saint Fons. C'est un sable calcaire et micacé, jaune clair ou gris, à grains fins, capricieusement consolidé en molasse gréseuse ; son origine est alpine. Dans la masse s'intercalent des lentilles avec galets d'argile ferrugineuse, jaunes et micacés qui proviennent du démantèlement de vases estuariennes et de leur reprise par les courants marins. »
Pour comprendre la genèse des galets mous, il faut revenir au célèbrissime diagramme de Hjulström publié en 1935 par le Suédois Filip Hjulström (1902-1982). Ce diagramme (cf. figure 7) indique ce que deviennent les particules sédimentaires sous l'action d'un courant liquide (arrachement au substratum, transport ou sédimentation) en fonction de leur taille et de la vitesse du courant. Par exemple, on voit qu'un courant de 70 cm/s (trait bleu), s'il est capable de transporter des particules argileuses (< 8 μm de diamètre sur ce diagramme), est incapable de les arracher à leur substrat, car la cohésion des particules argileuses entre elles est supérieure à la force d'arrachement du courant. Il faut un courant de 300 cm/s pour arracher une particule d'1 μm à son substrat. Ce courant de 70 cm/s est par contre capable d'arracher (puis de transporter) des particules de diamètre supérieur à 8 μm. Il peut arracher des particules jusqu'à 3 mm de diamètre. Entre 3 et 50 mm de diamètre, il est juste capable de les transporter. Ce courant de 70 cm/s est incapable de transporter des particules au-delà de 50 mm de diamètre (taille moyenne des galets mous de cet affleurement, trait rouge), et qu'il les dépose s'il ralentit en deçà de cette vitesse. Un courant de 70 cm/s sera incapable d'éroder une surface d'argile, mais sera capable de transporter des morceaux d'argile agglomérée si ceux-ci ont été “prédécoupés”. Il pourra les transporter, mais les redéposera si la vitesse du courant baisse trop. Un morceau d'argile agglomérée de 5 cm de diamètre sera sans problème arraché et transporté par un courant de vitesse supérieure à 300 cm/s, et déposé si la vitesse descend en dessous de 70 cm/s.
Il est assez facile de voir des galets mous actuels dans les régions de slikke comme on en trouve sur le long de la majorité des rivages avec marées, dans les estuaires, baies ou autres endroits abrités où il peut se déposer de l'argile mais où des courants d'estuaire, de marée… peuvent être assez forts pour démanteler ces niveaux d'argile. Rappelons que la slikke correspond à la partie vaseuse des côtes basses (quand il y a une partie vaseuse), couverte à chaque marée haute. Des imbrications de bancs de vase et de bancs de sable permettent d'avoir une idée du mode de genèse des galets mous.
Une pré-fracturation est nécessaire pour arracher des galets d'argile à un banc d'argile de grande taille. Des fentes de dessiccation qui se forment à marée basse, des fentes dues à un fluage d'une argile bien mouillée sous une croute superficielle plus sèche et plus cassante… peuvent faire office de pré-fracturation qui serviront lors de la marée haute suivante. Un banc argileux présentait de telles fentes lors de la marée basse pendant laquelle ont été prises les trois photographies suivantes. Ces fentes auront-elles servi à la constitution de galets mous lors de la marée haute suivante ?