Image de la semaine | 11/04/2022
Le terrain de boules (cancha de bochas) du Parc provincial d'Ischigualasto, Argentine
11/04/2022
Résumé
Concrétions gréseuses formées dans des sables argileux triasiques et libérées par l'érosion.
Source - © - Rafael Prats / panoramio
Figure 1. Un terrain de boules (cancha de bochas) du Parc provincial d'Ischigualasto, Argentine
Ce parc naturel argentin est connu pour ses paysages, ses fossiles de plantes et de reptiles triasiques, mais aussi pour ce qui est nommé « terrain de boules » (cancha de bochas). Il s'agit de concrétions gréseuses bien consolidées, à ciment riche en hydroxydes ferriques et de couleur brune, souvent sphériques (mais pas toutes), de taille pluri-décimétrique à métrique, contenues dans des sables argileux ou des grès tendres, et que l'érosion dégage. L'érosion éolienne ou celles des rares (mais violentes) pluies dans ce secteur des pampas du pied des Andes laissent ces boules sur place. La gravité le long des pentes, ou les écoulements d'eau lors des pluies peut parfois concentrer ces boules sur de vastes surfaces, d'où le nom de « terrain de boules » donné à ces sites assez remarquables.
Localisation par fichier kmz de l'un des terrains de boules (cancha de bochas) du parc d'Ischigualasto, Argentine.
Des personnes donnent l'échelle, on se rend alors compte de la taille de ces boules.
Le Parc provincial d'Ischigualasto (Argentine) est connu pour ses paysages, ses fossiles de plantes et de reptiles triasiques, mais aussi pour ce qui est nommé « terrain de boules » (cancha de bochas). Il s'agit de concrétions gréseuses bien consolidées, à ciment riche en hydroxyde ferrique et de couleur brune, souvent sphériques (mais pas toutes), de taille pluri-décimétrique à métrique, contenues dans des sables argileux ou des grès tendres, et que l'érosion dégage.
Les grès résultent de la consolidation de sables (plus ou moins argileux), sables datant du Trias. Cette consolidation se fait par dépôt-cristallisation d'un ciment entre les grains de sable, dépôt par des eaux interstitielles circulantes. Ce ciment peut être siliceux (cas le plus fréquent), mais aussi calcaire (cf. Les calcites de Bellecroix, fruits des variations climatiques pléistocènes), ferrugineux (cf. Étudier la sédimentation et l'érosion des grès en se promenant dans Strasbourg)… Dans le cas d'un ciment ferrugineux, la couleur du grès varie de rose à brun suivant le degré d'hydratation des oxydes ferriques (Fe3+), de sa teneur en manganèse… La grésification par les fluides circulants peut être générale et affecter telle ou telle couche de sable sur des centaines de kilomètres carrés (cf., par exemple Monument Valley : grès et argiles, diaclases, érosion, mésas et buttes témoins, anciens volcans… ou Le Parc national de Canyonlands, la vallée de Betatakin… : reculées et mini-canyons du plateau du Colorado (USA)) ou à l'opposé être très localisée. Dans ce cas, les zones grésifiées ont parfois des formes étranges révélées par l'érosion (cf. Grésification quaternaire dans des sables calcaires, désert des Pinacles (Australie) ou Les gogottes des Sables de Fontainebleau et d'ailleurs, de rares beautés naturelles qui ont séduit le Roi Soleil). Parfois aussi, la grésification part d'un « germe de nucléation » et croît de façon centrifuge, ce qui génère des sphères de grès bien consolidé au sein de sable ou de grès peu consolidé. Ces sphères sont parfois “parfaites”, cf. par exemple Les boules gréseuses (paramoudras) de l'Éocène du Jaizkibel (Pays basque espagnol) ou Les plus belles boules de France : les sphères de grès de Saint-André-de-Rosans, Hautes Alpes. Des circulations d'eaux ferrugineuses et des variations du degré d'oxydation du fer peut encore compliquer la situation, le Fe2+ étant en général soluble et pouvant facilement migrer, alors que le Fe3+ est insoluble, cf. par exemple Les déplacements du fer dans les grès Navajo, plateau du Colorado (États-Unis d'Amérique). Le(s) mécanisme(s) détaillé(s) de cette grésification non généralisée, la genèse de telle ou telle forme, la plus grande richesse du ciment en silice, fer… sont encore sujets de débats scientifiques.
Dans ce secteur (assez sec) des pampas du pied des Andes, l'érosion éolienne ou celle des rares (mais violentes) pluies laissent ces boules sur place. La gravité dans le cas où on est au pied d'une pente, ou les écoulements lors des pluies peut parfois concentrer ces boules sur de vastes surfaces, d'où le nom de « terrain de boules » (cancha de bochas) donné à ces sites assez remarquables.
Sans entrer dans le détail des mécanismes de cette grésification, sur la cause de la très fréquente morphologie sphérique des concrétions, sur la cause de leur taille assez standard, sur la cause de la concentration de ces boules en hydroxydes ferriques alors que la couleur de l'encaissant semble indiquer un encaissant pauvre en fer… nous allons faire du « tourisme géologique » en regardant les morphologies de ces boules, leur structure interne, leurs relations mutuelles, leurs relations avec l'encaissant… La synthèse de toutes ces observations individuelles permettra à chacun de se faire une (petite) idée de leur(s) mécanisme(s) de formation. Et ne pas tout comprendre n'empêche pas d'admirer la nature !
Source - © - Rafael Prats / panoramio | Source - © - Thomas Frei / panoramio Figure 4. Boules de grès d'un terrain de boules (cancha de bochas) du parc d'Ischigualasto, Argentine On peut voir des boules accolées (en bas à gauche), des boules fracturée selon un plan “équatorial” (fracturation probable sur l'ancienne stratification)… |
Source - © - J.D. Cuello / panoramio | Source - © 2011 opbarreiro / flickr Figure 6. Vue détaillée sur quelques boules de grès On peut noter qu'il y a des sphères parfaitement lisses, des sphères laissant voir l'ancienne stratification des sables, des sphères à la surface fracturée, un peu comme si cette surface “argileuse” s'était desséchée (?)… |
Source - © 2014 Ayelen | Source - © 2011 C. Rozay – Voyagevirtuel |
Serait-ce le résultat d'interférences entre une stratification (plans parallèles), une éventuelle structuration concentrique qui se serait faite pendant la croissance du concrétionnement (cf. figures 16 et 17), une altération en “pelures d'oignon” et une dessiccation superficielle ? | Serait-ce le résultat d'interférences entre une stratification (plans parallèles), une éventuelle structuration concentrique qui se serait faite pendant la croissance du concrétionnement (cf. figures 16 et 17), une altération en “pelures d'oignon” et une dessiccation superficielle ? |
Figure 11. Les boules gréseuses d'Ischigualasto ne sont pas toujours sphériques Des irrégularités lors de la grésification ? | |
Les figures 14 et 15, ci-dessous, montrent un gros plan du grès constituant cette “boule”. | |
Source - © - civitatis.com Cette fracturation permet de voir l'intérieur de ces sphères, qui montre une structure concentrique nette. La périphérie de la partie gauche est brune (Fe3+) alors que son cœur est verdâtre (Fe2+ ?). Cela montre que des variations du degré d'oxydation du fer entre en jeu lors de la formation de ces concrétions. À droite une boule parfaitement sphérique où l'on voit bien les traces de l'ancienne stratification. | Source - © - civitatis.com Figure 17. Gros plan sur la concrétion fracturée de la figure précédente Outre la zonation verte-brune (Fe2+ - Fe3+) de la demi-concrétion de gauche, on devine une structure concentrique dans la demie concrétion de droite. Cela suggère que la cimentation du grès obéit à une croissance centrifuge, ou centripète, du ciment liant les grains de sable. |
Source - © - ? / panoramio Figure 18. Zone où les boules doubles sont nombreuses Ces boules sont sans doute dues à la croissance centrifuge de deux zones de concrétionnement voisines qui se sont rejointes. À droite, une concrétion fracturée dont on voit l'intérieur permet de retrouver la structuration interne visible sur la figure précédente. | Source - © - Alejandro Barosso / panoramio Figure 19. Autre zone à boules multiples |
Source - © - Carmel Horowitz / panoramio |
Des masses concrétionnées brunes sont contenues dans ce banc de grès, dont une “boule”. | Des stratifications obliques sont nettement visibles. |
Les strates internes à cette concrétion se voient très bien. À droite elles sont quasi horizontales et se poursuivent (horizontalement) dans le grès sableux blanc. À gauche, elles sont inclinées et cette inclinaison se devine dans le grès sableux blanc à gauche. Des stratifications sigmoïdes obliques piégées par la cimentation ferrugineuse. | |
Les boules sont entrainées vers le bas des pentes par la gravité et le ruissellement des eaux de pluie et forment des “accumulations” de boules. |
Source - © - Carmel Horowitz / panoramio
Un résumé du paysage dans le terrain de boules (cancha de bochas) du Parc provincial d'Ischigualasto, Argentine.
La formation grise-verdâtre contenant ces boules date du Trias supérieur. La formation des boules est donc synchrone ou postérieure au Trias supérieur.