Image de la semaine | 21/12/2009
La Madone des oursins et des silex, cité souterraine de Naours, Somme
21/12/2009
Résumé
Silex et fossiles dans la craie du Crétacé du bassin de Paris.
Depuis quelques années, nous avons pris l'habitude de « fêter Noël » avec des "Vierges géologiques". Après la Madone des pillows et la Madone de Foligno à la météorite, voici la Madone des oursins et des silex.
La cité souterraine de Naours est constituée d'un réseau de galeries souterraines creusées dans la craie du Crétacé supérieur (Turonien supérieur – Coniacien). Ces niveaux sont riches en silex et en fossiles d'oursins (Micraster sp.), de bivalves (Inoceramus sp.) et d'ammonites. Ces galeries ont été creusées à partir du IIIème siècle, et occupées plus ou moins épisodiquement jusqu'à la dernière guerre mondiale. Une véritable ville souterraine s'étend ainsi, formée de 28 galeries et de 300 pièces. On y trouve des places publiques, des étables, des puits et des cheminées ainsi que des chapelles, dont l'une abrite cette Vierge complètement entourée d'un cadre décoré d'oursins fossiles du Crétacé supérieur, fossiles très abondants dans certains niveaux. Outre son intérêt historique, la visite de la partie aménagée de la cité souterraine de Naours permet de bien voir les lits de silex très abondants dans la craie du bassin Parisien, ainsi que quelques autres fossiles.
La craie du Crétacé supérieur du bassin parisien est réputée (à juste titre) pour ses silex. On peut bien voir ces silex sur les falaises du Pays de Caux, comme à Étretat ; mais on peut aussi les observer dans les galeries de la cité souterraine de Naours.
Les silex sont constitués de silice quasiment pure, plus ou moins hydratée, amorphe ou crypto-cristalline. L'origine des silex a longtemps été l'occasion de débats intenses. Les silex ne sont pas des roches sédimentaires au sens strict, en ce sens qu'il n'y a pas eu dépôt de silex comme il y a dépôt de galets, de sable, de carbonate ou de sel. Les rognons de silex croissent in situ au sein de sédiments carbonatés déjà déposés, pendant la diagenèse. Les débats intenses concernent le moment de cette croissance : (1) pendant la diagenèse précoce, au sein de sédiments carbonatés encore meubles faiblement enfouis sous une très faible épaisseur de boue, (2) ou, au contraire, pendant une diagenèse plus tardive, au sein de calcaires déjà compactés, assez profondément enfouis sous une pile sédimentaire. Il est probable que les deux situations et tous leurs intermédiaires existent.
Les boues sédimentaires sont rarement purement carbonatées, du fait de la présence de silice dissoute dans l'eau de mer et de nombreux organismes planctoniques (diatomées, radiolaires) ou benthiques (spongiaires) à test ou spicules siliceux. Cette silice est en générale dispersée (plus ou moins régulièrement) dans la boue sédimentaire. Dans le cas de la craie, la boue planctonique contenait quelques fractions de pourcent de tests siliceux, dispersés dans une immense majorité de coccolithes (test de Coccolithophoridés). Les eaux circulant dans le sédiments lors de la diagénèse dissolvent localement les tests siliceux dans les niveaux les moins riches en silice, silice qui pourra re-précipiter autour de germes de nucléation, en particulier dans les strates initialement les plus siliceuses. Les masses siliceuses croissent ainsi et forment ces masses irrégulières, les rognons de silex.
En croissant, ces silex peuvent englober partiellement ou totalement des élément pré-existants comme des fossiles. Les joints de stratification, certaines bioturbations comme des terriers… peuvent localement jouer le rôle de drains et peuvent également piéger la silice et être des sites privilégiés de précipitation de silex. Souvent, la silice se substitue au carbonate des fossiles, en particulier des oursins, sans changer la forme du fossile. On parle du phénomène d'épigénie. Les oursins fossiles de la craie, initialement en calcite comme tous les échinodermes, sont souvent épigénisés en silex.
Les deux images suivantes montrent un fossile d'oursin silicifié, partiellement englobé par un rognon de silex.
Il n'y a pas que des oursins fossiles dans le Crétacé supérieur de Naours, mais aussi d'autres fossiles comme des inocérames, des ammonites… De tels fossiles (parfois signalés par les gestionnaires du site) peuvent être découverts au gré de la visite.