Article | 07/05/2010
Du volcanisme actif, ou très récent, sur Vénus ?
07/05/2010
Résumé
Volcans et coulées de laves : activité volcanique vénérienne passée et récente.
Mise à jour (figure 16), le 29 mars 2013.
La surface de Vénus montre très peu de cratères d'impact (900 environ), ce qui montre que sa surface est globalement jeune, avec un âge « moyen » de quelques centaines de millions d'années tout au plus. Sa taille et sa masse, identiques à celles de la Terre, laissent penser que la production d'énergie interne est également voisine de celle de la Terre, bien que les modes d'évacuation de cette énergie soient très différents sur Terre et sur Vénus : activité de type « plaques » sur Terre, activité « non plaques » sur Vénus. Tout cela suggère fortement que Vénus, comme la Terre, possède un volcanisme actif. Mais la preuve n'en a jamais été apportée. Aucun panache de « fumée » n'a jamais été détecté sur Vénus ; mais un panache de fumée et de cendre aurait-il été détecté avec le radar de Magellan ? Plus négatif : la mission Magellan a survolé et imagé Vénus pendant 4 ans (d'août 1990 à octobre 1994) : elle n'a constaté aucun changement notable survenu pendant ces 4 années, en particulier aucune nouvelle coulée de lave n'a été émise par l'un des innombrables volcans de Vénus. Ce n'est qu'en ce mois d'avril 2010 que de premières données suggèrent l'existence d'un volcanisme actif ou très récent.
Cet article a deux buts :
- Dresser un panorama « en images » du volcanisme sur Vénus tel que l'a découvert la mission Magellan entre 1990 et 1994.
- Résumer les « news » du 8 avril 2010 annonçant la découverte probable d'un volcanisme très récent ou actif sur Vénus (âge < 2,5 Ma).
Le volcanisme sur Vénus
Vénus est un « musée » des formes volcaniques. Cela va des coulées de lave de plusieurs centaines de kilomètres de long aux dômes de lave visqueuses, en passant par les caldeiras, les sillons flexueux, les cônes pyroclastiques et les volcans boucliers. Nous vous présentons 13 images. Ce sont toutes des images « radar », toutes fournies par la mission Nasa Magellan. Sur ces images radar, clair signifie « renvoie bien le rayonnement radar », et sombre signifie « renvoie peu le rayonnement radar ». Ce qui renvoie bien le radar, c'est soit une pente orientée vers la sonde, soit une surface très rugueuse. Ce qui renvoie mal le radar, c'est soit une pente orienté à l'opposé de la sonde, soit une surface lisse. Interpréter une image radar n'est donc pas évident. Comme les sondes russes Venera qui se sont posées sur Vénus dans les années 1970 ont trouvé un sol de couleur orange, il est de tradition de coloriser en orange ces images radar.
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look
Le radar donnant aussi le relief, on peut « superposer » l'image radar sur un Modèle Numérique de Terrain (MNT) et reconstituer de magnifiques vues en « perspective », en général au relief très exagéré.
Source - © 1996 NASA/JPL
De la figure 3 à la 13, nous vous montrons 11 images de volcans ou de figures volcaniques, pour illustrer l'extraordinaire variété des morphologies vénériennes. À droite de chaque image sont indiquées les cordonnées approximatives du centre de l'image (de +90° à –90° lat., de 0° à 360° long. Est). À gauche est indiquée l'échelle approximative. Toutes les images proviennent du site de l'USGS, Map-a-Planet, dans la partie d'exploration de Vénus (images SAR, Left-Look) qui donne la totalité des images couvrant Vénus à la meilleure résolution possible.
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look | Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look |
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look | Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look |
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look | Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look |
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look | Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look |
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look | Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look |
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look |
L'origine de ce volcanisme n'est certainement pas simple, puisqu'il y a une très grande variété de laves et de dynamismes éruptifs, comme sur Terre (et contrairement à la Lune ou à Mars). Sur Terre, 90% du volcanisme est dû à trois causes possibles : (1) rift ou dorsale, (2) subduction (et collision), (3) point chaud. Si, pour simplifier, on pense que sur Vénus l'origine du volcanisme est à chercher dans l'une de ces trois causes, on privilégie les points chauds. En effet, si certaines provinces magmatiques de Vénus ont les caractéristiques morphologiques, topographiques et gravimétriques des points chauds terrestres, aucune n'a les caractéristiques de dorsales ou de subductions classiques.
Découverte d'un volcanisme actif ou sub-actif sur Vénus
Le 8 avril, les sites de la NASA et de l'ESA reprennent une nouvelle publiée dans Science annonçant : "For the first time, scientists have detected clear signs of recent lava flows on the surface of Venus" (pour la première fois, des scientifiques ont détecté des manifestations claires de coulées de laves récentes à la surface de Vénus).
Qu'a découvert exactement cette équipe internationale dirigée par Suzanne E. Smrekar ? Cette équipe a travaillé avec les données de l'instrument VIRTIS (Visible and Infrared Thermal Imaging Spectrometer) embarqué sur la sonde ESA Venus Express. La température de la surface de Vénus est très élevée (> 450°C), et émet donc fortement dans le proche infra-rouge. L'atmosphère de Vénus, très dense (pression au sol de 90 atmosphères) et composée principalement de CO2, est très opaque aux infra-rouges. Elle n'est cependant pas totalement opaque, et il existe quelques « fenêtres » très étroites qui laissent passer des infra-rouges. VIRTIS « regarde » par ces fenêtres, en particulier celle de 1,02 μm de longueur d'onde.
VIRTIS a particulièrement étudié les régions ressemblant le plus aux hotspots terrestres (que ce soit du point de vue morphologique, topographique ou gravimétrique), et ayant le volcanismes « morphologiquement » le plus frais. L'équipe VIRTIS a particulièrement étudié les régions Imdr, Themis et Dione . C'est sur le volcan Idunn Mons (–46° lat., 214.5° long.) dans la région Imdr qu'une « anomalie » infra-rouge a été découverte dans la fenêtre de 1,02µm. Expliquer une telle anomalie n'est pas chose facile. Ce qui fait varier au premier ordre l'émission d'IR d'une surface, c'est sa température. Or il fait plus froid en altitude, au sommet, qu'à la base d'un volcan. Des corrections ont donc été faites pour éliminer cet effet de l'altitude. Après la température, c'est l'état de la surface qui fait le plus varier l'émissivité IR. Les roches de type basalte, les roches non altérées avec des minéraux intacts (tels l'olivine et le pyroxène) émettent plus d'IR que les roches altérées, toutes choses égales par ailleurs. Les anomalies positives d'émissions IR (une fois faites les corrections d'altitudes) seraient donc dues (1) soit à des régions plus chaudes, (2) soit à des laves moins altérées qu'aux environs. C'est cette deuxième alternative que privilégient Smrekar et son équipe. En faisant des hypothèses « raisonnables » sur la vitesse d'altération des silicates dans les conditions de Vénus (pression, température, chimie de l'atmosphère…), Smrekar et al. proposent que les coulées au sommet du volcan Idunn Mons aient un âge inférieur à 2,5 Ma, ce qui signifie un âge « géologiquement » actuel. Un âge plus "probable" est même avancé : environ 250 ka voire moins. C'est la première donnée « claire et convaincante » montrant que Vénus est, comme la Terre, une planète encore active. Affaire à suivre.
Source - © 1996 USGS, Map-a-Planet : explore Venus, Magellan SAR, Left-Look | |
Source - © 1996 NASA/JPL-Caltech/ESA | Source - © 2013 ESA/AOES, graphique tiré de E. Marcq et al., 2013, Nature Geoscience |