Image de la semaine | 11/10/2021
La fontaine pétrifiante de Réotier, Hautes-Alpes
11/10/2021
Auteur(s) / Autrice(s) :
Publié par :
- Olivier DequinceyENS de Lyon / DGESCO
Résumé
Travertin, marches et gours, pisolites.

Source - © 2007 — Pierre Thomas
Les dépôts de travertins calcaires sont particulièrement spectaculaires, avec en particulier un “bec” qui s'avance au-dessus du vide.
Localisation par fichier kmz de la fontaine pétrifiante de Réotier, Hautes-Alpes.
Nous avons vu le semaine dernière les sources pétrifiantes de Plan de Phazy (cf. Les sources thermales du Plan de Phazy (Hautes-Alpes)), source d'eau chaude chargées entre autres d'ions HCO3−, Ca2+, Fe2+, Na+, Cl−… sortant du sous-sol en empruntant le trajet d'un faisceau de failles, faisceau connu sous le nom de “faille de la Haute Durance”. À 1 km au Nord des sources de Plan de Phazy, de l'autre côté de la Durance mais sur le même faisceau de failles, coule une autre source, quasiment non captée ni aménagée contrairement à celles de Plan de Phazy, à une température un peu plus faible (20°C au lieu de 30°C) très minéralisée comme son homologue (mais moins riche en fer). Cette source a déposé et dépose encore un travertin donnant lieu à des concrétions très spectaculaires. Après les sources de Plan de Phazy, le but de cette image de la semaine n'est pas d'expliquer la genèse des travertins, mais simplement de donner des aperçus visuels et esthétiques de ces travertins. Cet article comprend des photographies prises en 2007, 2008, 2018 et 2021, ce qui permet de voir l'évolution morphologique des dépôts, l'augmentation de la masse par la formation de nouveaux travertins, ou leur réduction de taille à la suite de petits éboulements.
![]() Source - © 2008 — Pierre Thomas On voit particulièrement bien le “bec” déposé par l'eau qui arrive de la droite. Ce “bec” croît très vite car quand l'eau tombe “en cascade” au lieu de couler tranquillement sur le travertin, du CO2 se dégage beaucoup plus, ce qui favorise la précipitation du CaCO3. Périodiquement, ce bec s'écroule plus ou moins complètement, mais se reconstitue assez vite, surtout si les autorités compétentes plantent dans ce qui reste du bec des tiges de béton qui sont très rapidement recouvertes de carbonates. On peut noter qu'au premier plan, les dépôts de calcaires ont tendance à faire des “marches”. | ![]() Source - © 2008 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas | ![]() Source - © 2021 — Pierre Thomas L'extrémité pendante en 2007-2008 a dû s'écrouler entre 2008 et 2021. |

Source - © 2021 — Pierre Thomas
Prises quasiment du même endroit pendant l'hiver 2007 et l'été 2021, ces photos montrent l'évolution morphologique des dépôts de travertin.
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas On voit la très belle “vasque” dans laquelle coule l'eau issue du bec, vasque vue de dessous dans la figure 3. | ![]() Source - © 2021 — Pierre Thomas On voit le fin filet d'eau qui permet de (re)générer le bec. |
Nous allons voir maintenant deux morphologies assez caractéristiques des dépôts de travertin : (1) des espèces de “marches d'escaliers” régulièrement espacées, et (2) des pisolites de carbonates connues sous le nom de “perle des cavernes”.
Quand de l'eau chargée de Ca2+ et de HCO3− coule sous forme de film sur une surface inclinée, l'eau coulera un peu plus vite et sur une épaisseur moindre à l'aplomb d'une petite irrégularité positive (une bosse). Cette eau perdra plus de CO2 à ce niveau, et la petite bosse s'élèvera. Les irrégularités ne peuvent que s'amplifier, ce qui est à l'origine de marches d'escalier, avec souvent une petite “flaque” d'eau (un gour) à l'arrière de la bosse. Des problèmes complexes d'hydrodynamisme dans des flux laminaires sur une surface initialement lisse génèreront des précipitations de carbonates localisées et non pas continues, et ce avec une (ou des) longueurs d'onde constante(s) (voir, par exemple, Les barrages de travertin, les gours (lacs) en escaliers et les coulées (escaliers) de "tuf" des ruisseaux du Jura ainsi que les figures 10 à 14 de Les sources thermominérales d'Auvergne : aspects géologiques).
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas Un film d'eau s'écoule sur la partie beige claire au centre droit de la photo. On voit bien des “marches d'escalier” naturelles avec un espacement décimétrique en haut de cette zone d'écoulement. | |
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas On voit bien les “marches” décimétriques en haut de l'écoulement, et on devine des mini-marches centimétriques en bas. | ![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas | ![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2014 — Nicolas Kofman On voit ici un film d'eau coulant sur une route en pente juste après une pluie d'orage. On devine deux longueurs d'onde de “vagues”, une longueur d'onde décimétrique, et une longueur d'onde centimétrique. Des problèmes complexes d'hydrodynamisme dans des flux laminaires sur une surface initialement lisse génèrent en effet des ondes, et ce avec une (ou des) longueurs d'onde constante(s). Il est possible que de tels phénomènes servent d'“amorce” à la précipitation régulièrement espacée des “digues” de carbonates qui ensuite sont amplifiées. Les lecteurs intéressés par la genèse de ces ondes peuvent se renseigner auprès de leurs collègues de physique, et/ou trouver des renseignements dans une thèse de 2014 (Nicolas Kofman, Films liquides tombants avec ou sans contre-écoulement de gaz : application au problème de l'engorgement dans les colonnes de distillation d'où est extraite cette photo. Les principaux facteurs de contrôle des longueurs d'onde sont, outre la viscosité du liquide, son débit et sa vitesse ou, paramètres liés, son débit et sa hauteur d'écoulement ainsi que la pente et la rugosité de la surface sur laquelle a lieu l'écoulement. | |
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas On va, ci-après, détailler ce qui se trouve sous l'écoulement de gauche (au Sud), écoulement le plus jaune-orangé de la source. | ![]() Source - © 2018 — Pierre Thomas Les photos 20 à 23 correspondent à des zooms sur les petits bassins recevant l'eau chutant de la masse de calcaire. |
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas Les photos 20 à 23 correspondent à des zooms sur les petits bassins recevant l'eau chutant de la masse de calcaire. | ![]() Source - © 2008 — Pierre Thomas On voit des petites sphères blanches dans ces bassins, des pisolites de calcaire bien blanc, appelées ainsi parce qu'elles ont la taille d'un pois, pisum en latin. Ces pisolites sont appelées “perles des cavernes” quand on les trouve dans des grottes. |
![]() Source - © 2008 — Pierre Thomas On voit des petites sphères blanches dans ces bassins, des pisolites de calcaire bien blanc, appelées ainsi parce qu'elles ont la taille d'un pois, pisum en latin. Ces pisolites sont appelées “perles des cavernes” quand on les trouve dans des grottes. | ![]() Source - © 20071 — Pierre Thomas Les pisolites au centre du trou sont libres et peuvent se déplacer les unes par rapports aux autres. Celle de la périphérie sont soudées. |
![]() Source - © 2007 — Pierre Thomas L'énergie de la chute agite et ”remue” l'eau du trou et met en mouvement les pisolites, qui “tournent” les unes par rapport aux autres et ne se soudent pas. Chaque goutte et chaque “rotation” entraine le dépôt d'une couche de calcaire sur la pisolite qui grossit de jour en jour. Au départ, la pisolite ne devait être qu'un petit grain de quelque chose (sable), qui, couche après couche, est devenu une pisolite. | |
![]() Source - © 2018 — Pierre Thomas | ![]() Source - © 2008 — Pierre Thomas En effet, on y a trouvé plus de 400 pièces de monnaie romaine prises dans la masse du travertin. Une fontaine de Trévi hautalpine ? |
![]() Source - © 2021 — BRGM / Géoportail Certaines de ces failles sont sismiques et jouent actuellement avec un jeu normal (et une légère composante dextre). C'est la faille active connue sous le nom de faille de la Haute Durance. Deux sources thermales sont situées sur ces failles là où elles traversent la vallée de la Durance : les sources de Plan de Phazy (punaise rouge, que nous avons vues la semaine dernière) et la source de Réotier (punaise orange). Il est à noter que trois sites décrit dans Planet-Terre sont contenus dans la petite surface couverte par cet extrait de carte : le pli de Saint-Clément (cf. «Giga-plis dans la nappe des flyschs à helminthoïdes : le célèbre pli de Saint-Clément (cf. Giga-plis dans la nappe des flyschs à helminthoïdes : le célèbre pli de Saint Clément (Hautes Alpes)), les terrasses fluvio-glaciaires de Mont-Dauphin (cf. Les terrasses fluvio-glaciaires de la moyenne Durance : Mont-Dauphin, Chateauroux-les-Alpes et Embrun, Hautes-Alpes), et les calcaires à ammonites de Guillestre (cf. Le "marbre griotte" jurassique supérieur du Briançonnais, dit "marbre de Guillestre", et ses ammonites). Que de bonnes raisons d'y faire des excursions et d'y passer des vacances “géologiques” ! | ![]() Source - © 1986 — J. Debelmas et M. Lemoine, modifié Le faisceau de failles de la Haute Durance est indiqué par la flèche rouge. Les sources de Réotier sont situées sur ce même faisceau de failles. SC signifie socle cristallin, T Trias, CD couverture dauphinoise, EB écailles briançonnaises et FH flysch à helminthoïdes. Source : coupe présente dans la partie inférieure de la Carte géologique de la France à 1/50 000, feuille de Guillestre, par J. Debelmas et M. Lemoine, 1986, BRGM. |
![]() Source - © 1980 — BRGM, modifié | ![]() Source - © 2021 — BRGM / Google Earth |



























