Image de la semaine | 13/03/2017
Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)
13/03/2017
Résumé
Affleurements de calcaire sinémurien et fossiles des Monts-d'or lyonnais, du Charollais et d'autres lieux de Bourgogne et de Rhône-Alpes.
Ce calcaire du Jurassique inférieur comprend des bancs qui sont de véritables lumachelles de Gryphea arcuata. Ce sont de tels bancs qui ont, entre autres, été exploités dans les carrières de Saint-Fortunat et qu'on retrouve dans de nombreux bâtiments lyonnais.
Le couteau (bordure gauche) donne l'échelle.
Figure 2. Affleurement semi-naturel (ancienne tranchée) de calcaire sinémurien à gryphées, Monts-d'Or lyonnais Ce calcaire du Jurassique inférieur comprend des bancs qui sont de véritables lumachelles de Gryphea arcuata. Ce sont de tels bancs qui ont, entre autres, été exploités dans les carrières de Saint-Fortunat et qu'on retrouve dans de nombreux bâtiments lyonnais. | Ce calcaire du Jurassique inférieur comprend des bancs qui sont de véritables lumachelles de Gryphea arcuata. Ce sont de tels bancs qui ont, entre autres, été exploités dans les carrières de Saint-Fortunat et qu'on retrouve dans de nombreux bâtiments lyonnais. |
Nous avons vu la semaine dernière ce qu'il reste en 2017 des carrières de calcaire à gryphées (Sinémurien) de Saint-Fortunat (commune de Saint-Didier-au-Mont-d'Or (Rhône) et de son extraordinaire pont monolithique. La majorité des beaux affleurements du massif sont inaccessibles au public, car situés dans des propriétés privées. Heureusement, il reste quand même quelques affleurements accessibles dans les Mont-d'Or, en particulier celui du sentier géologique Chasselay-Poleymieux.
Un autre affleurement "aménagé" est visible non loin de Lyon (mais hors Mont-d'Or), le long du sentier géologique des Pierres Folles, sur la commune de Saint-Jean-des-Vignes. Nous vous avons cité la semaine dernière un extrait de la notice de la carte géologique de Lyon. Celle de Tarare (où est situé le sentier des Pierres Folles) décrit ainsi le Sinémurien :
Calcaires à gryphées. Ce sont des calcaires biomicritiques gris-bleu ou roussâtres en bancs irréguliers peu épais (10 à 20 cm), très bioturbés, à surface bosselée, séparés par de minces interlits marneux. Ils débutent par des niveaux riches en cardinies et assez pauvres en gryphées. Tantôt, les cardinies sont présentes sur un ou deux mètres, associées à d'autres lamellibranches (Saint-Jean-des-Vignes), tantôt elles sont cantonnées dans deux ou trois bancs où elles abondent (carrière à l'Ouest de Belmont, l'Arbresle ?). Des gastéropodes assez nombreux (Pleurotomaria...) les accompagnent. Au-dessus, les gryphées deviennent progressivement plus abondantes jusqu'à former une véritable lumachelle sur un à deux mètres d'épaisseur. Plus haut deux bancs de calcaires micritiques de 8 à 10 cm, de teinte blanchâtre, pauvres en fossiles, viennent interrompre la régularité de la succession des bancs bioclastiques à gryphées. Le premier de ces bancs correspond au « banc savonneux » du Mont-d'Or lyonnais. À côté de Gryphaea arcuata, on peut recueillir des lamellibranches variés (Pinna sp., Plagiostoma gigantea, Pecten hehli, Chlamys textorius...), des gastéropodes (Pleurotomaria.. .), des brachiopodes, des articles de crinoïdes, des bélémnites (Nanobelus acutus). Les ammonites ne sont pas très abondantes, citons : Coroniceras (Paracoronicers) charlesi, Agassiceras ? sp., Caeriesites gr. turneri, Arnioceras arnouldi (récolte et détermination M. Corna). Le « banc savonneux » a donné Arnioceras gr. semicostatum. L'épaisseur de ces calcaires à gryphées typiques est de 10 à 15 m sur la feuille Tarare.
Les notices des cartes géologiques parlent de bancs à surface bosselée. Cela peut se voir sur les falaises naturelles (ou semi-naturelles, figures 5 et 6 ci-dessous) ou sur les fronts de tailles des carrières, en particulier sur celles dont ces fronts de tailles étaient découpés à la scie (figures 7 et 8). Ces ondulations peuvent avoir trois origines, non incompatibles : des figures de ravinement par des courants marins, des figures de bioturbation, et une intense stylolitisation (les joints stylolitiques augmentant et exagérant les ondulations dues aux deux précédentes origines).
Dans ce cas, la géométrie des joints semble indiquer que la stylolitisation doit avoir joué un rôle important. | Dans ce cas, la géométrie des joints semble indiquer que la stylolitisation doit avoir joué un rôle important. |
Comment bien étudier, admirer, photographier… ce calcaire à gryphées ? La première solution consiste à se promener dans les rues des villes bâties non loin de gisements de calcaires à gryphées et de regarder l'extérieur et l'intérieur des maisons et monuments d'un certain âge (surtout avant le XXème siècle). Le calcaire à gryphées est particulièrement utilisé, du fait de sa résistance, pour les pierres d'angle, les linteaux des portes et fenêtres, les marches d'escalier...
Mais le mieux, c'est de se promener, cartes topographique et géologique en main, dans une région où affleure du Jurassique inférieur et où le Sinémurien possède ce faciès. C'est en particulier le cas sur les bordures Est et Ouest du socle du Massif Central allant des Monts-du-Lyonnais au Morvan dans les départements du Rhône, de la Saône et Loire, de la Nièvre, de la Côte d'Or… De très nombreuses carrières y ont été creusées pour les pierres de tailles ou pour alimenter les fours à chaux (cf. Anciens fours à chaux à Aubière et à Romagnat (Puy de Dôme)). À quelques exceptions près, elles sont toutes abandonnées. Mais toutes n'ont pas été remblayées ou transformées en jardin ou parking. Et avec les précautions de bon sens, on peut en observer le front de taille. Souvent les bords des anciennes pistes conduisant à ces anciennes carrières sont riches en échantillons. Il en est de même pour tous les chemins traversant le Sinémurien, pour certains bords de routes, pour les tas de cailloux laissés par les agriculteurs en bord de champs ou de prés, pour les chantiers temporaires…
L'une des régions où l'on peut faire de belles trouvailles, sans franchir de clôtures limitant des propriétés privées et sans dégrader des vieux murs, c'est le Brionnais, au Sud du Charollais (Saône et Loire). Cette région est également connue pour ses églises romanes, et son AOC "Bœuf de Charolles". Il est d'ailleurs à noter qu'il y a, en Brionnais, une très bonne corrélation entre le territoire de l'AOC et les affleurements de Sinémurien. Outre le fait d'orner les vieilles maisons lyonnaises, les gryphées donnent-elles un goût particulier au bœuf (Définition géologique du terroir : exemple de l'AOC "Bœuf de Charolles" et du Brionnais (Sud de la Saône et Loire)) ?
Outre les gryphées, les couches du Sinémurien sont très riches en fossiles : bivalves, gastéropodes, ammonites, bélemnites, crinoïdes… Les 13 photographies de fossiles qui suivent ont été faites sur place en Brionnais, ou sur des fossiles ramassés dans ce secteur.
Le Sinémurien est le deuxième étage du Jurassique inférieur (en bleu foncé sur cette carte). Il est a priori présent avec ses gryphées et ses autres fossiles sur tous les territoires représentés sur cette carte.
Figure 14. Gros bloc de calcaire à gryphées trouvé sur le bord d'un chemin quelque part en Saône et Loire
Noter la grosse ammonite (hélas assez dégradée) visible au centre de la dalle.
Figure 20. Une ammonite presque entière du Sinémurien La surface que l'on voit est la surface externe de la coquille car les lignes de sutures (insertions des cloisons sur la face interne de la coquille, cf Les ammonites calcitisées du Toarcien – Aalénien inférieur des Monts d'Or lyonnais ) ne sont pas visibles. | Figure 21. Moitié d'ammonite du Sinémurien, dont on voit un moule interne La surface que l'on voit est la surface interne de la coquille car les lignes de sutures (insertions des cloisons sur la face interne de la coquille, cf Les ammonites calcitisées du Toarcien – Aalénien inférieur des Monts d'Or lyonnais ) sont visibles, en particulier à droite. |
Figure 22. Moule interne d'une ammonite du Sinémurien Les lignes de suture et leur géométrie persillée sont bien visibles. | |
Figure 23. Zoom sur le moule interne d'ammonite du Sinémurien Les lignes de suture et leur géométrie persillée sont bien visibles. | Figure 24. Segment de moule interne d'une ammonite du Sinémurien Souvent, des ammonites comme celle de la photo précédente se cassent selon les parois qui cloisonnent de l'intérieur de la coquille, révélant la complexe géométrie 3D de ces cloisons. |
Figure 25. Fragment de tige de crinoïde du Sinémurien À propos des crinoïdes, (re)voir, par exemple, Comatules (Crinoïdes nageurs) fossiles du Kimméridgien, carrière de Cerin (Ain). | Figure 26. Fragment de tige de crinoïde du Sinémurien vu par la tranche À propos des crinoïdes, (re)voir, par exemple, Comatules (Crinoïdes nageurs) fossiles du Kimméridgien, carrière de Cerin (Ain). |