Image de la semaine | 03/04/2023
Ammonites en granite, pyrite et calcédoine, les effets de la métasomatose (appelée aussi épigenèse)
03/04/2023
Résumé
Belles ammonites… artificielles ou épigénisées.
Il y a deux types d'explication pour expliquer cette très rare ammonite en granite.
Première explication. On peut proposer qu'un magma acide ait envahi la cavité interne d'une ammonite et y ait cristallisé lentement. Si le remplissage de la cavité interne d'un être vivant (ou d'un fossile) par un magma est exceptionnel, une autre situation est beaucoup plus fréquente : le magma entoure et englobe l'être vivant, qui, après sa combustion ou sa putréfaction se retrouve sous forme d'une cavité incluse dans la roche magmatique, un moule en creux en quelque sorte. Planet-Terre a déjà montré des moules en creux de troncs d'arbres et d'éléphant (cf. Moulages de troncs d'arbres (tree mold) dans une coulée de lave (Kilauea, Hawaii), et moulage d'éléphant (Nyiragongo, R.D. Congo)), de fruit (cf. Empreinte de fruit de Pandanus dans une coulée de lave, Kalapana, Hawaii) dans du basalte, d'habitants de Pompéi (cf. figure 8 de Le volcanisme, un acteur majeur de l'histoire de la Terre) dans des pyroclastites acides. Dans ce dernier cas, lors de recherches archéologiques, le moule en creux a été rempli de plâtre liquide dès que les fouilleurs l'ont atteint, précautionneusement (sans le détruire), puis dégagé après la prise du plâtre.
Deuxième explication. Une autre explication se lit dans la date de rédaction de cet article, le 1er avril 2023. Il s'agit en effet d'un poisson d'avril, suite “canularesque” de la série de fossiles de la semaine dernière (cf. Les poissons, crocodiles et tortues fossiles du bassin lacustre éocène inférieur de la Green River, Wyoming (États-Unis d’Amérique)), fossiles bien réels, eux. Cette ammonite n'est pas une “production de la nature”, elle a été taillée par un sculpteur amateur habitant la Haute-Loire, pays granitique s'il en est. On peut la voir dans son jardin, en compagnie d'autres sculptures.
Redevenons sérieux ! Si des ammonites naturelles en granite n'existent pas, sauf dans l'imagination d'artistes ou de géologues facétieux, des fossiles d'ammonites constitués d'autres substances que le carbonate de calcium, le constituant naturel de la coquille des mollusques, existent bien. Nous vous montrons ici de vraies ammonites en pyrite (FeS2) et en calcédoine (SiO2). Il s'agit là du remplissage de la cavité interne des ammonites et/ou de la substitution totale ou partielle du CaCO3 de la coquille par des sulfures ou de la silice véhiculés par des eaux circulant dans la roche. Dans ce dernier cas, on parle d'épigenèse ou de métasomatose. Dans certains cas, la métasomatose conserve des structures biologiques très fines et génère de très beaux fossiles (voir par exemple les figures 10 et 11).
Les ammonites silicifiées existent (voir les figures 12 à 18) mais sont beaucoup plus rares que pour d'autres groupes de fossiles, par exemple les oursins silicifiés, très fréquents dans la craie du Bassin parisien (cf. La Madone des oursins et des silex, cité souterraine de Naours, Somme), le bois silicifié (cf. Habitations en bois silicifié dans l'Arizona et le Dakota du Sud (USA) ou encore Une "forêt pétrifiée" de gymnospermes permiens du Damaraland, près de Khorixas, Namibie)… Par contre, les ammonites dites pyriteuses sont très fréquentes, en particulier dans les marnes noires, comme celles du Boulonnais (comme celles des figures 6 à 11 présentées ici), des Alpes, des Causses… De nombreuses ammonites pyriteuses s'oxydent spontanément in situ dans les marnes, et se recouvrent souvent d'une pellicule de limonite (mélange d'hydroxydes ferriques) ce qui leur donne une couleur rouille ou orangée. D'autres, restées en pyrite dans leur marne noire “hôte” s'oxydent rapidement après leur extraction quand elles restent quelques années à l'air libre. Elles se recouvrent alors souvent d'efflorescences blanchâtres de sulfate de fer. Celles présentées ici sont restées intactes malgré leur séjour de plus de 35 ans sous le climat lyonnais et sont restées bien dorées. C'est cette couleur dorée qui fait que l'on appelle souvent la pyrite « l'or des fous » quand elle est cristallisée et non oxydée (cf., par exemple, Cube, cubo-octaèdre, octaèdre, dodécaèdre… les différentes formes cristallines de la pyrite (FeS2)).
Le remplissage et/ou l'épigenèse peuvent se faire par diverses substances, de la plus étonnante (l'émeraude, cf. Escargot crétacé en émeraude, mine du secteur de Gachala, Colombie) à la plus classique (la calcite, cf. Les ammonites calcitisées du Toarcien – Aalénien inférieur des Monts d'Or lyonnais).
Si les ammonites calcitisées sont très fréquentes, les ammonites silicifiées sont plus rares. Nous vous présentons ici des ammonites du Bajocien (Jurassique moyen, −172 à −168 Ma) des Monts-d'Or lyonnais (Rhône). Ce Bajocien local, connu sous le nom de « Ciret », consiste en calcaire marneux blanc. Certains niveaux très calcaires et très durs contiennent des ammonites silicifiées, très difficiles, sur place, à distinguer de leur gangue sur les cassures fraiches. On ne peut les voir que sur les surfaces exposées depuis longtemps à l'altération et où les ammonites silicifiées, moins altérées, se devinent en légère saillie. Il y en a parfois de véritables concentrations, accumulées par les courants marins jurassiques. Mais la beauté des fossiles en silice bleutée (silice bleutée appelée calcédoine, variété de silice constituée d'un mélange de fibres micrométriques de quartz, d'opale…) fait que ces fossiles ont été très recherchés. Une étude écrite en 1927 écrivait : « actuellement, ces zones fossilifères sont extrêmement rares, d'une part à cause de la lenteur de l'altération qui rend visible les fossiles et aussi à cause des recherches des géologues lyonnais qui, depuis près de 100 ans, retournent sur les mêmes sites pour les recueillir. » Cette même étude donne également le mode d'emploi pour dégager ces fossiles et les rendre esthétiques.
Source - © 1927 F. Roman et Ch. Pétouraud, p9
Déjà rares en 1927, ces fossiles sont difficiles à trouver au XXIe siècle. Mais si vous avez la chance de trouver des blocs riches en fossiles, un simple trempage dans de l'acide diluée (HCl, vinaigre blanc…) permet un dégagement plus simple que par le procédé décrit ci-dessus.
Source - © 2015 Lionel Maerten / bajocien14.com |