Image de la semaine | 14/04/2014
La mise en place d'un dôme de lave : l'exemple du Paluweh (Indonésie)
14/04/2014
Résumé
Observation de la mise en place et de l'évolution du dôme de lave du volcan Paluweh lors de son épisode éruptif de novembre 2012 - décembre 2013. Croissance du dôme, érection d'une aiguille (extrusion), éboulements... comparaison avec la Montagne Pelée.
Nous vous montrons aujourd'hui le dôme sommital du volcan Paluweh (Indonésie), volcan qui est entré en éruption entre novembre 2012 et décembre 2013. Ce volcan est situé à l'aplomb d'une zone de subduction. Il est constitué d'une lave ayant 55 à 60% de silice : une andésite. Le récit de l'éruption de 2012-2013, les mécanismes de formations des CDP et autres panaches pliniens qui ont accompagné la formation de ce dôme, la question des risques et de l'évacuation des populations sont traités dans l'article, publié en parallèle à cette image de la semaine, Le dôme de lave du Paluweh (ou Rerombola, Indonésie) : mise en place, effondrements, nuées ardentes et autres courants de densité pyroclastiques.
Les dômes de laves ne sont pas très rares, mais sont beaucoup moins nombreux que les coulées et cônes stromboliens et autres édifices classiques correspondant à l'image d'Épinal qu'on se fait d'un volcan. En plus d'être relativement peu fréquents, ils sont peu documentés car ils sont très dangereux à approcher quand ils sont en cours de croissance. Pendant ces phases de croissance, ils peuvent émettre à tout moment des nuées ardentes, ou même complètement exploser. Les images et films de dômes en train de se mettre en place et en cours de croissance sont donc assez exceptionnels. Merci à Michel Detay, Aris Yanto et Pierre Fortin de nous avoir autorisé à publier leurs photographies et leurs films.
Ces dômes se mettent en place quand il sort une lave visqueuse, acide (= riche en silice) et pas trop riche en gaz. Alfred Lacroix, au tout début du XXème siècle est le premier à avoir étudié la formation de tels édifices en observant la célèbre éruption de la Montagne Pelée en Martinique en 1902-1904. Il a écrit dans La Montagne Pelée après ses éruptions, ouvrage publié par l'Académie des Sciences en 1908 :« En raison de sa grande viscosité […] la lave s'est trouvée dans l'impossibilité de s'écouler ; elle s'est donc accumulée sur place, se solidifiant immédiatement à sa périphérie, s'entourant ainsi d'une carapace. Celle-ci augmentant constamment d'épaisseur au dépend de la portion centrale encore pâteuse, a été aussitôt fissurée […] par la continuité de la poussée interne, qui, sans cesse, tendait à faire éclater cette enveloppe trop étroite. On peut donc se représenter l'amas de lave comme constituant alors une masse visqueuse à très haute température, enveloppée par une carapace solide, fissurée, et cachée elle-même par des blocs se détachant sans cesse de sa surface à mesure qu'elle augmentait de volume et se refroidissait » (p.34).
Où trouve-t-on de tels dômes ? Toutes les séries magmatiques peuvent donner des laves acides. C'est le cas, entre autres, des séries alcalines du Massif Central français, dont les laves, à cause du phénomène de différenciation - cristallisation fractionnée, vont du basalte aux rhyolites, trachytes et phonolites, ces trois dernières laves engendrant souvent des dômes (Puy de Dôme, Gerbier de Jonc…). C'est plus fréquemment le cas dans les séries calco-alcalines souvent associées aux subductions. Dans cette série, le magma primaire (un basalte dit basalte calco-alcalin encore appelé basalte andésitique) se différencie souvent et abondamment en andésite, dacite et rhyolite. Rhyolite, dacite et les plus acides des andésites donnent souvent des dômes et tous les phénomènes associés aux éruptions de laves acides (nuées ardente, CDP, panaches pliniens, caldeira…).
Une des particularités des dômes en cours de croissance, c'est, parfois, la naissance et la croissance d'aiguilles (extrusions) à sa surface. Ces aiguilles vont de quelques mètres de hauteur à plus de 200 m comme la célèbre aiguille de la Montagne Pelée de 1902-1903. Ces aiguilles, en général, poussent sur le dôme et en hérissent la surface comme cela se voit sur la figure ci-dessus. La grande aiguille de 1902-1904 s'était éboulée plusieurs fois et n'étaient plus que « l'ombre d'elle-même », mais on la voit encore bien sur la première image, à droite du dôme, et en voit d'autres, plus petites, qui parsèment la surface du dôme. Ces aiguilles seraient dues à un « effet piston », pour réemployer la comparaison d'Alfred Lacroix. La lave visqueuse du centre du dôme pousserait vers l'extérieur un fragment de la carapace limité par des fractures, et déjà solide. Si la poussée est suffisamment lente, le magma visqueux poussant le fragment de carapace se solidifierait avant d'atteindre le niveau de la surface du dôme, ce qui permet à l'aiguille d'avoir une longueur bien supérieure à l'épaisseur de la carapace solide. Le dôme du Paluweh a émis de telles aiguilles. Mais attention à ne pas confondre deux notions différentes : (1) le « piston » de Lacroix où le « fluide souleveur » est un magma et (2) le « gas piston effect » où ce sont des gaz qui font osciller le niveau d'un lac de lave.
Alfred Lacroix, toujours lui, a distingué en 1903, d'une part, les petites aiguilles qui correspondaient au soulèvement puis à l'extrusion d'un fragment de la carapace, et d'autre part, la Grande Aiguille de la Montagne Pelée, dont le diamètre, d'après lui, correspondait au diamètre du conduit par où remontait la lave. Connaître ce diamètre et l'associer au débit, à la teneur en gaz… peut être important pour essayer de prévoir le futur d'une éruption et les éventuelles évacuations à envisager.
Indépendamment de la croissance d'aiguilles, le dôme augmente en permanence de volume ; sa carapace se fracture, et sa pente augmente. Cela déclenche de petits (ou de gros) éboulements, pouvant être à l'origine de petites (ou de grosses) nuées ardentes et autres CDP. Nous vous montrons 4 zooms de plus en plus proches sur l'un de ces éboulements ayant eu lieu le 22 février 2012.
Les nuées ardentes et autres CDP, ainsi que leurs effets sont détaillées dans Le dôme de lave du Paluweh (ou Rerombola, Indonésie) : mise en place, effondrements, nuées ardentes et autres courants de densité pyroclastiques.
En février 2013, le dôme était dans un état méta-stable. On a dénombré 10 explosions majeures du dôme au cours du mois de février 2013. L'approche du dôme était délicate et très impressionnante car on assistait à des explosions importantes toutes les 15 à 20 minutes. Ces explosions étaient accompagnées de fortes secousses sismiques (magnitude de l'ordre de 7, voire davantage). Ces secousses et explosions étaient dues à la mise en place de magma visqueux dans le dôme et/ou dans l'encaissant (dykes, sills). En surface, ses secousses provoquaient de nombreux effondrements partiels du dôme et de ses extrusions entraînant des dizaines de CDP par jour, d'importances variables, qui atteignaient le plus souvent la mer (cf. Le dôme de lave du Paluweh (ou Rerombola, Indonésie)...).
Source - © 2013 Michel Detay Source - © 2013 Michel Detay | Source - © 2013 Michel Detay Source - © 2013 Michel Detay | Source - © 2013 Michel Detay Source - © 2013 Michel Detay |