Article | 15/09/2010
À la découverte géologique des falaises d'Étretat : de la plage du Tilleul (Antifer) à l'anse de la Valaine
15/09/2010
Résumé
Excursion d'Antifer à Étretat, première partie.
Table des matières
- Station 1 : Panorama de la plage Sud du Tilleul [49,69581°N, 0,17888°E]
- Station 2 : Le contact Cénomanien / Turonien [49,69278°N, 0,17613°E]
- Station 3 : Les craies sans silex à Inoceramus [49,69446°N, 0,17815°E]
- Station 4 : Les craies à silex à Conulus subrotundus [49,69487°N, 0,17865°E]
- Station 5 : Chondrites et hardgrounds Tilleul [49,6967°N, 0,180638°E]
- Station 6 : La faille du Tilleul Est [49,6963°N, 0,179719°E]
- Station 7 : La Pointe Percée [49,697°N, 0,180705°E]
- Station 8 : La dolomie d'Étretat [49,69740°N, 0,18119°E]
- Station 9 : Les silex Southerham [49,69785°N, 0,18168°E]
- Station 10 : Le panorama au SW de la Pointe de la Courtine [49,69887°N, 0,18209°E]
- Station 11 : Le panorama de l'anse de Valaine [49,69977°N, 0,18391°E]
Après une première excursion consacrée à l'étude du Coniacien de la région d'Étretat, du Fonds d'Étigue à la Porte d'Amont, une deuxième excursion est ici présentée. Avant d'attaquer la description des stations, une présentation générale de cette excursion couvrant la côte située entre la valleuse d'Antifer (ou du Tilleul) et la Porte d'Amont permet de présenter des aspects géologiques régionaux et de traiter d'aspects concrets liés à l'excursion (accès, difficultés).. Après une présentation générale, la description des stations est scindée en deux parties : de la valleuse du Tilleul à l'Anse de la Valaine (cet article), puis de l'Anse de la Valaine à la Porte d'Amont, pour finir.
Une excursion virtuelle Antifer-Étretat via Google Earth est proposée sous forme de fichier kmz.
Station 1 : Panorama de la plage Sud du Tilleul [49,69581°N, 0,17888°E]
Géomorphologie actuelle
Pour arriver à la plage du Tilleul, le chemin suit l'axe de la valleuse d'Antifer. Une valleuse est un terme local qui désigne un vallon généralement sec (c'est-à-dire sans écoulement superficiel permanent) qui aboutit au littoral.
Les vallons du plateau du Pays de Caux ont été creusés principalement au cours du dernier épisode glaciaire (Würm dans les Alpes ou Weichsélien dans le Nord de l'Europe, approximativement de -90 000 à -12 000 ans BP) alors que les falaises reculent essentiellement depuis notre interglaciaire holocène sous l'effet de l'élévation du niveau des océans.
Certaines des valleuses se raccordent au niveau de l'estran, mais généralement leur fond est recoupé par la falaise, de telle sorte qu'on parle de « valleuse suspendue ». L'altitude du raccordement est variable. Le ruissellement a souvent surcreusé l'aval de la valleuse en formant une « entaille d'adaptation » qui elle-même a été retravaillée par l'homme pour permettre un accès facile à la mer. C'est le cas de la valleuse d'Antifer.
De ce point de vue, on remarque que la plage du Tilleul est enfermée dans une anse comprise entre deux caps : au Nord-Est, la Pointe de la Courtine qui forme une avancée très nette d'environ 180 mètres et, au Sud, la Pointe du Fourquet, moins franche et bordée de gros éboulis.
Deux ensembles géomorphologiques majeurs façonnent l'estran : une forme d'accumulation en partie haute, le cordon de galets et une forme d'abrasion en partie basse, le platier.
L'accumulation des galets est sous la dépendance des vagues (houle déferlante), elles-mêmes modulées par l'onde de marée. Le centre de gravité de la masse des galets est déporté vers le haut de plage en période de vives eaux et lorsque le fetch (surface de la mer exposée librement à la friction du vent) est maximal (tempêtes d'hiver). Le profil transversal enregistre ces épisodes énergétiques par des ruptures de pente et la base de la falaise sera diversement recouvert à différentes périodes de l'année. Lorsque le tracé de la côte est rectiligne, le mouvement alternatif en dents-de-scie des galets entraîne une dérive littorale. Le sens de cette dérive dépend de l'orientation du littoral par rapport à la direction de déferlement des houles dominantes. À l'Est du Cap d'Antifer (donc à Étretat), la dérive est dirigée vers l'Est, alors qu'à l'Ouest du Cap d'Antifer (donc de Saint Jouin au Havre), elle est dirigée vers le Sud-Ouest. Dans la région d'Étretat, la dérive est contrecarrée par la présence de caps qui bloquent les galets et qui délimitent des cellules dans lesquelles les galets sont recyclés. Les petites criques comme celle du Tilleul ou celle adjacente du Fourquet ont de petits galets bien ronds et bien usés, plus agréables aux pieds des baigneurs que ceux de la plage du Havre. Du fait de la dérive littorale, la plage du Tilleul s'engraisse vers le Nord-Est, alors qu'elle s'amenuise en direction de la Pointe du Fourquet, laissant place à un large platier nu ou parsemé de gros blocs.
Jusqu'en 1975, les galets de la Côte d'Albâtre furent ramassés et exploités pour différents usages (broyage, fabrication du verre, adjuvant chimique, abrasif, charge de peinture). L'extraction a conduit à une diminution de la moitié environ du stock de galets, donc à un affaiblissement du rôle d'atténuateur de houle du cordon littoral et à un recul plus important des falaises. Cette activité est commémorée par la statue du rond-point de Saint-Jouin ou par la « grotte à galets » de la valleuse de Bruneval. La muraille Ouest de la Pointe de la Courtine est perforée de plusieurs galeries, bien visibles de notre point de vue. Elles servaient à déverser les galets dans des barges amenées à marée haute.
Second ensemble morphologique, le platier représente la partie rocheuse de l'estran découverte à basse mer. Contrairement au cordon de galets, cette zone est colonisée par une faune et une flore abondantes. Selon l'altitude et donc selon la durée d'émersion à basse mer, une zonation peut être faite selon 5 étages :
- La « zone blanche », juste sous les galets qui par leur mouvement érodent la craie. Les ulves ou les entéromorphes sont les seules algues qui arrivent à s'y fixer. Les patelles viennent brouter la pellicule d'algues unicellulaires en y laissant leur trace méandriforme, accompagnées de bigorneaux et de balanes.
- La « zone du lapiaz à Cyanophycées endolithes » avec une surface rugueuse couverte de crêtes coupantes, parsemée de vasques peuplées d'anémones de mer.
- La « zone du lapiaz à Polydora et Cyanophycées » où apparaissent les Annélides perforantes.
- La « zone à Fucus et Lithothamnium » où commencent à se creuser des rainures parallèles à la pente, relayées vers le bas par des échancrures plus profondes, appelées « carniaux » localement . Ces crevasses en limite de basse mer, balayées par des courants de vidange de marée, abritent bouquets et homards.
- La « zone des grands perforants et des laminaires ».
Au niveau de la plage du Tilleul, l'accumulation de galets masque les zones supérieures qu'on observera ultérieurement au cours du circuit.
Différents types de stratification
Dans la falaise qui part de la valleuse d'Antifer en direction de la Pointe du Fourquet, nous pouvons suivre les couches du regard.
Dans la partie inférieure de la falaise, la stratification est plane. Le pendage apparent est très faible. En direction du SW, les couches s'élèvent progressivement, de telle sorte qu'on observe des couches de plus en plus anciennes.
Dans la partie moyenne de la falaise, la stratification est ondulée, dessinant une série de monticules et de cuvettes.
Dans la partie haute de la falaise, les ondulations se poursuivent en s'atténuant.
Station 2 : Le contact Cénomanien / Turonien [49,69278°N, 0,17613°E]
Silex et hardgrounds
À la base de la falaise, on peut suivre un niveau de silex épais et continu (appelé ici silex Antifer), épigénisant un réseau de terriers horizontaux. Le cœur (ou nucleus) de ce silex est noir, alors que la partie externe (ou cortex) est grise et poreuse. C'est l'avant-dernier niveau de silex du Cénomanien car après, sur plusieurs mètres, les silex seront absents.
Au-dessus, on remarque 3 hardgrounds majeurs, dénommés HG Antifer 1, 2 et 3, dont l'ensemble constitue la formation de la « Craie d'Antifer ».
La surface supérieure du HG Antifer 1 est une surface d'érosion, recouverte d'une marne glauconieuse à graviers verts, c'est l'équivalent de la base des « Marnes à plenus » [de Actinocamax plenus, Bélemnite, Céphalopode] du Cénomanien supérieur, ou encore la limite entre la zone à Calycoceras guerangeri et la zone à Metoicoceras geslinianum [Ammonites] [Ammonite].
Le HG Antifer 2 appartient pleinement à la zone à M. geslinianum. Il est également limité par une surface d'érosion verdie, à laquelle succède, 20 cm au-dessus, une marne grise glauconieuse (niveau noté Jumel sur la photo). La condensation maximale semble être à ce niveau. Le foraminifère Rotalipora cushmani disparaît au-dessus de ce hardground.
Le HG Antifer 3 résulte de la coalescence d'au moins 3 hardgrounds élémentaires. Son sommet correspond au sommet des « marnes à plenus », c'est-à-dire la zone à Metoicoceras gourdoni [Ammonite].
Le passage Cénomanien - Turonien
La base du Turonien est normalement fixée à l'apparition de l'ammonite Watinoceras devonense, espèce qui n'a pas été trouvée dans cette coupe. Les première ammonites, assurément du Turonien inférieur (Fagesia sp., Mammites sp.) ont été trouvées dans les premiers mètres de la craie noduleuse sus-jacente.
Inoceramus pictus [Inocérames : groupe fossile de Mollusques Bivalves ressemblant à de grandes Huîtres] est présent, mais il couvre le Cénomanien terminal et le Turonien inférieur.
Station 3 : Les craies sans silex à Inoceramus [49,69446°N, 0,17815°E]
Le faciès des craies noduleuses
Sur une épaisseur d'environ 7 mètres, se déposent des craies noduleuses sans silex. Elles constituent le membre inférieur (alias « Craie noduleuse du Cap Fagnet ») de la formation de la « Craie du Tilleul ».
La partie inférieure est une craie noduleuse dure se détachant mal du harground Antifer 3.
La partie moyenne est une craie noduleuse tendre séquentielle, avec plusieurs niveaux marneux bien marqués. Le niveau noté ici m5 pourrait être équivalent à la marne Gun Gardens ou Lulworth en Angleterre.
La partie supérieure est de nouveau plus dure et s'y détachent 2 niveaux de hardground (HG Fagnet 1 et 2). Sous le HG Fagnet 1 apparaît un niveau de nodules siliceux disséminés.
Les hardgrounds supérieurs, lorsqu'ils sont lavés dans la zone blanche du platier, montrent fréquemment les grandes ammonites Mammites nodosoides.
Les craies sans silex représentent vraisemblablement l'épisode le plus chaud et de plus haut niveau marin, ce qui a entraîné un éloignement temporaire des continents et une plus faible concentration en silice dissoute.
Station 4 : Les craies à silex à Conulus subrotundus [49,69487°N, 0,17865°E]
L'épigénie des terriers à Thalassinoides
Au-dessus des craies sans silex apparaissent assez brutalement des cordons de silex, soit bien stratifiés (4 ou 5 niveaux) soit plus ou moins dispersés. En section, ils sont formés à partir d'une tubulure, vestige d'un terrier horizontal se subdivisant en branches en formes de Y ou de T. Ici en coupe verticale, ce n'est pas visible, mais ces terriers s'anastomosent dans le plan horizontal pour former un réseau vaguement hexagonal (ces silex, descendus au niveau de l'estran à l'Est de la Manneporte, montreront ce type de structure). Quand la densité de terriers est grande, la silicification forme une couche de silex quasi-continue avec une surface supérieure dessinant des circonvolutions. Cette trace fossile (ou ichnofossile) est désignée sous le nom de Thalassinoides et on l'attribue généralement à des crustacés décapodes.
Station 5 : Chondrites et hardgrounds Tilleul [49,6967°N, 0,180638°E]
Des Chondrites silicifiés
On refranchit l'entaille de la valleuse d'Antifer, que l'on dépasse de 95 mètres pour arriver sur un petit cap creusé d'une courte galerie (La Pointe Percée).
À la base, souvent masqués par le cordon de galets, 2 ou 3 niveaux de hardgrounds correspondent au sommet des craies à Thalassinoides décrites précédemment. Puis, sur environ 50 cm d'épaisseur, la craie est traversée par un réseau branchu de tubulures de faible diamètre (inférieur à l'auriculaire). Celles-ci sont entièrement silicifiées, ce qui n'est pas le cas à l'Est de Fécamp (Val Saint Nicolas) où elles sont remplies de craie plus sombre. Elles s'apparentent à la trace fossile Chondrites, due à un animal « mangeur de boue » inconnu. Le terrier, initialement laissé ouvert par son occupant, a dû être rempli secondairement par de la boue provenant de dessus.
Cette trace fossile correspondrait à une profondeur plus forte et à des eaux de fond pauvres en oxygène.
Des hardgrounds glauconieux et phosphatés
Au-dessus de la craie à Chondrites, la craie devient rapidement noduleuse et dure. Deux hardgrounds glauconieux (HG Tilleul 1 et HG Tilleul 2), limités chacun par une surface d'abrasion, se succèdent dans un intervalle de moins d'un mètre. Des terriers d'un diamètre supérieur à 2 cm, aux parois recouvertes d'un enduit glauconieux, s'y recoupent. Les particules crayeuses de ces hardgrounds sont recristallisées ou recimentées, donc l'ensemble HG Tilleul 1 et HG Tilleul 2 est particulièrement résistant à l'abrasion marine et contribue à édifier un cap lorsque son altitude correspond à celle du balancement des marées.
Station 6 : La faille du Tilleul Est [49,6963°N, 0,179719°E]
Tectonique cassante
On prend un peu de recul par rapport à la falaise, en revenant vers l'axe de la valleuse. Le pendage apparent des couches de craie est orienté vers la gauche (vers le Nord-Est). Au-dessus de la galerie, on distingue nettement des craies brun orangé (dolomies p.p.) interstratifiées dans des craies blanches. Vers la droite, elles se décalent vers le haut d'environ un à deux mètres. Il s'agit d'une faille dont la direction N50 (peu fréquente) est oblique par rapport à la direction de la falaise, comme l'indique le tracé apparent sinueux.
Station 7 : La Pointe Percée [49,697°N, 0,180705°E]
Une morphologie sous-marine
Le HG Tilleul 2 est facilement identifiable vers la base de la falaise. Son pendage vers l'Est est faible et sa surface est globalement plane. Au-dessus, l'épaisseur des couches est variable. La galerie est percée dans des craies à petits silex, d'une épaisseur d'environ 2 mètres. Celles-ci disparaissent presque entièrement vers la gauche, à moins de dix mètres de distance. Ce biseau constitue le flanc Nord-Est d'un monticule sous-marin. Les lits de silex soulignent le mode de croissance graduelle de ce relief. Le taux de croissance localement plus élevé entraîne le développement d'un bombement positif.
Un événement volcanique, la marne Jambourg-Southerham
À mi-hauteur de la falaise de la Pointe Percée, la stratification est soulignée par une encoche indiquant la présence d'un niveau tendre. Ce niveau n'est pas accessible ici, mais son intérêt est grand car il s'agit d'une marne cinéritique (indiquant un événement volcanique) qui servira de repère à plusieurs reprises au cours du trajet.
Une marne flaser
On contourne la Pointe Percée vers le Nord-Est, tout en suivant le HG Tilleul 2. Au niveau de l'abri sous roche, on peut escalader la petite plate-forme et marcher directement sur le sommet du HG Tilleul 2. À environ 50 cm au-dessus, on remarque une craie entrelardée de filets marneux ondulés, dite à structure flaser, ou structure flammée du fait de l'aspect en flammèches des laminations marneuses.
L'alternance craie/marne nécessite des apports successifs de craie et de marne, sur un fond sous-marin irrégulier et ridé. Les marnes ont tendance à s'accumuler dans les portions concaves. Des déformations postérieures au dépôt altèrent leur régularité, principalement dues aux effets combinés du fluage lors de la compaction, à la bioturbation et à la dissolution des lits calcaires.
Au niveau des monticules, on dénombre plusieurs horizons à texture flaser, mais le plus riche en marne est le premier au-dessus du HG Tilleul 2. Il est assimilé à la bentonite « Glynde 1 » en Angleterre.
Les craies à silex cornus
Les monticules crayeux qui se développent au-dessus du HG Tilleul 2 sont assez riches en silex. Ces silex sont stratifiés, mais ne forment qu'exceptionnellement un niveau continu. Ils sont généralement isolés les uns des autres, de taille décimétrique, d'une forme irrégulière hérissée de petites cornes. Une certaine proportion ont la forme d'une colonnette cylindrique légérement évasée vers le haut, d'une vingtaine de centimètres de hauteur, ceinturée par une crête hélicoïdale. Ces formes s'apparentent à la trace fossile Zoophycos.
Station 8 : La dolomie d'Étretat [49,69740°N, 0,18119°E]
Si vous avez bien repéré le niveau marneux Jambourg-Southerham, suivez-le latéralement en vous déplaçant vers la Pointe de la Courtine. C'est un bon guide pour apprécier les ondulations du fond sédimentaire. Après la Pointe Percée, il se dessine une cuvette, puis un autre monticule. Les observations suivantes se font vers le fond de la cuvette.
Dolomitisation de la craie
À environ 1 mètre sous le niveau Jambourg, les strates crayeuses prennent une teinte brun orangé, leur consistance devient pulvérulente et des cavités karstiques s'y creusent par endroits. Il s'agit d'un phénomène de dolomitisation de la craie, c'est-à-dire la substitution partielle du carbonate de calcium (CaC03) primitif par la dolomite (CaMg(CO3)2). Une telle transformation est due à la percolation de saumures enrichies en Mg2+ au travers d'un sédiment encore suffisamment perméable. L'origine du fluide reste encore problématique. Il pourrait provenir de lagunes sursalées (sebkhras) en bordure littorale où la précipitation de la calcite et du gypse aurait appauvri le liquide en ion Ca2+. Il aurait ensuite gagné les cuvettes peu profondes par densité et y aurait stagné en imprégnant la boue.
Ici, mais aussi à plusieurs reprises au cours du trajet, on observera cet horizon dolomitique, désigné comme « dolomie d'Étretat ». Il n'est pas constant latéralement et se développe préférentiellement au fond des cuvettes ou sur le flanc inférieur des monticules. La dolomitisation se propage plus ou moins profondément, pouvant atteindre 2 à 3 mètres d'épaisseur.
les brèches dolomitiques
Dans les craies les plus intensément affectées par la dolomitisation, leur transformation en profondeur s'est accompagnée d'une réduction de volume. Les couches supérieures, pouvant être déjà consolidées, ont subi un "appel au vide" qui les a fragmentées, puis effondrées dans la boue dolomitisée.
Le résultat donne une brèche à matrice dolomitique. Les éléments inclus sont fréquemment des blocs de hardground dont les nodules ont résisté à la dolomitisation.
Station 9 : Les silex Southerham [49,69785°N, 0,18168°E]
Silex de Southerham et monticules
On se place maintenant face au sommet du monticule. L'épaisseur de la craie à silex cornus est la plus forte et dépasse 4 mètres. Au-dessus apparaissent 3 niveaux de silex bien marqués et semi-continus, de type Thalassinoides. En Angleterre, comme à l'Est de Senneville-sur-Fécamp dans le Pays de Caux, de tels gros silex sont présents sous la marne Southerham et appelés « silex Southerham ». Les craies associées sont dolomitisées, mais moins intensément que dans les cuvettes. On retient de cet affleurement que les silex Southerham ne sont préservés que dans les monticules et disparaissent dans les cuvettes.
Station 10 : Le panorama au SW de la Pointe de la Courtine [49,69887°N, 0,18209°E]
On se place à environ 50 mètres de la face Sud-Ouest de la Pointe de la Courtine pour couvrir du regard les deux parois à angle droit. En balayant de droite à gauche, on constate qu'une profonde cuvette sédimentaire se dessine. Les repères stratigraphiques définis jusqu'à présent sont recoupés en biseau par une surface d'érosion qui s'enfonce sous la Pointe. Seuls les HG Tilleul sont visibles au niveau du platier, mais ils se confondent avec des niveaux condensés qui les recouvrent. Donc tous les niveaux sur la paroi de la Pointe de la Courtinesont, au moins, plus élevés stratigraphiquement que la marne Jambourg.
Des glissements en masse viennent perturber la stratification et rendent difficile l'analyse d'une grande partie de la série exposée. On peut subdiviser la série de la Pointe en 3 ensembles :
- un ensemble inférieur à stratification subhorizontale,
- un ensemble moyen à stratification désordonnée,
- un ensemble supérieur à stratification subhorizontale.
Les couches à mégasilex et leur couverture stratifiée
Il s'agit des couches de la partie inférieure. Elles sont stratifiées et leur sommet coïncide avec le haut de l'échelle métallique dans la galerie. Le fond de la cuvette sédimentaire correspond à peu près à l'axe de la Pointe de la Courtine et ces couches en constituent la première phase de remplissage.
La caractéristique essentielle est la présence de grosses couches de silex, d'extension latérale limitée, présentant une structure interne particulière.
Ces silex sont pleins et bicolores. La masse principale est claire et finement cristallisée, ressemblant au cortex des silex normaux. À l'intérieur, se développe des volumes de taille décimétrique remplis d'une silice brun foncé, d'aspect plus grenu. Au contact des deux, se place une enveloppe d'environ 5 mm d'épaisseur, constituée de silice cristalline blanche. On peut penser qu'à l'origine les parties sombres étaient des cavités dans lesquelles la silice a cristallisé.
Ce type de silex, massif et très résistant, est souvent repris dans le cordon de galets. Il diffère fondamentalement des silex type Thalassinoides qui ne présentent jamais cette structure interne bien que leur épaisseur puisse atteindre ou dépasser vingt centimètres.
L'interprétation proposée ici est qu'il s'agit de colonies de spongiaires siliceux hexactines. Les individus vivent accolés et fixés sur le fond. Les parties sombres pourraient être le vestige de leur cavité intérieure (atrium) ornée de replis pariétaux (partie blanche). Ces individus vivent groupés formant un biostrome qui peut évoluer vers une forme plus élevée, c'est-à-dire un bioherme.
Au-dessus des mégasilex, de nombreux niveaux de petits silex isolés terminent cet épisode siliceux. L'ensemble est coiffé par deux hardgrounds.
Les couches slumpées
Au-dessus des hardgrounds de la série précédente, dans la partie médiane de la falaise, la stratification est clairement perturbée par des plis, des cassures et des chevauchements interbancs. Ces déformations n'affectant pas les couches sous-jacentes et sus-jacentes, elles résultent évidemment de glissements synsédimentaires en masse ou slumpings. Sur la paroi de la Pointe de la Courtine, l'ensemble slumpé se subdivise en deux parties séparées par environ 3 mètres de craies à silex restées non déformées. Il est peu probable que ces couches intercalaires soient restées indemnes dans l'hypothèse d'un glissement unique. Ce sont donc au moins deux épisodes de slumping, séparés par un long intervalle de temps, qui se sont succédés.
Les deux glissements en masse sont ici désignés par slump 1 et slump 2, abrégés en S1 et S2 sur les figures. Chacun possède :
- une base qui est une cicatrice mécanique, surlignée en rouge sur les figures et annotée φ ;
- un sommet qui est une surface de discordance, surlignée en jaune sur les figures.
Slump 1 :
- base : sheet-flints (silex en plaques) concordants sur un hard-ground, puis silex désordonnés ;
- sommet : base de hardground mince.
Slump 2 :
- base : paliers concordants et rampe cicatrisée par un sheet-flint ;
- sommet : hardground précédant le HG Courtine.
L'ensemble slumpé de la Pointe de la Courtine offre des analogies avec celui de la Porte d'Aval, qui sera observé ultérieurement. On constatera en particulier la similitude des couches intercalaires.
Les couches sommitales ou Craie de Seaford [zone à Micraster coranguinum]
La partie supérieure de la Pointe de Courtine montre un changement de faciès très net au-dessus de la surface de remaniement du slump 2 qui peut prendre ou non l'aspect d'un hardground (dénommé ici HG Courtine). Aux craies noduleuses font suite des craies blanches tendres alternant rythmiquement avec des niveaux de silex (type Thalassinoides). Un changement de faciès analogue s'opère dans les craies anglaises au passage entre la formation de la Craie noduleuse de Lewes et la formation de la Craie de Seaford (Couches de Belle Tout).
Les motifs que forment les silex, ainsi que la présence discrète de quelques niveaux marneux, permettent de suivre certains niveaux sur une distance de 10 km jusqu'à Yport. Cette constance latérale et la périodicité remarquable argumentent en faveur d'un forçage astronomique (précessionnel probablement).
Sur tout le parcours, cet ensemble n'est visible qu'à distance, en haute falaise. Pour l'observer de près et échantillonner, il faut se déplacer au Nord-Est de la Porte d'Amont (excursion entre Étigue et la Porte d'Amont). Les ondulations des couches (monticules et cuvettes) existent toujours, mais elles s'atténuent par rapport à celles des couches sous-jacentes. Globalement, il est bien plus facile de suivre les couches sommitales que les couches basales.
Le calage des niveaux marneux avec ceux des coupes anglaises n'est pas encore pleinement assuré. Donc pour éviter des erreurs d'interprétation, des noms locaux ont été affectés aux niveaux-repères et on se contentera d'en proposer une correspondance hypothétique. Voici les principaux niveaux-repères :
- Le doublet des marnes de Bénouville : 2 marnes à structure flaser séparées par un silex, recouvrant le HG Courtine. [marne détritique Shoreham 1]
- La marne Vaudieu : marne unique, généralement sous un silex épais, le premier d'une série de 4. [marne bentonitique Shoreham 2].
- Le hardground Belval : ici peu net, mais ailleurs bien marqué et limonitique. À l'intérieur de séquences craie/silex minces. [Sponge Bed à Echinochorys]
- La marne Pertuiser : marne sous un niveau de silex très bien marqué. [marne Belle Tout 1].
- La double paire de silex (2 x 2) : motif assez stable au Sud et au Nord d'Étretat.
Station 11 : Le panorama de l'anse de Valaine [49,69977°N, 0,18391°E]
L'escalade vers la galerie artificielle de la Courtine peut s'avérer difficile après de fortes marées d'équinoxe car le niveau des galets est alors bas. Traverser la Pointe et contempler l'enfilade de la Manneporte et de l'Aiguille. Gravir l'échelle métallique et suivre avec précaution la corniche qui mène à la plage. Se positionner à environ 50 mètres de la Pointe.
Les monticules à silex
Les couches dessinent ici une forme convexe, en dôme. Cette structure est soulignée par des niveaux de silex épais et frustes. Elle prend naissance au-dessus d'une surface plane, au-dessus de hardgrounds, à environ 1,5 m au-dessus de la « dolomie d'Étretat ». C'est la croissance plus forte en un point qui construit progressivement la forme, il s'agit bien d'une forme positive.
Les silex correspondent bien aux silex observés en grosses masses du côté Sud-ouest de la Pointe de la Courtine en fond d'une cuvette, mais ici ils ont tendance à former une construction d'environ 10 mètres de hauteur maximale. À plusieurs reprises au cours du trajet, nous allons traverser de tels monticules à silex et nous poser la question de leur origine et de leur mode de formation. Deux conceptions sont opposables. La première hypothèse est une origine purement mécanique : sous l'influence de courants continus ou oscillatoires, la surface du fond prend la forme de dunes hydrauliques (comme par exemple les mégarides du détroit du Pas-de-Calais). La seconde hypothèse est une origine biomécanique : certains organismes ont une capacité de piégeage et de fixation de la boue. C'est le cas des Bryozoaires ou des Spongiaires. De beaux exemples de monticules à Bryozoaires, avec croissance préférentielle vers l'amont courant, ont été décrits au Danemark (membre Korsnaeb de la formation Stevns Klint, Danien, au-dessus de la limite K/T, in Bjerager & Surlyk, 2006).
Nous pensons que la seconde hypothèse rend mieux compte de certains faits : la quasi-absence de hardgrounds liés à des courants, le caractère stationnaire des ondulations et leur symétrie. La question du groupe d'organismes responsable de la construction reste ouverte. À côté des Bryozoaires ou des Angiospermes, l'intervention des Spongiaires hexactines paraît être une explication plausible. Elle s'accorde bien avec la quantité importante de silex et avec leur forme irrégulière.
Slump
Au-dessus du monticule, les couches sont recoupées obliquement par une cicatrice silicifiée et elles présentent un décalage. Il s'agit de la surface de base d'un slump dont le rejet s'atténue, puis s'annule, vers le haut avant le HG Courtine. La mauvaise qualité d'affleurement sur la paroi Nord-Est de la Pointe ne permet pas d'observer la profondeur atteinte par le slump et ses relations avec les slumps de la paroi Sud-Ouest. Nous pensons qu'il forme un slump unique avec le slump 2. Dans ce cas, le glissement en masse s'est opéré du Nord-Est vers le Sud-Ouest : la matière s'étire et se fragmente au Nord-Est, elle s'amoncelle au fond de la cuvette en donnant de grands plis avec des couches redressées, et enfin ses déformations s'atténuent en compression par des petits plis sur le flanc Sud-Ouest de la cuvette.
Les failles de la Courtine
Entre l'orifice de la galerie et la jonction avec la falaise principale, on remarque 3 failles fortement pentues, visibles sur toute la hauteur. De gauche à droite, nous les désignons par les noms de « Failles Courtine 1,2 et 3 ». Ce sont des failles normales : les failles 1 et 2 d'un côté et 3 de l'autre côté délimitent un compartiment affaissé verticalement d'environ 3 à 5 m.
Les couches les plus élevées stratigraphiquement
La présence d'une amorce de valleuse sur la Pointe de la Courtine a eu pour effet d'éliminer une partie des couches sommitales. Ces couches sont préservées entre la Pointe de Valaine et la courte valleuse de Valaine et on peut les examiner avec des jumelles ou plus facilement en se positionnant au sommet de la Pointe.
Le motif, décrit précédemment, constitué de deux paires de silex se reconnaît aisément. Un niveau marneux apparaît à la suite, après 6 niveaux de silex. Il est désigné ici « marne Les Loges » et il lui succède une couche épaisse de silex disposés chaotiquement. Cette marne correspond à l'une des marnes de Belle Tout en Angleterre, probablement la marne Belle Tout 2. Les silex chaotiques sont l'équivalent latéral de la couche à slumping et paramoudras que l'on peut suivre au Nord-Est d'Étretat, du Roc Vaudieu à Grainval (voir l'excursion entre Étigue et la Porte d'Amont).