Image de la semaine | 16/05/2011
Filon de barytine, minéralisation et extension tardi-hercyniennes, carrière de Loiras, Le Bosc, Hérault
16/05/2011
Résumé
Minéralogie des filons : la barytine et la barytine crêtée.
Nous avons déjà passé quatre semaines dans la carrière de Loiras (Le Bosc, Hérault), où nous avons vu les pélites permienne recouvrant le discordance la dolomie caverneuse cambrienne, des fossiles de végétaux, des pseudomorphoses de cristaux de glace contenues dans ces pélites permiennes, et du pétrole contenu dans les interstrates ou les cavités de la dolomie caverneuse. Cette carrière est traversée par des filons hydrothermaux de barytine (BaSO4). En fonction de la position du front de taille qui recule au gré de l'exploitation, il est possible d'étudier ces filons in situ et/ou d'observer de très belles cristallisations dans les blocs éboulés au pied du front de taille. Cette carrière est en exploitation ; il convient de demander l'autorisation pour y pénétrer.
Ce filon est rempli de barytine (sulfate de baryum, BaSO4), minéral fréquent dans les remplissages de filons hydrothermaux continentaux.
Le sulfate de baryum est insoluble dans l'eau aux conditions de surface (T = 20°C, P = 1013 hPa). C'est d'ailleurs cette insolubilité que l'on utilise pour mettre en évidence les sulfates dans les TP de chimie (ou de biochimie) élémentaires : si, dans une solution de nitrate de baryum (soluble), on verse une solution d'un sulfate soluble, il se forme un précipité blanc de sulfate de baryum, insoluble. Par contre, comme beaucoup de substances insolubles dans les eaux froides, le sulfate de baryum est soluble dans les eaux chaudes, en particulier dans les eaux supercritiques (T > 374°C, P > 22,11 MPa), ce qui correspond à une profondeur de 660 m dans le cas d'une pression lithostatique standard, 2211 m de profondeur sous l'eau).
Des eaux chaudes circulant en profondeur (hydrothermalisme, ici continental) peuvent donc contenir en solution du sulfate de baryum, ainsi que beaucoup d'autres substances insolubles dans les conditions de surface (silice, sulfures divers, carbonates de fer, de cuivre …, en fonction de la géologie des terrains qu'elles traversent, des conditions de P, de T, de pH, des conditions redox…). Si, au cours de leur circulation, ces eaux voient leur température (et/ou leur pression ou d'autres conditions) diminuer et/ou varier, elles vont déposer sur les bords de la fracture les substances dont la solubilité diminue.
L'exploitation (par explosifs) de la carrière engendre la création de blocs de taille décimétrique à métrique. La fracturation de la roche lors des explosions est souvent guidée par les fractures préexistantes, en particulier par les zones de contact entre les filons et leurs épontes, ou encore par la limite de contact entre les deux côtés du remplissage filonien. Dans ce cas, si l'explosion ouvre le filon « en deux » en suivant la limite centrale, on peut observer la cristallisation de la barytine, en particulier si la séparation passe par une géode.
En plus des blocs métriques, les explosions dues à l'exploitation de la carrière permettent d'échantillonner des « échantillons de poches ». En voici deux, parmi beaucoup d'autres.
Dans la carrière de Loiras, la barytine, très minoritaire, n'est pas exploitée. Elle peut l'être dans le cas où les quantités déposées sont importantes. La barytine est exploité comme minerai de baryum, métal dont certaines propriétés chimiques sont utiles en industrie ou en pharmacie. La barytine est aussi et surtout exploitée pour être utilisée telle quelle. C'est en effet une substance très dense (densité de 4,5, d'où son nom, barus = lourd en grec). C'est le minéral dense le plus usuel, donc le moins cher. On utilise cette densité pour faire des boues barytées, très denses, comme liquide de forage dans les puits pétroliers où le pétrole est sous pression, pour que la simple pression hydrostatique compense la pression du pétrole et empêche ainsi le jaillissement de ce dernier. La barytine comme tout corps dense, arrête bien les rayons X et γ. On utilise ainsi la barytine comme « granulat » pour faire des bétons destinés à arrêter les radiations. Quand on fait une radiographie (médicale) de l'estomac ou de l'intestin, on donne à manger une bouillie dense qui arrête bien les rayons X : c'est souvent une bouillie barytée.
Le cuivre, par contre, a donné lieu localement à des exploitations sporadiques anciennes.
Le cuivre le plus visible dans ce filon est sous forme de carbonates. Dans un filon voisin, on peut voir que ces carbonates proviennent de l'oxydation / carbonation de sulfures de cuivre (chalcocite (Cu2S) et/ou covellite (CuS)).
Outre la barytine, les carbonates et les sulfures, les filons associés à la chaîne hercynienne sont le plus souvent remplis de quartz et de sulfures de fer, de fluorine (parfois avec fluorine automorphe), de fluorine, barytine et quartz, de fluorine et sulfures (comme la pyrite), d'oxydes (comme l'hématite)...
La carrière de Loiras, dans son état de 2006, ne permet pas de dater (relativement) ces filons de barytine par rapport au Permien. Ces filons sont bien sûr postérieurs au Cambrien. Mais là où ils sont situés, ce Cambrien n'est pas (plus) recouvert de Permien. On ne peut donc pas savoir si cet hydrothermalisme filonien est anté-, syn- ou post-permien. Par contre, de tels affleurements (en filon ou stratoïdes) de barytine, souvent associés à du cuivre, du plomb, du zinc… se trouvent souvent dans le Permien et même dans le Trias dans les quelques kilomètres entourant Loiras. Cet hydrothermalisme serait donc lié à l'extension permienne, conséquence de la relaxation gravitaire de la chaîne hercynienne, extension tardi-hercynienne qui s'est continuée au Trias et au Jurassique inférieur dans tout le Sud et Sud-Est de la France, en relation indirecte avec l'ouverture de l'océan alpin et de ses marges.