Image de la semaine | 05/04/2010
Les sliding stones ou gliding stones (pierres qui glissent) de Racetrack Playa, Californie
05/04/2010
Résumé
Courses de pierres voyageuses (sailing stones) près de la Vallée de la Mort.
La semaine du 1er avril, on fait souvent des « poissons d'avril », en général en donnant une information qui pourrait être vraie mais qui est en fait un canular. Le nec plus ultra du poisson d'avril, un poisson d'avril de deuxième ordre en quelque sorte, c'est de proposer une information qui ressemble à un canular mais qui est vraie. Voici un de ces poissons d'avril de deuxième ordre : les sliding stones (ou gliding stones) = les pierres qui glissent, sur Racetrack Playa (la plage du champ de course), en Californie.
Sur le lac temporaire (asséché pendant les périodes sèches) de Racetrack Playa, de mystérieuses traces sont visibles dans la boue séchée et craquelée, traces manifestement laissées par des blocs rocheux qui ont avancé « tout seul » dans la boue encore humide, blocs qu'on retrouve systématiquement à l'extrémité des traces. Ces blocs sont en grès ou en dolomie, roches qui forment les rives du lacs, du moins dans ses parties rocheuses. Traces et blocs ont été figés lors de l'assèchement temporaire du lac. Ces traces sont-elles un canular, où ont-elles une origine géologiques ?
Le lac temporaire de Racetrack Playa se trouve en Californie, à 35 km à l'Ouest de la célèbre Vallée de la Mort (Death Valley). Il s'agit d'une dépression fermée et endoréique, à fond plat. Ce fond plat correspond en fait à un dépôt d'argile très fine qui sédimente au fond d'un lac temporaire, mis en eau à la saison humide, lors de la fonte des neiges, ou après de gros orages estivaux.
La figure suivante est une vue Google Earth plus rapprochée montrant le contexte morphologique de ce lac temporaire, ainsi que le « mode d'emploi » pour obtenir les 11 photographies qui suivent. En effet, les photographie de Stéphane Labrosse ont été prises il y a de nombreuses années. Il s'agit de scans de photographies papier, qui n'ont pas la qualité des images numériques actuelles. De plus, le lac n'était pas complètement sec ce jour là, et de nombreuses parties du lacs étaient inondées et inaccessibles. Grâce à Google Earth, il est possible de compléter cette série par des dizaines d'images de ces sliding stones en toutes saisons, avec tous les éclairages possibles, en différents points du lac...
Source - © 2010 skippys sur Panoramio | |
Source - © 2010 hightovver sur Panoramio | Source - © 2010 heer2k sur Panoramio |
Source - © 2010 heer2k sur Panoramio | Source - © 2010 mll1013 sur Panoramio |
Source - © 2010 robfeliciano sur Panoramio | Source - © 2010 robfeliciano sur Panoramio |
Source - © 2010 Jon Sullivan | Source - © 2010 Tony Immoos sur Panoramio |
Source - © 2010 Richard Campbell sur Panoramio | Source - © 2010 REck sur Panoramio |
Quelle(s) peu(ven)t être l' (les) origine(s) de tels mouvement de blocs ?
Que ces centaines de blocs aient été déplacés par des centaines de farceurs pour monter un gigantesque canular est peu vraisemblable. En effet, ces blocs se sont déplacés sur une boue « meuble » comme l'attestent les bourrelets latéraux du sillon et, surtout, le bourrelet frontal devant les blocs. Et quand la boue de ce lac est encore humide et meuble, un piéton y laisse des traces, traces qu'on ne voit pas ni à côté ni derrière chaque bloc mobile.
Stéphane Labrosse a eu la chance d'être présent à un moment où l'eau du lac montait et ennoyait de vieilles traces.
Les photographies 18 à 22, ainsi que la photographie 16 permettent de « valider » les explications les plus communément admises pour expliquer ce phénomène. La première explication fait appel au vent. Quand le lac est « en eaux », sa profondeur est très faible vue l'horizontalité du fond. Les blocs dépassent de l'eau, mais leur base repose sur une argile éminemment glissante. Des vents qui, localement peuvent dépasser 120 km/h peuvent alors pousser et faire glisser les blocs, dans des directions sub-parallèles, mais avec des vitesses différentes dépendant de la friction au niveau de la base de chaque bloc. La deuxième explication fait appel à la glace et au vent. Les nuits d'hiver, la faible tranche d'eau peut geler sur quelques centimètres d'épaisseur. Sous la couche de glace subsiste une tranche d'eau. Les blocs sont pris dans la couche de glace, mais leurs parties hautes dépassent de la couche de glace. Si le lac n'est pas entièrement pris par les glaces, des « banquises » de plusieurs centaines de mètres carrés pourront dériver sur le reste du lac encore liquide ; en cas de vent, ces banquises pourront alors entraîner ensemble de nombreux blocs qui glisseront sur le fond. Cela peut expliquer le quasi absolu parallélisme de certaines trajectoires. Que ce soit avec ou sans glace, des variations de directions du vent entraîneront ces si énigmatiques variations de trajectoires.
D'autres explications sont disponibles sur ces sliding (gliding, sailing) stones, ainsi qu'une bibliographie complète, et en particulier la thèse de Paula Messina (360 pages, en anglais, en accès libre).