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Article | 25/03/2013

Hydrovolcanologie appliquée à la phase hydrothermale : fumeroles, solfatares, geysers, lacs acides, mofettes, sources chaudes…

25/03/2013

Michel Detay

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les manifestations hydrothermales liées à l'activité volcanique : géométrie, dynamique et classification.



L'eau et le feu sont intimement liés depuis la formation du système solaire, il y a 4,5 milliards d'années. La molécule d'eau participe, sous diverses formes, au magmatisme (plutonisme et volcanisme). Elle est notamment fondatrice de la phase hydrothermale responsable des évents hydrothermaux sous-marins comme des manifestations paravolcaniques (fumeroles, geyser, solfatares, lacs de cratères…). La phase hydrothermale reste malheureusement assez méconnue du grand public et les géotouristes emploient des termes souvent inappropriés pour en désigner les manifestations. Nous proposons, dans cette rapide synthèse, de préciser les divers termes et d'expliquer la géométrie et la dynamique des systèmes. Nous en déduisons qu'il s'agit d'un seul et même phénomène dont les manifestations sont différentes. Nous proposons de retenir la température comme élément discriminant, facilement utilisable, pour procéder à un arbitrage sémantique et technique au sein des manifestations hydrothermales.

Problématique

Les phénomènes paravolcaniques (fumeroles, solfatares, geyser, lac de cratère, etc), font partie des objets les plus spectaculaires et les plus souvent visités et photographiés. Le géotourisme volcanique et géothermal est en pleine expansion et concerne une population d'environ 300 millions de personnes soit 6 % de la population mondiale (cf. LAVE 148). Le géotourisme est un concept développé par la National Geographic Society pour promouvoir un tourisme responsable sur le plan écologique, culturel et environnemental. L'objectif est de préserver et de valoriser des lieux où l'environnement, le patrimoine, la beauté, la culture revêtent un caractère remarquable. Il s'agit donc de développement durable adapté au "géo" dans le sens du géoïde, la Terre. En effet, nos sociétés traversent une phase de perte de repères et une quête de valeurs signifiantes. L'émergence de ce besoin sociétal est une des dimensions à l'origine du géotourisme où l'homme cherche à retrouver sa place dans la Nature. Dans ce domaine, les régions volcaniques, considérées comme un des derniers sanctuaires de la nature, assistent à un regain significatif d'intérêt.

Aujourd'hui, le géotourisme est devenu une sorte de passerelle, de baptême, d'initiation à la volcanologie. Malheureusement, il règne au sein de la communauté des amateurs de volcans, une réelle confusion quant aux termes utilisés pour définir les phénomènes paravolcaniques. Les médias, que ce soit internet, You Tube, Facebook, ou les ouvrages de vulgarisation et la presse grand public, utilisent sans discernement diverses expressions, imprécises, dont les pseudo-définitions sont souvent incomplètes, voire contradictoires. Par ailleurs, toutes ces manifestations sont très intimement liées à l'eau alors que le rôle joué par l'eau dans tous ces phénomènes est souvent ignoré. Nous proposons, dans cette rapide synthèse, de rappeler les grandes définitions et propositions de classification des phénomènes regroupés sous le terme de manifestations hydrothermales (évents hydrothermaux, fumeroles, solfatares, geyser, lac de cratère, etc). Nous verrons qu'il s'agit in fine d'expressions superficielles différentes d'un seul et même mécanisme fondamental : l'hydrovolcanologie.

Hydrovolcanologie : généralités

Tout comme les sciences de l'océan et de l'atmosphère, les sciences de la Terre et la volcanologie connaissent de profonds changements. La Terre est aujourd'hui considérée comme un système – où plutôt un ensemble complexe de systèmes interdépendants – dont on cerne de plus en plus précisément la structure et la dynamique. Pour développer une approche scientifique à la fois globale et explicative, il faut mobiliser de nombreuses disciplines dont certaines étaient restées jusqu'à présent assez extérieures à ce secteur (science des matériaux, physique des milieux désordonnés, hydrodynamique, géochimie, étude des gaz, etc). La complexité du système Terre est telle qu'il faut, pour l'appréhender, faire appel à une grande variété de méthodes expérimentales qui vont des observations globales fournies notamment par le spatial jusqu'aux analyses physico-chimiques les plus avancées, sans oublier les techniques géophysiques d'auscultation des édifices volcaniques. La modélisation est ici, une fois encore, l'outil qui permet de rassembler dans un tout cohérent la multiplicité des acquis expérimentaux. Enfin, dans toutes les questions touchant à la Terre, les pressions sociales et démographiques sont fortes et concernent aussi bien le géotourisme que les applications industrielles, l'environnement ou les risques naturels.

L'hydrovolcanologie étudie le champ d'action de l'eau dans la volcanologie. Dans la mesure où l'"hydro" s'applique à la volcanologie (et non au magmatisme) cela signifie que l'on s'intéresse essentiellement aux enveloppes externes, c'est-à-dire à des phénomènes relativement superficiels. De même, la phase hydrothermale dédiée au volcanisme ne concerne que l'expression superficielle de cette dernière. Il ne s'agit pas d'hydromagmatisme à la périphérie des plutons ou d'hydrovolcanisme (phréatisme ou phréatomagmatisme), termes réservés à la rencontre de l'eau et du magma lors de la remontée de ce dernier.

Ce domaine est resté, jusqu'ici, minoré, voire ignoré en volcanologie traditionnelle. La place allouée à la phase aqueuse dans les ouvrages de volcanologie est quasi-inexistante. On y évoque l'hydrovolcanisme, les phases hydrothermales, le rôle des gaz - qui sont majoritairement composés d'eau (~ 90 %) - mais cela ne va généralement pas plus loin alors que la molécule d'eau joue un rôle fondamental dans le magmatisme et le volcanisme. À titre d'exemple, la cristallisation fractionnée, qui représente un des processus de base en pétrologie magmatique, met en évidence l'importance de la molécule d'eau dans la cristallisation des minéraux hydroxylés (amphiboles, micas). Les magmas sont très sensibles à l'évolution et à la déstabilisation de ces minéraux hydroxylés (cf. Bardintzeff et l'« effet amphibole » [ref1]). De même, le recyclage de l'eau dans le volcanisme d'arc ou encore la recirculation d'eau de mer au cœur des phénomènes hydrothermaux des dorsales océaniques représentent des éléments fondamentaux pour appréhender la volcanologie. Heureusement, la découverte des évents hydrothermaux le long des dorsales médio-océaniques a apporté un nouveau regard sur le rôle de l'eau et des fluides dans les processus volcaniques.

Nous rappelons la géométrie du système et des principaux mécanismes qui sont impliqués au sein des merveilles hydrothermales : fumeurs noirs et blancs, fumeroles, solfatares, geysers, lacs colorés, sources thermales… dans les zones volcaniques. Dans le domaine d'action de la volcanologie, deux grands compartiments de la planète demandent à être étudiés : le plancher océanique et plus spécifiquement l'environnement immédiat des rides océaniques ; et le compartiment superficiel paravolcanique. Le premier est caractérisé par l'existence d'évents hydrothermaux alors que le second héberge fumeroles, solfatares, lacs acides, etc. Parce qu'il est directement accessible à un observateur "normal", nous nous intéresserons surtout à l'hydrovolcanisme aérien.

Nous verrons également que cette phase hydrothermale, au-delà de nous interpeller sur le plan esthétique, héberge des organismes vivants particuliers dont certains pourraient bien être des analogues pas trop différents de ce qui a été à l'origine de la vie sur Terre, voire dans l'univers.

Au fond des océans

Les évents hydrothermaux des rides médio-océaniques ont été découverts en 1977 après de longues recherches sous-marines le long du rift des Galapagos sur la dorsale Est-Pacifique. On les rencontre principalement sur les 60.000 km de rides océaniques (rapides ou lentes), mais aussi dans le volcanisme d'arcs et les bassins localisés derrière ces arcs et enfin, dans le volcanisme intra-plaque et les points chauds (hot spots). En fonction de leur température, on distingue deux catégories d'évents : à faible température 6°C < t < 23°C ; chauds ≤ 300°C fumeurs blancs (white smokers) ; et des très chauds 270-380 °C dont les fumeurs noirs (black smokers) (350 ± 2°C) découverts en 1979. Aujourd'hui plus d'une centaine de sites hydrothermaux ont été reconnus. Quand ils sont localisés sur les rides océaniques, ils se situent à une profondeur moyenne de 2.800 m où s'exerce une pression de l'ordre de 300 atmosphères compte tenu du sel dissout dans l'eau de mer. Dans ces gammes de pression, l'eau se présente dans l'encaissant, sous forme d'un fluide supercritique dont les caractéristiques physico-chimiques se situent entre liquide et gaz. Les évents sont composés de dépôts d'anhydrides, qui précipitent les premiers, et de sulfures de cuivre, de fer et de zinc. Certaines cheminées ont plusieurs mètres de diamètre et peuvent atteindre 60 m de hauteur.

La convection hydrothermale fonctionne grâce à un gradient géothermique de plusieurs centaines de degrés par kilomètres, très souvent dû à la présence d'une chambre magmatique située à quelques kilomètres du plancher océanique. La forte signature marine des compositions isotopiques de l'oxygène et de l'hydrogène des solutions hydrothermales émises par les fumeurs noirs indique que celles-ci se sont formées majoritairement par infiltration d'eau de mer qui pénètre dans le système de fissures et des fractures de la dorsale pour être réchauffée et remonter. Selon diverses estimations, 150 à 900 milliards de mètres cubes d'eau de mer participeraient, chaque année, à cette circulation hydrothermale. Cela signifie que l'ensemble de la masse d'eau océanique est recyclé dans les systèmes hydrothermaux tous les 1,5 à 9 millions d'années. Dans ce processus, dès que la température est supérieure à 160°C, le calcium et les sulfates contenus dans l'eau de mer précipitent en sulfate de calcium sous forme d'anhydride (CaSO4). Dans le même temps, le soufre passe sous forme dissoute (H2S) alors que le processus d'altération hydrothermale dissout l'encaissant. Les produits d'altération intégrant le magnésium et une partie du sodium provenant de l'eau de mer sous forme chlorite, smectite, albite, brucite... Le fluide résiduel devient de plus en plus agressif (acide) et contribue d'autant plus à l'altération de l'encaissant, ce qui se traduit in fine par une mise en solution des métaux (Fe, Cu, Zn). Des dépôts sulfurés précipitent rapidement au contact de l'eau froide (2°C). Ils sont à l'origine de deux types d'objets singuliers, présentant des compositions minéralogiques différentes, que sont les cheminées hydrothermales et les encroûtements. Des calculs mettent en perspective une production annuelle de sulfures (principalement de fer) de l'ordre de 15.000 t pour un champ composé d'une dizaine de fumeurs noirs. Malheureusement il semble que 95% des métaux soient dispersés dans l'eau de mer. Les nodules polymétalliques des grands fonds, si leur manganèse et fer viennent en partie des dorsales ne sont pas à relier directement à cet hydrothermalisme. Les grands champs de nodules se trouvent en effet sur les plaines abyssale, à l'interface sédiment/eau (et non pas au contact des basaltes), très loin des dorsales. Il ne faut pas oublier aussi l'hydrothermalisme sur fonds océaniques péridotitique (comme Lost City), où le volcanisme n'entre pas directement en ligne de compte.

Les évents hydrothermaux renferment une grande variété biologique avec des communautés complexes dont le départ de la chaîne alimentaire est composé des éléments chimiques relargués par l'évent (cf. figure ci-dessous). Ces éléments (sulfures, fer 2+….) sont oxydés par l'O2 dissout dans la mer, ce qui libère de l'énergie utilisée par des archées chimiolithotrophes qui forment le premier chaînon de la chaîne alimentaire. Ils ont été décrits comme des oasis de vie au milieu du désert des fonds marins : les jardins de roses (rose garden). On pense que des évents hydrothermaux existent sur Europe (lune de Jupiter), Encelade (lune de Saturne) et sur Mars. Enfin, certains scientifiques supposent l'existence de sites hydrothermaux sur notre planète dès la formation des premiers océans il y a 4,4 Ga. Les évents hydrothermaux mettent aussi à disposition des conditions favorables à la chimie prébiotique, car des réactions chimiques entre de l'olivine, du CO2 et des eaux chaudes peuvent générer de façon abiotique des molécules carbonées complexes. Ces composés organiques synthétisés à haute température auraient ainsi été transportés ensuite vers des zones plus stables et pourraient être à l'origine de la vie sur Terre. Cette théorie est renforcée par la découverte de fossiles, datés de 3,5 Ga, dans des structures analogues aux zones hydrothermales actuelles.

Schéma conceptuel des principaux processus chimiques des évents hydrothermaux des rides médio-océaniques

Sur la Terre émergée

L'eau participe à de nombreuses expressions paravolcaniques : geysers, fumeroles, lacs acides, sources thermales, solfatares… Le terme, devenu générique, "hydrothermal" désigne des manifestations aussi différentes qu'une source thermominérale ou un champ solfatarien. À l'air libre, ces objets ont tous en commun d'être chauds, composés d'une phase aqueuse (généralement majoritaire), d'une phase gazeuse et de disposer de divers éléments chimiques en solution dans des proportions variables évoluant au sein de produits d'altérations (argiles). En première analyse, on peut considérer qu'il s'agit d'un seul et même processus dont les expressions superficielles vont être différentes. Pour les différentier, nous verrons que la température peut être retenue comme élément discriminant.

Similarités et différences

Sur le plan conceptuel, il s'agit d'un modèle d'hydrogéologie du socle altéré auquel on applique un gradient géothermique élevé et des écoulements complexes, polyphasiques, notamment en régime turbulent. L'encaissant est composé d'une formation aquifère et/ou rendue aquifère par fissuration/fracturation (aquifère de fissure assimilable à l'aquifère de socle) qui contient de l'eau d'autant plus mobile que le gradient géothermique est élevé. L'importance de la circulation est en général telle que la convection l'emporte sur la conductivité hydraulique. L'eau va être surchauffée en profondeur et, plus légère, remonter pour émerger en surface et former des manifestations dites hydrothermales. Il s'agit majoritairement, mais pas exclusivement, de réactions d'hydratation. La logique des réactions hydrothermales réside dans la combinaison des échanges de cations entre la roche et le fluide et du principe de neutralité électrique. La chimie de la solution, et les interactions fluide-roche, dépendent de l'ensemble des propriétés thermodynamiques des réactions d'échange et de la température. La transition liquide-gaz (ébullition, condensation) se produit majoritairement près de la surface. En profondeur l'eau est non seulement surchauffée, mais elle s'enrichit en éléments chimiques qui lui confèrent des particularités propres et la rendent plus agressive et plus corrosive. De ce fait, elle participe à des phénomènes d'altération accélérés de l'encaissant et développe le réseau de fissures et de fractures en remontant vers la surface. Bien évidemment, même si le principe général de circulation hydrothermale s'applique à tous les sites, des différences considérables existent dans la composition des fluides et donc des dépôts.

Sur le plan de la compréhension et de la modélisation, la géométrie du système impose des mélanges d'eau (juvénile et souterraine), des échanges liquide-liquide importants (provenant du magmatisme et/ou du volcanisme), des échanges fluide-roche considérables, un gradient géothermique élevé responsable d'écoulements polyphasiques souvent turbulents. Il s'en suit toute une série de réactions hydrogéochimiques de cristallisation et de précipitation de minéraux notamment lors des changements de phases dont le plus facilement observable est l'arrivée des fluides en surface.

Le rapport entre l'eau juvénile, provenant du dégazage du manteau, et l'eau superficielle reste difficile à appréhender. D'une manière générale, il faut considérer que la très grande majorité de l'eau (~ 90%) est une eau superficielle recyclée.

Compte tenu de la géométrie du système, les lacs de certains cratères peuvent être assimilés à un réceptacle pour les éléments volatils véhiculés par les fluides hydrothermaux. De ce point de vue, ils représentent un environnement de choix pour étudier l'activité de l'édifice volcanique.

Éléments de classification

Alors que les évents hydrothermaux sous-marins sont bien décrits, il règne une certaine confusion au sein des manifestations superficielles paravolcaniques. On trouve dans la littérature différents essais de classification qui prennent en compte la situation géodynamique, la pondération entre différentes phases (liquide, gazeuse), des analyses isotopiques, les contextes hydrodynamiques, les mélanges d'eau, etc. Malheureusement ces systèmes de classification sont trop compliqués pour être utilisables par des non-spécialistes. Nous proposons de retenir une classification simplifiée basée sur la température. En première analyse, on y distingue une phase à haute température (HT), supérieure à 100°C, et une à basse température (< 100°C).

Fumeroles : 300 > t > 1 000°C

En parcourant les terrains volcaniques, il est fréquent de croiser des zones où fissures, bouches et évents crachent vapeur, hydrogène sulfuré, dioxyde de carbone et autres gaz. Ces manifestations sont généralement regroupées sous le terme de « fumeroles ». Leur température peut varier de 100 à 1 000°C sur des volcans actifs. La vitesse des gaz peut être supérieure à 150 m.s-1. Généralement les émissions ne contiennent plus de gaz très agressifs (HF, HCl) ; mais du SO2 peut être présent en grande quantité dans certaines fumeroles comme au Kawah Ijen (Java, Indonésie) et au Biliran (Philippines). Les volumes gazeux peuvent atteindre plusieurs milliards de mètres cubes. Quand l'hydrogène sulfuré (H2S) s'oxyde partiellement avec l'O2 atmosphérique, il se transforme en partie en vapeur de soufre, qui peuvent se déposer en très beaux cristaux près des évents.

Les fumeroles correspondent majoritairement à des émissions gazeuses. Elles accompagnent généralement les éruptions volcaniques et persistent assez longtemps après l'éruption. On peut distinguer deux types de fumeroles :

  • sèches, entre 500°C et 1 000°C, riches en H2, SO2, F et Cl ;
  • acides, entre 300°C et 500°C, riches en H2O, CO2, H2, SO2, H2S et HCl.

Lorsque la température des fumeroles descend en dessous de 500 °C les sulfates prédominent et, parmi les chlorures, apparaissent le chlorure d'aluminium (AlCl3) et le chlorure ferrique (FeCl3). Ce dernier, combiné à l'eau, se transforme en oligiste (≈ hématite) (Fe2O3) qui se dépose dans les fissures sous la forme de cristaux tabulaires noirs et brillants facilement reconnaissables (cf. Cristaux d'hématite sur de la Pierre de Volvic).

Plus l'activité magmatique sous-jacente est importante, plus la température des fumeroles augmente, ainsi que leur acidité et le volume d'émission de composés soufrés. Les fumeroles donnent donc de précieuses indications permettant de "prévoir" de potentielles éruptions volcaniques.

Aujourd'hui, le terme fumerole est assez galvaudé et désigne indistinctement toute manifestation gazeuse émise par un système hydrothermal. Il faut cependant ne pas les confondre avec les solfatares.

Vue d'ensemble d'un champ fumeroles sur le Vulcano (Italie)

Détail sur des fumeroles déposant des cristaux de soufre, Vulcano (Italie)

Figure 4. Détail sur des fumeroles déposant des cristaux de soufre, Vulcano (Italie)

Le soufre a cette température jaune orangée quand il est partiellement liquide (T > 115°C).


Détail sur des fumeroles déposant des cristaux de soufre, Vulcano (Italie)

Figure 5. Détail sur des fumeroles déposant des cristaux de soufre, Vulcano (Italie)

Le soufre a cette température jaune orangée quand il est partiellement liquide (T > 115°C).


Détail sur des fumeroles déposant des cristaux de soufre, Vulcano (Italie)

Figure 6. Détail sur des fumeroles déposant des cristaux de soufre, Vulcano (Italie)

Le soufre a cette couleur jaune orangée quand il est partiellement liquide (T > 115°C).


Solfatares : 100 > t > 300°C

Le terme italien solfatara, littéralement « terre de soufre, soufrière », désignait à l'origine un volcan situé dans les champs phlégréens, entre Pouzzoles et Naples (Italie), connu pour cracher de la vapeur sulfureuse. La signification de ce mot a ensuite été étendue à tous les terrains d'où se dégagent de la vapeur d'eau et des composés soufrés. Les solfatares [Une certaine confusion existe quant à savoir si le terme est masculin (Robert) ou féminin (Larousse) ; nous retiendrons que le terme provient de solfatara en italien qui est féminin] produisent un grand volume de vapeur d'eau, mais aussi de CO2 et H2S qui sont des gaz à effet de serre qui contribuent également au réchauffement de la planète (même s'ils ne sont pas pris en compte dans les calculs du protocole de Kyoto, puisque non anthropiques).

Les solfatares sont composées, à 90%, d'eau sous forme vapeur et de composants variés : CO2, CH4, NH4, H2S… Elles sont généralement entourées de dépôts de soufre, produit lorsque l'hydrogène sulfuré entre en contact avec l'air et réagit avec l'oxygène. En plus des composés soufrés, on trouve également des sulfates (alunite, natroalunite, jarosite, gypse) et quelques composés fugaces de sulfates hydratés. On trouve également des argiles (kaolins notamment). Des smectites peuvent se former lorsque les acides sont neutralisés. Ces divers dépôts confèrent aux solfatares de magnifiques teintes jaunes, ocre, rouges. La description serait incomplète si l'on ne mentionnait pas les bruits inquiétants fascinants et l'odeur nauséabonde des champs solfatariens (qui rappelle celle de l'œuf pourri). L'atmosphère y est si particulière qu'ils étaient, jadis, assimilés aux portes de l'enfer. Ce qui caractérise les solfatares c'est la présence simultanée d'une phase liquide, d'une phase gazeuse, de produits d'altération (argiles) et de soufre. Signalons que certaines solfatares ont été exploitées de manière industrielle pour extraire du soufre.

Au milieu des champs solfatariens, on observe parfois des mares de boue, bouillonnantes, fumantes et malodorantes. Ces « marmites de boue » (mud pots) se forment généralement dans les solfatares où l'eau est abondante. En profondeur, l'eau chauffée, acidifiée, dissout les roches alentour. L'argile formée se mélange avec l'eau et donne une boue plus ou moins visqueuse selon les quantités relatives d'eau et d'argiles. Souvent des bulles de gaz carbonique remontent et éclatent à la surface. La boue est rejetée sur les bords de la mare et s'accumule, formant parfois un véritable petit cratère pouvant atteindre quelques dizaines de centimètres voire 1 à 2 mètres de hauteur. Les mares peuvent également être entourées de fentes de dessiccation (mud cracks), des craquelures formant un réseau dont les mailles dessinent des formes polygonales sur le sol desséché. Généralement grises, les marmites de boue prennent des couleurs différentes selon les substances dissoutes véhiculées par l'eau : elles sont noires lorsqu'elles contiennent de la matière organique, jaunes si elles sont riches en soufre, rouges ou roses si elles contiennent du fer, blanches quand elles sont riches en silice. Celles qui sont très colorées portent le nom de « pots de peinture » (paint pots).

On rencontre des champs solfatariens dans la plupart des régions volcaniques. La plus célèbre, d'où le nom est originaire, est Pozzuoli, proche de Naples (Italie), ou encore celle de Volcano. En Islande les plus connus sont Námafjall, Seltún, Theistareykir, Krafla. Le site hydrothermal du Dallol, en Éthiopie, regroupe des manifestations solfatariennes spectaculaires de par l'interaction entre les importants dépôts de sels (2.200 m d'épaisseur) et l'activité hydrothermale imposée par la présence du rift Est-africain. Parmi les plus populaires, on peut également citer White Island en Nouvelle-Zélande, sans oublier le Kawah Ijen en Indonésie qui fait toujours l'objet d'une exploitation de soufre comme Biliran (Philippines) et Tatun (Taiwan).

Il convient cependant d'être prudent et d'user de discernement, car les champs solfatariens sont des environnements dangereux. Les sols et les roches, très altérés par l'action hydrothermale, peuvent facilement céder sous le poids d'un homme et lui causer de sérieuses brûlures. Lee Whittlesey [ref8] rapporte dans son ouvrage Death In Yellowstone, qu'au moins 19 personnes sont mortes de brûlures à Yellowstone depuis l'époque où le parc consigne les accidents jusqu'à 1994. Dans cette même période, il reporte plus de 300 brûlures à des degrés variables dues à l'imprudence des visiteurs.

Les solfatares (mud pots) de Theistareykir, Islande

Figure 7. Les solfatares (mud pots) de Theistareykir, Islande

Le niveau de la boue est assez bas, et les niveaux "exondés" sont parcourus de fentes de dessiccation. Au fond des trous, on voit la boue qui bouillonne, avec des bulles de gaz (vapeur d'eau et/ou CO2). Tous les terrains environnants sont altérés et transformés en argiles, diversement colorées par des oxydes métalliques.


Solfatare (mud pot) à Theistareykir, Islande

Figure 8. Solfatare (mud pot) à Theistareykir, Islande

Le niveau de la boue est assez bas, et les niveaux "exondés" sont parcourus de fentes de dessiccation. Au fond des trous, on voit la boue qui bouillonne, avec des bulles de gaz (vapeur d'eau et/ou CO2). Les terrains environnants sont altérés et transformés en argiles, diversement colorées par des oxydes métalliques.






Cratères et bulles dans une solfatare à Theistareykir, Islande

Figure 13. Cratères et bulles dans une solfatare à Theistareykir, Islande

Quand la solfatare est pleine d'eau très peu boueuses, les bulles de CO2 peuvent ne pas éclater, perdurer un certain temps et être déplacées par le vent ou des courants.


Accumulation de builles à la surface d'une solfatare, Theistareykir, Islande

Figure 14. Accumulation de builles à la surface d'une solfatare, Theistareykir, Islande

Quand la solfatare est pleine d'eau très peu boueuses, les bulles de CO2 peuvent ne pas éclater, perdurer un certain temps et être déplacées par le vent ou des courants.


Bulles persistant à la surface d'une solfatare, Theistareykir, Islande

Figure 15. Bulles persistant à la surface d'une solfatare, Theistareykir, Islande

Quand la solfatare est pleine d'eau très peu boueuse, les bulles de CO2 peuvent ne pas éclater, perdurer un certain temps et être déplacées par le vent ou des courants.


Geysers : 80 > t > 120°C

Les geysers sont des objets géologiques assez fascinants et très populaires où la terre crache par intermittence de l'eau bouillonnante et de la vapeur vers le ciel. Le terme proviendrait du "grand Geysir" en Islande (du verbe islandais gjosa, qui signifie « jaillir »). Découvert en 1294, le grand Geysir projetait de l'eau à plus de 80 mètres de haut. Éteint durant de longues années, il a été réactivé par un tremblement de terre en 2000. Pourtant, loin de sa splendeur d'autrefois, il ne jaillit aujourd'hui qu'occasionnellement et à des hauteurs beaucoup moins impressionnantes. On trouve cependant toujours en Islande, dans la vallée de Haukadalur, à l'Est de Reykjavík, un grand geyser (le Strokkur). Même si les Islandais n'aiment pas beaucoup qu'on le leur rappelle, il s'agit d'un geyser artificiel, foré, à proximité du grand Geysir. Le conduit éruptif du Strokkur est le produit de la main de l'homme. Bien que la littérature reprenne l'idée que l'Islande héberge de nombreux geysers, il n'en est rien. Le Strokkur est le seul grand geyser d'Islande. On trouve, bien sûr, de nombreuses sources jaillissantes de quelques dizaines de centimètres de hauteur et que l'on aime apparenter à des geysers, mais depuis la quasi-disparition du grand geysir et du geyser de Gunnuhver dans la péninsule de Reykjanes, il ne reste plus que le Strokkur qui érupte à plusieurs dizaines de mètres de hauteur (cf. Fig. 1 et Changement d'état de l'eau et fonctionnement d'un geyser périodique chaud).

Le cycle éruptif d'un geyser répond à une équation assez simple. L'eau est surchauffée en profondeur, dans le réseau de cavités créé par l'activité de dissolution des eaux hydrothermales. L'eau peut localement dépasser la température d'ébullition "normale" (100°C sous une atmosphère), car elle est notamment sous la contrainte de la pression exercée par la colonne d'eau sus-jacente et les pertes de charge induites par le réseau de cavités souterraines (cf. Fig. 2). Quand la pression au sein du volume d'eau surchauffée atteint une valeur qui permet de contrebalancer le poids de la colonne d'eau et les pertes de charge, l'ébullition débute et le geyser entre en éruption. Le cycle repos-éruption, la durée de l'éruption, les volumes en jeux sont variables en fonction de l'état du réseau souterrain, de son volume et de son interconnexion, le tout sous le contrôle du gradient géothermique local. En profondeur l'eau peut atteindre 210°C à 85 m de profondeur et 260°C à 2.000 m de profondeur et rester en phase liquide (Yellowstone). Cette eau surchauffée plus légère aura tendance à remonter et passera en phase gazeuse dès que la pression le permettra. C'est une réaction en chaîne où chute de pression et vaporisation contribuent à l'expression du phénomène geyser en surface.

Les geysers sont des objets éphémères. Selon une échelle de temps humaine, ce sont même des objets en voie de disparition. En effet, leurs conditions d'existence dépendent d'un grand nombre de facteurs. Des séismes ou des glissements de terrain, par exemple, peuvent obstruer les conduites et modifier les conditions hydrogéologiques locales et faire disparaître le geyser. Mais les aléas naturels ne sont pas les seuls fautifs : les hommes ont détruit de nombreux geysers en jetant des ordures dans leur bassin ou en faisant baisser le niveau de l'aquifère modifiant ainsi l'équilibre hydrodynamique du geyser. À titre d'exemple, on estimait à 220 le nombre de sources jaillissantes au XIXème siècle en Nouvelle-Zélande. Il n'en resterait aujourd'hui que 58, suite à l'exploitation des ressources géothermiques. On a, par ailleurs, l'habitude de réveiller les geysers en introduisant des savons ou lessives qui vont artificiellement faire baisser la tension superficielle et permettre au geyser d'entrer dans une phase éruptive. On a ainsi coutume de réveiller le grand Geysir lors de la fête nationale islandaise (17 juin) ou le Lady Knox en Nouvelle-Zélande pour respecter les attentes des touristes lors des visites guidées.

Certains jaillissent à la manière d'une fontaine, en projetant de l'eau dans toutes les directions, d'autres sous la forme d'un long jet étroit. Il en est de vifs et d'autres qui "prennent leur temps". L'eau peut être translucide ou très colorée, mais elle surprend par son opalescence (bleutée) due à la diffusion de la lumière par des particules de silice. Les eaux étant agressives, elles participent à un cycle de dissolution-cristallisation et s'enrichissent en silice. Une partie de la silice se dépose sur les parois des conduits et à l'extérieur, engendrant les dépôts de « geysérite » que l'on observe autour des geysers (cf., par exemple, Geysérite et eaux siliceuses). Ces dépôts peuvent former un cône à l'extrémité du conduit, provoquant des éruptions en panache étroit. Alors que la silice pure est blanche, la geysérite contient en général des impuretés, voire des micro-organismes, qui peuvent la colorer.

Des geysers dans le monde

Il n'est possible d'observer des geysers que dans un petit nombre de sites à travers le monde, dont les plus importants se trouvent aux États-Unis, en Russie, en Nouvelle-Zélande, au Chili et en Islande.

Le parc national de Yellowstone (États-Unis) en abrite à lui seul 300, soit près de la moitié des geysers présents sur Terre. C'est également là que l'on trouve le plus haut de tous : le Steamboat. Ses éruptions atteignent 90 m et durent entre 3 et 40 minutes, mais elles restent imprévisibles et l'intervalle entre deux éruptions peut aller de quelques jours à plusieurs années. Les touristes lui préfèrent donc l'Old Faithful Geyser, dont les éruptions sont plus régulières (toutes les 90 minutes environ) bien que moins impressionnantes (entre 30 et 60 mètres).

La vallée des geysers dans la péninsule du Kamtchatka (Sibérie, Russie) abritait près de 100 geysers avant qu'un glissement de terrain de 22,7 millions de mètres cubes en 2007 n'en raye plus de la moitié de la carte. C'est une vraie perte pour les amateurs, car la plupart des geysers disparus étaient uniques, de par leurs éruptions obliques. Heureusement, le geyser Vekikan, le géant, dont les éruptions atteignirent 300 m, a survécu au glissement de terrain.

En Nouvelle-Zélande, dans l'île du Nord, si de nombreux geysers ont disparu en raison du développement de l'exploitation géothermique, il en reste encore une cinquantaine. Au début du XXème siècle, le plus grand geyser connu est entré en éruption en Nouvelle-Zélande. Il s'agissait du Waimangu, qui jaillissait parfois à plus de 450 mètres de haut, projetant 800 tonnes d'eau, avant que l'éruption du Tarawera ne le fasse disparaître. La zone de Rotorua – et plus spécifiquement le site de Pohutu – est la plus active en termes de geysers.

El Tatio, au Chili, est situé dans une vallée élevée entourée de volcans actifs. Près de 80 geysers ont été recensés dans cette zone. Ce sont de petits geysers dont l'éruption ne dépasse pas 6 mètres de hauteur. Suite à la disparition de la plupart des geysers de Nouvelle-Zélande, El Tatio (le grand frère), dans l'Atacama, est devenu la zone de l'hémisphère Sud où l'on observe le plus grand nombre de geysers.

Coupe schématique d'un geyser

Un geyser en Éthiopie

Un geyser dans le champ hydrothermal de Gunnuhver, Islande

Figure 18. Un geyser dans le champ hydrothermal de Gunnuhver, Islande

Ce Geyser est maintenant quasiment « en panne »


Le geyser Pohutu, Nouvelle-Zélande

Figure 19. Le geyser Pohutu, Nouvelle-Zélande

Les dépôts de geysérite sont colorés vraisemblablement par des oxydes de fer.


Le geyser Lady Knox, Nouvelle-Zélande

Figure 20. Le geyser Lady Knox, Nouvelle-Zélande

La couleur jaune au sommet du monticule de geysérite est vraisemblablement due à du soufre.




À coté des geysers et autres sources jaillissantes, il y a des sources presque aussi chaudes mais ne jaillissant pas. Ces sources contiennent généralement de la silice (éventuellement des carbonates) colloïdale en suspension, ce qui leur confère une extraordinaire couleur bleutée, souvent laiteuse quand il y a beaucoup de colloïdes en suspension, parfois d'une magnifique transparence quand il n'y en a que très peu (cf., par exemple, Geysérite et eaux siliceuses et Eaux bleues d'origine karstique).

Lacs acides et lacs de cratère : t < 100°C

Le catalogue des volcans actifs du monde considère que 16% des 714 volcans actifs de l'Holocènes (< 10.000 ans) possèdent un lac de cratère. Cela donne un ordre de grandeur sachant que les lacs volcaniques ne se situent pas uniquement dans des cratères sommitaux et que la dynamique du volcanisme est telle que ces lacs ont une existence éphémère. Toute position géomorphologique confondue, on estime le nombre de lacs acides à 769. Bien que leur répartition soit mondiale, on les rencontre majoritairement associés au volcanisme d'arc. Les paramètres physico-chimiques de ces lacs sont extrêmement variables, car ils sont le reflet de l'activité hydrothermale et magmatique sous-jacente. Pour être dans un état relativement stable dans le temps, ces lacs demandent des apports en eau constants, des berges imperméables, un flux géothermique et un apport significatif en éléments volatils. Cette dynamique est fréquente sur les volcans actifs où le dégazage est important. Le lac de cratère acide se comporte comme un grand réacteur où différentes réactions physico-chimiques (et biologiques) complexes vont opérer en parallèle. On rencontre des lacs acides dans les cratères mais aussi dans des caldeiras d'effondrement et dans des cratères latéraux, produits du phréatomagmatisme qui peuvent constituer des maars. On trouve notamment de tels maar "éteints" en Auvergne dans la chaîne des Puys, en Allemagne dans le massif de l'Eifel ou encore en Islande.

Dans les régions tectoniquement actives comme le rift Est-africain, et les zones volcaniques, comme Yellowstone, les circulations hydrothermales peuvent apporter des sels dissouts qui modifient sensiblement la chimie des lacs, même quand ce ne sont pas des lacs de cratère. C'est notamment le cas du lac Kivu et du lac Albert dont la teneur en Mg2+, K+ et Cl se trouvent être 20 fois plus élevées que les concentrations du lac Victoria voisin. Ces concentrations "anormales" sont la signature de la présence du rift Est-africain et d'apports hydrothermaux profonds.

L'eau du lac procède toujours d'un mélange d'eaux dont la majorité provient des précipitations et d'eau souterraine. La composante en eau juvénile est généralement extrêmement faible. Ce mélange d'eaux a été quantifié en Nouvelle-Zélande, où la composition du lac Taupo met en évidence des apports hydrothermaux profonds sous-lacustres qui seraient responsables de 10% du SiO2, de 20% de NH4, et de 60% de NaCl. De même, le lac Poás au Costa Rica ou le lac Ruapehu en Nouvelle-Zélande montrent des mélanges d'eaux profondes et superficielles.

Les lacs de cratère volcaniques actifs présentent des compositions chimiques extrêmes. Elles sont généralement caractérisées par un pH faible, très acide, et des concentrations en Cl, SO42–, très élevées permettant la mise en solution de métaux (Fe, Mn, Al). Ils peuvent être considérés comme le stade initial de la neutralisation des acides minéraux volatils provenant du dégazage du magma produisant des ions et des produits d'altération. Au sein de ces lacs H+ est le cation dominant dès que le pH < 2, par exemple : Pinatubo aux Philippines (pH = 1,2), Akanuma au Japon (pH = 3,6), Katanuma au Japon (pH = 1,8), Poás au Costa Rica (pH = 0), Kawah Idjen à Java – Indonésie (pH = 0,2). Ce dernier renferme le lac considéré comme le plus acide connu, d'un volume de 32 à 36 millions de m3, situé à 2200 m d'altitude.

Les lacs de cratères actifs représentent un risque volcanique supplémentaire en surimposant au risque d'éruption une composante de type lahar ou de type jökulhlaup lorsqu'il y a interférence avec un glacier. De ce point de vue, ils nécessitent une surveillance accrue.

Le Viti, lac de cratère formé en 1875 à l'intérieur de la caldeira d'Askja (Islande)

Figure 25. Le Viti, lac de cratère formé en 1875 à l'intérieur de la caldeira d'Askja (Islande)

Sa teinte est due à une suspension d'argiles légèrement soufrées


Le Devil Bath, Nouvelle Zélande


Le lac Borona (Éthiopie), lac de cratère dont le fond est tapissé d'argile

Figure 28. Le lac Borona (Éthiopie), lac de cratère dont le fond est tapissé d'argile

Les habitant du secteur récoltent cette argile (aux propriétés médicinales), ainsi que du sel, de manière très artisanale.



Les lacs à forte teneur en CO2 : t < 100°C

Un autre effet du volcanisme est de produire du gaz carbonique en quantité importante. Ce gaz peut se mélanger à l'eau jusqu'à atteindre des concentrations extrêmes susceptibles d'être relarguées brutalement.

Ces lacs acides des volcans actifs sont généralement trop acides pour conserver le CO2 sous forme d'ion bicarbonate (HCO3-) à l'exception des lacs Nyos et Monoun (Cameroun) où les émissions de gaz acides ont cessé (SO2, H2S, HCl), faisant de ces lacs un réservoir à sulfates et chlorures, mais surtout à CO2 dissout. Ce gaz est susceptible de passer à l'état gazeux comme en attestent les éruptions limniques des lacs camerounais Nyos (~300 millions de m3 de CO2 – 1.746 morts en 1986) et Monoun (~10 millions de m3 de CO2 – 37 morts en 1982). Suite à ces événements catastrophiques, ces deux lacs sont maintenant équipés de dispositifs de mécanismes artificiels de dégazages.

Le lac Kivu situé en République Démocratique du Congo (RDC), à 1463 m d'altitude, est le plus petit des Grands Lacs africains soulignant le tracé du rift Est-africain. Les relargages, observés dans le lac Kivu lors de l'épisode éruptif du Nyiragongo en 2002, ont alerté les scientifiques sur le risque d'éruption limnique. En effet, ce lac a la caractéristique de renfermer de grandes quantités de gaz dissouts (CO2 et CH4) stratifiés dans les profondeurs du lac. Après l'éruption du Nyiragongo en 2002 des investigations ont permis de quantifier la taille des réservoirs à 300 km3 (soit 300.000 Mm3) de gaz carbonique et 55 km3 de méthane (quantifiés à 0 °C et une atmosphère). Les catastrophes humanitaires qui ne manqueront pas de se produire soulignent le risque que représente le lac Kivu sachant qu'entre un km3 et un Mm3 il y a un facteur de 103 c'est-à-dire que l'on parle de 300 milliards de mètres cubes de CO2 pour le lac Kivu. Pour fixer les idées, chaque litre d'eau du lac Kivu renferme 2 litres de gaz (1/6 de méthane et 5/6 de gaz carbonique) soit 1 000 fois plus de gaz qu'à Nyos ! Est-il utile de rappeler que le gaz carbonique, plus lourd que l'air, est incolore et inodore ? Sa toxicité commence à 3%. Sa présence à 15% entraîne une perte brutale de connaissance ; à 25% il provoque un arrêt respiratoire qui entraîne le décès. De même, le méthane est incolore et inodore. Il peut, comme le CO2 provoquer des asphyxies en prenant la place de l'oxygène dans l'air. Il est par ailleurs extrêmement inflammable.

Il semble que le CO2 soit produit par l'activité volcanique, alors que le CH4 est produit par deux procédés : la réduction de CO2, mais aussi l'oxydation de la matière organique par activités bactériennes. Le premier processus contribue au 2/3 et le second au 1/3 de la quantité totale de méthane formé dans le lac Kivu. Depuis 1975 on a observé une augmentation inattendue de la concentration de méthane d'environ 15% à 20%. Une telle concentration approche le niveau de saturation de l'eau, au-delà duquel le risque d'explosion limnique devient une véritable menace pour les populations riveraines (Goma et Bukavu en RDC et Cyangugu, Gisengi et Kibuye au Rwanda) soit environ 2 millions de personnes. Les éventuels dégâts consécutifs à un dégazage suivi d'une explosion liée à la présence de méthane seraient donc considérables.

Le lac Taal, aux Philippines, dispose également de grandes quantités de CO2 dissout et une éruption limnique est probable. Le lac occupe une large caldeira de 15 km par 22 km. Le volume du lac de cratère est de l'ordre de 41 à 45 Mm3 (pH de 2,9 ; t ~ 30°C). Environ 6000 personnes vivent à proximité immédiates du lac. Entre février et mars 2011, la quantité d'émission de gaz carbonique est passée de 1875 t/j à 4670 t/j laissant penser à la proximité d'une éruption limnique. Le Philippine Institute of Volcanology and Seismology (PHIVOLCS) avait alors porté le niveau d'alerte à 2. Dans la mesure où la température de l'eau du lac n'a pas augmenté, on pense que l'augmentation de CO2 n'était pas liée à une possible éruption limnique, mais à la remontée de gaz volcaniques.

Le lac de cratère du Kelud (Indonésie) est également un exemple illustrant le risque de dégazage de CO2. Ce lac est localisé dans une zone de Java à forte population avec 3 millions d'Indonésiens qui vivent à proximité du lac. Le volcan a eu au moins 30 éruptions historiques répertoriées faisant 15.000 morts depuis 1.500 AD, la dernière ayant eu lieu en février 1990.


Proposition de classification des lacs de cratère

L'IAVCEI (International Association of Volcanology and Chemistry of the Earth's Interior) a mis en place une commission pour l'étude des lacs de cratère. Elle regroupe sous le terme lac de cratère tous les lacs volcaniques qu'ils soient de cratère ou de maar. En fonction de la concentration en anions des eaux, la commission a proposé de classer les lacs de cratère en trois catégories représentants différents stades de maturité (cf. figure ci-dessous) :

  • les lacs de type acide - sulfate - chlorure (ASC) : ex. le Kawak Ijen (Indonésie) ou la Laguna Caliente du Poás au Costa Rica. Ils résulteraient d'un mélange important de gaz d'origine magmatique (SO2, H2S, HCl et HF) et ont un pH très acide, entre 0 et 2. La concentration en SO2 est à l'origine de dépôts de soufre (solfatares) et d'acide sulfurique (H2SO4). La concentration en sulfates peut atteindre 80.000 ppm avec un TDS (Total Dissolved Solids) pouvant atteindre 100 g.kg-1 ;
  • les lacs de type neutre - chlorure (NC) : ex. le lac du Quilotoa et le Kelud. Ils sont le résultat d'un équilibre avec la roche encaissante où l'acidité a été neutralisée ;
  • les lacs de type neutre - bicarbonate (NB), : comme les lacs Nyos et Monoun. Ces lacs ont perdu leur acidité et sont dépourvus de sulfates et de chlorures, mais contiennent une quantité importante de CO2 dissout.
Classification des lacs volcaniques en fonction de la concentration en anions

Figure 31. Classification des lacs volcaniques en fonction de la concentration en anions

Types acide-sulfate-chlorure (ASC), neutre-chlorure (NC), et neutre-bicarbonate (NB).


Les lacs salés : t < 100°C

Les lacs salés représentent un cas particulièrement intéressant où plusieurs processus géochimiques sont susceptibles de s'exprimer. D'une manière générale, lorsqu'il n'y a pas d'exutoire aérien ou souterrain (lacs endoréiques ou terminaux) la totalité de l'eau reçue s'évapore ce qui conduit à une minéralisation marquée. Conventionnellement, on considère qu'un lac est salé lorsque les sels totaux dissouts excèdent 3 g/l. Quand la lame d'eau reçue est suffisante pour que le lac ne s'assèche pas, un équilibre salin s'instaure. Il est caractérisé par une néogenèse dans les sédiments, précipitation des carbonates, puis des sulfates, et enfin des halogénures lorsque les eaux dépassent 300 g/l (soda lake du cratère Chew Bet en Éthiopie, lac Assal en République de Djibouti). Lorsque l'évaporation est supérieure aux apports, le lac s'assèche et il y a précipitation quasi totale des sels dissouts, c'est le processus des salines ou salars (Uyuni dans l'Altiplano bolivien, par exemple). Tous les lacs salés ne sont pas associés au volcanisme, mais il y a souvent interférence entre les deux phénomènes, ce qui justifie de les traiter ici.

Le lac Assal, à Djibouti (à ne pas confondre avec le lac Assale en Éthiopie dans la dépression Danakil), s'est retrouvé isolé de la mer lors de la mise en place du système volcanique de l'Ardoukôba. Il continue d'être alimenté en eau par un flux souterrain en provenance du golfe de Tadjoura par l'intermédiaire de Ghoubbet El Kharâb. Le flux, dans son voyage souterrain, dans l'axe du rift, est enrichi par les fluides hydrothermaux et transformé en saumures. Il subit, dans le lac Assal, une évaporation très forte, estimée à 460 Mm3/an qui participe à la concentration de la saumure. L'évaporation étant légèrement supérieure aux apports, le lac se situe aujourd'hui à moins 155 m par rapport au niveau de la mer. C'est le point le plus bas du continent africain.

Certains dépôts salés sont fondamentalement sous l'influence du rift et des phénomènes hydrothermaux alors que d'autres peuvent avoir des origines diverses (cycle précipitations-évaporation notamment). Nous avions vu (cf. LAVE 151) que les apports marins n'étaient pas suffisants pour expliquer la puissance des dépôts évaporitiques de la dépression Danakil en Éthiopie. Il fallait donc faire appel à des processus hydrothermaux liés à la présence du rift Est-africain. A contrario, le lac des geysers, dans la dépression Danakil proche du Dallol contient une très forte proportion de sels dissouts. La composition de l'eau, en pourcentage pondéral, est de 1,7% de KCl, 11,7% de NaCl, 6,5% MgCl et 6,45% de CaCl2. La signature géochimique montre qu'il ne s'agit pas de sources d'eau profonde, mais d'un point d'émergence de la nappe caractérisé par un dégazage important de CO2. L'eau du lac n'est pas chaude et le CO2 provient vraisemblablement de l'altération des calcaires et des dolomies contenus dans l'importante série évaporitique sous-jacente par des solutions de saumures acides. Se sont ici les paragenèses évaporitiques et l'halocinèse (dynamique salifère) qui sont responsable de l'émergence de ces « vrais faux geysers » (cf. LAVE 151). Chaque objet est donc unique et demande une analyse hydro-géochimique précise, car dans tous les cas c'est l'eau qui est le vecteur de transport.

Vue panoramique du lac de cratère de l'éruption phréatomagmatique de 1926, au Nord-Est des Black Mountains (Éthiopie)

Figure 32. Vue panoramique du lac de cratère de l'éruption phréatomagmatique de 1926, au Nord-Est des Black Mountains (Éthiopie)

Le lac est saturé en saumures et notamment en chlorures de magnésium.


Paysage salin du lac Assal, République de Djibouti

Dallol (dépression Danakil, Éthiopie), un champ de sources hydrothermales qui sortent à travers une épaisse couche d'évaporites (principalement de halite)

Figure 34. Dallol (dépression Danakil, Éthiopie), un champ de sources hydrothermales qui sortent à travers une épaisse couche d'évaporites (principalement de halite)

Ces eaux sont chargées en sels métalliques divers, donnant à ces eaux et concrétions des couleurs extraordinaires.


Dallol (dépression Danakil, Éthiopie), les sources hydrothermales sortent à travers une épaisse couche d'évaporites (principalement de halite)

Figure 35. Dallol (dépression Danakil, Éthiopie), les sources hydrothermales sortent à travers une épaisse couche d'évaporites (principalement de halite)

Ces eaux sont chargées en sels métalliques divers, donnant à ces eaux et concrétions des couleurs extraordinaires.


Dallol (dépression Danakil, Éthiopie), cristaux de chlorure de sodium

Figure 36. Dallol (dépression Danakil, Éthiopie), cristaux de chlorure de sodium

Ces eaux sont chargées en sels métalliques divers, donnant à ces eaux et concrétions des couleurs extraordinaires. On peut y trouver des cristaux de NaCl colorés de belle taille.


Mofettes et sources thermominérales : t < 50°C

Les mofettes sont caractérisées par le dégazage de CO2 généralement à température ambiante. Ce sont des manifestations terminales du volcanisme. La plus connue est la grotte du chien à Agnano en Italie. Grotte où, selon la légende, le chien est mort de respirer du gaz carbonique plus lourd que l'air et donc à sa hauteur par opposition à l'homme qui respirait à une hauteur suffisante pour ne pas être intoxiqué. On trouve des mofettes "sèches" (sans eau) en France, entre autres à Royat (Puy de Dôme) et dans l'Ardèche, à Neyrac. On en trouve accompagnées de venues d'eau un peu partout dans tout le Massif central (cf., par exemple, Les sources thermo-minérales d'Auvergne : aspects géologiques). Ces dégagement de CO2 peuvent, dans certains cas, donner lieu à des sources jaillissantes, des "pseudo-geysers" (cf. Deux geysers du Massif Central : la « Source Intermittente » de Vals-les-Bains et la « Gargouillère » de Lignat). Ce phénomène de dégazage existe aussi sur les volcans actifs comme le Nyiragongo (cf. LAVE 153) connu pour ses « mazukus » (devil's winds, souffles maléfiques ou vents du diable). Il s'agit de zones de piégeage de CO2 notamment localisés dans des fractures, les tunnels de lave et des dépressions topographiques (le gaz carbonique étant plus lourd que l'air). Ces accumulations de gaz seraient responsables de la mort de centaines de personnes par an en République Démocratique du Congo par asphyxie, le CO2 étant incolore et inodore il échappe ainsi à toute détection olfactive.

Les mofettes et les sources thermominérales représentent le dernier stade de refroidissement de la lave et du magmatisme. Chaque source est unique, avec ses propres caractéristiques physico-chimiques, pour le plus grand bonheur de ceux qui croient aux vertus du thermalisme. Les eaux thermales se voient en effet souvent créditées de vertus curatives qui varient selon leur composition chimique. Les sources chaudes, voire les bains de boue, constituent aussi de réelles attractions touristiques bien que leurs propriétés curatives soient très inégalement appréciées. Il convient cependant d'être prudent, car en l'absence de suivi analytique de la qualité des eaux, certaines sources très populaires peuvent vite se transformer en bouillons de culture et en vecteur de transmission de diverses infections bactériennes et autres mycoses.

Parmi les sources chaudes les plus célèbres, on peut citer le Blue Lagoon en Islande, les sources de Sakurajima ou encore celles du parc de Jigokudani où se baignent les snow monkey (macaques) au Japon.

Les eaux thermominérales sont également extraordinairement populaires. Elles représentent un marché financier considérable, évalué à 60 milliards de dollars pour un volume de 115 millions de mètres cubes en 2006. Il est toujours délicat de juger de l'efficacité des propriétés de certaines eaux et la polémique entre les croyants et les sceptiques n'est pas près de s'éteindre. Dans le même temps, le nombre d'eaux thermales ou minérales susceptibles de soigner telle ou telle affection augmente de jour en jour. Comme le disait Hippolyte Taine à la fin du XIXème siècle, « sous François Ier, la source des Eaux-Bonnes guérissait les blessures, aujourd'hui elle guérit les maladies de poitrine et de gorge. Dans cent ans, elle guérira autre chose, la médecine fait des progrès ! »

Les sources chaudes du parc de Jigokudani (Japon)

Figure 37. Les sources chaudes du parc de Jigokudani (Japon)

Les macaques adorent s'y baigner, notamment pendant l'hiver très rigoureux sur l'île d'Hokkaïdo, au Nord du Japon.


Les sources chaudes du parc de Jigokudani (Japon)

Figure 38. Les sources chaudes du parc de Jigokudani (Japon)

Les macaques adorent s'y baigner, notamment pendant l'hiver très rigoureux sur l'île d'Hokkaïdo, au Nord du Japon.


Les eaux encroûtantes : t < 50 °

Les eaux véhiculent des substances en suspensions qui vont se déposer lors des changements de phase. On parle alors de sources encroûtantes voire de sources pétrifiantes bien que ce dernier terme soit généralement utilisé pour des dépôts calcaires qui ne sont généralement pas directement liés au volcanisme mais aux phénomènes karstiques.

Parmi les objets les plus spectaculaires, il convient de mentionner les dépôts du lac Abbé (République de Djibouti) qui créent des paysages fantomatiques exceptionnels. Ce lac se situe dans la dépression de l'Afar. Il s'agit d'un lac endoréique qui reçoit de manière épisodique de l'eau de la rivière Awash. Hauts de 5 à 40 m, d'allure ruiniforme, isolés ou accolés les uns aux autres, ils sont alignés le long de fractures dans l'axe du rift Est-africain. Dans certains cas, de l'eau bouillonnante s'échappe du sommet ou de la base des formations composées majoritairement de carbonate de calcium. Ce paysage a été rendu célèbre par le tournage du film La planète des singes avec Charlton Heston en 1968.

Le site de Mammoth Hot Spring du parc national de Yellowstone aux États-Unis présente des sources encroûtantes principalement à base de silice, comme le furent les célèbres terrasses blanches et roses de Rotomahana en Nouvelle-Zélande, détruites par l'éruption du Tarawera en 1886. Il convient également de citer les terrasses de Pamukkale et de Bursa en Turquie et le site exceptionnel de Bai Shui Tai en Chine.


Dépôts de travertin du lac Abbé, République de Djibouti

Figure 40. Dépôts de travertin du lac Abbé, République de Djibouti

Ces sources forment des colonnes de travertin calcaire de plusieurs mètres de haut, alignées le long des fractures par lesquelles elles sortent.


Panorama de dépôts de travertin du lac Abbé, République de Djibouti

Figure 41. Panorama de dépôts de travertin du lac Abbé, République de Djibouti

Ces sources forment des colonnes de travertin calcaire de plusieurs mètres de haut, alignées le long des fractures par lesquelles elles sortent.


Vue aérienne du bord du lac Abbé avec 3 alignements de dépôts de travertin

Figure 42. Vue aérienne du bord du lac Abbé avec 3 alignements de dépôts de travertin

Les travertins sont visibles comme des alignements de taches noires, taches qui correspondent aux ombres des colonnes calcaires.


Un monde habité par les extrêmophiles

Parmi les phénomènes collatéraux de l'étude des sources chaudes, geysers et autres lacs d'eaux chaudes et acides, on a découvert assez récemment qu'ils renfermaient des formes de vie. La vie existe ainsi là où l'on pensait encore très récemment que la vie était impossible.

Il s'agit de bactéries, dites « extrêmophiles » car elles ont la capacité de résister à des conditions physico-chimiques extrêmes (température, pression, pH, salinité…) ou à la présence d'éléments considérés généralement comme toxiques. Les principaux types d'extrêmophiles que l'on rencontre dans les sources thermales sont : les thermophiles, qui supportent la chaleur (généralement de 50°C à 70°C, les hyperthermophiles vivant entre 80°C et 110°C) ; les acidophiles, qui vivent dans des environnements à faible pH ; les thermoacidophiles, qui "aiment" à la fois la chaleur et l'acidité. Ces bactéries prolifèrent dans les eaux des sources chaudes et des lacs et leur confèrent des couleurs vives, du rouge au bleu en passant par le jaune et le vert. Des hyperthermophiles ont ainsi coloré les eaux du Grand Prismatic Spring, dans le parc naturel de Yellowstone (Wyoming, États-Unis), du Tokaanu (zone volcanique de Taupo, île du Nord, Nouvelle-Zélande) et du célèbre Champagne Pool, proche de la zone thermale de Wai-o-Tapu. Le bleu dû à la suspension colloïdale de silice, le gris et blanc des concrétions minérales, des teintes allant du vert au rouge en passant par le jaune dues au bactéries, tout cela confère à ces sources des couleurs extraordinaires.

La découverte de ces organismes extrêmophiles a permis dans les années 1970 l'émergence d'un nouveau groupe dans la classification du vivant : les Archae (ou archéobactéries). Bouleversant les modèles scientifiques, cette découverte a suscité de nouvelles théories en astrobiologie sur l'apparition de la vie sur Terre et sur la possibilité de vie extraterrestre. En effet, l'environnement primitif de la Terre se caractérisait sans doute très souvent par des conditions extrêmes, comparables à celles des sources hydrothermales, et que l'on observe le long des dorsales océaniques. Sources hydrothermales à haute température dont on sait maintenant qu'elles hébergent la vie. Certaines hypothèses envisagent même qu'elles pourraient être un des vecteurs clefs de l'apparition de la vie sur Terre.

Conclusion

Depuis la fin du XXème siècle, l'exploration du système solaire nous a révélé que la Terre n'était pas la seule planète possédant de nombreux volcans. Le "volcan" est ainsi passé d'un cadre trop souvent local à un phénomène général dans l'univers. La volcanologie profite largement de ce changement d'échelle et l'étude des volcans du système solaire permet d'étudier le volcanisme dans des conditions physico-chimiques très variées et très différentes du cadre terrestre. L'objet volcan est incomparablement plus riche qu'on ne le soupçonnait il y a seulement quelques années. De même, le rôle de l'eau dans le magmatisme et la volcanologie commence à émerger. L'hydrovolcanologie fait son apparition.

L'eau et le feu sont intimement liés depuis le stade initial de création du système solaire. On pourrait même dire que leur avenir est déterminant, voire déterminé. En effet, dans l'état actuel de nos connaissances, la « naissance du monde » date du Big Bang, il y a 13,7 Ga (milliards d'années). À ce stade initial, la matière était composée de quelques particules et atomes notamment le proton, l'hydrogène, l'hélium. L'élaboration de la matière complexe, riche, multiple, faite des 92 éléments chimiques qui constituent le monde qui nous entoure est plus tardive. Elle s'est fabriquée dans les étoiles par une combinaison de processus de fusion thermonucléaire, d'absorption de nucléons et de décroissance radioactive. La molécule H2O s'est formée à proximité des vieilles étoiles lorsque celles-ci éjectent leur oxygène qui va alors se combiner avec l'hydrogène, élément le plus abondant de l'Univers. La molécule d'eau ainsi créée s'est diffusée dans l'espace, très froid, sous forme de glace et a alimenté les nuages moléculaires qui ont donné naissance aux étoiles et aux planètes. Le nuage protosolaire était ainsi l'héritier de plusieurs générations d'étoiles. Depuis la condensation du nuage protosolaire, les chondrites, ces grains de poussière silicatés, contiennent de l'eau. Sous le contrôle de la gravitation, les chondrites se sont s'agglutinées pour former des planétésimaux qui, s'agrégeant à leur tour, vont former des corps plus gros, des protoplanètes. Si leur masse est suffisante, celles-ci vont se différencier. C'est-à-dire que les éléments les plus lourds vont migrer vers le centre alors que les éléments volatils vont se retrouver dans les couches périphériques ou se libérer pour former atmosphère et hydrosphère. On pense aujourd'hui que la chaleur dégagée par cette accrétion ainsi que celle dégagée par le choc à l'origine de la Lune, auraient fait plus que différencier la Terre, elles l'auraient déshydraté. Mais une fois cette accrétion-différenciation-déshydratation terminées, la Terre aurait encore reçu un important bombardement de corps venant plutôt de l'extérieur du système solaire : chondrites carbonées et comètes, corps très riches en volatils. Et l'eau représente la grande majorité de ces éléments volatils. Une fois l'eau à la surface du globe, l'hydratation de sa surface et la convection mantellique en injecte une partie en profondeur dans le manteau (via la subduction), manteau qui en perd par le magmatisme. Un cycle interne de l'eau, à côté du cycle externe bien connu (évaporation, pluie, rivière…).

Cette eau que l'on retrouve sur Terre et qui nous est si familière provient de cette eau « primordiale » héritée de systèmes antérieurs au système solaire. C'est cette même eau (dite juvénile) que l'on retrouve dans le manteau terrestre et qui se dégaze lors des éruptions volcaniques et participe aux phénomènes hydrothermaux. L'eau et le feu sont ainsi indissociables et intimement liés depuis des milliards d'années. On les retrouve à l'œuvre dans le manteau terrestre, dans le magmatisme (plutonisme et volcanisme). L'hydrovolcanisme émerge progressivement comme discipline à part entière, tout comme la compréhension de plus en plus précise des phénomènes hydrothermaux sous-marins et superficiels dont cette rapide synthèse jette les bases.

Orientation bibliographique

Livres et articles

J.M. Bardintzeff, 2011.Volcanologie, Dunod Éd.

P. Delmelle, A. Bernard, 1994. Geochemistry, mineralogy, and chemical modeling of the acid crater lake of Kawah Ijen, Indonesia, Geochimica et Cosmochimica Acta, 58, 11, 2445-2460

M. Detay, A.-M. Detay, 2013. Volcans. Du feu et de l'eau, Belin Éd., 208 p.

M. Detay, 2012. Le sel du rift – la saline du cratère de Chew Bet en pays Borana, dans les terres semi-arides du sud de l'Éthiopie, Bulletin de la Société Volcanologique de Genève, 119, 4-11

M. Detay, A.-M. Detay, 2012. Islande - splendeurs et colères d'une île, Belin Éd., 208 p.

Y. Fouquet, 2011. Les minéraux des fonds océaniques, Pour la Science, 73, 14-20

H.W. Jannasch, M.J. Mottl, 1985. Geomicrobiology of deep-sea hydrothermal vents, Science, 229, 717-725

L.H. Whittlesey, 1995. Death In Yellowstone - Accidents and Foolhardiness in the First National Park, Roberts Rinehart Ed., 261 p.

Interventions radiophoniques

Entretien de S. Joubert avec A.-M. Fetay et M. Detay, 2013-10-29. 1. Pourquoi les volcans ? et 2. Pourquoi les volcans ?, émission Autour de la question, Radio France Internationale

A. Un article de la revue LAVE

Cet article est la reprise quasiment sans modifications d'un article écrit par Michel Detay pour la revue LAVE(n° 159, pages 14 à 27), revue de l'association volcanologique LAVE. Modifications mineures à une exception de taille : n'ayant qu'une faible contrainte éditoriale de place, nous avons mis beaucoup plus de figures (48) que dans la revue papier.