Image de la semaine | 29/09/2014

La plus grande carrière de France : les Carrières du Boulonnais (Pas de Calais)

29/09/2014

Auteur(s) / Autrice(s) :

  • Pierre Thomas
    Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon
  • Diane Vidier
    Docteur en géologie

Publié par :

  • Olivier Dequincey
    ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Exploitation de la carrière de calcaire de Ferques, usages variés : BTP, aciérie, industrie sucrière...


Vue générale, en direction de l'Ouest, des Carrières du Boulonnais (Pas de Calais) qui exploitent les carbonates (calcaires surtout, et un peu de dolomie) du Viséen (Carbonifère inférieur)
Figure 1. Vue générale, en direction de l'Ouest, des Carrières du Boulonnais (Pas de Calais) qui exploitent les carbonates (calcaires surtout, et un peu de dolomie) du Viséen (Carbonifère inférieur) — ouvrir l’image en grand

Il s'agit de la plus grande carrière de France, avec une emprise d'environ 2500 x 1500 m et une profondeur de 150 m. L'altitude moyenne du secteur étant d'environ 60 m, le point le plus bas de la carrière est donc à -90 m sous le niveau de la mer, distante seulement d'environ 8 km. Un certain nombre de camions donnent une idée de la taille de la carrière (chaque camion peut transporter 100 t de roche).

Les Carrière du Boulonnais, qui résultent du regroupement, de la coalescence de plusieurs anciennes carrières, exploitent essentiellement les carbonates (surtout les calcaires) du Viséen (Carbonifère inférieur), globalement inclinés d'une quarantaine de degrés vers le Sud. Il s'agit du plus important des quatre ensembles majeurs de carrières qui exploitent actuellement le Paléozoïque du Boulonnais (trois "carrières" exploitent le Viséen, une le Dévonien).Dans la stratigraphie locale, sous le Namuro-Wesphalien "productif" (en charbon) se trouve le Viséen carbonaté, dont l'épaisseur totale est d'environ 400 m et qui est divisé en "formations". De haut en bas, on trouve :

  • le Calcaire de Joinville,

  • le calcaire Napoléon,

  • le calcaire Lunel,

  • la dolomie à Siphonodendron martini,

  • le calcaire du Haut Banc supérieur,

  • le calcaire du Haut Banc moyen,

  • le calcaire du Haut Banc inférieur,

  • le sommet de la Dolomie de Huré (sa base est dans le Tournaisien).

Chacune de ces formations a ses caractéristiques physiques (résistance à l'écrasement, densité de micro-fractures…) et chimiques (teneur en argile, en Mg, en Fe…) propres.

Log stratigraphique local de la série carbonatée du Nord de la France, série constituée surtout du Viséen et aussi du Tournaisien
Figure 2. Log stratigraphique local de la série carbonatée du Nord de la France, série constituée surtout du Viséen et aussi du Tournaisien — ouvrir l’image en grand

Le Viséen est lui-même divisé en formations, essentiellement d'après des critères de faciès, et aussi des critères paléontologiques.

Pourquoi exploite-t-on en général calcaires et carbonates, et qu'exploite en particulier le groupe Carrières du Boulonnais dans sa grande carrière de Ferques ?

Il y a en gros quatre usages à la base de l'exploitation des calcaires :

  • pierres ornementales et autres marbres, que ceux-ci soient métamorphiques (marbres au sens géologique) ou non métamorphiques (marbres au sens des carriers et des marbriers) quand le calcaire (poli) possède des propriétés esthétiques certaines ;

  • granulats, ballasts et autres enrochements pour le domaine du Bâtiment-Travaux-Publics quand le calcaire possède de bonnes propriétés mécaniques ;

  • comme l'une des deux matières premières (avec les argiles) de la fabrication du ciment ;

  • les calcaires (et les dolomies) sont abondamment utilisés comme matière première dans l'industrie. Les calcaires (purs) sont utilisés dans les hauts fourneaux pour déphosphoryler la fonte (il faut environ 100 kg de CaCO3 pour faire une tonne d'acier), pour faire de la chaux pure, chaux utilisée par exemple pour purifier le saccharose en faisant précipiter les oxalates et autres composés naturellement présent dans les vacuoles des betteraves ou de la canne à sucre (100 kg de calcaire par tonne de sucre), pour faire du verre (le verre est constitué de 70% de SiO2, mais aussi de 30% de CaO, MgO, Na2O et K2O dans des proportions qui dépendent de la qualité du verre souhaitée), pour faire de la soude (1,3 t de calcaire par tonne de soude). La dolomie, CaMg(CO3)2, sert comme source de MgO très utile dans la fabrication de réfractaires...

Historiquement, les carrières du Boulonnais étaient des carrières de "marbre" (marbre non métamorphique, mot utilisé ici au sens des carriers), qui exploitaient les calcaires de Viséen susceptibles d'un très beau poli. Par exemple, la salle des pas-perdus de la gare Montparnasse (à Paris), de la gare de Brest… sont dallées en marbre du Boulonnais. Cette activité marbrière a cessé en 2012.

Aujourd'hui, la Grande Carrière du Boulonnais extrait 8 à 9 millions de tonnes (Mt), en commercialise environ 6 Mt (et donc met 2 à 3 Mt de déblais et stériles en dépôt). C'est la plus grande carrière de France. Sur les 6 Mt commercialisés, 57% vont au BTP (enrochement de 5 kg à 10 t, graviers et granulats, ballast…). En effet, il y a peu de roches cohérentes dans la région où domine la craie…, et les carbonates du Paléozoïques ont le "monopole régional" des roches dures. Les 43% restants sont destinés à l'industrie (sucre, verre, papier, acier…), car certains niveaux de calcaire sont très purs et de qualité constante. Par exemple, sur les 6 à 7 trains/jour qui quittent la carrière, un est rempli de granulats calcaires (nommés "castine") destinés aux aciéries toutes proches de Dunkerque.

Les carrières du Boulonnais emploient 250 personnes, et fournissent 700 emplois indirects. Des renseignements complémentaires peuvent être obtenus sur le site des granulats du groupe CB(lien externe - nouvelle fenêtre).

La carrière peut être parfois accessible au public, par exemple lors de journées portes ouvertes. Elle peut aussi, éventuellement, être ouverte à des groupes de scientifiques accompagnés. Merci à Yves Robitaillé, du groupe Carrières du Boulonnais, de nous avoir fait visiter cette carrière en mars 2013.

Localisation du Boulonnais et de ses carrières (Pas de Calais)
Figure 18. Localisation du Boulonnais et de ses carrières (Pas de Calais) — ouvrir l’image en grand

La petite tache blanche au centre du cercle rouge correspond aux carrières exploitant le Paléozoïque local, dont les Carrières du Boulonnias (Ferques), la plus grande de France. Le fait que ces carrières soient visibles sur une photo à cette échelle montre bien leur importance.