Image de la semaine | 24/01/2022
Les stylolites de la pierre de Villebois (Ain) à la Carrière des Meules
24/01/2022
Résumé
Une pierre calcaire de construction, le choin, montrant des joints stylolitiques très probablement d'origine diagénétique.
La pierre de Villebois (commune de l'Ain, à 60 km en amont de Lyon sur les bords du Rhône), a été activement exploitée comme pierre de taille ou de dallage depuis le XVIe siècle jusque dans les années 1950. Ce calcaire du Jurassique moyen (Bathonien, −167,7 à −164,7 Ma) était très apprécié pour ses qualités : compact et très dur, il résistait aux intempéries comme à l'écrasement. On l'appelait « choin » ce qui signifie « pierre de choix ». Toutes les carrières de l'Ain (rive droite du Rhône) sont maintenant fermées, mais le même calcaire bathonien est encore exploité de l'autre côté du Rhône, en Isère. De très nombreux monuments lyonnais, régionaux et même nationaux sont construits avec cette pierre de Villebois (cf., par exemple, Du Jurassique au Quaternaire, les ammonites réelles et imaginaires de l'agglomération lyonnaise (figures 15 à 22), ou Faire de la géologie à moins d'un kilomètre de chez soi pendant le confinement (figures 10 à 15).
La Carrière des Meules de Villebois, abandonnée depuis le milieu du XXe siècle, a été vidée des déblais et détritus qui l'encombraient, nettoyée et réaménagée par une association, la mairie de Villebois, le Conservatoire des espaces naturels Rhône-Alpes… Avec deux autres sites de la commune, elle fait maintenant partie des 37 espaces naturels sensibles de l'Ain. Sentier balisé et panneaux explicatifs y sont installés ; le front de traille et sa géologie sont maintenant bien visibles ainsi que les “marques” de l'exploitation si on aime l'archéologie industrielle et minière ; une vie sauvage l'a recolonisée (cf. les pages et documents sur les carrières de Villebois, la présentation de la Carrière des Meules, ou la fiche descriptive de la Carrière des Meules de Villebois…).
Géologiquement, cette carrière est un musée des stylolites. Les stylolites sont des surfaces de discontinuités irrégulières (appelées les joints stylolitiques) formées par la juxtaposition de pics et de piliers. Tout cela résulte d'une dissolution localisée par des irrégularités minimes initiales dans la roche, dissolution induite par des contraintes, soit pendant l'enfouissement (pression lithostatique), soit par des compressions d'origine tectonique. Cette dissolution entraine une interpénétration irrégulière des strates calcaires. Les stylolites affectent principalement les carbonates. La genèse détaillée des stylolites et les contrôles de la stylolitisation sont encore débattus, et l'interaction entre la stylolitisation, la génération de fluides riches en carbonates, l'écoulement de fluides diagénétiques dans les fractures et la matrice, la cimentation et les modifications de la porosité est complexe.
On peut distinguer (1) les stylolites sédimentaires qui se forment dans des roches sédimentaires (principalement des carbonates) en toute fin de diagenèse, sur des roches déjà lithifiées, et (2) des stylolites tectoniques. Les stylolites sédimentaires naissent parallèlement aux strates, souvent à partir d'un joint de stratification. Les joints stylolitiques sédimentaires sont donc initialement horizontaux (mais ils peuvent être basculés ou plissés par la suite), et les pics stylolitiques sont verticaux, perpendiculaires aux joints. Les stylolites d'origine tectonique ont des pics parallèles à la contrainte maximale σ1. Les pics sont donc horizontaux dans les contextes de compression (failles inverse ou décrochante), verticaux en cas de contexte extensif (faille normale), cf. par exemple la figure 8 de Failles normales et extension dans une zone de convergence (chaîne de collision) : exemple au Ladakh (Inde), Himalaya.
Les stylolites des carrières de Villebois sont des stylolites sédimentaires. Les joints stylolitiques les plus marqués et continus étaient souvent utilisés par les carriers pour faciliter l'extraction des blocs de calcaire.
Après des vues des stylolites “en coupe” (figures 1 à 4), nous verrons un schéma explicatif (figure 5), puis des stylolites vus “à plat” (figures 6 à 8) et enfin de blocs permettant de les voir en 3D (figures 9 à 14).
Lors des travaux de “rénovation” et d'aménagement de la carrière, des excavations locales ont été faites, d'anciens déblais constitués de blocs “ratés” ont été déplacés et ont rejoint les blocs issus des excavations récentes. Ces amoncellements de blocs posés en vrac dans toutes les positions possibles permettent de voir les stylolites sous toutes les coutures, en 3D. En novembre 2021, la végétation n'avait pas complètement envahi ces amoncellements. Espérons que ceux qui entretiennent la carrière défricheront périodiquement ces déblais, même si cela doit perturber les habitudes de quelques lézards. Mais pouvoir voir des stylolites en 3D vaut bien quelques perturbations pour ces reptiles.