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Image de la semaine | 26/03/2018

Le lac d'Otjikoto (Namibie) et le lac des Rives (Causse du Larzac, Aveyron), une doline et un poljé inondés

26/03/2018

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Milieu karstique et retenues d'eau permanentes ou temporaires, naturelles ou aménagées : dolines, poljés et lavognes.


Le lac Otjikoto (Namibie), une doline inondée

Figure 1. Le lac Otjikoto (Namibie), une doline inondée

Ce lac circulaire, situé à 1212 m d'altitude, a environ 100 m de diamètre pour une profondeur moyenne de 40 m. C'est l'exemple typique d'une doline inondée. La raideur de ses parois laisse penser qu'il s'agit d'une doline d'effondrement. Ce karst, au Nord du plateau du Waterberg, a une histoire polyphasée complexe, qui affecte des calcaires dolomitiques d'âge néo-protérozoïque. Outre son intérêt géologique, ce lac a un intérêt historique. En effet, en 1915, les troupes allemandes en déroute devant les armées anglaises et Sud-africaines y jetèrent tout leur armement, avant de se rendre. L'eau de ce lac, qui est en relation avec la nappe phréatique locale, est pompée par les fermiers locaux pour l'irrigation (installation de pompage visible sur la berge opposée).



Vue aérienne du lac Otjikoto, Namibie

Figure 3. Vue aérienne du lac Otjikoto, Namibie

Localisation par fichier kmz du lac Otjikoto.


Le lac Otjikoto, situé au Nord du plateau du Waterberg en Namibie (kmz du lac Otjikoto) est l'exemple typique d'une doline inondée. Les dolines sont des dépressions karstiques formées (1) soit par la dissolution des calcaires, dissolution localisée par un aven, un réseau de fractures..., (2) soit par effondrement d'une cavité karstique sous-jacente, (3) soit par une combinaison des deux phénomènes. Le nom "doline" correspond à des dépressions plus ou moins circulaires ou ovoïdes. Une dépression de forme moins régulière et de plus grande taille est nommée "poljé". Le fond des dolines et des poljés est souvent tapissé d'argiles de décalcification, part insoluble des calcaires qui sont rarement purs à 100%, mais toujours légèrement marneux. Ces argiles de décalcification, souvent de couleur rouge, tendent à s'accumuler sur le fond des dépressions, ce qui donne parfois une morphologie assez plate à ces dépressions karstiques. Du fond plat peuvent émerger des pinacles calcaires épargnés par la dissolution. Dolines et poljés peuvent être inondés et former des lacs, comme dans le cas du lac Otjikoto. Ces dépressions sont inondées (1) soit parce que le fond de la doline est plus bas que le toit de la nappe phréatique locale, (2) soit parce que les fissures et autres conduits karstiques permettant usuellement l'évacuation des eaux de pluie et de ruissellement sont colmatés par des argiles. Le lac Otjikoto correspondrait à une doline d'effondrement dont le fond est plus bas que la nappe phréatique locale. Cette même nappe phréatique affleure dans une autre doline inondée située à 21 km plus à l'Ouest, le lac Guinas (kmz du lac Guinas).

Il peut y avoir formation d'un lac temporaire dans une dépression karstique : (1) dans le cas d'une nappe dont la hauteur de la surface piézométrique varie beaucoup en fonction de la saison ou de la pluviométrie, ou (2) dans le cas de fissures et conduits permettant une évacuation d'eau limitée, suffisante en situation normale mais insuffisante en cas de pluviométrie forte et prolongée.

Ce deuxième cas (colmatage partiel) se produit épisodiquement sur la commune des Rives (Hérault). Sur cette commune du plateau du Larzac, s'étend un petit poljé (kmz lac des Rives) creusé dans les dolomies ruiniformes du Bathonien (J2). Cette dépression voit les eaux de ruissellement normalement s'évacuer par des puits et des fissures situés au fond du poljé. En fonction des circonstances météorologiques et de l'intensité du ruissellement, ces puits et fissures peuvent être partiellement ou totalement colmatés par un mélange de sable et d'argiles, localement appelé le « grésou », ou au contraire nettoyées de ce grésou accumulés les mois précédents. En cas de très fort cumul de précipitation et si les puits et fissures d'évacuation sont bouchés, se forme alors un lac temporaire, le lac des Rives. Depuis 60 ans, ce lac s'est formé une dizaine de fois. Je n'ai jamais eu la chance de voir ce lac en eau. Mais d'autres ont eu cette chance, en particulier Ghislain Guenard, photographe professionnel, qui alimente, entre autres, un site de photographie aérienne de la France sur lequel on peut trouver trois images aériennes du lac des Rives en janvier 2008, et les gestionnaires de l'Ancienne Auberge sur le blog de laquelle on trouve des images du lac des Rives en décembre 2014. Merci à eux de nous avoir autorisé à utiliser leurs images.

Figure 7. L'extrémité Nord-Ouest du lac temporaire des Rives (Hérault), 1er janvier 2008

Il s'agit d'un lac temporaire occupant la partie la plus basse d'un petit poljé creusé dans des dolomies ruiniformes bathoniennes. Dans ce secteur, le fond plat du poljé est hérissé de pinacles dolomitiques qui ne sont pas sans rappeler ce qu'on voit 28 km plus au Sud à Mourèze (cf. Un très bel exemple d'érosion karstique ruiniforme dans des calcaires dolomitiques : le cirque de Mourèze (Hérault)), ou au bois de Païolive (cf. Le bois de Païolive (Ardèche), un exemple de méga-lapiaz dolomitique). En période d'inondation, ce lac a un petit côté "baie d'Along".


Figure 8. Moitié Nord du lac temporaire des Rives (Hérault), 1er janvier 2008

Il s'agit d'un lac temporaire occupant la partie la plus basse d'un petit poljé creusé dans des dolomies ruiniformes bathoniennes. Dans ce secteur, le fond plat du poljé est hérissé de pinacles dolomitiques qui ne sont pas sans rappeler ce qu'on voit 28 km plus au Sud à Mourèze (cf. Un très bel exemple d'érosion karstique ruiniforme dans des calcaires dolomitiques : le cirque de Mourèze (Hérault)), ou au bois de Païolive (cf. Le bois de Païolive (Ardèche), un exemple de méga-lapiaz dolomitique). En période d'inondation, ce lac a un petit côté "baie d'Along".


Figure 9. Extrémité Sud du lac temporaire des Rives (Hérault), 1er janvier 2008

Il s'agit d'un lac temporaire occupant la partie la plus basse d'un petit poljé creusé dans des dolomies ruiniformes bathoniennes.



Juxtaposition de 4 photographies aériennes de l'IGN montrant quatre états du petit poljé des Rives en 1971, 1978, et 2016

Figure 11. Juxtaposition de 4 photographies aériennes de l'IGN montrant quatre états du petit poljé des Rives en 1971, 1978, et 2016

En juin 1971, le lac est vide, mais son fond plat est plus clair que les environs (vase sans herbe ?). En juin 1978, le lac est plein d'eau (en noir sur la photo). En novembre 1978, il ne reste que quelques secteurs du lac encore en eaux. En juillet 2016, le lac est vide et son fond plat est recouvert d'une herbe plus verte que celle des environs immédiats (argile plus humide ?).


La dernière fois que le lac des Rives a été en eau, c'était en décembre 2014, comme on le voit sur le blog de l'Ancienne Auberge. Ces images sont mises en relation avec des clichés pris en 1979 et 1982.





Le lac des Rives, sans eau, en janvier 1982

Le lac des Rives, sans eau, en décembre 1979

Cadre géologique du lac des Rives (Larzac, Aveyron)

Figure 18. Cadre géologique du lac des Rives (Larzac, Aveyron)

Le lac des Rives est un petit poljé inondable perché sur la partie Sud du plateau du Larzac, plateau dont la surface est constituée des dolomies et calcaires dolomitiques du Jurassique moyen (diverses teintes de beige) ou du Jurassique supérieur (diverses teintes de bleu). Ces calcaires et dolomies surmontent des niveaux plus marneux du Jurassique inférieur (en violet ou rose).


Des dolines et autres dépressions karstiques peuvent être inondées et transformées en lacs si les fissures et autres conduits permettant l'évacuation des eaux sont naturellement colmatés. Parfois, ce sont les agriculteurs qui aménagent des dolines (de petites taille) en imperméabilisant le fond de ces dolines par apport d'argile. Ces petites dolines sont alors inondées à chaque pluie, et pour une durée importante si le "bassin versant" alimentant la doline est important. Elles servent alors d'abreuvoir, où viennent boire les bêtes, dont les fameuses brebis du Larzac à la base du fameux Roquefort (cf. Quand la géologie rejoint la gastronomie : site et glissement de terrain de Roquefort (Aveyron)). Pour éviter que le piétinement des brebis amène de la boue dans cet "abreuvoir" et trouble son eau, les abords de la doline sont pavés. Sur les Causses, de telles dolines aménagées sont appelées « lavognes ».

Nous vous montrons ci-dessous deux lavognes situées sur le Causse du Larzac, l'une située à La Couvertoirade et l'autre près du hameau de Brunas, près du rebord du plateau au-dessus de Millau. Promenez-vous sur le Larzac. À défaut de voir le lac des Rives en eaux, des dizaines de dolines et de lavognes vous attendent au détour des chemins.

Une lavogne à La Couvertoirade, plateau du Larzac (Aveyron)

Une lavogne près de Brunas, au-dessus de Millau (Aveyron)