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Image de la semaine | 24/11/2003

Géodes et hydrothermalisme

24/11/2003

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Emmanuelle Cecchi

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Différents types de géodes silicifiées de l'Estérel (Provence).


Lithophyse de l'Estérel (84)

La première photographie représente les deux moitiés d'une géode de silice cassée en deux. On trouve de telles géodes dans des coulées de rhyolites permiennes de l'Estérel (niveau 11ρ de la carte géologique Fréjus-Cannes 1/50000). Elles sont très souvent pleines, et ne sont plus alors des géodes sensu stricto et sont nommées "lithophyse".

Comment se forment de telles structures ?

Les coulées de lave contiennent très souvent des vacuoles de gaz, parfois de très grandes tailles. C'est l'intérieur de ces vacuoles qui se silicifie, et devient donc très dur et très peu altérable. L'altération, quaternaire, de la rhyolite désagrège alors toute la roche, sauf les parties silicifiées (anciennes cavités) que l'on peut échantillonner toutes dégagées. Il n'y a plus qu'à les casser pour en observer l'intérieur.

Cette lithophyse présente plusieurs parties. Sans rentrer dans un luxe de détails, on note toutefois :

  • à l'extérieur, un cortex correspondant à de la rhyolite particulièrement silicifiée et non altérée ;
  • à l'intérieur et en bas un niveau de plusieurs couches (rouges, roses et bleues) de calcédoine (silice micro-cristalline diversement colorée par des oxydes) ;
  • à l'intérieur et en haut une zone de quartz cristallisé limpide (paraissant blanc sur la photo).

L'histoire d'une telle structure est la suivante : la cavité (ancienne vacuole) s'est trouvée pleine d'eau "chaude" après sa formation, soit immédiatement après l'éruption volcanique, soit pendant la diagenèse, entre le Permien et l'actuel. Cette eau venait de l'eau interstitielle qui diffusait et percolait dans toute la roche. Au début de l'histoire de cette lithophyse, les conditions physico-chimiques de l'eau (P, T, pH, Concentration en SiO2…) ont permis la précipitation d'un gel de silice, qui s'est déposé (par gravité) en couches horizontales au bas de la cavité. Ces couches basales forment donc un critère de polarité et permettent d'orienter la lithophyse. Ce gel de silice s'est ultérieurement transformé en calcédoine par micro-cristallisation. Alors que la moitié basale de la cavité était déjà remplie de son dépôt de calcédoine, les conditions ont changé, et du quartz (silice cristallisée) s'est mis a pousser à partir des bord de ce qui restait de la cavité. Ces cristaux ont, dans le cas présenté ici, complètement rempli la cavité résiduelle. La présence de " strates " horizontales de calcédoine à la base de la cavité prouve bien que celles-ci se sont déposées en milieu liquide.

La deuxième photographie (Figure 2) montre la coupe d'une géode, sans calcédoine, moins colorée, mais non parfaitement remplie, ce qui permet de voir la cavité résiduelle dans laquelle se trouvait l'eau, et la forme des cristaux qui s'y sont formés.

Coupe d'une géode à quartz

Pour prouver que ces cristaux ont crû dans un fluide (eau chaude chargée de substances dissoutes), il "suffit" de trouver de telles géodes non cassées ou coupées, d'en couper une faible partie, le plan de coupe s'approchant au maximum de la cavité résiduelle, mais sans l'atteindre. Dans les cas les plus favorables, on voit donc, par transparence à travers les cristaux, l'intérieur de la cavité. Dans certains cas exceptionnels, une partie mais non la totalité des fluides internes a disparu. On voit alors la cavité partiellement remplie d'eau. Dans le petit film présenté ci-dessous, la limite supérieure de l'eau est rendue parfaitement visible grâce à l'agitation.

C'est bien la preuve (annoncée la semaine dernière) que ces " beaux cristaux automorphes " ne sont pas d'origine magmatique ou métamorphique (sensu stricto) contrairement à une idée très répandue, mais proviennent de cristallisation dans des fluides (H2O) chauds et chargés de substance dissoutes (hydrothermalisme).