Image de la semaine | 14/04/2025

L’éruption du Tambora d’avril 1815 et « l’année sans été » en 1816

14/04/2025

Auteur(s) / Autrice(s) :

  • Pierre Thomas
    Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Publié par :

  • Olivier Dequincey
    ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Conséquences climatiques et humaines mondiales de l’éruption d’avril 1815 du Tambora, volcan indonésien.


La famine en 1816, un an après l’éruption du Tambora, peinture rurale populaire exposée au musée de la ville de Lichtensteig, canton de Saint-Gall, Suisse
Figure 1. La famine en 1816, un an après l’éruption du Tambora, peinture rurale populaire exposée au musée de la ville de Lichtensteig, canton de Saint-Gall, Suisse — ouvrir l’image en grand

Ce tableau, exposé au Toggenburger Museum(lien externe - nouvelle fenêtre), visualise la famine qui a menacé de mort des familles entières au cours de 1816 (et dans une moindre mesure de 1817), année 1816 appelée « l’année sans été ». Cette crise climatique n’a pas affecté que la Suisse, mais le monde entier durant l’année qui a suivi l’éruption du Tambora en avril 1815.

Nous avons vu la semaine dernière (cf. Le Tambora (Indonésie) et les conséquences locales de son éruption d’avril 1815, l’une des plus importantes éruptions volcaniques historiques) ce qu’on peut dire, au XXIe siècle, de la géologie de l’éruption du Tambora (Indonésie) en avril 1815 et de ses conséquences locales. Nous allons voir cette semaine les conséquences humaines globales de cette éruption, conséquences dues aux variations climatiques mondiales causées par cette éruption. Après des figures concernant spécifiquement disettes et famines (figures 1 à 5), nous regarderons des coupures de presse et des caricatures illustrant mauvaises récoltes, grands froids et misère (figures 6 à 9), puis des données et modèles plus quantitatifs de cet évènement climatique (fig. 10 à 18), et enfin nous verrons des conséquences plus anecdotiques d’une des plus grandes éruptions historiques (figures 19 à 23).

En plus de ces textes, archives ou dessins illustrant les conséquences humaines et sociales de la crise climatique de l’année 1816, il existe des données (biologiques, météorologiques, glaciologiques…) qui, associées à ce que disent des textes et intégrées dans des modèles climatologiques modernes, permettent de reconstituer plus quantitativement ce qui s’est passé entre 1815 et 1817. On consultera, par exemple, les textes en accès libre de S. Brönnimann et D. Krämer (2016), Tambora and the “Year Without a Summer” of 1816. A Perspective on Earth and Human Systems Science(lien externe - nouvelle fenêtre), et de C.C. Raible et al. (2016), Tambora 1815 as a test case for high impact volcanic eruptions: Earth system effects(lien externe - nouvelle fenêtre).

Une des causes de ces perturbations climatiques est l’injection de poussières, et surtout de sulfates, dans la stratosphère par le panache plinien du Tambora qui a atteint 45 km de hauteur. Cette injection et les retombées qui s’ensuivent sont enregistrées dans les glaces du Groenland et d’Antarctique.

Outre les famines dues aux perturbations climatiques, l’éruption du Tambora eut des effets indirects dont on peut, pour certains, discuter de l’importance, voire de la réalité. Citons quelques-unes de ces conséquences, des plus probables au plus incertaines.

  1. Il y eu des épidémies de choléra en Inde et en Chine qui “explosèrent” en 1817, juste après les famines consécutives à l’éruption du Tambora.
  2. Pendant quelques années, la présence d’aérosols sulfatés et poussiéreux a engendré des couchers de soleil très colorés, qui ont inspiré de nombreux peintres, dont William Turner (1775-1851) qui a peint plusieurs de ces couchers de soleil flamboyants plusieurs années après 1815, tellement cela l’avait impressionné.
  3. En Europe, en particulier en Suisse et en Allemagne du Sud, les très mauvaises récoltes entrainèrent une chute de la production d’avoine, qui fut alors donnée aux hommes plutôt qu’aux chevaux. En ville, il fallut abattre de nombreux chevaux. Plus moyen de se déplacer rapidement ! Pour pallier ce problème, le baron allemand Karl Drais von SauerBronn (1785-1851) inventa la draisienne, ancêtre de la bicyclette. Pensez au Tambora la prochaine fois que vous prendrez votre bicyclette !
  4. L’été 1816 fut très froid et pluvieux notamment en Suisse occidentale. Cette saison maussade et cafardeuse eut un impact considérable sur l’humeur de Mary Shelley (1897-1851) et de Lord Byron (1788-1824), qui passaient l’été dans une villa au bord du lac Léman (la villa Diodati(lien externe - nouvelle fenêtre)). Ne pouvant se promener comme le faisaient les riches anglais en ces années post-guerres napoléoniennes, ils passèrent leur temps à lire et à écrire à l’abri de la pluie, et c’est à ce moment-là que furent créés le personnage de Frankenstein par Mary Shelley et le poème Darkness par Lord Byron. Pour beaucoup, le triste climat de cet été pourri a largement inspiré la sinistre ambiance de ces œuvres sombres.
  5. D’aucuns accusent aussi le mauvais temps, le 18 juin 1815 en Belgique, d’être en partie responsable de la défaite de Napoléon à Waterloo. Ce mauvais temps était-il dû au Tambora, malgré le cours délai (2 mois) entre l’éruption et la bataille ?
Localisation du Tambora, le volcan indonésien qui a perturbé le climat de toute la planète de 1815 à 1817 suite à son éruption d’avril 1815
Figure 24. Localisation du Tambora, le volcan indonésien qui a perturbé le climat de toute la planète de 1815 à 1817 suite à son éruption d’avril 1815 — ouvrir l’image en grand

Localisation par fichier kmz du Tambora, volcan indonésien. 849-Tambora.kmz