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L'évolution des carrières souterraines : un exemple à Romagnat, Puy de Dôme
18/03/2013
Résumé
Les anciennes carrières à chaux de Romagnat, évolution après cessation d'activité et formation de fontis.
Nous avons vu le 18 février (éruption de pétrole) et le 11 mars (fours à chaux) 2013 deux exemples d'interférences entre des installations géologico-industrielles et le développement d'une agglomération urbaine. L'interférence la plus fréquente, par exemple à Paris, c'est l'effondrement d'anciennes galeries souterraines sur lesquelles ont été bâties des habitations au cours de la croissance de l'agglomération.
En effet, un destin très probable de toutes cavités souterraines, qu'elles soient naturelles ou artificielles, c'est de s'effondrer au bout d'un temps plus ou moins long après sa formation. De tels effondrements se propagent vers le haut et occasionnent des affaissements ou dépressions de soutirage quand ils atteignent la surface. De telles dépressions superficielles dues à des effondrements souterrains sont appelés « fontis ».
Ce n'est pas sans poser parfois des problèmes d'aménagement du territoire et de sécurité publique.
Nous allons voir ce qu'il en est des anciennes carrières souterraines de pierre à chaux de Romagnat (Puy de Dôme), carrières qui n'ont pas jusqu'à présent causés de dommages, en particulier parce que le calcaire y est solide et les effondrements bien peu nombreux, mais qu'il faut continuer à surveiller si on veut qu'elles restent inoffensives pour les siècles à venir.
Les siècles passés ont laissés en France des milliers de carrières et galeries souterraines, dont l'immense majorité est inconnue du public, et parfois aussi des autorités compétentes (autorités locales, BRGM…).
On peut lister plusieurs types d'ouvrages souterrains :
- les "petites" mines artisanales ou industrielles, très nombreuses un peu partout en France car ouvertes depuis l'époque romaine jusque vers la Seconde Guerre Mondiale. Un très (trop) faible pourcentage est intégré au patrimoine industriel, aménagé et accessible au public (cf., par exemple, Mine d'antimoine, de plomb et d'argent de la Rodde, Ally (Haute Loire) et La mine de cuivre du Cap Garonne, le Pradet (Var)). un autre très (trop) faible pourcentage est valorisé sans pour autant être ouvert au public (cf. par exemple, Allevard, Belledonne et le fer). Mais, si on reste dans la région d'Allevard, combien de mines sont laissées à l'abandon, oubliées (cf. figure 4 de l'article Allevard, Belledonne et le fer) ;
- les grandes mines industrielles, présentes dans les anciens grands bassins houillers et sidérurgiques (Nord-Pas de Calais, Lorraine…) ;
- les carrières souterraines de calcaire (pour la chaux et le ciment), de marnes (pour le ciment), le gypse (pour le plâtre)…
- les carrières souterraines de calcaire (souvent de craie) destiné à l'amendement des terres agricoles acides et/ou argileuses et appelée « marnières » dans tout le Bassin Parisien ;
- les ouvrages souterrains militaires (par exemple, l'effondrement d'une galerie datant de la Première Guerre Mondiale provoqua le déraillement d'un TGV dans la Somme le 21 décembre 1993) ;
- les carrières de pierres de taille omniprésentes sous et autour de très nombreuses villes (Bordeaux, Paris avec ses fameux catacombes…) et sur les flancs de très nombreuses vallées (Loire, Cher …).
Parfois, certaines parties de ces cavités ont été utilisées postérieurement à la fin de leur exploitation (habitations troglodytiques, caves pour faire vieillir le vin, champignonnières…). Mais les entrées de ces cavités artificielles sont très souvent obstruées, de façon naturelle (éboulement des entrées) ou volontaire. Souvent, en effet, propriétaires et/ou autorités compétentes préfèrent empêcher l'accès à ces cavités pour « s'éviter des ennuis ». Cette pratique courante a accéléré l'oubli collectif de l'existence de ces cavités, empêche l'étude par des géologues, archéologues et spéléologues compétents (des "trésors" sont ainsi perdus, cf. Un gisement d'hydrocarbures vu de l'intérieur [...] : la mine de bitume de Dallet) et, surtout, empêche les spécialistes du génie civil d'en étudier la solidité et ainsi d'alerter population et autorités d'éventuels dangers à venir en surface. Cet oubli et cet état des lieux obligent maintenant de nombreuses instances locales et nationales à un coûteux et fastidieux travail d'inventaire. Par exemple, on connaît maintenant 122 communes de la région bordelaise concernées par le risque d'effondrement de carrières souterraines creusées pour construire le « Bordeaux du 18ème siècle » (maintenant classé Patrimoine Mondial par l'UNESCO) ; le Bureau "local" des Carrières Souterraines en recense maintenant 1400, contre seulement 230 connues en 1978.
Les effondrements de carrières souterraines ont lieu depuis des siècles, et concernent aussi bien des zones habitées que des zones agricoles. Les deux figures suivantes illustrent cette variété : un effondrement en banlieue parisienne en 1929, et un effondrement dans le vignoble bordelais en 2004.
Source - © 2012 malakoff-patrimoine.fr | Source - © 2011 Sud Ouest |
En 2013, les carrières de Romagnat qui alimentaient les fours à chaux de la commune sont exemplaires à ce sujet. Les carrières "modernes" ont fermé il y a plus de 40 ans (en 1970). La quasi-totalité des entrées sont bouchées par des éboulements (souvent provoqués) ce qui empêche n'importe qui d'y pénétrer pour faire n'importe quoi. Mais il reste une entrée, fermée à clé et située dans une propriété privée. Si on a une bonne raison, on peut demander l'autorisation d'y entrer pour faire des recherches d'histoire industrielle, de géologie… Et les autorités compétentes peuvent parcourir les galeries pour diagnostiquer les éventuels risques d'effondrement pouvant affecter la surface. Les autorités municipales connaissent les endroits situés à la verticale de galeries potentiellement dangereuses, et savent où ne pas délivrer de permis de construire. Il n'y a pas de fontis « imprévu et incontrôlé » à Romagnat. Mais, j'ai pu photographier en 1985 ce qui restait de la falaise située à l'aplomb de l'entrée principale des carrières souterraines, entrée effondrée entre 1970 et 1985. On y voyait une très belle coupe de fontis.
La situation de Romagnat n'est pas générale. Il y avait, sur le flanc Sud du Plateau de Gergovie, d'autres carrières souterraines. Leurs entrées sont maintenant obstruées et plus ou moins oubliées, leurs trésors géologiques et d'archéologie industrielle inconnus, et les éventuels risques pour la surface non identifiables.
Cette formation de fontis par éboulement de cavités est aussi un phénomène naturel concernant les cavités et autres grottes. C'est assez souvent le cas dans des régions dont le sous-sol est naturellement riche en cavités, comme les régions à substrat calcaire ou gypseux. Ces fontis ont souvent des appellations locales, comme « igues » dans le Quercy.
D'autre fontis peuvent être vu aussi bien en morphologie externe qu'en coupe, par exemple, Un entonnoir de soutirage (doline d'effondrement) en domaine karstique et Un entonnoir d'effondrement vu en coupe.