Article | 13/10/2021
Les pseudocratères et autres formations volcaniques originales du lac Mývatn (Islande)
13/10/2021
Résumé
Pseudocratères, coulées, lacs et tunnels de laves, fumeroles, paysages remarquables et fissures éruptives aux alentours du lac Myvatn et du Krafla.
Table des matières
L'Islande est une destination incontournable pour les amateurs de géologie. Elle a d'ailleurs fait l'objet de nombreux articles sur Planet-Terre (voir les Compléments).
Sa position à la rencontre de la dorsale médio-atlantique et d'un point chaud profondément enraciné dans le manteau explique son exceptionnelle activité tectonique, magmatique et géothermique. Des dizaines d'éruptions ont été ainsi documentées au cours des temps historiques (dont celle qui se poursuit depuis quelques mois au moment où j'écris ces lignes en juin 2021 au niveau du Fagradalsfjall, dans la péninsule de Reykjanes, faisant le bonheur des amateurs d'images spectaculaires), et 99,9 % de la surface de l'ile est recouverte par des roches volcaniques variées. Le climat froid de l'Islande, son isolement au milieu de l'Atlantique Nord, sa faible densité de population, en font un paradis volcanologique préservé, d'autant que la végétation y est rare sinon absente (une caractéristique toutefois largement héritée de la dégradation des forêts primitives et des sols par la surexploitation – surpâturage notamment – depuis la colonisation de l'ile par les Vikings).
Par ailleurs, la proximité avec le cercle polaire arctique permet des phénomènes glaciaires d'une ampleur inégalée en Europe, qu'il s'agisse des glaciers actuels (hélas ici comme ailleurs menacés par le réchauffement climatique) ou des traces évidentes laissées par leur extension considérable lors des périodes glaciaires ayant précédé l'Holocène. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, le Vatnajökull, d'une superficie de 8 300 km2 (comparable à la Corse !) est la deuxième plus vaste calotte glaciaire d'Europe après l'Austfonna au Svalbard (anciennement connu sous le nom de Spitzberg) ; et l'ensemble de la région, sur plus de 15 000 km2 (soit 15 % du territoire islandais), est protégé par un parc national, ce qui en fait le plus grand parc national d'Europe.
La dépendance des Islandais à un environnement à la fois rude et fragile a beaucoup fait pour le développement d'une conscience écologique forte dans le pays ; ainsi les paysages et curiosités naturelles sont très bien mises en valeur et protégées. Cela ne va pas cependant sans une certaine tension avec le développement massif du tourisme depuis la fin des années 2000, manne bienvenue après la crise financière de 2008-2010, mais aussi risque pour l'écologie et le mode de vie islandais : la comparaison des 2,2 millions de visiteurs en 2017 par rapport aux 350 000 habitants permanents de l'ile est frappante !
Cadre géologique général du lac Mývatn
En particulier, le secteur du Mývatn, le bien nommé « lac des moucherons », dans le Nord-Est du pays, à proximité du volcan actif Krafla, et à 50 km à l'Est d'Akureyri, la grande ville du Nord du pays, est un concentré de richesses géologiques à ne pas manquer. Troisième étendue d'eau d'Islande par sa superficie (38 km2), mais d'une profondeur moyenne n'atteignant que 3 m, il est parsemé d'iles volcaniques constellées de cratères (ou plutôt, comme nous le verrons plus bas, de pseudocratères, figures 38 à 44). Le lac est alimenté dans sa partie Nord-Est par des sources chaudes à plus de 20°C ; solfatares et sites hydrothermaux sont nombreux dans les environs (et d'ailleurs activement exploités par les thermes Mývatn Nature Baths). Dans le secteur, on trouve aussi une usine de séchage de la diatomite exploitée par pompage au fond du lac, et la centrale géothermique de Krafla édifiée à partir de 1975 (figures 6 à 25). Dans cet univers volcanique, il n'est pas surprenant que le lac ait une chimie assez particulière (forte teneur en minéraux notamment), ce qui permet une productivité primaire élevée (lac eutrophe), surtout à une si haute latitude. Chaleur, nutriments... assurent en effet le développement d'algues, surtout des diatomées, mais aussi des marimo (terme issu du japonais, ayant secondairement donné son nom à un astéroïde) plus originales : colonies souvent sphériques d'algues filamenteuses Aegagropila linnaei, de la famille des Cladophoraceae. Tous ces êtres vivants photosynthétiques alimentent un écosystème riche et original. Son fonctionnement est notamment marqué par la prolifération de moucherons en été (mý en islandais, d'où le nom bien mérité de Mývatn, « lac des moucherons » ; il s'agit plus précisément de Chironomidae) et de crustacés Cladocera. Ces Arthropodes assurent à leur tour l'alimentation de très nombreuses espèces d'oiseaux d'eau douce, européennes comme américaines, dont beaucoup séjournent ici à l'année. D'extraordinaires populations de canards, en particulier, font le bonheur des ornithologues.
Le lac est limité à l'Ouest par des rides de basaltes d'âge pléistocène, à l'Est par des rides de tuf volcanique et des montagnes en table (volcans sous-glaciaires typiques). Il est situé dans le rift médian, représentant le prolongement émergé de la dorsale médio-atlantique dans le Nord de l'Islande. Il n'est donc pas surprenant que l'activité volcanique y soit essentiellement récente, voire actuelle, et principalement caractérisée par des éruptions fissurales (typiques du volcanisme islandais moderne) et quelques cratères d'explosion.
Auparavant, signalons l'émission pendant la glaciation du Würm de volumineuses nappes de rhyolites et coulées d'obsidiennes, ayant largement comblé la caldeira du Krafla, qui n'est plus guère visible dans la topographie actuelle ; et un volcanisme sous-glaciaire ayant laissé pillow-lavas et hyaloclastites (exemple figure 12).
L'entrée dans l'Holocène, avec le recul des glaciers, permet le développement d'un volcanisme aérien. Un des événements les plus marquants est la longue coulée de lave appelée Vieille Laxà, émise par le volcan bouclier Ketildyngjà, 25 km au Nord de Mývatn, vers 3 800 a BP, qui forme un barrage entrainant la formation d'un premier lac. Cette coulée atteindra ensuite la mer en suivant la vallée Laxadalur, à l'Ouest du lac (littéralement la « vallée de la rivière aux saumons » – ce n'est pas la seule de ce nom en Islande).
Il y a 2 700 ans environ, le magnifique cône de scories Hverfjall (figures 2 à 5) est construit en une seule éruption (0,5 km3 de blocs sont ainsi éjectés) sur la rive Est du lac.
Puis vers 2 170 a BP débute un peu plus à l'Est une énorme activité fissurale au niveau des volcans linéaires Lùdentsborgir et Þrengslaborgir (figure 65). La volumineuse coulée émise (3 km3 répartis sur une surface de 220 km2, 63 km de long et 17 m d'épaisseur moyenne), appelée Jeune Laxà, se superpose à la coulée Vieille Laxà et atteint presque la mer. C'est sur cette coulée de basalte tholéïtique à olivine que se forment les pseudocratères (figures 39 à 45) des ilots du lac Mývatn, et le site de Dimmuborgir (figures 47 à 58), que nous étudierons plus bas.
Seules quelques petites éruptions sont ensuite recensées vers les années 250, 850 et 1 300 de notre ère.
Un nouveau cycle éruptif démarre le 17 mai 1724 : ce sont les « feux du Mývatn », qui dureront cinq ans. Le cratère d'explosion Viti ou Helviti (littéralement « l'enfer », figure 26) se forme en premier, au Nord-Est du lac, sur la pente Sud du volcan Krafla. Cette violente éruption phréatomagmatique éjecte des ponces siliceuses et des scories basaltiques. Puis tremblements de terre et dépôts de cendre ravagent les abords du Krafla. Divers changements sont observés dans la topographie, le niveau du lac et l'écoulement de la rivière Laxà.
Le 11 janvier 1725, une fissure, Leirhnjúkur, s'ouvre sur le volcan Krafla. Plusieurs coulées s'en échappent, couvrant plus de 35 km2 au total. En août 1729, une coulée plus importante, Eldhraun, atteint le lac (figure 27), rasant le village de Reykjahlíð, mais épargnant de peu son église (sens de l'humour divin, ou plus probablement construction sur une petite proéminence...). L'activité volcanique cesse alors, si on excepte une éruption mineure en 1746.
Enfin, une éruption majeure du Krafla a lieu entre 1975 et 1984, débutant par une reprise du volcanisme au Nord de la fissure Leirhnjúkur le 20 décembre 1975 (précédée par plusieurs mois d'activité sismique). Ce sont les « nouveaux feux du Mývatn ». Dans le mois et demi qui suit, la vaste caldeira du Krafla s'affaisse de 2 m, tandis que la partie centrale du volcan Krafla se bombe à une vitesse de 10 à 15 mm/j pendant plusieurs mois, traduisant l'injection de magma en profondeur dans les fissures du rift, avec des à-coups lorsque des zones de faiblesse cèdent brutalement. Le magma n'atteint la surface qu'en 1975, 1977, 1980, 1981 et 1984, donnant alors des éruptions basaltiques fissurales (figures 35 et 36). La chambre magmatique, vers 3 km de profondeur, se remplit et se vide à plusieurs reprises, à un rythme moyen estimé à 5 m3/s. La vitesse de remontée du magma est connue grâce aux séismes qui l'accompagnent : elle varie ici entre 0,4 et 2,5 m/s. Notons qu'un forage géothermique profond de 1 138 m fait l'objet d'une remontée d'environ 1,2 m3 de lave. Il s'agit de la plus petite éruption connue, et la première de ce style au monde !
L'ensemble de la zone affectée par les « nouveaux feux du Mývatn » s'étend sur 80 km au Nord, jusqu'à l'océan Arctique (Äxarfjördur) et au Sud (Est du lac Mývatn) ; le rift s'est écarté de 9 m pendant ce cycle (rattrapant ainsi le faible écartement des plaques tectoniques dans le secteur depuis plusieurs siècles : en effet, la moyenne d'écartement de 2 cm/a de ce rift reflète mal le caractère discontinu, épisodique de l'expansion de la lithosphère océanique). Près de 250 millions de m3 de lave se sont épandus en surface, mais ce sont sans doute plus de 800 millions de m3 qui ont cristallisé en profondeur dans la croute. Certaines phases éruptives (fontaines de laves de 1984 notamment, figure 36) ont été observées depuis Reykjavík, à 300 km au Sud-Ouest !
Depuis, le volcan est calme, mais de nombreuses sources chaudes et solfatares (figures 6 à 25) traduisent un gradient géothermique toujours exceptionnel dans le secteur du Mývatn.
Source - © 2009 Chmee2/Valtameri – CC BY 3.0 |
Source - © 1977 Morgunblaðið | Source - © 1984 Michael Ryan, U.S.G.S. |
Source - © 1984 Roger Goodman – CC BY-SA 2.0 |
Les pseudocratères du lac Mývatn
Intéressons nous à présent plus spécifiquement aux pseudocratères sur de nombreux ilots du lac Mývatn (figures 39 à 45). Ils se sont formés en nombre (plus de 2 500 recensés dans la région !), répartis sans orientation préférentielle, à la surface de la coulée Jeune Laxà, longue de 63 km, issue des fissures Lùdentsborgir et Þrengslaborgir (figure 67) vers 2 170 a BP. Ces édifices ressemblent à priori à des cratères stromboliens classiques (cônes de scories projetées par une fontaine de lave), quoique de petite taille (entre 1 et 100 m de diamètre, et quelques dizaines de mètres de haut au maximum). Ils s'en distinguent cependant par l'absence de cheminée d'alimentation en profondeur. Ces pseudocratères sont appelé rootless cone en anglais. Aucune racine n'ayant ici amené le magma en surface depuis la chambre magmatique, l'origine des pseudocratères est à rechercher dans la coulée elle-même, dont ils sont un épiphénomène.
L'interprétation classique de tels pseudocratères est une rencontre entre une coulée de type pahoehoe, donc chaude (entre 1 100 et 1 200 °C) et très fluide (viscosité de 300 à 600 Pa.s), et une zone humide : lac, marécage ou tourbière…, liquide l'été mais pouvant être gelée l'hiver. L'eau vaporisée par le contact avec la lave se fraye un chemin à travers la coulée, provoquant des centaines de petites explosions phréatomagmatiques générant autant de pseudocratères. On peut donc également parler de cratères phréatiques. La présence du paléolac Mývatn (et de ses boues à diatomées très riches en eau) lors de l'arrivée de la coulée Jeune Laxà est attestée, et appuie ce scénario.
Toutefois, des pseudocratères peuvent également se former au sommet des coulées pahoehoe sans apport extérieur d'eau : si des petits lacs de lave s'individualisent au cœur de tunnels au sein de la coulée, et se vidangent de manière cyclique en crevant la croute solidifiée de la coulée (du fait de phénomènes de surpression liés au régime d'écoulement), sur une durée allant de quelques jours à quelques semaines, ils génèrent aussi des pseudocratères sans cheminée d'alimentation. Un épanchement rapide (de 3 à 50 km/h) sur des surfaces à faible pente (≤ 3,5 %) favoriserait le phénomène.
La cristallisation fractionnée du magma au sein d'une vaste coulée tend par ailleurs à concentrer les éléments volatils dans le liquide résiduel, facilitant aussi des phénomènes de dégazage brutaux. La limite entre pseudocratères, hornitos, fontaines de lave, tumulus, anneaux éclatés... devient alors poreuse, tous ces phénomènes en surface de la coulée pouvant avoir une origine commune : des variations d'écoulement interne et de teneurs en volatils.
Dans le cas présent, la disponibilité extérieure en eau serait le facteur principal ayant permis l'édification des pseudocratères, et leur distribution sur la coulée Jeune Laxà reflèterait l'emplacement du paléolac Mývatn (ailleurs, seuls de petits hornitos seraient mis en place, cf. article de F. Boreham [a3] dans les Compléments).
Précisons pour finir que des pseudocratères sont connus ailleurs en Islande (par exemple sur le lac Þingvallavatn dans le graben de Þingvellir, au Sud-Ouest du pays), ainsi qu'à Hawaï, aux Galápagos, et dans les basaltes de la Columbia River ; des analogues existeraient sur Mars, ce qui ne manque pas d'intérêt quant à l'existence d'eau liquide (ou gelée) à (ou près de) la surface de cette planète dans un passé plus ou moins lointain.
Source - © 2016 Wojciech Strzelecki "Wojtrix" - CC BY-SA 4.0 | |
Source - © 2013 Borvan53 – CC BY-SA 3.0 | Source - © 2021 / 2001 Google Earth / Peter Lanagan (LPL, U. Arizona) et al., MOC, MGS, NASA |
Le site de Dimmuborgir
Un autre site exceptionnel de la rive Est du lac Mývatn est le secteur de Dimmuborgir (littéralement « les châteaux sombres », nom repris par un groupe de black metal symphonique norvégien). Selon la légende, ce serait une résidence de Grýla, géante dévorant les méchants enfants (des versions édulcorées en faisant la mère des lutins de Noël apparaitront au XVIIe siècle).
Dimmuborgir est caractérisé par des rochers basaltiques noirs aux formes torturées, ruiniformes et lugubres, constituant des colonnes étranges de 15 à 20 m de haut. L'ensemble du site forme une dépression elliptique d'environ 1,5 km de rayon, dont le fond a une altitude environ 15-20 m sous la surface environnante de la coulée Jeune Laxà (les colonnes atteignent ainsi le niveau de la surface de coulée environnante). Des scories et des fragments écroulés de carapaces de coulées de type pahoehoe constituent le plancher actuel de Dimmuborgir.
Sa formation serait due à la stagnation d'un lac de lave derrière un barrage naturel temporaire. Le magma, émis rapidement par les fissures Lùdentsborgir et Þrengslaborgir, à une altitude plus élevée de 30 à 60 m que Dimmuborgir, aurait emprunté des tunnels de lave et constitué une lentille de liquide sous pression, car ne pouvant s'évacuer aussi vite qu'il était apporté. Ce phénomène aurait fait gonfler la croute supérieure solidifiée du lac de lave, lui donnant une topographie bombée en bouclier. De telles accumulations temporaires bombées ont pu être observées directement, par exemple sur le volcan Kilauea, à Hawaï, lors d'une éruption en 2007-2008.
Dans le même temps, au contact de zones tourbeuses ou marécageuses à la base du lac de lave, des phénomènes phréatomagmatiques, comme ceux ayant donné les pseudocratères du lac Mývatn quelques centaines de mètres plus loin, auraient refroidi localement le magma le long des conduits empruntés par la vapeur d'eau s'évacuant en surface. Ces conduits solidifiés seraient restés, formant les étranges colonnes encore visibles aujourd'hui, atteignant la hauteur de l'ancienne surface de coulée. Le lac de lave lui-même aurait fini par se vidanger vers l'aval (vers le Nord, l'Ouest et le lac Mývatn essentiellement) suite à une rupture du barrage temporaire, ne laissant donc que les conduits figés aux formes torturées (et quelques éléments de la carapace supérieure, déposés sur le plancher du site), au milieu d'une dépression circulaire correspondant à l'emplacement de l'ancienne lentille de magma. Les scientifiques ont pu estimer la durée de l'ensemble du processus de remplissage à quelques semaines, et la vidange de la lentille de lave à quelques jours seulement ; plusieurs épisodes similaires ont pu se succéder.
En ce sens, Dimmuborgir illustrerait la base, invisible aujourd'hui, des pseudocratères présents aux environs : pseudo-racines phréatomagmatiques au sein de la coulée de lave alimentant les cônes d'éjectas à sa surface. Notons toutefois qu'il existe dans la littérature scientifique d'autres théories pour expliquer l'existence des piliers au sein de la lentille de magma (cf. l'article de A. Skelton [a2] dans les Compléments).
Par ailleurs, d'autres indices de tunnels de lave anastomosés sont visibles dans les environs de Dimmuborgir, toujours au sein de la coulée Jeune Laxà, sans qu'ils fassent nécessairement intervenir de phréatomagmatisme ; c'est le cas par exemple du site d'Höfdi, qui comporte des piliers aux formes complexes et des arches de lave en plus d'un beau point de vue sur le lac et les pseudocratères. Ce site a par ailleurs servi de décor à certaines scènes de la série Game of Thrones.
Les fissures éruptives Lùdentsborgir et Þrengslaborgir, origine de la coulée Jeune Laxà
Pour conclure cet article, observons les fissures éruptives Lùdentsborgir (2,5 km de long) et Þrengslaborgir (4 km de long) d'où sont sorties il y a 2 170±38 a BP (selon une datation de 2012) les coulées Jeune Laxà à l'origine des sites à pseudocratères (figures 39 à 45) et de Dimmuborgir (figures 47 à 59). Toutes deux de direction Nord-Sud, situées à l'Est du lac Mývatn, elles sont peu accessibles sans véhicule tout terrain, nous nous contenterons donc d'un aperçu de loin. Notons au passage que les éruptions fissurales, loin de l'image d'Épinal du volcan en cône strombolien, sont les plus caractéristiques observées en Islande de nos jours (il suffit par exemple d'évoquer la célèbre éruption du Laki en 1784, ou encore celles du Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn » en 1975-1984).
On peut décrire leur activité ainsi :
- ouverture de la fissure, des explosions la vident et l'élargissent, projetant essentiellement des blocs de laves anciennes arrachés au substratum ;
- de grandes quantités de lave fluide, assez riche en gaz, s'échappent de la fissure ;
- des projections de scories par des fontaines de lave édifient une rangée de petits cônes alignés le long de la fracture ;
- la lave très chaude et fluide, en partie dégazée, continue de s'épancher depuis la fissure ou à partir des cônes nouvellement formés (éventrant alors les cratères), et constitue une coulée de type pahoehoe qui s'étale vers le lac, puis en direction de la mer, formant au passage les sites de Dimmuborgir et les pseudocratères étudiés précédemment ;
- le magma cesse de monter dans la fissure, l'éruption s'achève par une activité fumerollienne.
Source - © 2016 A. Skeltton [a2], francisé
A. Compléments
Vocabulaire géologique islandais
Borgir : châteaux (souvent, mais pas exclusivement, correspondant à des formations associées à des fissures éruptives)
Dalur : vallée
Fjall : montagne
Hraun : coulée de lave
Vatn : lac
Localisation du lac Mývatn dans le Nord de l'Islande
La localisation des lieux étudiés peut être retrouvée grâce à un fichier kmz recensant les sites aux alentours du lac Mývatn.
Bibliographie et sitographie
Un article très complet, en français et en accès libre, de Michel Detay et Björn Hróarsson sur la Mise en place des pāhoehoe par tubes et tunnels de lave : concept et signatures volcano-géomorphologiques.
L'article de A. Skelton, Dimmuborgir: a rootless shield complex in northern Iceland, publié en 2016 dans le Bulletin of Volcanology, décrit bien la mise en place du site de Dimmuborgir, sans faire intervenir le phréatomagmatisme dans la genèse des colonnes.
L'article de F. Boreham, Linking lava flow morphology, water availability and rootless cone formation on the Younger Laxà Lava, NE Iceland (accès libre), publié en 2018 dans le Journal of Volcanology and Geothermal Research, décrit la mise en place des pseudocratères le long de la coulée Jeune Laxà.
Une carte géologique du secteur du lac Mývatn, un peu ancienne mais détaillée.
On trouve sur Planet-Terre d'assez nombreux articles sur l'Islande, destination incontournable des amateurs de géologie, traitant de divers aspects.
- Par exemple, sur la cryoclastie, Galets islandais fracturés par cryoclastie.
- L'immense glacier du Vatnajökull, Les pseudo-moraines du Vatnajökull (Islande) : interaction entre écoulement glaciaire et éruptions volcaniques, et la lagune glaciaire de Jökulsarlon, Couleur et forme des icebergs (Islande et Patagonie).
- La colonisation des coulées de lave par les mousses et lichens en climat froid : La colonisation d'une coulée de lave par des mousses en climat atlantique froid, coulée du Lakagigar (Laki), Islande.
- Les superbes tunnels de lave islandais : Les tunnels de lave islandais, leurs exceptionnels spéléothèmes (stalactites et stalagmites basaltiques) et leur festival de couleurs et Les grottes glacées d'Islande : comment est fixée la température à l'intérieur des cavités souterraines ?.
- La fameuse éruption de l'Eyjafjallajökull en 2010 : Éruption de l'Eyjafjöll sous l'Eyjafjallajökull, Islande.
- La non moins célèbre éruption du Laki en 1783 : Fissure éruptive de Lakagigar (Islande).
- La géothermie : Le Lagon Bleu, Islande et Geysérite et eaux siliceuses.
- Le contexte géodynamique particulier de l'Islande, entre point chaud et dorsale médio-atlantique :L'Islande, une interaction point chaud - dorsale.
- L'extension tectonique encore active : Champ de fractures en Islande.
- Les empilements types trapps de coulées de basaltes “tertiaires” : Coulées basaltiques tertiaires, Isafjördur, Islande.
- La morphologie de surface des coulées basaltiques : Coulées de laves anciennes de type aa (en gratons) : Arizona, Canaries, Islande et Chaîne des Puys, Laves cordées et Stries de friction et de progression sur et dans les coulées de type aa.
- Et de nombreux autres phénomènes volcaniques : Alignement islandais de cratères de soutirage, Mini et maxi bombes fuselées et Exemples de volcans boucliers : Galapagos, La Réunion, Islande, Sicile, Tahiti.
- Les cascades islandaises classiques et plus originales : Un aperçu géologique des cascades d'Islande – 1/2 : franchissement de coulées mises en relief et Un aperçu géologique des cascades d'Islande – 2/2 : cascades atypiques.
Le Guide des volcans d'Europe et des Canaries, de Maurice Krafft et François-Dominique de Larousière, bien qu'un peu daté (la dernière édition remonte à 1999), reste une précieuse source d'informations.