Image de la semaine | 14/02/2011
Failles normales et extension dans une zone de convergence (chaîne de collision) : exemple au Ladakh (Inde), Himalaya
14/02/2011
Résumé
Convergence : failles normales dans l'Himalaya.
Cette falaise prise sur le vif par le hublot d'un avion de ligne régulière montre plusieurs failles normales : une est très visible au centre gauche, une autre assez importante à droite présente des crochons, et plusieurs autres de moindre importance. Les failles de gauche et de droite dessinent un horst. À gauche, certaines failles mineures semblent syn-sédimentaires, ce qui ne semble pas le cas des failles de droite. Tout diagnostic précis, toute mesure de chronologie relative, de direction et de pendage… sont évidemment impossibles vu les conditions d'observation.
Les chaînes résultant d'une convergence, que ce soient les chaînes de collisions ou les chaînes de subduction, sont réputées (souvent à juste titre) pour leurs structures compressives (plis, failles inverses, nappes de chariage…) (cf.vallée de Sarchu ). Nous avons vu la semaine dernière, dans la chaîne du Makran, qu'à côté des plis pouvaient exister des décrochements. Les failles normales présentées cette semaine se trouvent en Himalaya, à moins d'une centaine de kilomètres de la vallée de Sarchu dont nous avons vu les plis. Cela prouve qu'il peut y avoir de l'extension dans les chaînes résultant d'une convergence, en général, de collision en particulier. Nous avions déjà vu cela dans une chaîne de subduction, les Andes.
Figure 2. Un fragment de la chaîne himalayenne au Ladakh indien, à environ 70 km au Sud de Leh Les sommets qui barrent l'horizon ont une altitude allant de 5500 à 6500 m. La falaise de la figure 1 et ses failles normales se trouvent au centre gauche de l'image. | Figure 3. Zoom sur une falaise à failles normales, Ladakh (Inde), Himalaya La falaise est celle de la figure 1. |
Figure 4. Zoom sur une falaise à failles normales, Ladakh (Inde), Himalaya La falaise est celle de la figure 1. | Figure 5. Hauts sommets himalayens barrant l'horizon, à environ 70 km au Sud de Leh (Inde) La position de cette portion d'horizon est limitée par les 2 petits traits noirs visibles en haut de la figure 2. |
Toute la bordure Sud de la plaque eurasiatique subit les effets de la convergence N-S entre elle-même et les plaques situées au Sud (plaques arabe et indo-australienne). Cette convergence se traduit par une zone de subduction (le Makran, en jaune), une zone décrochante (en bleu) et deux zones de collision continentale (le Zagros, en vert, et l'Himalaya, en rouge). Les plis et les failles décrochantes du Makran sont situés au niveau de la punaise jaune. Les plis de la vallée de Sarchu et les failles normales de cette semaine sont situés au niveau de la punaise rouge.
Les plis de la vallée de Sarchu, très représentatifs des plis himalayens, et les failles normales montrées cette semaine sont à moins de 100km les uns des autres, dans la même chaîne de montagnes. Comment peut-il y avoir au même endroit, dans un même contexte de convergence, coexistence géographique entre (1) des plis et (2) des failles normales ? Rappelons que des failles normales se font quand la contrainte verticale σV (le poids de la topographie augmentée éventuellement par la poussée d'Archimède de la racine crustale) est la contrainte principale la plus forte (σ1), supérieure aux contraintes horizontales.
Les failles normales se font dans une direction perpendiculaire à la contrainte horizontale la plus faible, σ3, peut être "positive" (comme c'est représenté ici), ou "négative".
Le cas « classique » a lieu s'il y a une traction horizontale engendrée par le mouvement des plaques. La contrainte dans la direction de la traction est alors faible, voire "négative" ; alors la contrainte verticale σV peut être la plus forte et il se forme des failles normales. L'extension interne aux chaînes de montagnes peut avoir une autre origine. On est en régime de convergence, ici convergence N-S. Cela signifie que la contrainte N-S est supérieure à la contrainte E-O (σN-S > σE-O).
Trois possibilités rendent compte de cette relation σN-S > σE-O :
- σN-S = σ1 ; σE-O = σ2 et σV = σ3. Alors, se forment des plis et des failles inverses de direction E-O.
- σN-S = σ1 ; σE-O = σ3 et σV = σ2. Alors, se forment des failles décrochantes de direction 45°E et 45°O.
- σN-S = σ2 ; σE-O = σ3 et σV = σ1. Alors, se forment des failles normales de direction N-S.
À gauche, σN-S = σ1 ; σE-O = σ2 et σV = σ3. Alors, se forment des plis et des failles inverses de direction E-O.
Au centre, σN-S = σ1 ; σE-O = σ3 et σV = σ2. Alors, se forment des failles décrochantes de direction 45°E et 45°O.
À droite, σN-S = σ2 ; σE-O = σ3 et σV = σ1. Alors, se forment des failles normales de direction N-S.
Ce troisème cas, σN-S = σ2 ; σE-O = σ3 et σV = σ1, peut se rpoduire en régime de convergence N-S si l'épaississement crustal engendré par plis et failles inverses a engendré une très forte augmentation de la contrainte verticale et si cet épaississement crustal est suivi par une diminution de la vitesse de convergence qui entraîne une diminution de la contrainte N-S (qui reste supérieur à la contrainte E-O). Quand σV devient la contrainte la plus forte, alors des failles normales se produisent. Si cette interprétation est correcte, alors les failles normales de cette semaine devraient avoir une direction N-S, ce qui n'est évidemment pas possible de vérifier par le hublot d'un avion.
D'autres contextes tectoniques peuvent expliquer de l'extension dans une chaîne de convergence, que ce soient des explications globales ou locales. La semaine prochaine, nous verrons un exemple montrant comment, très localement, une compression peut engendrer des failles normales.