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Article | 19/04/2017

Visiter les grottes du Foulon (Châteaudun, Eure et Loir) avec des élèves : attention, danger... scientifique et pédagogique !

19/04/2017

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un beau site touristique, de jolis rognons de silex, de superbes géodes... mais des commentaires non scientifiques et des attentes déçues.


Un week-end de mars 2017, je suis allé visiter les grottes du Foulon, l'une des curiosités touristiques naturelles de l'Eure et Loir (28), plus précisément dans la ville de Châteaudun. En effet, le site officiel Les grottes du Foulon" contenait une description alléchante : « Grottes calcaire, naturelles, creusées il y a des millions d'années par les eaux de pluies (réseau Karstique), les Grottes du Foulon ont été habitées dès la préhistoire par l'homme du paléolithique il y a 300 000 ans. Vous y découvrirez une exposition d'outils en silex datant de l'âge de la pierre taillée et de la pierre polie, mis en place par la Société Dunoise d'Archéologie. Site géologique exceptionnel, véritable livre ouvert sur l'histoire de la Terre, les Grottes du Foulon sont les seules et uniques grottes au monde où vous pourrez observer des milliers de géodes marines géantes renfermant des empreintes d'animaux aquatiques cristallisées en quartz et en calcédoine. Vous y trouverez aussi toute la diversité du monde souterrain: grandes salles, galeries, piliers, marmites géantes, diaclase... Rarissime sur la planète: vous pourrez y observer sur tout le parcours de visite la fameuse couche KT, strate de la disparition des dinosaures sur Terre, il y a 65 millions d'années. Ces grottes nous réservent encore bon nombres de secrets à découvrir, tels ces os géants de dinosaures découverts en Août 2010, ou cette vertèbre géante découverte en juin 2011... » (texte du 10 avril 2017).


Cette grotte est située dans le Bassin Parisien à Châteaudun sur le bord du Loir dans le département de l'Eure et Loir. Si on regarde la carte géologique de la France, Châteaudun est localisé juste sur la limite entre le Crétacé supérieur et le Tertiaire. Face à une telle description faite sur le site, et au vu de la localisation, de nombreux enseignants de SVT, d'histoire-géographie… pourraient être tentés d'y amener une classe soit lors d'une "sortie locale" pour les enseignants "régionaux", soit lors d'un voyage scolaire dans le Val de Loire pour les professeurs enseignant ailleurs que dans la région Centre.


Qu'ai-je vu et qu'ai-je entendu lors de cette visite en mars 2017 ? Je vais faire des commentaires très critiques et négatifs, qu'il faudrait nuancer pour deux raisons. Première nuance : je n'ai fait qu'une seule visite, et, comme le dit le proverbe romain : testis unus, testis nullus (témoignage unique, témoignage nul). Peut-être cette visite n'était-elle pas représentative de ce qui est habituellement dit et montré. Deuxième nuance : le guide montrait (en éclairant assez rapidement avec une lampe) un certain nombre d'"objets" au plafond ou sur les parois, et les interprétait de façon que je juge parfois totalement fantaisiste. Mais je n'ai pas eu l'occasion d'examiner de près ces objets de façon approfondie, ni en direct, ni en les photographiant pour les examiner plus tard, car les photographies étaient interdites à l'intérieur de la grotte, et peut-être certaines de ces interprétations, si elles ne sont absolument pas convaincantes quand on est rapidement devant l'objet, sont-elles correctes ?

Les commentaires "oraux" du guide qui officiait le jour de ma visite étaient parfois géologiquement aberrants. Je cite trois exemples de ce qu'il vaudrait mieux ne pas faire entendre à des élèves, sauf dans le cadre d'un cours de philosophie ou de pédagogie portant sur la croyance en l'autorité, ou sur la propagation des rumeurs :

  1. L'origine des silex abondants dans la paroi, et en particulier ceux soulignant la prétendue limite K-T sont dus à la chaleur de l'impact (qui a eu lieu au Mexique). Les sédiments constitués de calcaire, de sable et de sel ont été chauffés à plus de 1000°C et ont fondu pour donner les silex. Pour nous faire apprécier cette haute température, le guide nous a rappelé qu'un four à pizza ne chauffe qu'à environ 250°C.
  2. Le guide nous montre des prétendus os géants de dinosaures au-dessus de la prétendue limite K-T. Le guide nous explique en effet que la météorite, si elle a tué les dinosaures terrestres, n'a pas tué les dinosaures marins qui ont continué à exister longtemps après (malgré la température de 1000°C ?).
  3. Le guide nous a expliqué que la Pangée existait encore il y a 65 Ma et que la dérive des continents n'avait commencé qu'après.

Le guide étayait ses propos en disant que la grotte était très fréquemment visitée par des chercheurs du CNRS (sans citer de nom de chercheur ou d'équipe de rattachement). Mais plus tard, il accusait les « chercheurs officiels dépendant du gouvernement qui les employait » de cautionner le prétendu réchauffement climatique (no comment!).

Si on fait abstraction de ces commentaires et de la description faite sur le site web de la grotte, que voit-on réellement dans la grotte du Foulon qui mériterait une visite avec des élèves ?

Il y a, à l'entrée de la grotte, quatre jolies vitrines présentant des outils préhistoriques de silex, qui sont présentés comme ayant été trouvés dans la grotte.

On voit dans les parois de craie d'innombrables rognons de silex de taille décimétriques et parfois formant de véritables couches comme un peu partout dans le Bassin Parisien (cf., par exemple, À la découverte géologique des falaises d'Étretat : de la plage du Tilleul (Antifer) à l'anse de la Valaine en Normandie, Les « livres de beurre » et les lames de silex néolithiques du Grand Pressigny (Indre et Loire) en région Centre, ou Traces de coups de pioche préhistoriques dans une minière néolithique de silex, Spiennes (Mons), Belgique dans le Sud de la Belgique). Nombre de ces silex sont géodiques, c'est-à-dire qu'ils contiennent une cavité interne nommée géode. Les parois de ces géodes sont souvent tapissées de cristaux de quartz millimétriques et/ou de concrétions de calcédoine bleutée du plus bel effet. Notons que ces géodes sont présentées comme marines, toutes les autres géodes du monde étant, d'après le guide, d'origine volcanique, ce qui est bien évidemment faux (cf., par exemple, Géodes et hydrothermalisme ou Filon de barytine, minéralisation et extension tardi-hercyniennes, carrière de Loiras, Le Bosc, Hérault). Le sédiment crayeux des parois de la grotte est certes marin, mais la genèse des silex et de leur cavité sont des phénomènes diagénétiques intra-sédimentaires qui n'ont pas lieu directement dans l'eau de mer (cf À la découverte géologique des falaises d'Étretat, présentation d'une excursion allant de la plage du Tilleul (Antifer) à la porte d'Amont (Étretat Nord)). Et de tels silex géodiques, s'ils sont rares dans les grottes ouvertes aux touristes, c'est parce que les grottes ouvertes aux touristes sont rares dans de tels niveaux à silex, et non pas parce que les silex géodiques sont rares. Ceux-ci sont très fréquents dans les silex de la craie du Crétacé du Bassin Parisien. Il suffit par exemple d'observer attentivement les galets des plages des côtes normandes entre le Havre et Cayeux-sur-Mer pour s'en convaincre.

Galet de silex géodique ramassé sur la plage d'Étretat (Seine maritime) pendant un de mes week-ends d'étudiant "parisien", il y a 43 ans

Figure 3. Galet de silex géodique ramassé sur la plage d'Étretat (Seine maritime) pendant un de mes week-ends d'étudiant "parisien", il y a 43 ans

Le galet, constitué d'un unique rognon de silex a été brisé, puis roulé par les vagues. La géode intérieure est tapissée de mamelons de calcédoine bleutée. Trouver un tel galet est assez facile : on s'assied sur les galets d'une plage normande, et on cherche. Il faut vraiment ne pas avoir de chance pour ne pas trouver au moins un galet de silex géodique au bout de 2 minutes.


Un silex géodique visible dans la grotte du Foulon

Figure 4. Un silex géodique visible dans la grotte du Foulon

Comme pour la photo précédente, les parois de la géode sont tapissées de calcédoine bleutée formant des mamelons. Mais, contrairement à la photo précédente, les "boules" de calcédoine sont ici recouvertes de microcristaux de quartz qui donne à la géode un aspect scintillant.

Image tirée de la page La grotte du Foulon (28) – Où ké ti la K-T ?.


Mais qu'en est-il de la limite K-T, des fossiles, des marmites de géants et autres objets alléchants dont parle le site officiel de la grotte ?

Les parois de la grotte ne montrent aucune caractéristique des parois karstiques, ni concrétion, ni formes d'érosion avec leur poli caractéristique... Les parois sont toutes anguleuses, comme si elles avaient été retouchées très récemment par l'homme. Ce serait d'ailleurs parfaitement logique. Ces grottes ont été de tout temps occupées. Le guide rappelle que ces grottes ont servi d'abris aux hommes préhistoriques, qu'elles ont servi de refuge au Moyen-Âge, qu'elles ont servi de carrières de pierres, de champignonnières, de dépôt de munitions allemandes pendant la Seconde Guerre Mondiale… Il est cependant possible que l'aspect très rugueux des parois et l'absence de poli dû à l'érosion-dissolution par l'eau soit simplement dû à l'érosion différentielle entre le silex très peu érodable et la craie assez tendre et pulvérulente. Cette hypothèse, plausible, n'est en aucun cas évoquée ni discutée par le guide, mais un spécialiste des karsts pourrait certainement y répondre.

Les parois de la grotte du Foulon, sans concrétion ni figure de dissolution visibles

Figure 5. Les parois de la grotte du Foulon, sans concrétion ni figure de dissolution visibles

Cette cavité est-elle l'œuvre de la seule nature ?

Image tirée de la page La grotte du Foulon (28) – Où ké ti la K-T ?.


Une marmite de géant est montrée au plafond d'une des salles. Là encore, si la salle a bien une géométrie relativement circulaire, on ne voit là non plus aucune trace d'usure ou de poli caractéristique des marmites de géant. Cela ressemble plus à un fontis débutant (cf. figures 1 et 4 de L'évolution des carrières souterraines : un exemple à Romagnat, Puy de Dôme). Là encore, un spécialiste des karsts pourrait certainement répondre à cette question : "marmite or not marmite" ?

Le "clou" géologique de la grotte qui pourrait susciter une visite avec des élèves, c'est la fameuse couche matérialisant la limite K-T, limite comprise entre le Maastrichtien terminal et le Danien basal. La présence de cette limite dans le Bassin Parisien telle qu'elle est mise en valeur dans le site web de la grotte m'avait interpellé. Il est en effet connu depuis des lustres que le Bassin Parisien était entièrement exondé il y a 66 Ma, et que le Maastrichtien supérieur comme le Danien y sont absents. La région de Châteaudun serait-elle une micro exception locale ? Les cartes géologiques au 1/50 000 et leur notice confirment cette absence de sédimentation ayant pu enregistrer la limite K-T. La carte géologique de Châteaudun indique d'ailleurs que la base des premiers sédiments tertiaires qui forment le sommet des plateaux bordant la vallée du Loir est située environ 20 m plus haut que l'altitude de la couche de craie contenant la grotte.

Localisation de la grotte du Foulon à Châteaudun sur la carte géologique à 1/50 000

Figure 6. Localisation de la grotte du Foulon à Châteaudun sur la carte géologique à 1/50 000

D'après cette carte, la grotte se situe dans les terrains d'âge Crétacé supérieur (C4) de couleur vert-jaune, environ 20 m sous la base des terrains tertiaires (e1-4) de couleur orangée. Les terrains gris-verts (Fx2… ) représentent les alluvions récentes.


Quand il n'est pas tapissé d'alluvions fluviatiles récentes, le fond de la vallée du Loir est constitué de craie du Sénonien (C4). Rappelons que le terme "Sénonien" regroupe les quatre derniers étages du Crétacé : Coniacien, Santonien, Campanien et Maastrichtien.

La notice de la carte de Châteaudun décrit ce Sénonien de la façon suivante :

C4. Sénonien (Coniacien). Craie. Dans les falaises bordant le Loir, de Châteaudun à Saint-Christophe, la craie affleure de la cote +110 à la cote +125-130, entre les terrasses alluviales longeant la rivière et les argiles à silex recouvrant le plateau. C'est une craie blanche, compacte à silex blonds ou noirs, dans laquelle sont creusées des caves troglodytes pouvant servir de champignonnières. Cette craie à Bryozoaires est datée du Coniacien-Santonien par sa microfaune :

  • Foraminifères : Gavelinlla cf. cristata, G. cf. monoliformis, Reusella cushmani, Arenobulimina.
  • Ostracodes : Cytherlla gr. ovata (Roemer), Bairdia cf. cuvillieri (Damotte). Trachyleberidia. auxquels sont associés des débris d'Ophiures, d'Échinides et de Serpules.

Elle a livré une faune de Brachiopodes et de Lamellibranches qui ont confirmé son âge sénonien, parmi lesquels nous pouvons citer : Rhynchonella cf. plicatilis Sow, R. vespertilio Brocchi, Neithea cf. quadricostata Sow.

Ce Sénonien est surmonté d'argiles à silex (e1-4) résultant de l'altération et de la dissolution de la craie à silex du Crétacé supérieur. Il est décrit de la façon suivante :

Son faciès habituel, et de loin le plus fréquent, est : une argile brune, à ocre rouillé, à passées charbonneuses ou ferrugineuses rouge sombre, contenant des silex colorés anguleux à émoussés. Mais dans les régions de Châteaudun et de Bonneval, l'argile à silex est très blanche avec des marbrures bleu sombre, rose pâle et rouge brique ; elle contient des silex noirs branchus.

Les argiles à silex sont surmontées localement de marnes lacustres lutétiennes, et des calcaires de Beauce (Aquitanien lacustre).

La notice de la carte de Châteaudun insiste bien sur le retrait définitif de la mer avant la fin du Crétacé :

Au Sénonien, la mer, qui occupait le centre du Bassin de Paris, n'était plus bordée que par des reliefs usés, peu battus par les courants, et la sédimentation pélagique l'emporte sur la sédimentation détritique, déposant partout la craie blanche à silex. Dès « l'Emschérien » [= Sénonien inférieur], la mer se retire vers le Nord, et à « l'Aturien » [= Sénonien supérieur] il n'existe plus qu'un golfe allongé allant d'Orléans à Lille. L'absence du sommet du Maestrichtien et de tout le Danien atteste une longue période d'émersion qui marque la limite du Crétacé et du Tertiaire dans le Bassin de Paris. La craie mise à nu, soumise aux érosions atmosphériques, donne par altération l'argile à silex.

La transgression tertiaire de la mer du Nord, qui débute au Montien et s'intensifie au Thanétien, n'a pas atteint notre région, la mer s'arrêtant au Nord de Paris.

À défaut de voir la fameuse couche riche en iridium puisqu'il n'y avait pas de sédimentation à cette époque dans la région, je m'attendais à trouver une cavité karstique (genre fond de puits ou d'aven) remplie d'argiles d'âge tertiaire. On n'aurait pas la fameuse couche correspondant à la « limite K-T », mais on verrait bien du Tertiaire reposant sur du Crétacé. Et que voit-on au niveau de ce que le guide nous présente comme la fameuse « couche limite K-T » ? Un niveau de silex, peut-être plus continu que les autres, mais surmonté de craie à silex et non pas des argiles tertiaires. Et, à moins de découvertes récentes de microfossiles daniens dans la craie juste au-dessus de ce lit de silex, découverte dont je n'ai pas connaissance et dont ne parle absolument pas le guide, ce qu'on voit sur place est tout à fait conforme à ce que montre la carte géologique de Châteaudun : la grotte semble entièrement creusée dans la craie à silex du Crétacé supérieur, avec un peu de craie sans silex au niveau du plancher de la grotte, le tuffeau (cf., par exemple, Craie tuffeau et cavités troglodytiques du Val de Loire ), tuffeau qui a d'ailleurs été exploité dans la grotte comme l'indique le guide, ce qui fait douter du caractère naturel des parois au-dessus du tuffeau.

Si vous voulez vraiment faire voir la couche ayant enregistré le passage K-T à des élèves, le plus facile pour des Français métropolitains, c'est d'aller en Pays Basque (Les trois plus beaux affleurements de la limite K-T en Pays Basque : Bidart, Baie de Loya et Zumaia).

Couche de rognons de silex jointifs formant un niveau continu, Châteaudun

Figure 7. Couche de rognons de silex jointifs formant un niveau continu, Châteaudun

Cette couche est surmontée de craie à silex, et ne semble en aucun cas correspondre à la fameuse couche K-T riche en iridium.


Les autres "attraits" de cette grotte telle que l'indique son site et qui pourrait justifier une visite avec des élèves (« des empreintes d'animaux aquatiques cristallisées en quartz et en calcédoine, des os géants de dinosaures découverts en Août 2010… ») valent-ils une visite ?

Le guide nous montre des structures tubulaires horizontale, de la longueur et de la grosseur d'une jambe. Ces structures sont présentées comme des coraux géants ; ils sont situés au-dessus de la prétendue limite K-T. Sous réserve d'un examen plus approfondi impossible lors d'une visite guidée, ces "tubes" ressemblent plus à des terriers de grandes tailles (par exemple Bathichnus paramoudrae , cf figure 27 de Le Coniacien (Crétacé supérieur) de la région d'Étretat, du Fond d'Étigue à la Porte d'Amont) qu'à d'énigmatiques coraux géants.

Le guide montre aussi de nombreux silex ayant, dit-il, emprisonné des fossiles marins, maintenant "visibles" sous forme d'une cavité géodique ayant gardé la forme de l'animal initial. La silicification à l'origine des silex a très souvent comme points de départs des terriers et/ou des fossiles, terriers ou organismes servant de germe de nucléation. Éponges et oursins transformés en silex abondent dans la craie du Bassin Parisien (cf., par exemple, La Madone des oursins et des silex, cité souterraine de Naours, Somme). Trouver des silex ayant "entouré" des organismes vivant dans la mer de la craie, pourquoi pas. On nous montre ainsi des cavités en forme de moule ou d'huitre, des cavités allongées en forme de couteau (le coquillage). Dans ces deux derniers cas, c'est peu évident vu de loin, mais pas impossible. On nous a montré aussi une géode en forme de coraux branchus ; ce serait étonnant, la mer de la craie n'étant pas du tout le milieu de vie des coraux.

Géode interne à un galet de silex et présentée comme un fossile de corail branchu

Figure 8. Géode interne à un galet de silex et présentée comme un fossile de corail branchu

On peut proposer que ce sur quoi a crû le silex soit plutôt un terrier ramifié (cf. figure 9 dans À la découverte géologique des falaises d'Étretat : de la plage du Tilleul (Antifer) à l'anse de la Valaine) qu'un corail, la mer de la craie n'étant pas du tout le milieu de vie des coraux. Personnellement, j'y aurais plus vu un fossile de fantôme.

Image tirée de la page La grotte du Foulon (28) – Où ké ti la K-T ?.


On nous a aussi montré une cavité géodique interne à un silex qui nous a été présentée comme la trace d'un fossile d'hippocampe. Mais le plus vieux fossile connu du groupe auquel appartient l'hippocampe (les Syngnathidae) date de 48 à 50 Ma (Éocène, soit 15 Ma après la limite K-T) et que les plus vieux hippocampes dateraient de l'Oligo-miocène. Si c'était vrai, un fossile d'hippocampe d'environ 65 Ma serait une grande première mondiale et devrait intéresser les spécialistes.

Il faut aussi savoir que la croissance des rognons de silex au sein du sédiment en cours de diagenèse peut certes mouler des structures pré-existantes, mais aussi prendre des formes aléatoires. Et, si on a des milliers de formes aléatoires, forcément, certaines ressembleront à quelque chose. En témoigne la photographie ci-dessous d'une petite falaise de craie située dans le village troglodytique de Troo (dans le département voisin du Loir-et-Cher et au bord de la même vallée du Loir, 50 km à l'aval de Châteaudun). Dans cette petite falaise coexistent un silex en forme de crâne de bœuf et un autre en forme de fémur lui aussi de bœuf. Mais il n'y avait pas de vache, pas plus que d'hippocampe, au Crétacé supérieur !


Le guide nous a montré aussi ce qu'il a présenté comme deux os de bonne taille, « os géants de dinosaures » et « vertèbre géante » dit le site web de la grotte en avril 2017. Ces "os" sont environ 2 m au-dessus de la prétendue limite K-T, donc ne sont pas des dinosaures, car tous les dinosaures non aviens, même les dinosaures marins, ont disparu il y a 66 Ma, contrairement à ce que dit le guide. Il se pose alors un double problème : (1) soit ce sont des os, soit ce n'en sont pas, et (2) soit on est dans le Crétacé, soit dans le Tertiaire. Si ce ne sont pas des os, mais des silex à forme particulière (comme le "crâne" et les "os" de bovidés de la figure précédente), il n'y a plus de problème. Je n'ai pas pu trancher "os ou pas os" simplement en regardant d'assez loin ces formes et étant dans l'impossibilité de les étudier de près, mais je serais prêt à parier qu'il s'agit de rognons de silex aux formes particulières.

Si ce sont des os d'âge crétacé, ce pourrait être, par exemple, des os de Mosasaure, reptiles géants (mais non dinosauriens) qui ont vécu jusqu'au Crétacé supérieur et dont on trouve parfois des ossements dans la craie, en particulier dans le Crétacé affleurant en Hollande et en Belgique ("mosasaure" signifie lézard de la Meuse) et qu'on peut voir dans des carrières de craie des environs de Mons. Alors, bones or not bones ?. Dans l'impossibilité de répondre formellement, il faut toujours se rappeler qu'une convergence morphologique entre un "objet naturel" et un organisme biologique n'est en aucun cas une preuve qu'il s'agisse d'un fossile. En témoigne ces deux objets de tailles différentes et qui ne sont pas sans rappeler morphologiquement certains organes humains (cf. Cheveux de Pelé et figure 13 dans Du volcanisme actif, ou très récent, sur Vénus ?).

Os d'une nageoire de mosasaure dans de la craie du Crétacé supérieur des carrières souterraines de la Malogne, environs de Mons (Belgique)

Figure 10. Os d'une nageoire de mosasaure dans de la craie du Crétacé supérieur des carrières souterraines de la Malogne, environs de Mons (Belgique)

Les deux os (probablement un radius et un cubitus) mesurent environ 20 cm de long. Ces véritables fossiles d'os photographiés en Belgique ne ressemblent absolument à ce qu'on nous montre dans le Crétacé supérieur de la grotte du Foulon.


Alors, est-il souhaitable de venir avec des élèves visiter les grottes du Foulon ?

Si vous passez dans la région à titre individuel, ce qui mérite une visite, c'est la beauté de ses géodes de calcédoine bleutée et de quartz, pas plus belles qu'à Étretat, mais plus nombreuses, et dans des silex en place dans leur "gangue" de craie. Mais les silex géodiques ne sont ni une part majeure des programmes, ni même une part annexe. Si on y va, ce n'est que pour leur beauté, pas pour leur géologie.

Mais à côté de cet intérêt géologico-esthétique ? Ce que j'ai vu (après une visite et un guide uniques il est vrai) n'est absolument pas convaincant, et ce que j'ai entendu est souvent faux. Il faudrait éviter que des élèves entendent de la bouche d'un "détenteur de l'autorité sans contradicteur" (le guide qui mène sa visite) que tous les dinosaures non aviens ne sont pas morts il y a 66 Ma, que l'impact de Chixulub a élevé la température de la surface de la Terre de plus de 1000°C (même ici à plusieurs milliers de kilomètres du point d'impact !), que la dérive des continents a commencé après cette fin des dinosaures non aviens…

Si vous envisagez un voyage scolaire dans la région, allez auparavant vous rendre compte par vous-même si ce que j'ai vu et entendu lors de cette unique visite n'était dû qu'à une visite par hasard très mal "organisée" ce jour-là, ou à une méconnaissance plus profonde de la géologie de la part des propriétaires de la grotte.