Image de la semaine | 23/11/2015
Le lapiaz de la Pierre Saint Martin (Pyrénées Atlantiques), l'un des plus grands lapiaz de France
23/11/2015
Résumé
Lapiaz encore peu évolué développé à la surface d'un vaste domaine karstique.
Le karst de la Pierre Saint Martin est un "vieux" et vaste karst qui fonctionne depuis des millions d'années. Il affecte des calcaires du Crétacé supérieur, Campanien à Turonien (C5-3 sur la carte géologique de Larrau). Ce Crétacé recouvre en discordance le socle hercynien qui contient aussi des calcaires (dévoniens) pouvant être aussi karstifiés. Ce karst couvre une surface de 140 km2. On y a recensé plus de 430 km de galeries souterraines, 2000 avens… C'est là qu'est localisé le célèbre gouffre de la Pierre Saint Martin qui a eu en son temps le record du monde de la plus grande "verticale". Ce karst abrite aussi une des plus grandes salles souterraines du monde, la salle de la Verna (45 m x 242 m x 194 m), dans laquelle l'on peut voir cette discordance hercynienne (cf. Discordance hercynienne dans la salle de la Verna, gouffre de la Pierre Saint Martin (Arette - Aramits - Sainte Engrâce, Pyrénées Atlantiques).
En pays calcaire, les morphologies superficielles les plus spectaculaires des karsts sont souvent des lapiaz (aussi appelés lapiés, lapiez, lapiès ou karren). Il s'agit de surfaces calcaires parcourues de "rigoles de dissolution" plus ou moins marquées. Ces rigoles apparaissent soit à partir des diaclases initialement présentes dans la roche, progressivement élargies par l'action des eaux de ruissellement chargées de CO2, soit le long de la ligne de plus grande pente par simple dissolution, sans qu'il y ait besoin de fissure initiale. Le dioxyde de carbone dissous dans ces eaux de ruissellement (eaux de pluie ou de la fonte des neiges) provient un peu du CO2 atmosphérique. Mais comme souvent les fractures et rigoles sont tapissées de voiles bactériens, de concentrations de cyanobactéries et même remplies d'humus abritant végétaux et champignons, et c'est surtout la respiration de ces êtres vivants (bactéries, champignons, racines des végétaux…) qui produit le CO2, CO2 que ces organismes ont eux-mêmes directement ou indirectement extrait de l'atmosphère par la photosynthèse.
La dissolution des carbonates par les eaux chargée de CO2 peut s'écrire : CO2 + H2O + CaCO3 → 2 HCO3- + Ca2+. C'est la réaction inverse de ce qui se passe dans les grottes riches en stalactites, stalagmites et autres concrétions.
Mais si le karst de la Pierre Saint martin fonctionne depuis longtemps (karst mature), les lapiaz, qui se forment en surface, sont jeunes, car la région a été recouverte par les glaciations quaternaires. Ces glaciers ont sans doute poli la surface des calcaires. La morphologie actuelle avec ses "rigoles" de toutes tailles a sans doute moins de 15 000 ans.
Dans les fissures et rigoles formées sur les lapiaz, quand un sol, important producteur de CO2 et d'acides humiques, s'installe, cela accélère encore la dissolution au niveau de ces fissures qui s'élargissent, s'approfondissent et vont prendre le dessus par rapport aux autres. On passe ainsi d'un lapiaz peu évolué (comme ici à la Pierre Saint Martin ou à une beaucoup plus petite échelle à Loulle -Un exemple de petit lapiaz : le lapiaz de Loulle (Jura)), à un lapiaz beaucoup plus mature (comme par exemple celui du Bois de Païolive que l'on verra la semaine prochaine).
Nous allons observer à différentes échelles différents aspects de ce lapiaz de la Pierre Saint Martin. Toutes les photographies ont été prises dans le secteur des images 1 à 4, près de la route sur le flanc Nord du col de la Pierre Saint Martin.