Image de la semaine | 24/02/2014
La caldeira du Cuicocha (Équateur) et quelques autres caldeiras à fin de comparaison
24/02/2014
Résumé
Mode de formation des caldeiras et exemples de caldeiras explosives.
Source - © 2004 Silvan Höhn, sur Panoramio, modifié
Nous avons vu la semaine dernière des dépôts pyroclastiques "clairs", de nature dacitique, dépôts associés à la formation de la caldeira du Quilotoa, également en Équateur, 150 km au Sud-Ouest de la caldeira du Cuicocha. La caldeira du Cuicocha est assez similaire à celle du Quilotoa : à peu près les mêmes dimensions, le même type de lave, toutes deux remplies d'un lac… Il y a cependant deux différences majeures. La première, conjoncturelle, est due au couvert végétal plus important au Cuicocha, qui laisse moins bien voir les dépôts pyroclastiques associés. La deuxième est une vraie différence géologique : les phénomènes éruptifs ont continué après l'effondrement de la caldeira et trois dômes de dacite bien visibles sont sortis au milieu de la caldeira.
Rappelons qu'une caldeira est une dépression volcanique due à un effondrement, effondrement provoqué par la vidange rapide d'une chambre magmatique superficielle, vidange entraînant l'effondrement du toit de la chambre et la formation de cette dépression fermée à la verticale de l'ancienne chambre. Une caldeira n'est donc pas tout à fait un cratère volcanique sensu stricto.
Deux types extrêmes de caldeiras existent.
- Il y a les caldeiras dues à la vidange "non explosive" d'un réservoir rempli de lave fluide, du basalte par exemple. Sur Terre, ces caldeiras sont en général d'assez petite dimension (elles peuvent par contre être très grandes sur Mars -cf. Olympus Mons-, sur Io…). De manière conventionnelle, les anglo-saxons n'utilisent le terme "caldeira" pour ces dépressions "basaltiques" que pour celles, assez rares, d'un diamètre supérieur à "1 mile". Pour les plus petites, ils utilisent le terme de pit crater. Cette distinction a assez peu cours dans les pays francophones, et la taille limite serait plutôt le kilomètre. Les caldeiras de ce type sont classiques à Hawaï, à la Réunion (cf. cratère Dolomieu)...
- Il y a les caldeiras dues à la vidange "explosive" d'un réservoir rempli de lave très visqueuse et très riche en gaz (lave acide comme des dacites, des rhyolites, des trachytes…). Cette éjection de grandes quantités de pyroclastites, à l'origine de la caldeira, est également à l'origine d'importants dépôts de téphras qui entourent cette caldeira (cf. le Quilotoa). Ce type de caldeira peut avoir des dimensions colossales. L'une des plus grandes caldeiras récentes sur Terre est celle de Toba (100 x 35 km) sur l’île de Sumatra (Indonésie), formée il y a 73 000 ans. On trouve aussi en France métropolitaine des caldeiras "récentes" (Mont-Dore, Cantal…), mais aussi d'âge paléozoïque quand de gigantesques éruptions rhyolitiques accompagnaient la mise en place des granites tardi-hercyniens. Ces caldeiras de France métropolitaine ne se voient quasiment plus dans la morphologie, mais sont bien signalées sur la carte géologique de France au 1/1 000 000.
La caldeira du Cuicocha est bien plus modeste, avec ses dimensions de 3,7 x 2,8 km. La dernière éruption majeure à l'origine de sa morphologie actuelle daterait de 3100 ans BP (datation 14C). Le cycle éruptif complet aurait projeté environ 5 km3 de téphras dacitiques dans la région. La dernière éruption, mineure, daterait de l'an +650 (datation 14C). Il n'y a pas d'éruption historique recensée.
Source - © 2002 D'après U.S. Geological Survey - National Park Service, modifié |
Source - © 2009 Vladimir Paredes, sur Panoramio, modifié |
La sortie de dômes de lave visqueuse après la formation d'une caldeira est un phénomène relativement courant. C'est la vidange et le dégazage explosifs d'un réservoir de laves acides qui engendrent la majorité des caldeiras. Une fois ce dégazage terminé, s'il reste du magma, celui-ci va sortir, et, très visqueux, va former des dômes et/ou des aiguilles. Cette chronologie m'a valu une des plus belles phrases relevées dans une copie d'examen : « l'érection de l'aiguille de la Montagne Pelée fut précédée d'une nuit ardente ». À la confusion "nuit" / "nuée" près, cette phrase est parfaitement correcte, le terme consacré pour la sortie d'un dôme est bien "érection", et la chronologie est la bonne. Un des plus beaux exemples de caldeira (en particulier sur Google earth) de cette taille remplie par des dômes postérieurs est la caldeira de Santa Barbara, sur l'île de Terceira aux Açores. Cette caldeira mesure 2,2 km de diamètre, et date d'environ 18 000 ans. Elle est "remplie" par 5 dômes symétriques et quelques dômes-coulées. Plus d'une vingtaine de dômes se sont érigés sur les flancs externes Nord et Est du volcan, alignés sur trois fissures radiales de direction NO-SE, N-S et E-O. Tous ces dômes sont constitués d'une roche intermédiaire entre trachyte et rhyolit : une comendite.
Comme personne n'a laissé de témoignage écrit sur la formation de la caldeira de Cuicocha vers les années -1150 de notre ère, si on veut comprendre comment s'est formée une telle caldeira, il faut étudier des exemples historiques de formation de caldeiras d'à peu près la même taille en supposant que les éruptions se sont déroulées selon des processus voisins. Deux éruptions historiques (relativement) bien décrites ont engendré des caldeiras de dimensions voisines : celle du Pinatubo (Philippines, 1991) et celle du Katmai-Novarupta (Alaska, 1912).
L'éruption du Katmai-Novarupta est célèbre, car elle est à l'origine de la vallée des 10 000 fumées où l'on a vu pour la première fois se déposer des ignimbrites sensu stricto. L'éruption dura 4 mois, de juin à octobre 1912. Elle projeta 28 km3 de téphras, engendra la formation d'une caldeira (dimensions 3 x 4 km) à l'emplacement de l'actuel Mont Katmai. D'après les témoignages de l'époque, la formation de la caldeira eu lieu entre le 6 juin et le 21 juillet 1912. Quatre ans après l'éruption, une expédition découvrit un dôme de lave acide mis en place au centre de la caldeira. Ce dôme est maintenant immergé au fond du lac qui a rempli la caldeira.
Source - © 2013 Phil Logan, sur Panoramio, modifié
L'éruption du Pinatubo, en 1991, ressemble moins à celle du Cuicocha que celle du Katmai, car aucun dôme ne s'est mis en place dans la caldeira, mais elle est bien mieux connue, encore que le passage d'un typhon pendant la phase paroxysmale empêcha les études aériennes pendant les 9 heures de paroxysme. Elle a engendré une caldeira de 2,5 km de diamètre, et a émis environ 10 km3 de téphras. L'éruption commença en avril 1991 par des phénomènes phréatiques. Les premières émissions de magma juvénile (dacite) eurent lieu début juin avec la formation d'un dôme. À partir du 12 juin, de grosses explosions pliniennes eurent lieu, et leur effondrement sur elles-mêmes commença à donner lieu à des coulées pyroclastiques. L'éruption paroxysmique, mal étudiée à cause du passage du typhon Yunya, débuta le 15 juin vers 13h40, avec panache plinien montant jusqu'à 34 km d'altitude, coulées pyroclastiques, retombées de cendres, et nombreux lahars (à cause des fortes pluies dues au passage du typhon). Ce paroxysme explosif pris fin vers 22h30. Jusqu'en août, des explosions pliniennes récurrentes eurent lieu, empêchant toute approche de ce qu'il restait du sommet de l'ancienne montagne. L'éruption s'acheva début septembre. Le sommet de l'ancien volcan qui était en sommeil depuis au moins 5 siècles avait perdu 300 m d'altitude, et était remplacé par une caldeira de 2,5 km de diamètre. Le dôme mis en place début juin avait complètement disparu. Depuis, la caldeira est remplie d'un lac du fait des abondantes pluies intertropicales.