Image de la semaine | 16/12/2024
Faire de la géologie sur le trajet aérien Lyon-Pau
16/12/2024
Résumé
Vues aériennes et géologiques sur la vallée du Rhône, le Massif Central, plateau de Lannemezan…
La moitié inférieure droite de la photo correspond à la partie la plus orientale du Massif Central. Au fond à gauche (au Sud-Est), la terminaison occidentale du Vercors et les Baronnies. Entre les deux, l'extrémité Sud du bassin molassique du Bas Dauphiné. L'interprétation géologique est donnée par la figure suivante.
Figure 2. Vue oblique des cartes géologique à 1/50 000 couvrant (approximativement) le champ de la figure 1
La moitié inférieure droite de la photo correspond à la partie la plus orientale du socle Massif Central (rouge, orange, rose, vert, jaune vif…). Au fond, en vert et marron clair, bleu…, les terrains mésozoïques du Vercors et des Baronnies. Entre les deux, en jaune, les molasses cénozoïques.
En juillet 2009, j'ai fait un trajet aller-retour Lyon-Pau sur une ligne aérienne régulière. À l'aller, le temps était beau sur les trois quarts du trajet, jusque vers Toulouse. L'avion n'était pas plein et je pouvais aller aux hublots de droite ou de gauche. J'en ai profité pour faire des photographies d'intérêt géologique. Sur le trajet retour, la météo était l'inverse de l'aller, et je n'ai pu photographier le paysage que jusque vers Toulouse. Nous allons vous montrer 4 photographies prises dans la vallée du Rhône (figures 1 à 4), puis 3 dans l'Ardèche (figures 5 à 7 – pour voir d'autres vues aériennes de l'Ardèche, retourner sur les images consacrées à son volcanisme basaltique ou phonolithique et à ses méandres), puis 9 dans la Haute-Loire (figures 8 à 15), puis 4 en Lozère-Aveyron (figures 17 à 21) et, enfin, 2 dans le Gers (figures 23 et 24).
Figure 3. Vue depuis la vallée du Rhône en amont de Tain-l'Hermitage prise en direction du Sud-Est Du premier au dernier plan, on reconnait les collines du bassin molassique du Bas Dauphiné, le Vercors et ses falaises de calcaire urgonien et, enfin, avec encore de la neige (et pourtant on est en juillet), les massifs cristallins externes, avec à gauche les Grandes Rousses et au centre et à droite le massif de l'Oisans également appelé massif des Écrins. |
Au premier plan, le Vercors et ses falaises urgoniennes. |
Au niveau de Valence, l'avion quitte la vallée du Rhône et se dirige vers le Sud-Ouest en traversant l'Ardèche et en survolant ses volcans. Parce que nous avons déjà vu des photographies aériennes des volcans ardéchois prises de plus basse altitude, nous ne vous montrons que trois photographies prises de plus haute altitude (on est dans un avion de ligne et non pas dans un petit avion de tourisme) : une du Mont Mézenc et du Suc de Sara, et deux du lac d'Issarlès.
Ces édifices phonolitiques datent du Miocène supérieur. Sur cette photo, on voit mieux la forme en arc de cercle (ring dyke) que sur les figures 10 à 13 de Le volcanisme phonolitique ardéchois vu du ciel. | |
La dépression créée par l'explosion est complètement remplie d'eau et forme maintenant un lac (diamètre de 1,5 km, profondeur de 108 m). |
La dépression créée par l'explosion est complètement remplie d'eau et forme maintenant un lac (diamètre de 1,5 km, profondeur de 108 ). |
Après avoir survolé le lac d'Issarlès, pour des raisons que seul connaissait le contrôle aérien, l'avion tourne vers le Nord-Ouest et survole la ville du Puy-en-Velay. Parce que mes vues prises de haute altitude écrasent les reliefs, on voit très mal les deux rochers accidentant la ville du Puy (rochers Saint-Michel-d'Aiguihle et Corneille). Pour ceux qui ne connaissent pas le Puy-en-Velay, nous vous montrons une photographie (empruntée sur le web) prise de beaucoup plus basse altitude illustrant le cadre géologique de la ville.
|
Figure 9. Vue aérienne sur le cœur du Puy-en-Velay, préfecture de la Haute-Loire RsM et RC localisent, respectivement, les deux “pitons” volcaniques du Puy, le Rocher Saint-Michel-d'Aiguilhe et le Rocher Corneille. |
Source - © 2024 informationfrance.com Figure 10. Le site du Puy-en-Velay (Haute-Loire) À droite, le Rocher de Saint-Michel-d'Aiguihle, un neck constitué de brèche phréatomagmatique. Au centre, le Rocher Corneille, un neck complexe de basalte. |
Après un passage au Sud du Puy-en-Velay, l'avion reprend la direction du Sud-Ouest. Il survole le vaste plateau situé entre la vallée de la Loire (à l'Est) et celle de l'Allier à l'Ouest. Ce plateau, d'altitude moyenne de 900 m, est très majoritairement constitué de vastes épanchements basaltiques, connus sous le nom du volcanisme du Devès, principalement actif pendant la première moitié du Quaternaire. Ce plateau, de morphologie assez monotone, est accidenté par des cônes volcaniques de type strombolien déjà assez érodés, et par des maars phréatomagmatiques souvent occupés par des marécages ou des lacs, dont le lac du Bouchet.
Ce maar mesure 800 m de diamètre et sa profondeur est de 28 m. Des carottages dans les sédiments remplissant ce lac ont permis des études paléoclimatiques. |
Ce maar mesure 800 m de diamètre et sa profondeur est de 28 m. Des carottages dans les sédiments remplissant ce lac ont permis des études paléoclimatiques. |
Figure 13. Vue globale sur le plateau du Devès (Haute-Loire) En bas, le lac du Bouchet. La limite à angle droit entre forêts et prés, au centre de la photo, permet de relier cette image à la suivante. |
Figure 14. Vue globale sur l'Ouest du plateau du Devès (Haute-Loire) La limite à angle droit entre forêts et prés, à droite de la photo, permet de relier cette image à la précédente. Au tiers gauche de la photo, le plateau est entaillé par les gorges de l'Allier. |
Au premier plan, les gorges de l'Allier font des méandres dans un granite où l'on reconnait le réseau de diaclases. |
Après avoir traversé les gorges de l'Allier, le vol Lyon-Toulouse traverse le massif granitique de la Margeride, et aborde la région des Grands Causses par le Causse de Sauveterre, qu'il traverse “en biais” jusqu'à Millau en laissant au Sud le Causse Méjean. Le Causse Méjean et le Causse de Sauveterre sont séparés par les gorges du Tarn.
Figure 17. En arrivant au-dessus du Causse de Sauveterre (Haute-Loire) qui occupe tout le premier plan Au deuxième plan, très peu boisé ou cultivé, le Causse Méjean, séparé du Causse de Sauveterre par les gorges du Tarn. Ces causses sont constitués de calcaires jurassiques tabulaires montrant un beau modelé karstique (cf. Se promener sur ou autour des causses). Au fond à gauche, les Cévennes constituées de granites et de roches métamorphiques hercyniennes du Massif Central. |
On voit bien la différence entre les causses faits de calcaires jurassiques horizontaux (bleus et orange clair) et les Cévennes faites de roches hercyniennes (couleurs diverses). |
Figure 19. Vue aérienne sur les gorges du Tarn séparant le Causse de Sauveterre du Causse Méjean (Haute-Loire) Pour voir ces gorges depuis la terre ferme, on peut revoir la figure 18 de Se promener sur ou autour des causses ou la figure 1 de Les sources karstiques au pied des plateaux calcaires. |
|
Figure 21. Le viaduc de Millau sur la vallée du Tarn, quelques kilomètres en aval de Millau (Aveyron)
Pour voir le viaduc depuis le sol, on peut revoir la figure 20 de Se promener sur ou autour des causses.
PA (Panorama sur les Alpes) correspond aux figures 3 et 4. TH (Tain l'Hermitage) correspond à la figure 1. MM correspond au Mont Mézenc, figure 5, LI au lac d'Issarlès des figures 6 et 7, LP au Puy-en-Velay, figures 8 et 9, LB au lac du Bouchet, figures 11 à 13, GA aux gorges de l'Allier, figures 14 et 15, GT aux gorges Tarn séparant les causses de Sauveterre et Méjean, figures 17 à 20, et VM au viaduc de Millau, figure 21.
Les deux photographies suivantes ont été prises sur le trajet du retour, entre Pau et Toulouse, alors que l'avion survolait la partie distale du plateau de Lannemezan. Ce plateau a une histoire géologique complexe. À la fin de cette histoire, il correspondait à un giga-cône de déjection fluvio-glaciaire datant d'environ 1 Ma, cône alimenté par les rivières glaciaires issues des Pyrénées. En aval de ce cône quaternaire, les rivières continuent leur divergence vers le Nord en un gigantesque éventail s'ouvrant du Nord-Est au Nord-Ouest qui creusent des vallées rayonnantes entaillant les terrains (surtout continentaux) d'âge miocène. D’Est en Ouest, les principales rivières “divergentes” sont la Save, le Gers, qui arrose Auch et qui a donné son nom au département, la Baïse qui traverse la ville de Condom, et l'Adour qui traverse Tarbes. Ce pays est le pays de d'Artagnan (le vrai, celui dont s'est très librement inspiré Alexandre Dumas), et aussi le pays de l'Armagnac. De nombreuses villes de la région honorent ce “héros” avec des statues. Et le fait que la rivière la Baïse traverse la ville de Condom est la source de nombreuses plaisanteries, même parmi les locaux. Les deux dernières images montreront l'une vignoble et statue et l'autre, l'une de ces plaisanteries.
Figure 23. Vue aérienne sur une partie du plateau de Lannemezan, prise en direction du Sud-Sud-Est Le lac sur la droite est le lac de Miélan (Gers). Au fond, on devine les Pyrénées à peine noyées dans la brume. Tout le premier plan est recoupé par les rivières divergentes arrivant du pied des Pyrénées. La figure 23 a été prise du point 1 sur les figures 25 et 26. |
Figure 24. Vue aérienne sur une autre partie du plateau de Lannemezan, prise en direction du Sud-Sud-Est En bas à gauche, la commune de Pavie (Gers) où le Cédon se jette dans le Gers. Au fond, on devine les Pyrénées à peine noyées dans la brume. Tout le premier plan est recoupé par les rivières divergentes arrivant du pied des Pyrénées. La figure 24 a été prise du point 2 sur les figures 25 et 26. |
On voit très bien les rivières divergeant depuis le pied des Pyrénées et traversant la photo d'Est (à gauche) en Ouest (à droite). Les rivières principales sont repérées et nommées. Le trait rouge correspond approximativement au trajet de la ligne régulière Pau-Lyon. Les points 1 et 2 correspondent approximativement aux points de prises de vue des figures 23 et 24. |
On voit très bien les rivières divergeant depuis le pied des Pyrénées et traversant la photo d'Est (à gauche) en Ouest (à droite). Les rivières principales sont repérées et nommées. Le trait rouge correspond approximativement au trajet de la ligne régulière Pau-Lyon. Les points 1 et 2 correspondent approximativement aux points de prises de vue des figures 23 et 24. |
Figure 27. Vue oblique (vue vers le Sud) de la carte géologique de France à 1/1 000 000 Est tracé le trajet approximatif de la ligne Pau-Lyon, les deux points (1 et 2) de la figure précédente et les champs de prises de vues des figures 23 et 24. |
Figure 28. Extrait de la carte géologique de France à 1/1 000 000 Le “cône” de déjection sensu stricto est constitué des terrains figurés en beige et légendés pq1. Les rivières divergeant de ce cône continuent leur divergence en traversant les terrains (surtout) continentaux miocènes (m, jaune avec des pointillés rouges). C'est surtout sur ce Miocène que pousse le vignoble d'Armagnac. |
Source - © 2005 / 2024 Jibi44 / wikimedia – CC BY-SA 3.0 et tourisme-gers.com
Le vignoble d'Armagnac pousse sur les terrains argilo-calcaires marins datant du Miocène inférieur et moyen, recouvert de dépôts continentaux datant du Miocène supérieur. Et rappelons que d'Artagnan est un vrai militaire, né dans le Gers en 1611. Il devient mousquetaire du roi en 1644, 1 ans après la mort de Louis XIII. Il a une carrière militaire bien remplie, essentiellement sous Louis XIV donc. En 1661, il organise l'arrestation du Nicolas Fouquet, surintendant des finances. Il meurt en 1673 au siège de Maastricht, ville également connue pour son traité européen et son stratotype historique du dernier étage du Crétacé, le Maastrichtien (−70,5 à −65,5 Ma).
Source - © 2013 La Dépêche
On n'a pas fini de voir « la Baïse en furie » (comme à Condom en 2013, ainsi que le relate cet article de La Dépêche du Midi, le journal de la région toulousaine), ou alors, à d'autres occasions, la « Baïse quasiment à sec ».