Image de la semaine | 17/09/2012
Stromatolithes actuels, travertins et cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron, Caylus (Tarn et Garonne)
17/09/2012
Résumé
Précipitations calcaires : des travertins aux stromatolithes.
Sur la route allant de Lyon au Gers, entre Rodez et Montauban, juste à l'entrée de Caylus, un panneau d'information touristique attire l'œil et indique « cascade pétrifiante ». Un détour, de 3 km, s'impose.
Cette cascade est alimentée par des sources sortant à la base des calcaires du Jurassique moyen, au contact avec les marnes du Jurassique inférieur. Ces eaux karstiques sont initialement des eaux de pluie (légèrement chargées de CO2 à cause des 0,038% de l'atmosphère). En traversant le sol, ces eaux se chargent du CO2 issu de la respiration de la "vie du sol" (racines et surtout mycélium des champignons et bactéries). Ces eaux très chargée en CO2 dissolvent le calcaire lors de la traversée des couches sous-jacentes.
CaCO3 + H2O + CO2 ↔ Ca2+ + 2HCO3-
Les eaux circulant au sein des karsts (calcaires) se chargent donc d'ions HCO3- et Ca2+ en solution. Quand ces eaux reviennent en surface au niveau d'une source, elles relâchent vers l'atmosphère un peu de CO2, perte de CO2 qui est favorisée par une forte agitation (comme au niveau d'une cascade) et grandement favorisée par la photosynthèse de mousses, d'algues, de bactéries… Cette perte de CO2 déplace l'équilibre des carbonates "vers la droite" (dans l'équation ci-dessous), et entraîne un précipité de CaCO3.
2 HCO3- + Ca++ (en solution) → CO2(dégagé dans l'atmosphère ou absorbé par la photosynthèse) + CaCO3 + H2O.
Ces sources déposent du calcaire, directement au point de sortie et sur les quelques centaines de mètres qui suivent la source quand la morphologie du lit provoque une agitation. Cette agitation peut être exacerbée si une cascade accidente le lit du ruisseau. Elle peut aussi avoir lieu là où un obstacle rend le lit du ruisseau un peu moins profond qu'ailleurs, et où l'eau coule plus vite et est plus agitée ; alors le CO2 se dégaze mieux à cet endroit que là où l'eau est plus calme. Le CaCO3 y précipite préférentiellement, ce qui surélève l'obstacle et l'amplifie. Et c'est également sur ces obstacles où la profondeur d'eau est la plus faible qu'il y a le plus de lumière et où prospèrent le mieux micro-algues et bactéries photosynthétiques fixées, qui favorisent aussi la précipitation de CaCO3. Cette précipitation de CaCO3 qui rehausse toutes les irrégularités initiales finit par faire une série de murs qui barrent complètement le ruisseau. Cette précipitation peut aussi avoir lieu ici et là dans le lit du ruisseau, sans causes particulières si ce n'est une intense vie d'êtres unicellulaires photosynthétiques en particulier des cyanobactéries) vivant au fond ou sur un caillou. On a alors les boules stromatolithiques classsiquesque tout le monde connaît, en croyant qu'il n'y en a qu'en Australie.
Des dépôts de calcaires de ce type, très souvent constitués de fines lamines de calcaire superposées sont appelés "travertins", (ou encore "tuf", terme qu'il vaut mieux éviter pour ne pas introduire de confusion avec certains dépôts volcaniques autrefois aussi appelés "tuf ") quand la perte de CO2 n'est pas due à la seule action de la vie (toujours présente), mais aussi à celle d'un dégazage spontané (agitation …). Quand l'action d'êtres unicellulaires photosynthétiques est prépondérante, on parle de stromatolithe (encore orthographié "stromatolite", à l'anglaise). Il y a donc une continuité totale entre des concrétions karstiques des grottes, où évidemment la photosynthèse n'agit pas, aux stromatolithes standards et pédagogiques, où la photosynthèse agit quasiment seule. Les environs immédiats de la cascade de Saint Pierre-Livron montrent en moins de 50 m tous ces intermédiaires, de la cascade, montrant une morphologie telle qu'on peut en trouver dans les grottes, aux boules stromatolithiques, telles qu'on en trouve dans les mers, lacs, rivières et ruisseaux actuels et anciens (et pas uniquement dans une célèbre baie australienne). Toutes les photographies qui suivent ont été prise en août 2012, en période d'extrêmes basses eaux.
Modifications légères et remise en forme le 10 septembre 2014.