Image de la semaine | 02/05/2022
Les anciennes carrières d'ardoises des Pans de Travassac (commune de Donzenac, Corrèze)
02/05/2002
Résumé
Alternance sédimentaire pélites / cendres volcaniques aboutissant après tectonique et métamorphisme à une alternance verticalisée schistes ardoisiers / quartzites.
Le site des anciennes carrières de Travassac, connu sous le nom de « Pans de Travassac », fait partie du Patrimoine géologique du Limousin (maintenant de la Nouvelle Aquitaine). On peut trouver sur internet la fiche correspondante Schistes ardoisiers dévoniens de Travassac. La description qui suit est d'ailleurs empruntée à cette fiche (et légèrement modifiée).
Les schistes de Travassac correspondent à une ancienne série volcano-sédimentaire datant du Paléozoïque inférieur tectono-métamorphisée par la tectonique hercynienne. À Travassac (Corrèze) on peut visiter d'anciennes carrières d'ardoises, les Pans de Travassac. Les affleurements proposés à la visite permettent de comprendre que cet ensemble verticalisé a une granulométrie fine et possède une dualité pétrographique et minéralogique. Cela se traduit (1) par des niveaux verticaux très schistosés présentant un débit fin en ardoises, qui ont été presque totalement exploités et qui correspondent maintenant à des “vides”, et (2) par des niveaux également verticaux, plus riches en quartz, à cassure coupante, à schistosité moins marquée et au débit en feuillets plus épais : des quartzites qui n'ont pas été exploités. Cette dualité est rendue particulièrement visible au niveau de ces anciennes ardoisières car les niveaux plus riches en quartz, inutilisables comme couverture des toits, ont été laissés en place et constituent les fameux “pans” de Travassac. L'ancienne stratification se voit donc dans les alternances ardoises (manquantes) / quartzites ; elle est globalement parallèle avec la schistosité très visible. Ancienne stratification et schistosité sont maintenant quasi-verticales et orientées NNO-SSE. Les schistes de Travassac - Donzenac - Allassac appartiennent à la série dite « de Thiviers » qui se situe dans les niveaux stratigraphiquement les plus élevés de la série limousine maintenant métamorphisée. Ils sont issus de la transformation métamorphique d'une série sédimentaire principalement pélitique dans laquelle se trouvaient en abondance des niveaux de cendres volcaniques acides. Les niveaux majoritairement pélitiques sont devenus des ardoises, et les niveaux riches en cendres volcaniques acides sont devenus les quartzites. L'âge de formation ces roches avant le métamorphisme est de 500 Ma environ. Le degré de métamorphisme peut s'apprécier en observant la présence (fréquente et bien visible au microscope) de biotite sur les plans des feuillets. Il s'agit d'un métamorphisme régional de moyenne pression et moyenne température d'âge dévonien.
On peut résumer ainsi l'histoire paléozoïque du Massif Central. Au Cambrien (il y a environ 540 Ma), les terres émergées formaient un grand continent (Gondwana) qui était affecté par une intense activité magmatique, magmatisme contemporain du début de son morcellement et de la formation d'un néo-océan, dit « océan Massif Central ». Le fond de cet océan et de ses marges était recouvert de sédiments provenant des terres émergées qui le bordaient, sédiments mélangés par endroits à des cendres volcaniques acides. Plus tard, une subduction entraine un rapprochement des masses continentales réduisant la largeur de l'océan et confinant les sédiments et les roches des fonds océaniques dans un espace de plus en plus restreint. Au Dévonien (il y a 400 Ma), les deux continents entrent en collision, se superposent partiellement, avec formation de grands chevauchements, de plis de géométrie variée, de décrochements d'ampleur crustale… Les roches sédimentaires et volcaniques anté-dévoniennes se transforment par métamorphisme en schistes ardoisiers ou en quartzites selon leur composition initiale. À partir du Carbonifère supérieur et au Permien, tout l'Ouest de la région est recouvert de sédiments détritiques continentaux qui remplissent ce qu'on appelle maintenant le « bassin de Brive ».
Des compléments géologiques sur l'histoire varisque de l'unité de Thivier en particulier et du Massif Central en général sont détaillés dans L'Unité de Thiviers-Paysac (UTP), dans le premier des trois articles consacré à la Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français.
L'exploitation de ces ardoisières a commencé au XVIIe siècle pour presque cesser au milieu du XXe. Elle a laissé en place des pans de quartzite (le mot “pan” à la même racine que pour pan de mur, ou panneaux), d'où le nom de Pans de Travassac donné à ce site. Sept niveaux ardoisiers (verticaux) ont été exploités, niveaux que les carriers appelaient “filons”, ce qui est un terme classique chez les carriers et mineurs pour des niveaux “intéressants” verticaux, mais qui est une erreur géologique, un filon correspondant à une fracture remplie par des roches magmatiques (exemple, filon de microgranite) ou par des “dépôts” hydrothermaux (exemple, filon de quartz). Ce site (payant) est ouvert aux touristes depuis la fin des années 1990. Les ardoises de Travassac et celles du site voisin d'Allassac (à 6 km au Nord-Ouest) étaient parmi les plus recherchées de France à cause de la finesse et de l'homogénéité de leur grain, de l'absence de pyrite… L'abbaye du Mont Saint-Michel, par exemple, est recouverte d'ardoises de Travassac. Au début du XXIe siècle, deux exploitations artisanales ont ré-ouvert à Travassac (à 400 m au Nord des Pans) et à Allassac pour des marchés de niches.
Des détails sur l'historique de cette exploitation peuvent se trouver entre autre sur le site de Corrèze Tourisme à la page Bienvenue aux Pans de Travassac !.
Nous allons suivre une visite guidée telle qu'elle est proposée aux touristes, en insistant plus sur les aspects purement géologiques des affleurements que ne l'a fait le guide, et moins sur les aspects historiques et industriels. Le sentier proposé ne présente aucune difficulté. On parcourt soit le fond d'une tranchée, soit la paroi d'un pan grâce à une passerelle accrochée sur ce “mur” de quartzite. On peut noter la schistosité fine et régulière dans les rares niveaux ardoisiers que les carriers ont laissé collés aux pans de quartzite, qui sont, eux, nettement moins schistosés. On peut voir ici ou là des “trous” (les perses) perçant les pans de quartzite permettant aux carriers de passer d'un “filon” à un autre.
Source - © - D'après Corrèze Tourisme – Agence de Développement Touristique |
Quand on suit le sentier aménagé et qu'on cherche des figures tectoniques, on est un peu frustré au premier abord, en particulier parce qu'on ne voit pas de pli. Cette absence est logique au premier ordre si, comme le suggère la coupe de la figure 29, on est dans un secteur de plis isoclinaux très resserrés. Les strates qui forment les flancs des plis éventuels sont quasi parallèles au plan axial de ces plis. Et comme dans un pli la schistosité est parallèle au plan axial, on comprend que stratification (qui se voit par la variation dans la pétrologie) et schistosité (qu'on voit grâce au débit) soient parallèles. À moins de tomber par hasard sur une charnière de plis où l'on verrait la schistosité recouper la stratification… Sur le trajet aménagé, je n'ai pas vu de charnière de plis. On peut par contre bien voir la différence de schistosité, fine et bien visible, dans les anciens niveaux pélitiques incompétents, grossière voire inexistante dans les niveaux quartzeux compétents. On peut aussi voir ici ou là de belles linéations horizontales, dont il faudrait discuter la nature et l'origine.
Le trajet sur le chemin aménagé permet de voir des linéations “portées” par le plan de schistosité /stratification. Ces linéations sont quasi-horizontales. Théoriquement, elles pourraient avoir trois origines, pas forcément incompatibles.
- Des linéations de crénulation. Des microplis à charnière horizontale “ondulent” le plan de stratification-schistosité (les deux plans sont ici sub-parallèles et quasi confondus).
- Des linéations d'intersection. Si l'ancienne stratification et la schistosité ne sont pas exactement parallèles, par exemple si les deux plans ont la même direction NNO-SSE, mais pas exactement le même pendage (vertical = 90° pour la schistosité, 85° pour la stratification), l'intersection de ces deux familles de plans donne des “lignes” horizontales visibles et sur la schistosité et/ou sur la stratification presque confondues.
- Des linéations d'allongement et/ou d'étirement. Si la roche a subi un étirement horizontal de direction NNO-SSE, les minéraux allongés s'orientent dans cette direction, des minéraux isodiamétriques peuvent s'aligner et former des agrégats allongés, et des objets préexistants (anciens galets, lentilles de quartz contemporaines du début des évènements tectono-métamorphiques…) s'allongent dans la direction d'étirement.
En suivant le sentier aménagé à la vitesse de la visite guidée, si on voit bien des linéations, il est difficile de les examiner d'assez près et assez longtemps pour en déterminer la nature de façon formelle. Par contre, la zone ouverte à la visite payante est entourée de barrières, largement faites avec des ardoises que l'on peut supposer être d'origine locale (des Pans eux-mêmes, de la petite carrière encore active à 400 m au Nord des Pans, ou éventuellement de celle d'Allassac). Les ardoises de ces barrières permettent d'observer (de près et en prenant son temps) la linéation. Là, la linéation « crève les yeux » (on la voit même sur les images Google Earth Street View) et peut être observée en détail. Elle est horizontale (dans la disposition des barrières) ; les ouvriers qui ont fait ces barrières n'ont pas fait pivoter l'ardoise (ou l'ont fait pivoter de 180°). La linéation s'avère parfois être une linéation d'allongement/étirement.
La visite du domaine des Pans de Travassac insiste beaucoup sur l'histoire de l'exploitation de l'ardoise, sur les techniques d'exploitation… bien plus que sur la genèse géologique du gisement, sommairement abordée (au moins avec le guide que j'avais), hélas. Un petit musée installé dans un ancien atelier de l'exploitation montre anciennes photographies, anciens outils (mais ni cartes ni coupes géologiques)… Un tailleur reproduit les gestes manuels utilisés par les anciens ardoisiers.