Image de la semaine | 12/12/2016
Les plus belles boules de France : les sphères de grès de Saint-André-de-Rosans, Hautes Alpes
12/12/2016
Résumé
Boules de grès d'origine diagénétique probable, dégagées par érosion différentielle, présentes dans certains niveaux des grès albiens du synclinal de Rosans.
Cette boule de grès est contenue dans une couche elle aussi en grès, mais plus érodable. Sa teinte verte indique la présence de glauconie. Ces boules et la couche qui les contient sont d'âge albien (110 Ma, sommet du Crétacé inférieur). Le couteau qui donne l'échelle mesure 8 cm de long ; la boule qui semble être la moitié d'une sphère presque parfaite mesure donc 1,60 m de diamètre.
Cette boule de grès est contenue dans une couche elle aussi en grès, mais plus érodable. Sa teinte verte indique la présence de glauconie. Ces boules et la couche qui les contient sont d'âge albien (110 Ma, sommet du Crétacé inférieur). Le couteau qui donne l'échelle mesure 8 cm de long ; la boule qui semble être la moitié d'une sphère presque parfaite mesure donc 1,60 m de diamètre. | Au premier plan, une autre boule, cassée. Ces deux boules sont contenues dans un grès glauconieux plus tendre, et sont dégagées par l'érosion. |
Noël est la saison des boules que l'on attache dans les sapins. Des "boules naturelles" existent sur Terre, et il ne s'agit pas que de l'érosion en boule des granites (voir par exemple Chaos granitiques bretons à boules en place et à réseaux de diaclases encore visibles et Altération, érosion en boule et chaos granitiques : Devils Marbles Conservation Reserve, Australie). On trouve assez souvent des concrétions diagénétiques sphériques (ou tubulaires) dans les grès, par exemple les grès éocènes du Pays Basque (cf. Les boules gréseuses (paramoudras) de l'Éocène du Jaizkibel (Pays basque espagnol)). Dans ce dernier cas, les sphères (appelées paramoudras) ont un diamètre décimétrique. Les boules que nous vous montrons cette semaine ont un diamètre classiquement compris entre 1 et 2 mètres. Ce sont en général des sphères, mais elles ont parfois une forme ellipsoïde aplatie. Toutes les photographies viennent de Saint-André-de Rosans, petit village de l'Ouest des Hautes-Alpes. Dans les décennies qui précèdent, les habitants les attribuaient à tort à des œufs de dinosaures, au moins pour les touristes. Ces boules de grès sont contenues dans l'Albien (dernier étage du Crétacé inférieur), que la notice de la carte géologique BRGM de Serres au 1/50 000 décrit de la façon suivante.
Albien (200 à 250 m). L'étage débute avec le dernier banc calcaire de l'horizon repère où la présence d'Hypacanthoplites trivialis a été reconnue en plusieurs points. Au-dessus, l'Albien est représenté par une puissante série de marnes bleu sombre, parfois finement sableuses et micacées qui correspondent, d'après leurs faunes, à l'ensemble de l'étage, Vraconien compris. Dans le synclinal de Rosans, ces marnes admettent des intercalations plus ou moins importantes de grès grossiers glauconieux. La principale, dite des « grès sus-aptiens » surmonte immédiatement les calcaires marneux à Hypacanthoplites dans l'ensemble du synclinal, à l'exclusion de la région comprise entre les villages de l'Épine et de Ribeyret où elle fait défaut. Son épaisseur varie de quelques mètres à près de 30 mètres. Les grès de ce niveau renferment parfois, notamment près de Saint-André-de- Rosans, des « sphéroïdes » de forte taille. Au Nord du Risou (col de Palluel), une ou deux intercalations gréseuses plus minces s'observent dans l'Albien moyen. | ||
--Extrait de la notice de la carte géologique BRGM de Serres 1/50 000 (légèrement modifié) |
L'origine de ces sphères est a rechercher dans des processus diagénétiques, mais les modalités n'en sont pas claires. Dans son site http://www.geol-alp.com/, Maurice Gidon décrit cette formation de la façon suivante.
La localité de Saint-André-de-Rosans se signale en outre par une curiosité sédimentologique qui est connue sous le nom de "boules de Rosans". Il s'agit de sphéroïdes de taille métrique et de nature gréseuse que l'érosion a par places dégagés de leur gangue. Ils sont simplement mieux cimentés que le reste du grès, apparemment plus tendre ou plus altérable, formant le banc qui les héberge. Le processus précis de formation de ces boules est, à ma connaissance, énigmatique. Mais il consiste sans doute, comme pour les "miches" que l'on trouve par exemple dans les marnes des Terres Noires, dans le fait que la cimentation (qui a ici transformé le sable en grès) a dû progresser de l'intérieur vers l'extérieur à partir d'un germe central (dans les miches il s'agit assez souvent d'une coquille d'ammonite). Le niveau de bancs gréseux qui fournit ces boules est intercalé dans les marnes bleues, où il marque à peu près la base de l'étage Albien (pour cette raison il est connu sous le nom de "grès sus-aptiens"). | ||
--Maurice Gidon |
Mais quelle que soit leur origine, ces boules forment des paysages parfois curieux. Et en se promenant dans les collines au Nord-Est de Saint-André-de-Rosans, en particulier le long de la D425 et sur les hauteurs de la Serre d'Autruy, on peut faire des observations qui apportent quelques éléments permettant de mieux comprendre la formation de ces boules.
La forme des boules va de la sphère à l'ellipsoïde aplati (le grand axe horizontal est jusqu'à deux fois plus grand que l'axe vertical). | La forme des boules va de la sphère à l'ellipsoïde aplati (le grand axe horizontal est jusqu'à deux fois plus grand que l'axe vertical). |
Figure 8. Vue, depuis le point panoramique de La Baume, sur la face Est de la Serre d'Autruy (Hautes Alpes) Si on prend du recul, par exemple en allant au lieu-dit La Baume (cf. carte de localisation plus bas), on voit la face Est de la Serre d'Autry dont le sommet est constitué de ces grès glauconieux à boules, grès reposant sur des marnes gris-bleu. On voit très bien à la jumelle (et au téléobjectif) les concentrations de boules, qui forment parfois de véritables couches. | |
Figure 9. Zoom sur la face Est de la Serre d'Autruy (Hautes Alpes), depuis le lieu-dit La Baume Si on prend du recul, par exemple en allant au lieu-dit La Baume (cf. carte de localisation plus bas), on voit la face Est de la Serre d'Autry dont le sommet est constitué de ces grès glauconieux à boules, grès reposant sur des marnes gris-bleu. On voit très bien à la jumelle (et au téléobjectif) les concentrations de boules, qui forment parfois de véritables couches. | Figure 10. Détail de la face Est de la Serre d'Autruy (Hautes Alpes), depuis le lieu-dit La Baume Si on prend du recul, par exemple en allant au lieu-dit La Baume (cf. carte de localisation plus bas), on voit la face Est de la Serre d'Autry dont le sommet est constitué de ces grès glauconieux à boules, grès reposant sur des marnes gris-bleu. On voit très bien à la jumelle (et au téléobjectif) les concentrations de boules, qui forment parfois de véritables couches. |
Figure 11. Vue d'ensemble du grès glauconieux albien dans un niveau sans boule Le grès au niveau du couteau est particulièrement friable. | Figure 12. Zoom sur le grès glauconieux albien dans un niveau sans boule Le grès au niveau du couteau est particulièrement friable. |
Figure 13. Affleurement avec une boule de grès récemment fracturée, Saint-André-de-Rosans, Hautes Alpes On ne note aucune structure interne, en particulier aucune structure concentrique suggérant une irrégularité (centrifuge ou centripète) de la grésification. La granulométrie du grès semble la même que sur les figures de grès glauconieux sans boule. La seule différence est la couleur le grès encaissant comme le grès constituant la boule est plus jaune (plus oxydé) dans ce secteur que dans celui des images précédentes, sans boules. Il s'agit vraisemblablement d'une oxydation sub-actuelle. | |
Figure 14. Vue rapprochée sur la boule de grès récemment fracturée On ne note aucune structure interne, en particulier aucune structure concentrique suggérant une irrégularité (centrifuge ou centripète) de la grésification. La granulométrie du grès semble la même que sur les figures de grès glauconieux sans boule. La seule différence est la couleur le grès encaissant comme le grès constituant la boule est plus jaune (plus oxydé) dans ce secteur que dans celui des images précédentes, sans boules. Il s'agit vraisemblablement d'une oxydation sub-actuelle. | Figure 15. Détail de l'intérieur de la boule de grès récemment fracturée On ne note aucune structure interne, en particulier aucune structure concentrique suggérant une irrégularité (centrifuge ou centripète) de la grésification. La granulométrie du grès semble la même que sur les figures de grès glauconieux sans boule. La seule différence est la couleur le grès encaissant comme le grès constituant la boule est plus jaune (plus oxydé) dans ce secteur que dans celui des images précédentes, sans boules. Il s'agit vraisemblablement d'une oxydation sub-actuelle. |
Figure 16. D'autres boules de grès présentant une altération en "pelures d'oignon" Cette altération en pleures d'oignon suggère qu'au moins certaines boules ont des structures concentriques internes (différence d'intensité d'induration du grès du centre vers la périphérie de la boule). | Figure 17. D'autres boules de grès présentant une altération en "pelures d'oignon" Cette altération en pleures d'oignon suggère qu'au moins certaines boules ont des structures concentriques internes (différence d'intensité d'induration du grès du centre vers la périphérie de la boule). |
Figure 18. Une boule de grès albien cassée en deux avec un grès central contenant des petits galets arrondis Le centre de la boule est constitué non pas d'un grès fin comme partout ailleurs dans le secteur, mais d'un grès contenant des petits galets arrondis. La grésification/induration centrifuge serait partie de cette passée plus grossière au moins dans ce cas particulier. Une cupule hémisphérique parfaitement au centre de la sphère semble aussi révéler une structuration concentrique de la boule. | Le centre de la boule est constitué non pas d'un grès fin comme partout ailleurs dans le secteur, mais d'un grès contenant des petits galets arrondis. La grésification/induration centrifuge serait partie de cette passée plus grossière au moins dans ce cas particulier. Une cupule hémisphérique parfaitement au centre de la sphère semble aussi révéler une structuration concentrique de la boule. |
Les photos montrant le versant Est de la Serre d'Antruy ont été prises du hameau de La Baume (panorama indiqué par des traits rouges). | |
Figure 22. Vue aérienne centrée sur le synclinal de Rosans, synclinal à cœur d'Albien Le secteur riche en boules de grès est indiqué par une punaise rouge et correspond au fichier kmz "boules de grès de Rosans" (Google earth). | Figure 23. Carte géologique centrée sur le synclinal de Rosans, synclinal à cœur d'Albien Le secteur riche en boules de grès est indiqué par une punaise rouge et correspond au fichier kmz joint. |