Image de la semaine | 17/09/2012
Stromatolithes actuels, travertins et cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron, Caylus (Tarn et Garonne)
17/09/2012
Auteur(s) / Autrice(s) :
Publié par :
- Olivier DequinceyENS de Lyon / DGESCO
Résumé
Précipitations calcaires : des travertins aux stromatolithes.

Source - © 2012 — Pierre Thomas
La vingtaine de mètres du lit du ruisseau issu de la cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron (près de Caylus, Tarn et Garonne) entre le pont de la D97 (dont on voit le bord à droite de la photo) et son confluent avec la Bonnette sont littéralement encombrés de boules stromatolithiques qui n’ont rien à envier à leur célèbres analogues de la Baie des Requins (Shark Bay) en Australie. Le confluent est lui-même souligné par un barrage karstique.
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas |
Sur la route allant de Lyon au Gers, entre Rodez et Montauban, juste à l'entrée de Caylus, un panneau d'information touristique attire l'œil et indique « cascade pétrifiante ». Un détour, de 3 km, s'impose.

Source - © 2012 — Google Street view
Ce panneau ne peut pas ne pas inciter à faire un détour. On peut regretter qu’il n’indique "que" la cascade pétrifiante et non pas les stromatolithes.
Cette cascade est alimentée par des sources sortant à la base des calcaires du Jurassique moyen, au contact avec les marnes du Jurassique inférieur. Ces eaux karstiques sont initialement des eaux de pluie (légèrement chargées de CO2 à cause des 0,038% de l'atmosphère). En traversant le sol, ces eaux se chargent du CO2 issu de la respiration de la "vie du sol" (racines et surtout mycélium des champignons et bactéries). Ces eaux très chargée en CO2 dissolvent le calcaire lors de la traversée des couches sous-jacentes.
CaCO3 + H2O + CO2 ↔ Ca2+ + 2HCO3-
Les eaux circulant au sein des karsts (calcaires) se chargent donc d'ions HCO3- et Ca2+ en solution. Quand ces eaux reviennent en surface au niveau d'une source, elles relâchent vers l'atmosphère un peu de CO2, perte de CO2 qui est favorisée par une forte agitation (comme au niveau d'une cascade) et grandement favorisée par la photosynthèse de mousses, d'algues, de bactéries… Cette perte de CO2 déplace l'équilibre des carbonates "vers la droite" (dans l'équation ci-dessous), et entraîne un précipité de CaCO3.
2 HCO3- + Ca++ (en solution) → CO2(dégagé dans l'atmosphère ou absorbé par la photosynthèse) + CaCO3 + H2O.
Ces sources déposent du calcaire, directement au point de sortie et sur les quelques centaines de mètres qui suivent la source quand la morphologie du lit provoque une agitation. Cette agitation peut être exacerbée si une cascade accidente le lit du ruisseau. Elle peut aussi avoir lieu là où un obstacle rend le lit du ruisseau un peu moins profond qu'ailleurs, et où l'eau coule plus vite et est plus agitée ; alors le CO2 se dégaze mieux à cet endroit que là où l'eau est plus calme. Le CaCO3 y précipite préférentiellement, ce qui surélève l'obstacle et l'amplifie. Et c'est également sur ces obstacles où la profondeur d'eau est la plus faible qu'il y a le plus de lumière et où prospèrent le mieux micro-algues et bactéries photosynthétiques fixées, qui favorisent aussi la précipitation de CaCO3. Cette précipitation de CaCO3 qui rehausse toutes les irrégularités initiales finit par faire une série de murs qui barrent complètement le ruisseau. Cette précipitation peut aussi avoir lieu ici et là dans le lit du ruisseau, sans causes particulières si ce n'est une intense vie d'êtres unicellulaires photosynthétiques en particulier des cyanobactéries) vivant au fond ou sur un caillou. On a alors les boules stromatolithiques classsiquesque tout le monde connaît, en croyant qu'il n'y en a qu'en Australie.
Des dépôts de calcaires de ce type, très souvent constitués de fines lamines de calcaire superposées sont appelés "travertins", (ou encore "tuf", terme qu'il vaut mieux éviter pour ne pas introduire de confusion avec certains dépôts volcaniques autrefois aussi appelés "tuf ") quand la perte de CO2 n'est pas due à la seule action de la vie (toujours présente), mais aussi à celle d'un dégazage spontané (agitation …). Quand l'action d'êtres unicellulaires photosynthétiques est prépondérante, on parle de stromatolithe (encore orthographié "stromatolite", à l'anglaise). Il y a donc une continuité totale entre des concrétions karstiques des grottes, où évidemment la photosynthèse n'agit pas, aux stromatolithes standards et pédagogiques, où la photosynthèse agit quasiment seule. Les environs immédiats de la cascade de Saint Pierre-Livron montrent en moins de 50 m tous ces intermédiaires, de la cascade, montrant une morphologie telle qu'on peut en trouver dans les grottes, aux boules stromatolithiques, telles qu'on en trouve dans les mers, lacs, rivières et ruisseaux actuels et anciens (et pas uniquement dans une célèbre baie australienne). Toutes les photographies qui suivent ont été prise en août 2012, en période d'extrêmes basses eaux.
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas // Brotherzz Photo prise depuis le pont de la D97. Le mini lac a le fond "encombré" de boules stromatolithiques et est fermé à l'aval par un barrage karstique. Les photos qui suivent ont été prises entre la cascade et le pont de la D97. | |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas // Brotherzz La photo de gauche a été prise en août 2012 en période de sécheresse. Celle de droite a été prise en période de pleines eaux. L'absence d'eau pendant l'été montre que la cascade coule sur les travertins qu'elle dépose. Au pied de la cascade, un mini-lac (un gour) d'une dizaine de mètres de diamètre, avec une eau de cette belle couleur bleue caractéristique des eaux karstiques. | |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Sur son côté droit, où l'eau coule le plus rarement, des mousses ont pu se développer. | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas La base de la masse de travertin indique le niveau "normal" du mini-lac dans lequel tombe la cascade. La masse de travertin se développe bien en épaisseur, mais pas vers le bas, dans l'eau du lac, beaucoup moins agitée que celle de la cascade et protégée de la lumière par la masse calcaire sus-jacente. |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-lac est limité vers l'aval par un mini barrage au-dessus duquel s'écoule un film d'eau en période normale. Ce mini barrage croit en hauteur régulièrement, et est à l'origine du mini lac. | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Le mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. Dans le mini-lac en amont de ce mini barrage, noter les roches arrondies, des stromatolithes. Deux grosses boules stromatolithiques sont bien visibles sur la gauche. | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. Dans le mini-lac en amont de ce mini barrage, noter les roches arrondies, des stromatolithes. Deux grosses boules stromatolithiques sont bien visibles sur la gauche. |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. En haut à gauche, la base du pont de la D97. | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas Ce mini-mur se rehausse d'année en année, par dépôts de lamines de calcaire sur le mur lui-même, et sur les débris végétaux qui s'y trouvent coincés. |
![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2012 — IGN - Géoportail | ![]() Source - © 2012 — IGN - Géoportail |
![]() Source - © 2012 — BRGM / Google earth Le ruisseau sort à la limite entre calcaire du Jurassique moyen (brun et rouge) et marne du Jurassique inférieur (bleu et violet). Après un parcours à peu près plat de 500 m à la surface des marnes (surface sans doute "renforcée" par des dépôts travertino-stromatolithiques), le ruisseau tombe dans la fond de la vallée de la Bonnette par l'intermédiaire de la cascade (flèche rouge). | ![]() Source - © 2012 — Pierre Thomas La cascade se situe à une quarantaine de km au Nord-Est de Montauban. |
Modifications légères et remise en forme le 10 septembre 2014.




















