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Image de la semaine | 20/11/2023

La Plage de la Mine, Jard-sur-Mer, Vendée : sa discordance, ses minéralisations et ses mini-failles

20/11/2023

Roland Lehoucq

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers / CEA

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Minéralisations liées à des circulations le long de failles, de stratification et d’une discordance majeure.


Avertissement

Dans les années 80, j'ai visité la Plage de la Mine à Jard-sur-Mer, en Vendée, pour y admirer l’un des plus beaux affleurements de la discordance hercynienne en France. Je n'y suis pas retourné depuis et je n'en ai que quelques vieilles diapositives argentiques. J'ai demandé à Roland Lehoucq, un ami astrophysicien (et non géologue) qui était dans le secteur au printemps 2023 de faire un maximum de photos de cette discordance. Avec ses photos plus quelques images glanées sur le web, et sans retourner sur le terrain, j'ai pu écrire deux “images de la semaine”, une sur la discordance proprement dite (la semaine dernière) et une sur les minéralisations associées à cette discordance, minéralisations qui ont d'ailleurs donné son nom à la plage (cette semaine).

Figure 1. La discordance hercynienne à l'Ouest de la Plage de la Mine, au niveau de la Pointe du Payré, Jard-sur-Mer (Vendée).

La Pointe du Payré est notée “P.P.” sur la figure 20. L'article de la semaine dernière, La discordance hercynienne de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer, Vendée , décrit cette discordance séparant les micaschistes hercyniens (en bas) des calcaires du Jurassique inférieur (Lias, Hettangien, 200 Ma) en haut. Ces calcaires (sans doute silicifiés) sont plus résistants à l'érosion marine que les micaschistes, et sont en surplomb au-dessus de ces micaschistes. De part et d'autre de la surface de discordance, les roches sont imprégnées d'hydroxydes ferriques ce qui leur donne cette couleur rouille caractéristique. Cet oxyde de fer provient très vraisemblablement de l'oxydation de sulfures, principalement de la pyrite (FeS2). Cette oxydation est (au moins en partie) très récente et la teinte rouille a pu migrer de quelques décimètres.

Localisation par fichier kmz de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer (Vendée).


Figure 2. Vue sur un autre secteur de discordance hercynienne à l'Ouest de la Plage de la Mine, au niveau de la pointe du Payré, Jard-sur-Mer (Vendée).

Avec toutes les réserves dues au fait qu'il ne s'agit que de l'examen d'une simple photo, on peut proposer les interprétations suivantes. Les couches en saillies presque en haut de la photo correspondraient au Lias formé de calcaires silicifiés. Ce Lias est surmonté de cailloutis et de sables, dépôts quaternaires probables. On reconnait les micaschistes sous le Lias. Micaschistes et Lias sont recoupés par une “colonne” plus résistante à l'érosion que les micaschistes. Cette colonne serait une zone très minéralisée (en particulier en silice). C'est par de telles structures qu'auraient circulé les fluides responsables des minéralisations (pyrite, silice…). Les relations géométriques entre cette colonne minéralisée (si cela en est bien une) et son “encaissant” montrent que les circulations de fluides minéralisateurs seraient post-Lias inférieur et anté-Quaternaire. Les dépôts jaunâtres pourraient être constitués de soufre ou de mélantérite (sulfate de Fe2+ heptahydraté, FeSO4·7 H2O). Soufre et mélantérite sont des minéraux secondaires qui se forment par oxydation incomplète (le fer est encore sous la forme Fe2+) des sulfures de fer comme la pyrite. Cette oxydation serait sub-actuelle.


Il est très classique d'avoir des gisements métalliques (uranium – cf. Uranium : des gisements aux usages , plomb-zinc …) au niveau des discordances. En France, par exemple, il y a au moins trois communes (ou anciennes communes) qui s'appellent Argentière, Largentière… parce qu'on y exploitait des mines de « plomb argentifère » (la galène – PbS – contient souvent de l'argent en “impureté”). On peut même visiter une ancienne “mine d'argent” à l'Argentière-la-Bessée près de Briançon. Ces trois communes (situées en Ardèche, Haute-Savoie et Hautes-Alpes) exploitaient le plomb (et l'argent) dans le Trias immédiatement sus-jacent à la discordance hercynienne.

Une discordance correspond souvent à un changement brusque de lithologie et de chimie, par exemple carbonates sur silicates, grès siliceux sur micaschistes (méta-pélites)… De plus, les discordances sont d'anciennes surfaces d'érosion et souvent d'anciens sols. Et de nombreux métaux sont peu mobiles dans les processus d'altération et de pédogenèse et s'accumulent dans les sols. Longtemps après le dépôt des sédiments post-discordance, des eaux (plus ou moins chaudes) peuvent circuler dans les porosités du socle et de la couverture, dans des fractures et des failles, le long de la surface de discordance elle-même… En traversant la discordance (qui correspond souvent à un changement de chimie de l'encaissant), la solubilité des ions peut changer et il va se déposer telle ou telle substance dans et au voisinage de la zone de circulation. Les minéralisations sont particulièrement abondantes là où il y a intersection entre discordance et zone de failles. À Jard-sur-Mer, les minéralisations associées à la discordance sont caractéristiques de ce type d'environnement géologique. On y trouve quartz (SiO2), pyrite (FeS2), galène (PbS), blende (encore appelée sphalérite, ZnS), barytine (BaSO4)… Les deux zones les plus minéralisées correspondent à la pointe du Payré (P.P. sur la figure 20) et au secteur de l'ancienne Mine des Sards (M.S. sur la figure 20). Cette mine se trouve dans une zone “riche” en petites failles normales, visibles sur la carte géologique (figures 20 et 21) et sur les figures 22 à 24. Elle fut exploitée à la fin du XVIIIe - début du XIXe siècle, avec une éphémère reprise d'activité au début du XXe siècle.

La notice de la carte géologique des Sables d'Olonne - Longeville décrit ainsi ces minéralisations : « Les indices de Pb-Zn-Ag-Ba sont constitués de minéralisations stratiformes dans le Lias [surmontant la discordance varisque], en particulier dans les lambeaux piégés dans des petits fossés situés sur le socle en bordure du littoral ; c'est le cas de la mine des Sards (BSS 6-4001) et des indices de la pointe du Payré (2-4001). L'étude de ces minéralisations a été reprise par le BRGM dans les années quatre-vingts ; elles ont abouti, pour la mine des Sards, à la mise en évidence d'un horizon minéralisé de 2 à 3 m de puissance à barytine et sulfures disséminés, dont les teneurs sont de : Pb : 0,36 %, Zn : 0,19 %, Ag : 45 g/t. »


Roland Lehoucq n'a pas fait de photographies au niveau de la Pointe du Payré, ni au niveau de l'ancienne mine dont il ne reste presque plus rien (ni bâtiment d'époque, ni affleurement). Par contre, il a abondamment photographié la discordance au niveau du rectangle blanc de la figure 20. Si les minéralisations sulfurées sont invisibles (et sans doute moins abondantes qu'à la Pointe du Payré elle-même), par contre, hydroxydes ferriques, sulfates de fer, quartz et barytine sont bien visibles, et bien cristallisés pour ces deux dernières espèces. Les figures 4 à 19 vont montrer divers aspects de ces minéralisations telles qu'on peut les voir en se promenant au pied de la falaise à marée basse.

Figure 4. Vue sur la discordance hercynienne où l'on voit l'abondance des placages de couleur rouille en particulier dans le niveau supérieur.

Les placages couleur rouille résultent vraisemblablement de l’oxydation de pyrite.

Les dépôts blanchâtres abondants dans/sur les micaschistes sont vraisemblablement riches en sulfates de fer. La couche supérieure (du Lias) n'a pas le débit caractéristique d'un carbonate. Ces derniers ont vraisemblablement été intensément silicifiés.


Figure 5. Zoom sur la discordance où l'on voit l'abondance des placages de couleur rouille en particulier dans le niveau supérieur.

Les placages couleur rouille résultent vraisemblablement de l’oxydation de pyrite.

Les dépôts blanchâtres abondants dans/sur les micaschistes sont vraisemblablement riches en sulfates de fer. La couche supérieure (du Lias) n'a pas le débit caractéristique d'un carbonate. Ces derniers ont vraisemblablement été intensément silicifiés.


Figure 6. Vue sur le Lias silicifié de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer (Vendée).

Sur la grosse tache rouille au centre de l’maige, on devine des cristaux, difficiles à identifier formellement. Mais ils ressemblent plus à des cristaux de barytine qu'à des cristaux de quartz.


Figure 7. Zoom sur le Lias silicifié de la Plage de la Mine, Jard-sur-Mer (Vendée).

Sur la grosse tache rouille au centre de l’image, on devine des cristaux, difficiles à identifier formellement. Mais ils ressemblent plus à des cristaux de barytine qu'à des cristaux de quartz.



Figure 9. Deux zooms sur les cristallisations de la figure précédente, Plage de la Mine (Vendée).

On reconnait assez facilement du quartz, quartz jaune dit quartz citrin (ou encore citrine). Cette couleur est due à des trace d'oxyde de fer dans la silice.


Figure 10. Vue sur la discordance hercynienne et la dizaine de centimètres immédiatement sus-jacente, Plage de la Mine, Jard-sur-Mer (Vendée).

Ces 10 cm sont “caverneux” et les bords des cavités (parallèles aux strates de Lias silicifié) sont tapissés de cristaux blanc-crème à structure lamellaire. La limite cavité/placage est mamelonnée, et on devine une structure “crêtée”, un peu comme aurait une rose des sables érodée. Tout cela fait fortement penser à de la barytine.


Figure 11. Vue rapprochée sur la dizaine de centimètres immédiatement sus-jacente à la discordance hercynienne.

Ces 10 cm sont “caverneux” et les bords des cavités (parallèles aux strates de Lias silicifié) sont tapissés de cristaux blanc-crème à structure lamellaire. La limite cavité/placage est mamelonnée, et on devine une structure “crêtée”, un peu comme aurait une rose des sables érodée. Tout cela fait fortement penser à de la barytine.


Figure 12. Zoom sur la dizaine de centimètres immédiatement sus-jacente à la discordance hercynienne.

Ces 10 cm sont “caverneux” et les bords des cavités (parallèles aux strates de Lias silicifié) sont tapissés de cristaux blanc-crème à structure lamellaire. La limite cavité/placage est mamelonnée, et on devine une structure “crêtée”, un peu comme aurait une rose des sables érodée. Tout cela fait fortement penser à de la barytine.


Figure 13. Repérage d'une cavité (flèche rouge) dans le Lias silicifié de la Plage de la Mine (Vendée).

Cette cavité est tapissée de cristaux nacrés, blanc crème, avec une structure “crêtée” bien visible sur le zoom rapproché. On a là toutes les caractéristiques de la barytine.


Figure 14. Vue rapprochée sur une cavité dans le Lias silicifié de la Plage de la Mine (Vendée).

Cette cavité est tapissée de cristaux nacrés, blanc crème, avec une structure “crêtée” bien visible sur le zoom rapproché. On a là toutes les caractéristiques de la barytine.


Figure 15. Zoom sur une cavité dans le Lias silicifié de la Plage de la Mine (Vendée).

Cette cavité est tapissée de cristaux nacrés, blanc crème, avec une structure “crêtée” bien visible sur le zoom rapproché. On a là toutes les caractéristiques de la barytine.

Pour voir d'autres aspects macroscopiques de barytine dite crêtée, on se reportera aux figures 7 et suivantes de Les filons de barytine (BaSO4) du Beaujolais (Rhône) , ou aux figures 7 à 14 de Filon de barytine, minéralisation et extension tardi-hercyniennes, carrière de Loiras, Le Bosc, Hérault . Pour voir de la barytine stratoïde, imprégnant des strates ou des inter-strates, on se reportera à Barytine stratoïde dans le Jurassique basal des Causses, région de Millau, Aveyron .



Figure 20. Extrait de la carte géologique à 1/50 000 Les Sables d'Olonne - Longeville et vue aérienne correspondante.

Les terrains marrons, gris ou violacés représentent les couches (sub-horizontales) du Lias, les terrains verts les micaschistes et les terrains jaunes et orangés correspondent aux dépôts de plage et aux formations dunaires ou éoliennes quaternaires. La discordance Jurassique/micaschistes est surlignée par une ligne rouge fine sur la carte géologique. Le rectangle blanc localise la zone où Roland Lehoucq a pris ses photos. L'ellipse localise les photos aériennes des figures 22 à 24.

Sur la photo aérienne, P.P. localise la pointe du Payré et M.S. la Mine des Sards.


Figure 21. Extrait de la carte géologique à 1/50 0000 Les Sables d'Olonne - Longeville.

L'ancienne Mine des Sards est localisée par l'astérisque rouge. On voit bien les nombreuses failles cartées par le BRGM dans les années 80 (la carte géologique a été publiée en 1994). L'abondance des failles au voisinage de l'ancienne mine explique sans doute l'importance des minéralisations dans ce secteur et donc l'emplacement de la mine. Il n'est pas exclu que la présence de la mine ait fait que le BRGM ait beaucoup plus étudié ce secteur que les autres, et que l'abondance des failles cartées soit un biais d'observation, biais renforcé par le fait que des failles sont plus visibles dans des calcaires stratifiés que dans des micaschistes. La faille notée AB est visible sur les photos 22, 23 et 24. Noter les symboles “bar” (barytine), “pyr” (pyrite), “Pb” (galène), “Ag” (argent) et “Zn” (blende) à proximité de la Mine des Sards. Au Nord de Saint-Nicolas, on peut remarquer le lieu-dit La Forge, qui rappelle le passé métallurgique du secteur.


Figure 22. Vue aérienne de l'estran au Sud-Est de la Plage de la Mine, au voisinage de la faille AB.

Cet estran est composé de couches calcaires sub-horizontales, avec un léger pendage (<10°). On voit très bien le décalage des couches qui suggèrerait une composante décrochante. Mais n'oublions pas qu'un mouvement purement vertical sur un plan de faille décale la trace d'une couche inclinée de part et d'autre de la faille quand les terrains sont recoupés par une surface d'érosion horizontale (l'estran).


Figure 23. Photographie aérienne, vraisemblablement prise par un drone, montrant l'estran au Sud-Est de la Plage de la Mine, au niveau de la faille AB.

On voit très bien le léger pendage des couches calcaires vers la mer ainsi que les failles (dont la faille AB) qui les recoupent. Dans la mesure où on peut identifier et corréler les couches à droite et à gauche de la faille AB, le décalage horizontal apparent indique que le compartiment droit est monté par rapport au compartiment gauche. La discordance, qui doit se trouver quelques dizaines de mètres sous l'estran, devrait être particulièrement minéralisée là où elle est recoupée par ces failles.


Figure 24. Zoom d'une photo aérienne, vraisemblablement prise par un drone, montrant l'estran au Sud-Est de la plage de la Mine, au niveau de la faille AB.

On voit très bien le léger pendage des couches calcaires vers la mer ainsi que les failles (dont la faille AB) qui les recoupent. Dans la mesure où on peut identifier et corréler les couches à droite et à gauche de la faille AB, le décalage horizontal apparent indique que le compartiment droit est monté par rapport au compartiment gauche. La discordance, qui doit se trouver quelques dizaines de mètres sous l'estran, devrait être particulièrement minéralisée là où elle est recoupée par ces failles.


Figure 25. Localisation de la Plage de la Mine (Jard-sur Mer, Vendée) sur la carte géologique de France à 1/1 000 000.

On voit très bien, au Sud-Ouest de la carte, les terrains jurassiques (en diverses nuances de bleu) du Nord du Bassin aquitain recouvrir le socle hercynien armoricain (en rouge et vert “caca d'oie”).