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Image de la semaine | 06/05/2024

La basilique d'Ainay (Lyon, Rhône), une basilique de 165 millions d'années (Bathonien)…

06/05/2024

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Fossiles d'ammonites et de terriers d'animaux fouisseurs, oolites… De la formation des pierres de construction à leur assemblage par étapes en une basilique.


Vue intérieure du chœur (à gauche) et de la façade occidentale (à droite) de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Figure 1. Vue intérieure du chœur (à gauche) et de la façade occidentale (à droite) de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

À part quatre colonnes en granite, quelques balustrades et marches d'escalier en marbre, et des éléments en céramique (briques…), la très grande majorité de l'édifice, du moins dans son état de 2024, est faite avec des calcaires régionaux, des calcaires datant du milieu du Jurassique, du Bathonien (~165 Ma) pour être précis.

Localisation par fichier kmz de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône).


La basilique d'Ainay est la plus vieille église de Lyon, de style roman (XIe et XIIe siècles), bien qu'elle ait été bâtie sur les ruines d'un édifice plus ancien, puis fortement remaniée-restaurée à la suite d'une histoire mouvementée (voir le site de l'abbaye d'Ainay ou la page Wikipedia de la basilique Saint-Martin (Ainay)). Nous avons vu la semaine dernière l'histoire complexe des quatre colonnes du chœur, colonnes “empruntées” au Moyen-Âge à des ruines romaines, les Romains ayant eux-mêmes été chercher ce granite au-delà des mers, vraisemblablement en Corse (cf Faire de la géologie en visitant les monuments romains de Lyon (Rhône). 4/ Les tribulations des colonnes de la basilique d'Ainay). Quand on visite l'église, on voit des sculptures, des mosaïques… Mais tout cela ne concerne que les 2 000 dernières années de l'édifice. Mais qu'est-ce que 2 000 ans par rapport au 165 000 000 d'années (165 Ma) des pierres ayant servi à bâtir cette église (et même 300 Ma si on tient compte des quatre colonnes de granite) ! En effet, quand on regarde à l'œil nu les matériaux ayant servi à bâtir les murs et les colonnes de la nef, à faire des marches d'escalier et l'estrade du maitre-autel, les pieds des colonnes de la façade, le dallage du parvis Ouest… et bien qu'il faudrait faire des analyse plus précises (lames minces, analyses chimiques…) pour en être sûr, on croit reconnaitre deux calcaires régionaux couramment utilisés pour la construction en région lyonnaise : (1) des calcaires bathonien (~165 Ma) du Sud du Massif du Jura (de part et d'autre du Rhône entre le Sud de l'Ain et le Nord de l'Isère, 45 km à l'Est de Lyon, et (2) d'autres calcaires d'aspect différent mais approximativement de même âge (Bathonien) et provenant du Sud Beaujolais, à 22 km au Nord-Ouest de Lyon.

La notice de la carte géologique de Belley décrit ainsi les deux principaux faciès du Bathonien du Sud de l'Ain / Nord de l'Isère exploités pour la construction (texte légèrement modifié).

(1) Les calcaires à taches, calcaires à débris, finement grenus à graveleux, parsemés de petites taches ovales (5 mm), le plus souvent rouille, parfois bleu-noir, qui sont de petits oncoïdes à nubéculaires (Mangold, 1971, p. 62). Ces calcaires sont souvent fossilifères. […]

(2) Le choin (8 à 12 m) dit « choin de Villebois » en raison de son exploitation jadis très active sur le territoire de cette commune et des communes voisines (Montalieu-Vercieu…). C'est un calcaire compact à grain fin, finement spathique, gris, parcouru de traces contournées et ramifiées d'un gris différent (plus foncé ou plus clair) sur les surfaces fraiches et alors peu visibles, elles deviennent souvent jaunâtres et se détachent nettement sur les parois altérées. La nature de la roche est quasiment la même dans sa masse et dans ces traces qui sont certainement des terriers d'organismes fouisseurs péné-contemporains du dépôt. Le choin contient de nombreux fossiles (ammonites, bélemnites…). Il se présente en bancs bien marqués d'épaisseur variable (0,20 à 2 m), avec des joints stylolitiques fréquents et très visibles, soit en séparation de bancs, soit à l'intérieur des bancs eux-mêmes.

Ce choin et ses carrières a déjà fait l'objet de deux articles : La Carrière du Mas (Villebois, Ain), ses stylolites, sa faille, quelques monuments bâtis avec son choin… et Les stylolites de la pierre de Villebois (Ain) à la Carrière des Meules. D'après la notice de la carte de Belley, le choin s'est déposé au-dessus du calcaire à taches, et lui est donc postérieur de quelques centaines de milliers d'années bien que ces deux couches appartiennent toutes deux au Bathonien (âgé de 168,2±1,2 Ma à 165,3±1,1 Ma).

La notice de la carte géologique de Villefranche-sur-Saône décrit ainsi le Bathonien exploité pour la construction dans le Sud Beaujolais (texte légèrement modifié).

[…] c'est un calcaire oolithique blanc (50 à 60 m) formé tantôt d'oolithes régulières tantôt de débris roulés mal calibrés avec des silex fréquents en lits. C'est la pierre de Lucenay exploitée autrefois dans de nombreuses carrières.

Dans un premier temps nous regarderons l'estrade du maitre-autel probablement fait de calcaire à taches contenant de nombreuses ammonites et quelques stylolites. Puis nous regarderons les colonnes de la nef très vraisemblablement taillées dans du choin contenant des traces de terriers d'organismes fouisseurs. Puis nous sortirons à l'extérieur de l'église ou nous reverrons choin, ammonites, stylolites… mais aussi de la pierre de Lucenay avec oolites. Puis nous rentrerons à nouveau dans l'église pour voir des marbres ayant servi (lors des restaurations du XIXe siècle) à faire balustrades, marches d'escalier…

Le maitre-autel (récent) posé sur une estrade faite de ce qui ressemble à du calcaire à taches contenant des ammonites (au moins six tout autour de l'autel), basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Figure 2. Le maitre-autel (récent) posé sur une estrade faite de ce qui ressemble à du calcaire à taches contenant des ammonites (au moins six tout autour de l'autel), basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Mais ce calcaire pourrait être un faciès particulier du choin. Les figures 3 à 6 ont été prises au niveau de la flèche rouge.


Vue rapprochée sur la surface de l'estrade de l'autel montrant une ammonite et des “taches” sombres plus ou moins circulaires

Figure 3. Vue rapprochée sur la surface de l'estrade de l'autel montrant une ammonite et des “taches” sombres plus ou moins circulaires

Les ammonites sont des céphalopodes (voisins des nautiles) qui vivaient (au Jurassique et au Crétacé) en “pleine mer” et non pas dans des zones très agitées comme les zones de déferlement des vagues. Le taches sombres montrent parfois une structure en couches concentriques, qui leur confère le nom d'oncoïde. Les oncoïdes sont des nodules et concrétions calcaire construits soit par l'agglomération de micro-particules carbonatées sur un support rendu adhésif par la présence d'un voile bactérien, soit par précipitation de calcaire directement par les bactéries elles-mêmes. On pense donc au « calcaire à tache » de la notice de la carte géologique, mais ce n'est pas une certitude. Dans la nature actuelle, les oncoïdes se développent dans des milieux encore soumis à l'action des vagues (au moins des vagues de tempête, en général jusqu'à une dizaine de mètres de profondeur), action des vagues qui “retourne” le nodule et permet la croissance des couches concentriques tout autour de la surface. Si cette interprétation est la bonne, la présence d'ammonites (pleine eau) et d'oncoïdes (zone d'action des vagues) suggère que l'on était en pleine eau (pas au niveau de l'estran), mais à une profondeur relativement faible, encore qu'on ait trouvé des oncoïdes actuels jusqu'à une cinquantaine de mètres de profondeur.


Zoom sur l'ammonite de la figure précédente

Figure 4. Zoom sur l'ammonite de la figure précédente

Deux détails méritent l'attention.

1/ Une tache juste au-dessus de l'ammonite montre bien une structure concentrique ; il s'agit bien d'un oncoïde.

2/ Des stylolites (cf. Les stylolites de la pierre de Villebois (Ain) à la Carrière des Meules) traversent toute la photo et ont même commencé à dissoudre la partie supérieure gauche de la coquille. Cette roche a bien subi une “compaction-compression” postérieurement à son dépôt.


Vue plus large sur la dalle à ammonites de la figure 3

Figure 5. Vue plus large sur la dalle à ammonites de la figure 3

Au-dessus à droite du couteau, l'ammonite des figures précédentes ; au-dessus du couteau à gauche, une autre ammonite.


Zoom sur l'ammonite de gauche de la figure précédente


Zoom sur une ammonite de la dalle de la figure précédente

Les colonnes de la nef semblent, elles, faites en choin. Ces colonnes sont “d'époque”, c'est-à-dire mises en place au XIe et/ou XIIe siècles. Il n'est pas exclu qu'elles proviennent de la réutilisation de colonnes romaines. En effet, l'histoire nous apprend que le choin du Sud Jura / Nord Isère était activement employé à l'époque romaine, puis que son exploitation s'est fortement ralentie, pour redémarrer de façon très importante à partir du XVIIIe siècle. Ce qui caractérise ce choin, du moins certains de ses niveaux, ce sont des restes de terriers d'organismes fouisseurs péné-contemporains du dépôt, les thalassinoïdes qui font partie des ichnofossiles. On retrouve aussi ce choin à thalassinoïdes dans certaines dalles du plancher, dans les marches conduisant à la chapelle Sainte Blandine (au Sud du chœur)...

Pour “tout savoir” sur ces thalassinoïdes qui ont été formés il y a 165 Ma par le fouissage d'animaux dans de la boue non encore consolidée, vous pouvez consulter Les thalassinoïdes, d'étranges ichnofossiles, et un possible équivalent actuel, les terriers des crabes de mangrove. Attention, les équivalents actuels des thalassinoïdes présentés dans l'article cité, à partir de la figure 20, sont creusés dans des mangroves (“plages” vaseuses se formant dans la zone de balancement des marées). De tels terriers de mangrove sont très éphémères et sont détruits (puis recreusés) à chaque grosse tempête, sauf ceux creusés bien à l'abri entre les racines des palétuviers racines dont on ne voit aucune trace dans le choin. En dehors de ces terriers creusés à l'abri, les terriers d'organismes fouisseurs ne sont conservés qu'en milieu calme, plus profond que la limite d'action des vagues, des tempêtes ou des courants de marée. Ces niveaux à thalassinoïdes se sont donc déposés à priori dans des eaux plus profondes que celles où se sont déposés les calcaires à taches. Et au-dessus de cette vase ou des animaux fouisseurs creusaient leur terrier nageaient des ammonites.

Quand on sort de l'église par les portails de façade principale (la façade Ouest), on peut bien étudier les soubassements des colonnes encadrant ces portes, soubassements qui dateraient de l'église originelle du Moyen-Âge (malgré des réfections diverses), et les dalles formant le parvis qui, elles, ont été installées au XIXe siècle. Tous ces éléments sont faits avec des calcaires provenant du Sud de l'Ain / Nord de l'Isère. Les murs et les colonnes, quand ils n'ont été ni enduits de crépis divers, ni bouchardés… montrent qu'ils sont constitués de pierre de Lucenay provenant du Sud-Est du Beaujolais.

Base de la façade principale (la façade Ouest) de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Figure 12. Base de la façade principale (la façade Ouest) de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Les V en rouge localisent les agrandissements des figures 13 à 16 (pierre de Villebois, Sud Ain / Nord Isère), le L rouge localise les figures 22 à 24 (pierre de Lucenay, Sud-Est du Beaujolais). Les figures 17 à 21 correspondent à des détails des dalles polies (et brillantes) qui forment le parvis juste au pied de la façade.


Base de la colonne Nord du portail Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de calcaire à thalassinoïdes

Figure 13. Base de la colonne Nord du portail Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de calcaire à thalassinoïdes

Les thalasinoïdes forment un réseau anastomosé de veines sombres bien révélées par leur altération différentielle.

D'après les “histoires lyonnaises”, ces bases de colonnes auraient été empruntées à d'anciens monument romains de Lugdunum, en ruine au Moyen-Âge. Est-ce un on-dit ou bien un fait démontré ?


Zoom sur la base de la colonne Nord du portail Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de calcaire à thalassinoïdes

Figure 14. Zoom sur la base de la colonne Nord du portail Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de calcaire à thalassinoïdes

Les thalasinoïdes forment un réseau anastomosé de veines sombres bien révélées par leur altération différentielle.

D'après les “histoires lyonnaises”, ces bases de colonnes auraient été empruntées à d'anciens monument romains de Lugdunum, en ruine au Moyen-Âge. Est-ce un on-dit ou bien un fait démontré ?


Base de la colonne Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de choin affecté par des joints stylolitiques

Figure 15. Base de la colonne Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de choin affecté par des joints stylolitiques

Les joints stylolithiques (cf. Les stylolites de la pierre de Villebois (Ain) à la Carrière des Meules) sont bien révélés par leur altération différentielle.

D'après les “histoires lyonnaises”, ces bases de colonnes auraient été empruntées à d'anciens monument romains de Lugdunum, en ruine au Moyen-Âge. Est-ce un on-dit ou bien un fait démontré ?


Zoom sur la base de la colonne Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de choin affecté par des joints stylolitiques

Figure 16. Zoom sur la base de la colonne Sud de la façade Ouest de la basilique d'Ainay, base constituée de choin affecté par des joints stylolitiques

Les joints stylolithiques (cf. Les stylolites de la pierre de Villebois (Ain) à la Carrière des Meules) sont bien révélés par leur altération différentielle.

D'après les “histoires lyonnaises”, ces bases de colonnes auraient été empruntées à d'anciens monument romains de Lugdunum, en ruine au Moyen-Âge. Est-ce un on-dit ou bien un fait démontré ?






Une autre ammonite visible sur une dalle du parvis de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Figure 21. Une autre ammonite visible sur une dalle du parvis de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Cette ammonite (d’une quarantaine de cm de diamètre) est la plus grande que j'aie vue à Ainay. Mais peut-être y en a-t-il d'encore plus grandes qui m'auraient échappé ?


On peut noter que 99,99 % des visiteurs et des paroissiens ne remarquent pas ces ammonites, justifiant en cela et à postériori l'accusation du prophète Jérémie (Jérémie 5.21), « … peuple insensé et stupide, qui avez des yeux mais ne voyez pas… », phrase reprise par les Évangiles, puis par le Coran. Mais il n'en était pas de même chez les bâtisseurs des cathédrales du Moyen-Âge, au moins dans les régions dont les pierres à bâtir contenaient des ammonites. Les ouvriers et les sculpteurs avaient été “interpelés” par ces espèces de gros “escargots” figés dans les pierres. En témoignent deux ammonites sculptées sur les portails de la cathédrale Saint-Jean de Lyon, comme en témoignent les figures de l'article Du Jurassique au Quaternaire, les ammonites réelles et imaginaires de l'agglomération lyonnaise.

Détail sur le mur (L rouge sur la figure 12) de la façade Ouest de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône), mur ici ni peint, ni crépis, ni bouchardé…

Figure 22. Détail sur le mur (L rouge sur la figure 12) de la façade Ouest de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône), mur ici ni peint, ni crépis, ni bouchardé…

Les pierres de ce mur montrent l'allure morphologique du calcaire bathonien en provenance du Sud-Est du Beaujolais (pierre de Lucenay). Pas d'ammonites ni de thalassinoïdes visibles. Il faut regarder de très très près pour voir que ce calcaire est un calcaire oolitique. Les deux figures suivantes sont situées juste au centre de la photo.


Rappelons ce qu'est un calcaire oolitique. Un calcaire oolitique est fait de l'accumulation d'oolites ; et on nomme oolite (ou oolithe, mot venant du grec aon signifiant œuf et lithos signifiant pierre) une petite (Ø de 0,3 à 2 mm) concrétion minérale sphérique régulière (de CaCO3 dans le cas de calcaire oolitique). Ces oolites sont constituées, lors d'un processus de précipitation, en lamines concentriques. Les oolites se forment en milieu marin (ou éventuellement lacustre) peu profond et régulièrement bien agité. Ces lamines se forment par précipitation autour d'un nucléus : oolite plus petite, petit grain de sable, micro-fragment de coquille… Cette précipitation, au moins dans la nature actuelle, est due à des bactéries (déplacement de l'équilibre des carbonates par la photosynthèse, précipitation de CaCO3 due aux protéines des parois bactériennes…). Ces oolites sont remuées par les vagues et courants et restent en suspension ou en mouvement sur le fond en formant un “sable oolitique”, jusqu'à ce que ces oolites deviennent trop lourdes ; elles se stabilisent alors sur le fond, sédimentent, et sont soudées les unes aux autres par un ciment carbonaté. Les fossiles d'animaux vivant en pleine mer (ammonites, bélemnites…) sont très rares dans les calcaires oolitiques.

Détail sur des oolites (toutes petites sphères) de la pierre de Lucenay (Sud-Est du Beaujolais) avec laquelle sont bâtis les murs de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Figure 23. Détail sur des oolites (toutes petites sphères) de la pierre de Lucenay (Sud-Est du Beaujolais) avec laquelle sont bâtis les murs de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Une oolite plus grosse que les autres est visible dans le quart supérieur droit de la photo. On y voit la structure concentrique interne.


Autres zooms sur un autre secteur de la figure 22, façade Ouest de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

Figure 24. Autres zooms sur un autre secteur de la figure 22, façade Ouest de la basilique d'Ainay (Lyon, Rhône)

La structure concentrique se voit bien pour certaines de ces oolites.



Vue aérienne d'un secteur des Bahamas, possible analogie actuelle ressemblant à la région lyonnaise telle qu'elle était au Jurassique moyen (Bathonien) il y a 165 Ma

Figure 26. Vue aérienne d'un secteur des Bahamas, possible analogie actuelle ressemblant à la région lyonnaise telle qu'elle était au Jurassique moyen (Bathonien) il y a 165 Ma

Le “futur Sud du Jura” (pierre de Villebois exploitée à la limite Sud Ain / Nord Isère) était situé dans des eaux relativement profondes (plus profondes pendant le dépôt du choin que pendant le dépôt des calcaires à taches), eaux profondes où nageaient ammonites et bélemnites, dont le fond était souvent (mais pas toujours) affouillé par des animaux fouisseurs… Le “futur Sud-Est du Beaujolais” (pierre de Lucenay) était situé au niveau de hauts-fonds balayés par des courants, agités de vagues… ou se déposaient d'épaisses accumulations d'oolites carbonatées.

Localisation par fichier kmz du secteur des Bahamas pris comme analogie du Bathonien de la région lyonnaise.


Lors des restaurations du XIXe siècle, divers éléments de marbre (au sens géologique du terme, c'est-à-dire calcaire métamorphique) ont été rajoutés à l'intérieur de l'église, en particulier dans la chapelle Sainte Blandine, au Sud du chœur. À l'œil, ce marbre blanc ressemble beaucoup au marbre de Carrare (cf. Le marbre de Carrare et ses carrières (Toscane, Italie)). Il faudrait des analyses plus fines ou consulter les archives du XIXe siècle pour en être certain.

Le marbre de Carrare est formé de méta-carbonates très purs, déposés du Trias supérieur au Jurassique inférieur (~200 Ma) et qui ont subi une histoire tectono-métamorphique complexe. Le pic du métamorphisme est d'âge Oligocène supérieur – Miocène inférieur à moyen (30 à 10 Ma). Ce marbre a servi à faire de très nombreux monument ou statues, de la Tour de Pise au David de Michel-Ange.

Après avoir fait parler toutes ces roches, on peut résumer l'histoire de la basilique d'Ainay, histoire en cinq épisodes.

  1. Il y a 300 Ma : la collision de deux “paléo-continents”, la Laurentia et le Gondwana, génère une chaine de montagne, la chaine hercynienne. Des granites se forment en profondeur au sein de cette chaine, en particulier à l'emplacement de ce qui sera, 280 Ma plus tard, la future Corse. L'érosion amène ces granites près de la surface.
  2. Il y a 200 Ma : sédimentation de calcaires marins dans ce qui deviendra, 180 Ma plus tard, la Toscane.
  3. Entre 190 et 60 Ma : ouverture puis fermeture de l'ancien océan alpin. Près de la marge Ouest de cet océan où nageaient des ammonites, il y a 165 Ma, se déposent des sables oolitiques, ainsi que des boues calcaires où fouissaient des animaux. Sables et boues, en “durcissant”, deviennent deux différents types de calcaires.
  4. Les Alpes et l'Apennin se forment par collision entre l'Afrique et l'Europe entre 60 Ma et nos jours. Cette collision a plusieurs conséquences dont trois nous intéressent : elle transforme les calcaires de Toscane en marbre, elle fait “remonter” la Corse et affleurer ses granites, et, surtout, elle surélève les bords du Jura et du Massif Central en faisant “ressortir” des calcaires qui s'étaient déposés des dizaines de millions d'années plus tôt.
  5. Il y a 2000, puis 800, puis 150 ans avant nos jours : des hommes extraient puis transportent des pierres de Corse, du Sud Jura, du Beaujolais et de Toscane et les assemblent à Lyon pour bâtir la basilique actuelle.

Le cinquième épisode, celui que tout le monde connait et qui ne dure que 2000 ans, ne prend que 0,0006 % de cette longue histoire. Quel dommage que 99,9994 % de cette histoire soit méconnus pour le plus grand nombre !

Localisation de la basilique d'Ainay dans l'agglomération de Lyon, ainsi que des monuments romains d'où proviennent (où pourraient provenir) certains éléments architecturaux de la basilique

Figure 30. Localisation de la basilique d'Ainay dans l'agglomération de Lyon, ainsi que des monuments romains d'où proviennent (où pourraient provenir) certains éléments architecturaux de la basilique

Au fond, la chaine des Alpes, dont la formation est pour partie la cause de la genèse des roches utilisées dans la construction de la basilique.