Image de la semaine | 25/03/2019
Le Pinatubo (Philippines), vingt-sept ans après
25/03/2019
Résumé
Érosion et remaniement des dépôts volcano-sédimentaires (coulées pyroclastiques, ignimbrites, cendres et lahars) engendrés par la giga-éruption du Pinatubo de juin 1991.
La quasi-totalité des photos présentées ici ont été prises en 2018 par Frédéric Chevrel. Merci à lui d'avoir autorisé Planet-Terre à utiliser ses photographies.
L'éruption du Pinatubo (Philippines) en 1991 est la deuxième éruption explosive la plus violente du XXe siècle (après celle du Novarupta en 1912 en Alaska). Avant 1991, le Pinatubo était considéré comme un volcan endormi “banal”, recouvert de forêts et dont la dernière éruption, très mal documentée, datait de 1450 (avant l'arrivée des premiers Espagnols). C'était un strato-volcan typique des zones de subduction, principalement composé de dacite, avec également de l'andésite et du basalte andésitique. Il est constitué d'un empilement de coulées pyroclastiques et de lahars (mot indonésien désignant les coulées de boue d'origine volcanique), recoupés et armés par des dômes. L'éruption de 1991 commença en avril par des crises sismiques, suivies d'une activité phréatomagmatique de plus en plus intense. Les éruptions pliniennes commencèrent le 7 juin. La première explosion violente eut lieu le 12 juin. C'est le 15 juin qu'eut lieu le paroxysme explosif, avec l'éjection de 5 à 10 km3 de matériel. Une partie de ces produits généra des coulées pyroclastiques dévalant le flanc du volcan, parfois suffisamment chaudes pour se ressouder après immobilisation (ignimbrites). Une autre partie retomba sous forme de cendres (téphras) sur les pentes. Une autre partie donna des cendres plus fines retombant plus loin du volcan et/ou atteignit la stratosphère. Les vallées qui entaillaient l'ancien volcan furent remplies de jusqu'à 200 m d'épaisseur de dépôts de cendre, de ponce, d'ignimbrites, de lahars et de blocs provenant de la destruction de l'ancien volcan. Aucune image ou film de ce paroxysme éruptif n'existe, car cette phase majeure eut lieu pendant un typhon de mousson. Pour voir une éruption de ce genre (plus modeste mais en pays quasi-désertique par grand beau temps), voir l'éruption du Lascar en 1993 au Chili (L'éruption du Lascar (Chili), 19 avril 1993 : panaches pliniens et nuées ardentes). Des explosions pliniennes plus modestes (relativement parlant) continuèrent jusqu'à début septembre 1991. Ce sont ces “modestes” éruptions pliniennes postérieures au paroxysme du 15 juin (“modestes” mais déjà très spectaculaires) qui illustrent tous les articles et/ou émissions sur le Pinatubo. Les pluies de mousson remobilisèrent les dépôts retombés sur les pentes et engendrèrent de très puissants lahars. Lors de ces trois mois de 1991, explosions et surtout effondrements décapitèrent le volcan de plus de 250 m. Le sommet fut alors occupé par une caldeira de 2,5 km de diamètre, maintenant occupé par un lac (voir le mode de formation d'une caldeira dans La caldeira du Cuicocha (Équateur) et quelques autres caldeiras à fin de comparaison, figure 5). L'émission d'un dôme eut lieu dans la caldeira durant l'été 1992 (voir un équivalent en Indonésie dans La mise en place d'un dôme de lave : l'exemple du Paluweh (Indonésie)). De petites explosions eurent lieu jusqu'à l'été 1993, et l'éruption cessa.
Depuis la fin des années 1990, le Pinatubo est ouvert à un écotourisme organisé. En novembre 2018, l'un de nous (Frédéric Chevrel, non géologue mais amateur de nature) est ainsi remonté jusqu'à la caldeira sommitale du Pinatubo en suivant le cours de la rivière O'Donnell qui entaille le flanc Nord du volcan. Il en a rapporté des dizaines de photographies. Une sélection de 24 clichés est ici présentée pour montrer ce à quoi ressemble le Pinatubo, 27 ans après le paroxysme de juin 1991. Les photos sont présentées d'aval en amont, en se rapprochant du sommet donc.
Après ce long cheminement dans la vallée, on arrive à un col qui domine le lac remplissant la caldeira. La topographie locale ne permet pas d'embrasser l'intégralité de la caldeira d'un seul coup d'œil. Des vues aériennes (cf. figure 27) permettent d'en apprécier l'ampleur. D'autres caldeiras, conséquences d'éruptions acides paroxysmales mais morphologiquement plus spectaculaires peuvent être vues sur Planet-Terre. Il y a bien sûr de telles caldeiras au niveau de zones de subduction, comme la caldeira du Cuicocha (Équateur) (cf. La caldeira du Cuicocha (Équateur) et quelques autres caldeiras à fin de comparaison) ou celle du Quilotoa (cf. Le plateau de cendres du Quilotoa, Équateur, et son érosion ) également en Équateur et qui montre des très abondants dépôts pyroclastiques.
Mais il ne faut pas oublier que le volcanisme explosif n'est pas exclusif des zones de subduction et qu'on trouve de très belles caldeiras associées à des explosions acides paroxysmales aux Açores, qui sont des volcans de point chaud associés à une dorsale, comme par exemple les caldeiras de Faial (cf. La caldeira de Faial (Açores) et les limites de la (trop) "populaire" notion de volcan rouge / volcan gris) et des Sept Cités (cf. La caldeira des Sept Cités (Sete Cidades), île de Sao Miguel, Açores (Portugal) et Le stratovolcan des Sept Cités (Sete Cidades, Açores) : anatomie et composition interne). On en trouve aussi en Islande, aux Canaries… Et “à côté” des caldeiras dues à la vidange explosive d'un réservoir magmatique acide, il existe des caldeiras (en général plus petite) dues à la vidange d'un réservoir magmatique plein de lave basique, comme le cratère Dolomieu à la Réunion (cf. Effondrement du cratère Dolomieu, caldeira sommitale du Piton de la Fournaise (île de La Réunion)).
Montrer des photos de l'éruption de 1991-1993 n'est pas l'objet de cet article consacré au « Pinatubo 27 ans après ». De très nombreux sites abondent d'images. Citons en trois : Smithsonian Institution, Global volcanism program, Fire and Mud, USGS, et Pinatubo, Wikipedia.
Mais comme les photographies précédentes concernent la rivière O'Donnell et la bordure Nord de la caldeira, nous vous montrons trois couples d'images « avant-après » de ce secteur Nord du Pinatubo.
Source - © 1991 – 1992 Rick Hoblitt / USGS |
Et quand on visite l'ile de Luzon (la grande ile du Nord des Philippines), en plus d'admirer la géologie et la puissance de la nature, on peut aussi admirer le travail et l'inventivité des hommes qui ont réussi à cultiver et à vivre dans des régions qu'on pourrait croire peu propices à l'agriculture, comme dans les célèbres rizières de Banaue, à 230 km au Nord-Nord Est du Pinatubo.