Image de la semaine | 09/03/2020
Les sources pétrifiantes de l'Huveaune (Nans-les-Pins et Plan d'Aups - Sainte Baume, Var), des exemples de gours et travertins dans le massif de la Sainte Baume
09/03/2020
Résumé
Eaux carbonatées et précipitations calcaires dans les cours d'eau : travertins, gours et modelé karstique à proximité (lapiaz, poljé).
Une balade dans le massif de la Sainte Baume, chainon provençal notamment célèbre pour sa hêtraie relique du Dernier Maximum Glaciaire est l'occasion d'observer des morphologies bien classiques des pays calcaires comme le Jura (Visite touristique des chutes et travertins du Hérisson (Jura), Cascades de tuf (travertin) dans le massif du Jura, Les barrages de travertin, les gours (lacs) en escaliers et les coulées (escaliers) de "tuf" des ruisseaux du Jura), ou les causses du Larzac, du Quercy (Stromatolithes actuels, travertins et cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron, Caylus (Tarn et Garonne)) ou encore dans d'autres endroits du Var (Les falaises de travertins du Haut-Var : quand la géologie rencontre l'architecture). Voir aussi : Dépôts de travertin à la sortie de sources karstiques, Dépôts de calcaire par des cascades pétrifiantes, Concrétions calcaires dans le lit des rivières).
Cet article propose quelques photographies de morphologies visibles au niveau des sources de l'Huveaune qui méritent d'être vues pour celles et ceux qui passeraient dans la région de Marseille.
Le chemin du vallon de la Castelette dans le massif de la Sainte Baume permet l'observation de morphologies constituées par des bassins calcaires appelés “gour”. Ce type de morphologie est typique de pays karstiques (Les barrages de travertin, les gours (lacs) en escaliers et les coulées (escaliers) de "tuf" des ruisseaux du Jura) mais peut aussi se retrouver dans des zones avec des roches volcaniques comme à Pamukkale en Turquie (Pétrifications de Pamukkale (Turquie)).
Les sources de l'Huveaune (résurgences du massif de la Sainte Baume) sont des eaux chargées en CO2 sous forme d'ions hydrogénocarbonates HCO3− et de Ca2+ au sortir du massif calcaire de la Sainte Baume. En passant en profondeur, l'eau est responsable de la dissolution des carbonates dans lesquels elle circule par la réaction suivante :
- CO2 + H2O + CaCO3 → Ca2+ + 2HCO3−(1).
La dissolution des carbonates est visible dans les calcaires entourant les sources de l'Huveaune où des morphologies appelées lapiaz témoignent de la réaction (1).
En sortant de la barre calcaire la pression partielle en CO2 du milieu diminue drastiquement ce qui est à l'origine de la précipitation des carbonates par la réaction inverse (2) lors de l'exsolution du CO2 :
- Ca2+ + 2 HCO3− → CO2 + H2O + CaCO3(2).
La calcite formée se dépose sur les pierres et fragments de végétaux qui tombent ou poussent dans l'Huveaune. Cette calcite microcristalline qui flotte sur l'eau est à l'origine de la couleur vert-bleu des eaux, la calcite diffusant les faibles longueurs d'onde soit le bleu et le vert (cf. Eaux bleues d'origine karstique, Les eaux bleues et les "Sables d'Or" de Tavers (Loiret)).
La roche formée par la précipitation de calcite est appelée travertin (parfois maladroitement « tuff calcaire », terme qu'il vaut mieux proscrire pour ce type de formation et réserver aux formations volcaniques issues de la consolidation de cendres volcaniques).
Comment expliquer la formation des gours ? Lors de l'écoulement de l'eau sur le terrain, la pente n'étant pas parfaitement plane, il existe des zones formant des monticules ou des bombements sur la pente. En s'écoulant sur ces zones, la tranche d'eau s'amincit, ce qui augmente la vitesse d'écoulement et favorise l'exsolution de CO2 et donc la réaction (2) à l'origine de la formation de calcite, le bombement se recouvre de calcite et devient plus haut et plus large. Ce processus se répète jusqu'à isoler des petits bassins : les gours. En même temps l'eau qui s'écoule sur les bordures calcaires du gour va plus vite que l'eau qui est dans les gours, or l'exsolution de CO2 est favorisée par une vitesse élevée. Ainsi, cela contribue à la précipitation de calcite et explique les “drapés” visibles sur les bordures des gours.
Sur certains gours, des tapis de mousses et micro-organismes sont visibles.
La présence des végétaux et de microorganismes photosynthétiques (cyanobactéries) contribue à la précipitation de calcaires. L'équilibre (2) est déplacé par l'activité photosynthétique : le CO2 consommé par la photosynthèse (3) tire l'équilibre vers la précipitation de CaCO3 :
- 6 CO2 + 6H2O → C6H12O6 (glucose) + 6 O2(3).
Certaines zones ressemblent à des stromatolithes liées à l'activité photosynthétique de cyanobactéries comme il est classique de les observer dans certaines régions (cf. Stromatolithes vivant dans des ruisseaux du massif du Jura).
Toutes ces structures sont fragiles et ne doivent pas être échantillonnées ni dégradées comme le rappellent les panneaux sur le sentier.
L'Huveaune qui se jette dans la Méditerranée à Marseille, prend sa source dans le massif calcaire de la Sainte Baume.
Ce type de morphologie et cours d'eau est classique des massifs calcaires et des régions karstiques. Parmi les autres spécificités de la région, il est possible d'observer le plus grand poljé de France à Cuges-les-Pins. Un poljé est un assemblage de dolines, zone de dissolution des carbonates concentrant les argiles de décarbonatation. Ces argiles assurent des zones imperméables permettant les cultures (notez la densité des champs autour de cette ville).
Cet affleurement ainsi que de nombreux autres de la région sont traités sur le site de la Lithothèque PACA à consulter et utiliser sans modération pour tous les enseignants et curieux de géologie de la région !
Remerciements
Merci à Céline Charrier (Aix-Marseille Université) pour ses relectures attentives.