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Article | 19/09/2024

Les gisements métallifères dans leur contexte géodynamique – Rapide tour d'horizon

19/09/2024

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Contextes et processus aboutissant à des gisements métallifères. Catalogue, essai de tableau synthétique et proposition de plan d'exposé.


Réflexion à haute voix

Pour la correction d'une leçon d'entrainement pour l'oral d'agrégation, j'ai dû, il y a quelques années, me pencher sur cet ancien sujet de l'agrégation de SVT (ce sujet n'est plus posé tel quel depuis quelques années mais des sujets proches existent, assez proches pour que des éléments de cette réflexion soit utiles, assez différents pour qu'une reprise stricte de ce qui suit soit un quasi hors-sujet). Nous allons ici réfléchir à la manière de traiter ce thème en prenant garde de bien traiter différents contextes, différents types de gisements et de penser aux principaux termes et processus à définir et au choix d'exemples pour lesquels on dispose de suffisamment de “matière” pour les exposer et les illustrer.

Essayons d'abord de faire une liste de types de gisements métallifères suivant leur contexte. Par ordre alphabétique on peut penser à ce qui suit.

  • Altération (bauxite, Ni de Nouvelle-Calédonie).
  • Bassin sédimentaire archéen (BIF).
  • Bassin sédimentaire d'extension intracontinentale (uranium de Lodève).
  • Bassin sédimentaire marin (mer épicontinentale) (les minerais de fer de Lorraine).
  • Discordance et/ou faille (gisement hydrothermal) (Pb-Zn de la bordure du Massif central, Kupperschiefer d'Europe centrale, Copperbelt de Zambie)
  • Gisements hydrothermaux péri-magmatiques au sens large (porphyry copper deposits) (Massif Central, Cornouaille anglaise…).
  • Gisements hydrothermaux sous-marins (dorsales, bassins d’arrière arc…) (dépôts de type Kuroko, Chypre, Brévenne…).
  • Gisements magmatiques au sens strict (chromite, platinoïdes…), intrusions hyperalcalines ou carbonatitiques.
  • Placers et paléoplacers (cassitérite de Malaisie ou or d'Afrique du Sud).
  • Plaines abyssales  : nodules polymétalliques.

On peut ensuite essayer de regrouper les contextes géodynamiques porteurs de gisements.

  • Bassins sédimentaires intracontinentaux.
  • Chaines de subduction et de collision.
  • Océans / bassins marginaux et paléo-océans / paléo-bassins marginaux (ophiolites).
  • Zones en extension.

Personnellement, après une bonne heure de réflexion, je suis arrivé à un tableau synthétique proposé ci-dessous (premier jet en 2018, revu en 2019 et en 2024). Il peut servir de base, on peut surtout essayer d'en retenir les grandes lignes.

Essai de classification hyper-simplifiée des gisements métallifères

Figure 1. Essai de classification hyper-simplifiée des gisements métallifères

En bleu, types de gisements ; en vert, quelques exemples.

IBL = intrusions basiques litées (layered ultramafic intrusions) / REE = Rare earth elements (“terres rares”) / BIF = Banded Iron Formations (fers rubanés).


Ensuite, on notera qu'il est question de “gisements” et non pas de “minerais”. Il faut donc bien illustrer-démontrer la notion de gisement, plus que d'illustrer et montrer des minerais (il en faudra quand même, bien sûr).

Dans tous les cas, il faudra insister (1) sur les processus géologiques de concentration qui font passer d'une “source” ayant une teneur normale (ou un peu supérieure à la normale) en tel ou tel élément à une concentration multipliée par 10 à 10 000, (2) sur le contexte géodynamique où a(ont) lieu ce(s) processus géologique(s) de concentration.

On parlerait bien, avec un temps long et une illustration infinie, des points suivants.

  • Les gisements liés à l'océan, en parlant des gisements hydrothermaux (paléo-fumeurs), les gisements magmatiques (cumulats de chromite) et les gisements d'altération des ophiolites (comme en Nouvelle Calédonie)
  • Les gisements magmatiques et/ou péri-magmatiques liés aux chaines de montagne (porphyry copper, granites lithinifères, filons péri-granitiques qui sont à la frontière hydrothermalisme / magmatique (une pegmatite, c'est un magma saturé en eau, et des filons hydrothermaux, c'est souvent de l'eau saturée en silicates…).
  • Les gisements de bassins sédimentaires, par exemple le fer oolitique (Lorraine) et les BIF, et pourquoi pas l'uranium de Lodève.

Il faudra vérifier que ces idées sont documentées (avec les livres et documents à disposition) et illustrables (par des cartes géologiques, des photographies de gisements…).

Pour l'océan, on pourrait illustrer avec :

  1. Des fumeurs. Pour les gisements, je pense à Chypre et son intérêt historique. Et comme je suis français, je pense au Cu des ophiolites du Queyras (Saint-Véran) et aux pyrites et chalcophyrites de la Brévenne (Chessy-les-Mines, par exemple).
  2. La chromite d'Oman (cf. Les Montagnes sous la mer [26], belles images sur le web).
  3. Si possible, un peu de Nouvelle-Calédonie ce qui ouvrira sur les gisements d'altération (beaucoup d'images sur le web).

Dans les 3 cas, il faut expliquer l'origine du métal et sa concentration (pour un oral, une explication complète et deux plus rapides).

Pour les chaines de montagne (subduction-collision), on peut choisir une carte bien française avec des filons péri-granitiques (Ambazac, Gannat, Huelgoat…), que ce soient des pegmatites ou des filons hydrothermaux. Comme parmi les “métaux technologiques” il y a tantale, lithium… qui se trouvent notamment dans les pegmatites, on pourra s'appuyer sur l'article Le lithium (Li) : aspects géologiques, économiques et industriels [19]. Chercher des photographies de filons (il y en a plein sur le web, si on sait quoi demander).

Il faut expliquer comment la circulation hydrothermale lessive roches magmatiques et surtout encaissant, puis dépose les minéralisations dans des fractures.

Et, bien sûr, on “généralise” ensuite aux gisements de subduction (peu présents en France mais économiquement majeurs) et on explique l'origine du métal et de sa concentration. Il faudrait détailler un cas concret avec, si possible, un mécanisme différent de celui détaillé pour l'océan.

Pour les bassins sédimentaires, on peut séparer les gisements près des failles et/ou du socle, et les gisements au sein de grands bassins. On expliquera comment les changements de conditions chimiques ou physiques de l'eau et/ou du sédiment font précipiter tels ou tels particules ou éléments. On détaillera un exemple et on abordera rapidement quelques autres. Et, bien sûr, en choisissant un exemple bien différent de ceux détaillés précédemment, et facile à illustrer. Les BIF ou le minerai de fer de Lorraine sont très bien, avec comme exemple de bassin en extension l'uranium de Lodève. On généralise et on explique l'origine du métal et de sa concentration avec un exemple bien détaillé avec, si possible, un mécanisme différent de ceux détaillés pour l'océan et dans les chaines de montagne.

Voici un exemple de ce que cela pourrait donner pour une leçon d'oral d'agrégation (avec “exactement” cet intitulé) ou un exposé / un cours introductif.

Introduction

Depuis l'Âge du cuivre (Chalcolithique, environ de −3700 a à −2300 a en Europe), l'Homme utilise des métaux. Il a commencé par le cuivre. On peut imaginer une histoire qui explique pourquoi le cuivre dont les minerais sont souvent colorés (malachite [Cu2CO3(OH)2], belle roche verte, et/ou d'azurite [Cu3(CO3)2(OH)2], bleue) a pu intéresser femmes et hommes comme “bijoux” (colliers…). Un collier malencontreusement tombé dans le feu d'un foyer pourrait alors avoir révélé des globules de cuivre métallique le lendemain dans les cendres, même si les premiers “contacts” ont pu aussi avoir lieu directement avec du cuivre natif. On peut même même écrire les équations de ce qui s'est passé dans le feu.

D'abord, sous l'action de la chaleur, on a la réaction de déshydratation : CuCO3(nH2O) → CuO + CO2 + nH2O.

Puis vient la réduction : 2 CuO + C → CO2 + 2 Cu.

Le cuivre est l'un des rares métaux qu'on peut obtenir “par accident” car la chaleur d'un simple feu de bois suffit à transformer les carbonates et/ou à réduire les oxydes. Si on met un carbonate ou un oxyde de fer ou d'étain dans un feu de bois, il ne se passe rien. Pour obtenir de l'étain (qui, mélangé au cuivre, donne le bronze), il faut déjà disposer d'un petit four avec une circulation d'air. Pour obtenir du fer, il faut une température encore plus forte, donc un “feu forcé” avec l'invention du soufflet de forge. Pour l'aluminium, les seuls réducteurs directs (ou indirects via le sodium) sont les électrons par procédé d'électrolyse de l'alumine fondue (ou de sel fondu pour récupérer le sodium réducteur de l'alumine).

Depuis, on utilise quasiment tous les métaux, des plus fréquents (Al, Fe…) aux plus rares (Pt, U…). Ces métaux sont présents partout, dans n'importe quel cailloux, par exemple 4 ppm (4 g/t) d'U dans les granites. Mais extraire du Cu ou du Pt d'un caillou quelconque est extrêmement difficile, couteux en énergie, et on n'en récupérera que quelques microgrammes voire picogrammes par kg. L'Homme utilise donc des roches spéciales, où la nature a pré-concentré le métal recherché à la suite de tel ou tel processus géologiques, et où il est “facile” d' extraire le métal. C'est ce qu'avait fait sans le vouloir le détenteur du collier préhistorique, et que maintenant les géologues font de façon raisonnée en comprenant l'origine géologique et géodynamique de ces concentrations “anormales”.

Avec quelques exemples, nous allons voir la variété de ces processus et contextes géologiques sources de minerais.

Les minerais associés aux océans anciens et actuels

Le cuivre de Chypre

Cuivre vient de Κυπροσ (Kupros), nom grec de Chypre.

On trouve à Chypre des ophiolites, avec l'équivalent d'anciens fumeurs.

On va chercher et montrer un analogue actuel (fumeur noir), on en explique l'origine, et l'origine des minerais.

Les chromites des ophiolites

Un autre minerai de Chypre et des autres ophiolites : les chromites, par exemple celles d'Oman.

Explications et schémas dans Les Montagnes sous la mer [26].

Les autres minerais des ophiolites

On peut présenter, ici, le nickel de Nouvelle-Calédonie.

Les nodules polymétalliques

Si on a le temps, on parle des nodules polymétalliques des plaines abyssales qui pour l'instant ne sont que des gisements potentiels.

Les minerais associés aux chaines de montagnes actuelles et anciennes

L'étain

Un exemple historique : les gisements d'étain (Sn) associés aux leucogranites de Cornouaille anglaise (Jules César conquit l'Angleterre, entre autres, pour ses mines d'étain).

La carte des gisements français

On observe l'association de nombreux gisements avec les chaines de montagnes (diverses cartes et rapports du BRGM).

Le tungstène (W) en France métropolitaine, gisements et indices

Un exemple de gisement péri-granitique français et de ses filons

Gannat (carte à 1/50 000), avec Sn, W, Cu, Li…

Ou Loiras (Hérault) pour la barytine (cf. Filon de barytine, minéralisation et extension tardi-hercyniennes, carrière de Loiras, Le Bosc, Hérault[7].

L’origine des concentrations et nature des roches magmatiques

Expliquer les processus de concentration. De plus, les différents contextes (subduction, collision…) engendrent des roches magmatiques différentes plus ou moins riches en tels ou tels éléments.

Les minerais des bassins sédimentaires

L'oolithe ferrugineuse aalénienne de Lorraine

C'est le plus gros gisement français. Il est hors chaine de montagne. Le minerai de fer de Lorraine est appelé minette (attention, terme qui a plusieurs sens en géologie). Expliquer l'origine. On utilisera la carte de Nancy.

L'uranium de Lodève

D'autres minerais sont dus à des changements de condition dans un bassin sédimentaire : exemple de l'U de Lodève. Cet exemple montre, en plus, l'interférence avec de l'hydrothermalisme. Voir, par exemple, Failles normales, failles inverses, basculement : un exemple de datation relative à la Lieude et au Mas d'Alary, bassin permien de Lodève (34) [23] et/ou Uranium : des gisements aux usages [22].

Conclusion

Nous venons de voir la très grande variété des minerais, de leur mode de genèse qui dépend, entre autres, de leur contexte géodynamique. Dans les temps anciens, l'Homme a trouvé ces minerais plus ou moins par hasard, en surface. Rapidement, cela n'a pas suffi, et il a fallu en trouver d'autres, cachés. La géologie est née de la recherche de minerais et surtout des meilleures façons d'exploiter un gisement, en parallèle, mais (hélas) souvent avant le désir de connaitre notre planète, son fonctionnement et son histoire. Avec l'accroissement de la consommation, il a fallu, en plus des géologues d'exploitation, de plus en plus de géologues d'exploration, qui, pour ne pas chercher au hasard, ont dû comprendre comment s'étaient formés ces minerais. Puis, avec les progrès scientifiques et techniques, des métaux rares totalement inutiles dans le passé se sont avérés indispensables pour plein d'activités “modernes” (catalyse, informatique, nouvelle technologie – il faut de 6 à 10 kg de lithium par voiture électrique, 6 kg de tantale par tonne de carte électronique de smartphone…). Il a fallu trouver des gisements pour ces substances, donc comprendre leur mode de genèse.

On peut noter, enfin, qu'à part pour les minerais purement magmatiques et somme toute minoritaires (chrome, platine…), la grande majorité des minerais nécessite de l'eau liquide (ou supercritique) pour se former. L'eau est nécessaire à la vie, ce que tout le monde sait. L'eau est un agent géologique majeur, ce qu'on sait aussi. Mais c'est un agent indispensable à la formation de la plupart des minerais, ce qu'on sait beaucoup moins. Et mis à part les astéroïdes métalliques sans doute riches en platinoïdes, quand l'Homme aura épuisé la Terre, il ne faut pas qu'il compte sur les minerais de la Lune ou de Vénus pour satisfaire sa boulimie minérale puisqu'il n'y a sans doute jamais eu d'eau liquide sur ces corps.

Bibliographie

“Quelques” articles de Planet-Terre et livres pour avoir de quoi traiter les points évoqués et pour aller plus loin, trouver d’autres lectures et documents… Articles par ordre de minerai / élément traité, les rapports et livres à la fin.

Plomb (et autres associés)

P. Thomas, 2009. Mine d'antimoine, de plomb et d'argent de La Rodde, Ally (Haute Loire), Planet Terre - ISSN 2552-9250

P. Thomas, 2023. La galène (PbS), le principal minerai de plomb et d'argent, Planet Terre - ISSN 2552-9250

Ouvrages généraux, rapports

N. Arndt, C. Ganino, S. Kesler, 2015. Ressources minérales – Origine, nature et exploitation – 2e édition, Dunod, 224p EAN 9782100720491

B. Gourcerol, T. Gutierrez, A. Pochon, M. Picault, E. Gloaguen, E. Fournier, 2021. Évolution Base de données « Gisements France » : Atlas des substances critiques et stratégiques. Rapport final, BRGM/RP-71133-FR, 66 p.

A. Nicolas, 1990. Les montagnes sous la mer, – Expansion des océans et tectonique des plaques, BRGM, 188p ISBN 2-7159-0498-3