Image de la semaine | 06/09/2010
Les « granitoïdes » de Saint Jean du Doigt (Finistère) : des magmas acides fracturant un pluton gabbroïque préexistant
06/09/2010
Résumé
Magmas acides et différenciation de magmas basiques.
Les magmas acides, et donc les granites, peuvent avoir plusieurs origines principales : (1) ils sont issus de différenciation (par cristallisation fractionnée) d'un magma basique d'origine mantellique, (2) ils sont issus de la fusion d'une roche basique préexistante (cas relativement rare depuis 2 Ga, très fréquent à l'Archéen, (3) ils sont directement issus de la fusion partielle de la croûte continentale ; toutes les possibilités intermédiaires peuvent exister (contamination, mélange de magmas …), (cf vade-mecum sur les granites).
Dans la région de Saint Jean du Doigt et de Plougasnou, au Nord de Morlaix (Finistère), affleure un vaste massif de gabbro daté de l'Hercynien précoce (360-350 Ma, limite Dévonien-Carbonifère). Il s'agit d'un gabbro tholéiitique, sans doute mis en place au sein de la chaîne hercynienne en début de formation à la faveur d'une zone locale en extension (rift, pull apart…). Géographiquement voisins, et d'âge identique, affleurent des petits corps et des filons de granodiorites, trondhjémite, albitites et autres plagiogranites, qui souvent injectent et recoupent la masse de gabbro déjà solidifié. En effet, la température de cristallisation des magmas acides est voisine de 800°C alors que celle des magmas basiques est voisine de 1100°C. Le magma acide fracture le gabbro déjà solide, et on obtient alors de très belles brèches magmatiques. La notice de la carte géologique BRGM Plestin-les Grèves 1/50 000 décrit ces affleurements de la façon suivante : « De remarquables filons et brèches magmatiques sont exposés sur l'estran côtier, de part et d'autre de la plage de Saint Jean du Doigt. […] Les caractères habituels de ces brèches de ce type peuvent y être observés : complexité des associations magmatiques, compositions intermédiaires […] entre granite et gabbro. […]. Ce sont des roches probablement différenciées du magma gabbroïque. »
Même quand elles sont associées à (et géologiquement contemporaines avec) des roches magmatiques basiques, il n'est pas certain que ces roches acides proviennent de la différenciation (par cristallisation fractionnée) d'un magma basique ou de la refusion d'un corps basique déjà solide quand on se situe sur croûte continentale, ce qui est bien sûr le cas du massif Armoricain. Il faut faire de la géochimie pour exclure formellement des phénomènes de type contamination, fusion de la croûte continentale par le magma basique très chaud…
En Islande, on trouve des affleurements qui ressemblent beaucoup à ceux de Saint Jean du Doigt : filons de plagiogranite recoupant des gabbros. Et là, on est sûr qu'il n'y a aucune intervention de la croûte continentale, puisqu'en Islande, il n'y en a pas.