Image de la semaine | 01/09/2014
Les « livres de beurre » et les lames de silex néolithiques du Grand Pressigny (Indre et Loire)
01/09/2014
Résumé
Exploitation ancienne du silex des calcaires turoniens : abondance d'éclats et nucléus résiduels et dissémination de lames de silex en Europe de l'Ouest.
On voit très bien, sur le nucléus, l'empreinte des lames qui en ont été extraites par la méthode dite « Levallois ».
Lame provenant du Musée de la Préhistoire du Grand Pressigny.
Il existe des dizaines de sites de taille de silex (paléolithiques ou néolithiques) dans toute l'Europe de l'Ouest. Pour terminer l'année universitaire 2013-2014, nous vous avons présenté l'un des plus fameux de ces sites, le site de silex de Spiennes en Belgique. Pour commencer l'année universitaire 2014-2015, nous vous présentons le plus productif des sites de taille de silex, celui qui exportait sa production à plus de 1000 km : celui du Grand Pressigny dans l'Indre et Loire, à 55 km au Sud de Tours et à 20 km de l'autoroute Paris-Bordeaux. Ces silex forment des nodules dans la craie du Turonien (Crétacé supérieur), craie plus ou moins riche en silex et qui affleure largement dans la région (cf. Craie tuffeau et cavités troglodytiques du Val de Loire et Quand le "salpêtre" attaque la craie tuffeau sur des sculptures historiques du XVIème siècle ). Depuis le XIXème siècle, des milliers de nucléus de silex (avec souvent des lames entières ou fragmentées au voisinage) étaient ramassés dans les champs et la terre du secteur. Toutes les collections de la deuxième moitié du XIXème et de la première moitié du XXème siècle en possédaient. Les nucléus étaient particulièrement abondants et ont fait la réputation du site. Parce qu'ils avaient la forme des mottes de beurre d'une livre que les agriculteurs de l'époque moulaient avant leur vente, ces nucléus étaient couramment appelés « livres de beurre ». Les lames de silex étaient extraites du nucléus par la méthode dite « Levallois ». Cette méthode consiste à frapper "judicieusement" l'une des faces d'un bloc de silex (ou autre roche homogène) pour faire partir un éclat sur la face opposée à qui l'on avait précédemment donné une courbure convexe. Bien que les silex turoniens du secteur aient été utilisés dès le Paléolithique, ce qui fait la célébrité du Grand Pressigny, ce sont ses lames et ses nucléus. Ces lames en silex taillés datent du Néolithique (3ème millénaire avant notre ère). Elles ont donc été fabriquées, utilisées et exportées (jusqu'à plus de 1000 km de distance) par une civilisation sédentaire, pratiquant l'agriculture, utilisant le polissage des pierres et maîtrisant les techniques de la poterie et de la céramique. Les lames de silex pouvaient encore être utilisées pour leur nature particulièrement tranchante, en particulier pour couper les céréales et autres graminées dont les tiges sont très dures, car riches en silice. Il semble aussi que les plus grandes lames de silex du Grand Pressigny étaient utilisées comme objet de prestige ; avoir et exhiber la plus longue était signe de réussite, un peu comme exhiber certaines voitures ou marques de montre connues constituent, de nos jours, un signe de réussite.
Figure 2. L'autre face du nucléus de la figure précédente Aucune lame n'a été extraite de cette face. | |
Source - © 2010 H. Maertens Figure 5. Deux moules à livre de beurre, utilisés jusqu'au début du XXème siècle pour mouler 500 g de beurre Comme indiqué sur le site des collections de la Préhistoire des musées de la région Centre d'où est extraite cette photo : « les parois internes crénelées et les traces de la spatule qui servait à lisser la surface du beurre sont à l'origine du nom livres de beurre donné aux nucléus qui résultent du débitage des longues lames en silex qui font la célébrité de la région du Grand-Pressigny ». | Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny Ces nucléus servaient, entre autres, à aménager des bordures de jardin. |
Depuis 2009, un très intéressant Musée de la Préhistoire a été ouvert au Grand Pressigny. Les collections du musée, bien mises en valeur, bien commentées et clairement "expliquées", sont centrées sur les trouvailles faites dans la région du Grand Pressigny du Paléolithique au Néolithique récent, mais pas seulement. Lames et livres de beurres du Néolithique (surtout du 3ème millénaire avant notre ère) sont le « clou » des expositions. En prime, les collections sont installées dans les caves et les salles d'un château datant des XIIème au XVIème siècles, qui est en lui-même intéressant, et dont les anciennes douves, accessibles, montrent des silex bruts in situ . Nous ne saurions que conseiller à tous les amateurs de Préhistoire passant en région Centre d'y faire un détour, et aux enseignants de cette région d'y amener leurs élèves.
Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny Figure 7. Conteneur en grillage plein de « livres de beurre » Ce gabion rappelle l'abondance des nucléus dans les environs du Grand Pressigny. | Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny D'autres lames de silex sont disposées à côté de la « livre de beurre » reconstituée. |
Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny | Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny Figure 10. « Livres de beurre » et lames de silex |
Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny Figure 11. Vitrine présentant plus de 30 lames de silex La plus grande des lames trouvées dans le secteur mesure 38,5 cm de long. | Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny |
Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny Figure 13. Vitrine exposant 2 « livres de beurres », des lames de silex et des fragments de poteries Cette vitrine rappelle que ces nucléus et ces lames de silex datent en majorité du Néolithique (également appelé « âge de la pierre polie »). Ces objets en silex taillés ont donc été fabriqués et utilisés par une civilisation sédentaire, pratiquant l'agriculture, utilisant le polissage des pierres et maîtrisant les techniques de la poterie et de la céramique. Les lames de silex pouvaient encore être utilisées pour leur côté particulièrement tranchant, en particulier pour couper les céréales et autres graminées dont les tiges sont très dures, car riches en silice. Il semble aussi que les plus grandes lames de silex du Grand Pressigny étaient utilisées comme objet de prestige ; avoir et exhiber la plus longue était signe de réussite, un peu comme exhiber certaines voitures ou marques de montre connues constitue, de nos jours, un signe de réussite. | Source - © 2013 Pierre Thomas / Musée du Grand Pressigny La répartition de ces sites est bien plus vaste que celle des silex de Spiennes qui ne s'exportaient "que" sur une centaine de kilomètres autour des mines et des centres de tailles. |
Figure 17. Paroi des anciennes douves du château du Grand Pressigny Sous le mur, on voit affleurer le calcaire turonien (craie tuffeau) avec un très beau lit de silex. | |
Figure 20. Localisation du Grand Pressigny, Indre et Loire (punaise verte) sur fond de l'Europe de l'Ouest Les mines de silex de Spiennes, Belgique, sont indiquées par une punaise rouge. |