Image de la semaine | 19/03/2018
Orthocères, goniatites, décrochement… sur le parvis de la gare de la Part-Dieu à Lyon
19/03/2018
Résumé
Phragmocône et siphon chez les céphalopodes, cas des orthocères (nautiloïdes droits).
On peut souvent, beaucoup plus souvent qu'on ne le croit, faire de la géologie en ville en regardant le sol sur lequel on marche, les murs qu'on longe… Les dalles de "marbre" rouge qui pavent le pourtour de la place Charles Béraudier (le parvis de la gare de la Part-Dieu) à Lyon exposent de nombreux fossiles, dont des orthocères, ce qui permet de dater ce calcaire du Paléozoïque. Je ne connais pas l'origine de ce "marbre" qui a été implanté là en 1983. S'il s'agit de "marbre" d'origine française, il pourrait venir des carrières de Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) qui exploitent un calcaire rouge dévonien. À moins de 100 m de ces fossiles paléozoïques, dans centre commercial qui donne sur la même place, on trouve des fossiles du Jurassique, d'origine espagnole, dont des bélemnites avec leur phragmocone (cf. Étudier les bélemnites et leur phragmocône dans le centre commercial de la Part-Dieu (Lyon, Rhône)). Le même centre commercial montre des gastéropodes stromatolitisés (cf. Ammonites, gastéropodes et stromatolithes (oncolites) dans les lieux publics). Les dallages et marches d'escaliers des vieilles maisons lyonnaises, les parapets des quais… sont riches en gryphées (cf. Les calcaires à gryphées, ammonites et autres fossiles du Sinémurien (Jurassique inférieur)) et en ammonites (cf. Du Jurassique au Quaternaire, les ammonites réelles et imaginaires de l'agglomération lyonnaise). Certaines rues montrent des coraux et autres fossiles du Carbonifère (cf. La « pierre bleue belge » et ses fossiles du Tournaisien (Carbonifère inférieur)), d'autres des figures de mélange de magmas (cf. Quand les crapauds des granites égyptiens démontrent le mélange de magmas à Paris et à Lyon)... Et Lyon n'est sans doute pas une ville extraordinaire en ce qui concerne l'utilisation de roches variées dans la construction. Habitants d'ailleurs que Lyon, regardez où vous mettez les pieds, et vous aurez des (bonnes) surprises !
Les nautiloïdes sont, comme les ammonoïdés, des mollusques céphalopodes tétrabranchiaux (contrairement aux céphalopodes dibranchiaux que sont poulpes, calmar, seiche et bélemnite). On peut voir un arbre phylogénétique des céphalopodes dans Étudier les bélemnites et leur phragmocône dans le centre commercial de la Part-Dieu (Lyon, Rhône), figure 9. Les nautiloïdes sont apparus au début du Paléozoïque, se sont diversifiés durant cette ère en de très nombreux genres et espèces, certaines droites (comme les orthocères) d'autres spiralées. Au Paléozoïque supérieur, les nautiloïdes coexistaient avec des ammonitoïdes (goniatites, clyménies…). Les nautiloïdes droits n'ont pas survécu à la crise Permo-Trias, contrairement aux nautiloïdes spiralés et aux ammonoïdés qui ont survécu à cette crise. À leur tour, les ammonoïdés n'ont pas survécu à la crise Crétacé-Tertiaire, et seuls deux genres (et six espèces) de nautiloïdes (spiralés) existent encore de nos jours.
On peut distinguer les nautiloïdes des ammonoïdes par plusieurs critères, dont (1) la géométrie de l'insertion entre les cloisons internes et la coquille, les fameuses lignes de suture, simples chez les nautiloïdes, complexes chez les ammonoïdés, et (2) la position du siphon, centrale dans la majorité des nautiloïdes, toujours latérale chez les ammonoïdés.
Sur le parvis de la Part-Dieu, on peut trouver quelques dizaines de céphalopodes droits. Le hasard des plans de coupe des dalles passent parfois par l'axe de symétrie du fossile, ce qui permet de bien voir les siphons de quelques fossiles, siphons qui sont toujours centraux. Cela permet d'éliminer l'hypothèse que ces fossiles soient des phragmocones de bélemnites (comme on en voit dans le centre commercial, de l'autre côté de la place) ou des ammonites déroulées et droites (comme les baculites du Crétacé supérieur). Ce sont donc forcément des orthocères, et les dalles sont obligatoirement paléozoïques. Ces mêmes dalles comportent aussi quelques rares fossiles de céphalopodes spiralés. Pour ces rares fossiles, le hasard des plans de coupe des dalles ne permet pas de voir le siphon, qui serait latéral chez les goniatites (ammonoïdés) et central chez des nautiloïdés à coquille spiralé. L'allure de ces rares fossiles spiralés fait plutôt penser à des goniatites.
Comme quoi une visite à la Part-Dieu a un petit côté de séjour au Maroc (cf. Orthocères et goniatites d'Erfoud (Maroc)).
Source - © 2009 // 2007 D'après Nobu TamuraCC BY 3.0 // Pierre SylvieCC BY-SA 3.0, modifiés |
Sur le parvis de la Part-Dieu, on ne voit que des coupes à deux dimensions. Pour reconstituer la coquille en 3D, il faudrait des échantillons "en volume". Un galet marocain permet cette vision en 3D, comme le montrent les cinq images qui suivent. On voit en particulier la position centrale du siphon aussi bien sur les coupes longitudinales (comme à la Part Dieu) que transversales, qui elles, n'existent pas à part Dieu.
Il n'y a pas que des céphalopodes dans les dalles du parvis de la Part-Dieu, mais aussi des crinoïdes, souvent visibles sous forme d'articles isolés, vus transversalement ou longitudinalement. On peut trouver exceptionnellement un fragment de tige de 8 cm de long pour 1,3 cm de large.