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Image de la semaine | 01/04/2013

En avril, les poissons se font failler

01/04/2013

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un fossile libanais faillé, Akromystax tilmachiton, Pycnodonte de la fin du Crétacé.


Akromystax tilmachiton traversé par une faille

Figure 1. Akromystax tilmachiton traversé par une faille

Akromystax tilmachiton est "poisson" actinoptérigien non téléostéen du groupe des Pycnodontes, vivant au Cénomanien (Crétacé supérieur).

Échantillon trouvé à Hdgula, Liban.


Traditionnellement, le premier avril, nous vous montrons des photographies soit de poissons, soit de curiosités géologiques. Les années précédentes, nous vous avons montré une discordance intramurale, un fossile de friture, des pierres qui roulent toutes seules, l'inexistence de l'évolution, une grenouille d'avril, une faute d'orthographe coulée dans le bronze, et unHomo erectus en chocolat.

Cette année, nous vous montrons un poisson affecté par une faille. Ce poisson est une nouvelle espèce appartenant à un nouveau genre (cf. Akromystax tilmachiton gen. et sp. nov., a new pycnodontid fish from the Lebanese late Cretaceous of Haqel and En Nammoura de F.J. Poyato-Ariza et S. Wenz, Journal of Vertebrate Paleontology, 2005 ). Cette nouvelle espèce fait partie du groupe des Pycnodontes, groupe d'actinoptérygiens non téléostéens apparu au Trias et disparu à l'Éocène. Les Pycnodontes sont des poissons au corps latéralement aplati, et généralement discoïde. Ils sont pourvus de dents marginales incisiviformes et de plaques dentaires munies de dents en pavé qui leur permettaient de broyer coraux, coquillages et crustacés. Leur morphologie converge vers celle de nombreux Téléostéens actuels des récifs.

Les poissons de ce groupe étaient très abondants à l'époque où ils vivaient. On trouve des Pycnodontes à Cerin (Ain), par exemple. Ils étaient même tellement abondants qu'ils ont servi de motif d'illustration à des timbres dans des pays dont la paléontologie n'était pourtant pas une préoccupation majeure.


L'intérêt géologique de cet échantillon n'est pas seulement qu'il s'agisse d'une nouvelle espèce, mais aussi qu'il soit traversé par une faille. Il est assez rare de trouver des fossiles traversée par une faille avec un décalage très net, et encore plus des fossiles de vertébré.


Détail de la faille à l'endroit où elle décale le "bas" du Pycnodonte

Figure 4. Détail de la faille à l'endroit où elle décale le "bas" du Pycnodonte

On voit très bien le remplissage de calcite, avec sa couleur gris translucide caractéristique, là où la faille traverse le calcaire clair. Une cassure calcitisée, mais sans déplacement se voit parallèlement à la faille, 1,5 cm à droite de la "faille principale".


On peut se demander quelle est la nature de cette faille : inverse, normale ou décrochante ? Cela dépend de la position originale de la plaque de calcaire dans la nature. Au vu des déplacements observés, on peut dire que la contrainte intermédiaire σ2 est perpendiculaire au plan de stratification, et que les contraintes maximale σ1 et minimale σ3 sont parallèles au plan de stratification, et orientées (approximativement) à 45° par rapport au plan de faille, et ce quelle que soit l'orientation de l'échantillon.

Position des contraintes principales σ1 et σ3 par rapport à l'échantillon et à la faille

Figure 5. Position des contraintes principales σ1 et σ3 par rapport à l'échantillon et à la faille

La contrainte σ2, perpendiculaire à l'écran, n'est pas dessinée. Si vous regardez cette figure sur un écran vertical, la faille est une faille normale, si vous regardez cette figure sur une tablette ou une feuille de papier horizontales, la faille est un décrochement senestre.


Schéma d'un dispositif théorique pour montrer que la disposition relative entre la faille, son mouvement et les 3 directions des contraintes principales (σ2, perpendiculaire à σ1 et σ3 n'est pas représentée) est toujours la même, que la faille soit normale, inverse ou décrochante

Figure 6. Schéma d'un dispositif théorique pour montrer que la disposition relative entre la faille, son mouvement et les 3 directions des contraintes principales (σ2, perpendiculaire à σ1 et σ3 n'est pas représentée) est toujours la même, que la faille soit normale, inverse ou décrochante

Suivant la position de l'échantillon, on a une faille normale (face avant du cube), une faille inverse (face latérale droite du cube) ou un décrochement (face supérieure du cube). Très bizarrement, mes étudiants (qu'ils soient en L3 ou en préparation à l'agrégation) ont du mal à placer les contraintes par rapport à une faille décrochante, alors qu'ils le font sans problème par rapport à une faille normale ou inverse. D'où l'intérêt qu'il y aurait à jouer aux cubes, même avec de « grands élèves ».