Image de la semaine | 22/06/2015
L'éboulement du 21 octobre 1993 à Couzon au Mont d'Or (Rhône), 22 ans après
22/06/2015
Résumé
Éboulement et fracturation d'une falaise de carrière de pierre dorée (calcaire bioclastique à entroques de l'Aalénien).
Cet ancien front de taille comporte deux niveaux bien différents : un calcaire marneux blanc du Bajocien (localement appelé « ciret ») surmontant un calcaire bioclastique ocre (localement appelé « pierre dorée ») datant de l'Aalénien. C'est ce calcaire ocre aalénien qui a été intensément exploité jusqu'à la fin du XIXème siècle, date de l'abandon des carrières. Le 21 octobre 1993, plus d'un siècle après l'arrêt de l'exploitation, un gigantesque éboulement eut lieu après de fortes pluies d'automne. Ce qui est remarquable, c'est qu'un pan entier du haut du front de taille (en ciret), au moins de la taille d'un immeuble de 6 étages, est resté dressé et sub-vertical alors que tous les autres fragments étaient de plus petite taille, et complètement "retournés". Seuls le bloc principal et les plus gros des blocs secondaires sont encore visibles, car l'éboulement a été aplani, recouvert de terre, végétalisé... Le sommet du bloc qui est resté en position verticale est descendu d'environ 15 m en emportant avec lui la forêt qui poussait à sa surface, forêt qui se porte très bien 22 ans plus tard.
Couzon au Mont d'Or, en banlieue lyonnaise, a été pendant de nombreux siècles le siège d'intenses exploitations de calcaire bioclastique (calcaire à entroque) de l'Aalénien (base du Jurassique moyen), utilisé comme pierre de construction à cause de ces excellentes propriétés. Ce calcaire est localement connu sous le nom de « pierre dorée ». La couche de calcaire marneux bajocien qui le surmontait (appelé localement « ciret ») n'avait aucune propriété intéressante. L'exploitation a cessé à la fin du XIXème siècle car plus on s'enfonçait dans la colline en faisant reculer le front de taille, plus la couche de ciret inutile qu'il fallait aussi extraire devenait importante. Le développement des chemins de fer a également permis le transport de pierres venant de carrières un peu plus lointaines, comme les calcaires blancs bathoniens (localement appelés « choints ») et qui ont été largement utilisés à partir de 1870 pour construire de nombreux édifices, quais, ponts... lyonnais.
Plus d'un siècle après l'arrêt de l'exploitation, le front de taille des anciennes carrières de Couzon au Mont d'Or fut le siège d'un éboulement majeur le 21 octobre 1993, après plusieurs semaines d'un automne particulièrement pluvieux. Cet éboulement ne fit aucune victime, mais nécessita entre autres l'évacuation d'une maison de retraite. Calcaires aaléniens et bajociens sont assez fracturés ; ils reposent sur des marnes du Domérien et du Toarcien, imperméables et plastiques. Plusieurs centaines de milliers de mètres cubes se détachèrent, glissèrent et tombèrent au pied de l'ancien front de taille. La majorité de cette masse a été assez fragmentée par la chute, mais au moins quatre fragments de plusieurs milliers de mètres cubes restèrent "entiers". Ce qui est remarquable, c'est qu'un pan entier du haut du front de taille (en ciret), au moins de la taille d'un immeuble de 6 étages est resté dressé et sub-vertical alors que tous les autres fragments étaient complètement renversées ou retournés. Seuls le bloc principal et les plus gros des blocs secondaires sont encore visibles, car l'éboulement a été aplani, recouvert de terre, végétalisé... Le sommet du bloc qui est resté en position verticale est descendu d'environ 15 m en emportant avec lui la forêt qui poussait à sa surface, forêt qui se porte apparemment très bien 22 ans plus tard.
Les images suivantes correspondent à des zooms arrière photographiés "de face" (depuis l'Est), sauf la cinquième, prise depuis le NE. Quand le champ de l'image déborde sur la gauche du bloc resté vertical, on voit trois autres gros blocs majeurs, apparemment eux aussi en ciret, mais qui ne sont pas resté "verticaux".
Figure 2. Bloc éboulé en 1993 mais resté à la verticale, falaise de Couzon au Mont d'Or Le haut de la falaise est constitué de marnes et calcaires blancs du Bajocien (ciret), le bas est en calcaire ocre de l'Aalénien (pierre dorée). Le bloc descendu en restant vertical est constitué de ciret. | |
Figure 3. La falaise de Couzon au Mont d'Or et le bloc éboulé en 1993 mais resté vertical Le haut de la falaise est constitué de marnes et calcaires blancs du Bajocien (ciret), le bas est en calcaire ocre de l'Aalénien (pierre dorée). Le bloc descendu en restant vertical est constitué de ciret. À gauche, on voit trois autres gros blocs majeurs, apparemment eux aussi en ciret, mais qui ne sont pas resté "verticaux ". | Figure 4. La falaise de Couzon au Mont d'Or et le bloc éboulé en 1993 mais resté vertical Le haut de la falaise est constitué de marnes et calcaires blancs du Bajocien (ciret), le bas est en calcaire ocre de l'Aalénien (pierre dorée). Le bloc descendu en restant vertical est constitué de ciret. À gauche, on voit trois autres gros blocs majeurs, apparemment eux aussi en ciret, mais qui ne sont pas resté "verticaux ". |
Le haut de la falaise est constitué de marnes et calcaires blancs du Bajocien (ciret), le bas est en calcaire ocre de l'Aalénien (pierre dorée). Le bloc descendu en restant vertical est constitué de ciret. À gauche, à partir de la figure 3, on voit trois autres gros blocs majeurs, apparemment eux aussi en ciret, mais qui ne sont pas resté « verticaux ». | Le haut de la falaise est constitué de marnes et calcaires blancs du Bajocien (ciret), le bas est en calcaire ocre de l'Aalénien (pierre dorée). Le bloc descendu en restant vertical est constitué de ciret. À gauche, à partir de la figure 3, on voit trois autres gros blocs majeurs, apparemment eux aussi en ciret, mais qui ne sont pas resté « verticaux ». |
Cet éboulement de terrain est assez peu documenté sur le web. Mais en cherchant, on trouve quand même des photos du site prise avant l'éboulement. C'est le cas grâce à l'Agence d'Urbanisme de Lyon qui avait fait prendre une image de ces falaises dominant Couzon au Mont d'Or le 1er octobre 1993, trois semaines avant l'éboulement. On peut alors, grâce à cette archive, comparer l'état de cet ancien front de taille juste avant l'éboulement et 22 ans plus tard.
Source - © 2015 Guy F. - Agence d'Urbanisme de Lyon / Pierre Thomas La zone de l'éboulement est cerclée de rouge sur ces images. Le 1er octobre 1993, le sommet de la falaise était relativement rectiligne, ce qui n'est plus le cas en 2015 et montre l'ampleur de l'éboulement. | Source - © 2015 Guy F. - Agence d'Urbanisme de Lyon / Pierre Thomas Le 1er octobre 1993, le sommet de la falaise était relativement rectiligne, ce qui n'est plus le cas en 2015 et montre l'ampleur de l'éboulement. |
Source - © 2015 Pierre Thomas, inspiré de omkue
Figure 9. Log stratigraphique local simplifié du secteur de Couzon au Mont d'Or, dans les Monts d'Or lyonnais
L'ancien front de taille des carrières de Couzon au Mont d'Or est constitué à sa base par le calcaire ocre aalénien et à son sommet par des marno-calcaires blancs bajociens.
On peut assez facilement accéder au pied de ces falaises, bien que ce soit officiellement interdit par un panneau (qui ne dit pas pourquoi c'est interdit) et par des barrières à "trous" permettant de facto aux géologues d'y venir, aux enfants de Couzon de s'y livrer à toutes les activités chères aux enfants...
Figure 10. Vue générale, depuis le Sud, sur les principaux blocs éboulés, Couzon au Mont d'Or On voit bien les énormes blocs éboulés qui ne sont pas restés verticaux pendant l'éboulement et qui sont restés apparents malgré les réaménagements post-éboulement. Sur cette vue "de profil", on remarque que le gros bloc resté vertical est non seulement descendu d'une quinzaine de mètres, mais qu'il a aussi "glissé" vers l'Est d'au moins 5 à 10 m. | Figure 11. Vue, depuis le Sud, sur les principaux blocs éboulés, Couzon au Mont d'Or On voit bien les énormes blocs éboulés qui ne sont pas restés verticaux pendant l'éboulement et qui sont restés apparents malgré les réaménagements post-éboulement. Sur cette vue "de profil", on remarque que le gros bloc resté vertical est non seulement descendu d'une quinzaine de mètres, mais qu'il a aussi "glissé" vers l'Est d'au moins 5 à 10 m. |
Figure 12. Vue, depuis le Sud, sur le principal bloc éboulé, resté vertical, Couzon au Mont d'Or On remarque que le gros bloc resté vertical est non seulement descendu d'une quinzaine de mètres, mais qu'il a aussi "glissé" vers l'Est d'au moins 5 à 10 m. | Figure 13. Vue globale sur la partie Sud-Ouest de l'ancien front de taille des carrières de Couzon au Mont d'Or On voit bien la différence entre la pierre dorée (calcaire bioclastique ocre aalénien, en bas) et le ciret (marno-calcaire blanc bajocien, en haut). |
On remarque l'importante fracturation verticale affectant ces calcaires et marno-calcaires, ce qui annoncent de très probables futurs éboulements. Zoom de la figure précédente. | Cette paroi est parcourue de fractures affectant aussi bien le Bajocien que l'Aalénien, ce qui annoncent de très probables futurs éboulements. |
Cette paroi est parcourue de fractures affectant aussi bien le Bajocien que l'Aalénien, ce qui annoncent de très probables futurs éboulements. | Figure 17. Le gros bloc de ciret, resté vertical après l'éboulement, n'est pas resté intact Une importante fracture parcourt verticalement de haut en bas le principal bloc éboulé. |
Figure 18. Le gros bloc de ciret, resté vertical après l'éboulement, n'est pas resté intact Une importante fracture parcourt verticalement de haut en bas le principal bloc éboulé. |
Cet éboulement spectaculaire est assez peu illustré sur le web. On peut néanmoins y trouver une vidéo datant de 2014 et faite depuis un drone (cf. Chute de roche a Couzon au mont mon d'or ). Cette vidéo de 5 minutes montre l'éboulement filmé sous toutes les coutures. Les deux images qui suivent sont des captures d'écran de cette vidéo.
Cet éboulement est assez caractéristique des éboulements rocheux, un des "pôles" des mouvements gravitaires, l'autre pôle étant constitué de glissements de terrains meubles, glissements en général beaucoup plus lents qu'une chute libre mais pouvant être aussi dramatique (tous les intermédiaires existent bien sûr).
Le plus important éboulement rocheux historique en France a eu lieu au Moyen-Âge, le 24 novembre 1248, en Savoie. Cet éboulement, connu sous le nom d'éboulement (ou chute) du Granier a enseveli cinq villages et, d'après les chroniques de l'époque, aurait causé la mort d'environ 5000 personnes.
Figure 22. Vues aérienne et géologique du secteur de Couzon au Mont d'Or Les anciennes carrières sont localisées par la punaise jaune. Sur la carte géologique, les calcaires du Bajocien (le ciret) sont en brun et la pierre dorée de l'Aalénien est en violet. Les terrains sous-jacents du Lias n'affleurent pas au niveau des anciennes carrières, car recouverts de formations quaternaires (Rc, en jaune). | Figure 23. Cadres morphologique et géologique de l'agglomération lyonnaise À droite, les plaines constituées de sédiments oligo-miocènes (plaine de la Bresse, bassin molassique péri-alpin). À gauche, la partie orientale du socle du Massif Central, localement recouvert de terrains jurassiques, comme au niveau de Couzon au Mont d'Or (punaise jaune). |