Image de la semaine | 18/02/2019
Les ophiolites en 180 photos – 7/7 L'hydrothermalisme
18/02/2019
Résumé
Circulations hydrothermales dans les ophiolites : mobilités élémentaires, concentrations minérales, altération, argilisation.
Avant-propos
Le but de cette série de sept “images de la semaine“ n'est pas d'expliquer la genèse de la lithosphère océanique, ni la mise en place des ophiolites sur les continents, ni la géologie précise des ophiolites prises en exemple, mais simplement d'être un album d'environ 180 photos (un clin d'œil au concours Ma thèse en 180 secondes), une banque de données photographiques que chacun pourra utiliser pour illustrer/démontrer ses propos. Ces images montreront divers aspects de divers cortèges ophiolitiques, ophiolites “complètes” car issues de dorsales rapides, ou beaucoup plus “réduites” car issues de dorsales lentes. Il s'agira uniquement de photos prises sur le terrain, sans photo de lame mince, sans diagramme, sans analyse chimique… On se limitera à ce qui découle de l'histoire océanique de l'ophiolite, sans aborder ce qui est lié aux phénomènes de subduction/obduction/collision. Cet album photo comporte sept semaines/chapitres : (1) le manteau, (2) les gabbros, (3) le cortège filonien, (4) les basaltes en coussins (pillow lavas), les coulées et les sédiments, (5) le Moho, (6) l'extension spatiale et temporelle du magmatisme, et (7) l'hydrothermalisme. Un schéma des deux types d'ophiolites sera placé à la fin de chaque article, pour que chacun puisse (1) situer les divers objets photographiés dans le(s) modèle(s), et (2) comparer réalité naturelle et modèles. Le choix des photos est forcément subjectif, intersection entre ce que je connais personnellement et ce que je pense utile à tout un chacun selon ses besoins, pour que les ophiolites ne soient pas réduites ou à un (des) modèle(s) théorique(s) ou au seul Chenaillet pour les plus chanceux qui peuvent y aller.
Sauf pour les ophiolites “françaises” (les Alpes et la Désirade en Guadeloupe), toutes les photographies de ces articles ont été prises lors d'excursions géologiques organisées par le Centre briançonnais de géologie alpine (CBGA) et encadrées par Romain Bousquet (Université de Kiel) pour Chypre, par Jean Pierre Bouillin (Université de Grenoble) pour l'ile d'Elbe, par Emmanuel Ball (Université de Montpellier) ou Aymond Baud (Université de Lausanne) pour l'Oman, et par Thierry Juteau (Université de Brest) pour la Turquie. Sans eux, je n'aurais jamais pu prendre ni commenter ces 180 photographies.
L'un des effets de l'hydrothermalisme, c'est un échange d'ions entre l'eau (de mer au départ) et les roches traversées. Des éléments chimiques sont fixés par les roches (le magnésium et le sodium par exemple), mais d'autres sont libérés par ces roches (le calcium, le fer et d'autres éléments de transition comme le cuivre ou le manganèse par exemple), ou changent de valence (le soufre par exemple). À ces ions mobiles venus des roches altérées peuvent parfois s'ajouter des éléments d'origine magmatique comme le soufre. En arrivant au niveau du fond de la mer, où la température est très faible, le milieu relativement oxydant…, ces ions mobiles peuvent précipiter autour des points de sortie de l'hydrothermalisme. Dans les zones où l'hydrothermalisme est beaucoup plus important qu'ailleurs, cette précipitation peut former de véritables gisements d'oxydes et surtout de sulfures métalliques d'intérêt économique, tout à fait exploitables dans les ophiolites. De nombreux gisements de cuivre ont été et sont encore exploités au sommet des basaltes en coussins de l'ophiolite de Chypre. Le mot de cuivre vient d'ailleurs du mot latin cupreum, dérivant lui-même de kupros (Κύπρος) nom de l'ile de Chypre en grec ancien où se trouvent de nombreux gisements “ophiolitiques” de chalcopyrite (CuFeS2) et de ses dérivés. Il existe encore une ou deux mines (à ciel ouvert) en activité à Chypre, mais, exploités depuis des milliers d'années, la majorité des gisements sont épuisés. Sauf certains jours particuliers comme des journées du patrimoine, les mines chypriotes en activité ne sont pas autorisées au public. Quant aux mines abandonnées, leur statut est variable : de mines closes par des barrières pour celles qui sont dangereuses, à des mines parcourues par des sentiers de découvertes ou de footing pour celles qui ne présentent pas de danger particulier. Si la France pouvait s'inspirer de cette politique… Les anciens mineurs ont été très efficaces, et il ne reste plus beaucoup de minerai dans les mines abandonnées, du moins dans celles que j'ai visitées, ni dans leur déblais. Mais ces mines forment de véritables parcours muséographiques de l'hydrothermalisme océanique. Nous vous montrons une photographie d'une mine chypriote encore en activité, la mine de Skouriotissa, et quatorze photographies prises dans trois mines abandonnées situées au Sud-Ouest de Nicosie.
L‘exploitation des minerais de cuivre, principalement de la chalcopyrite (CuFeS2) mais aussi de ses formes d'oxydation comme la cuprite (Cu2O), la malachite [Cu2CO3(OH)2]… a presque été totale, et on n'en trouve presque plus dans ces mines abandonnées de Chypre. Nous vous montrons néanmoins quelques photographies de sulfures et de sels de cuivre colorés prises à Chypre. Pour bien découvrir ces sulfures sous-marins hydrothermaux et leurs minéraux dérivés, rendez-vous d'ici quelques semaines dans deux gisements extraordinaires bien français et même rhônalpins, mais bien peu mis en valeur, ce qui est, hélas, le sort classique de bien des sites du patrimoine géologique français.
C'est la dernière des sept semaines montrant au total environ 180 photographies d'ophiolites. Ces photographies permettent d'avoir une idée « à l'air libre » de ce qu'il se passe au fond des océans, que ceux-ci aient ou non une activité volcanique, qu'ils soient “modernes” comme ceux de cette série, ou beaucoup plus anciens, voire archéens. Et parmi les phénomènes qui s'y passent, l'hydrothermalisme sous-marin, le sujet de cette dernière semaine, est sans doute celui qui a eu (et a encore) le plus d'influence sur la planète Terre.
Du moins important pour la planète au plus important, on peut citer : (1) la genèse de minerais, (2) la participation à la “régulation” de la salinité de l'eau de mer (cf. Un volcanisme bien méconnu et pourtant si riche d'enseignement : le volcanisme du Crétacé supérieur du Pays Basque, ses pillow-lavas et la salinité de l'eau de mer, (3) l'hydratation de la lithosphère océanique, dont l'eau est à l'origine du magmatisme des zones de subduction, à l'origine (surtout à l'Archéen) d'une bonne part de la croûte continentale, (4) une participation possible si ce n'est probable à l'origine de la vie (cf. De potentiels précurseurs des premières briques du vivant observés dans des roches océaniques profondes).
Sans l'interaction eau de mer/roches basiques et ultrabasiques au fond des mers, la planète Terre ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui.