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Image de la semaine | 12/12/2022

Le Plateau du Coiron (Ardèche), un empilement de coulées de basalte mio-pliocènes recouvrant des marno-calcaires mésozoïques

12/12/2022

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Coulées uniques ou superposées, reposant sur le substratum marno-calcaire, un paléosol rubéfié, un dépôt volcano-sédimentaire ou des conglomérats variés.


Vue du village de Saint-Laurent-sous-Coiron (Ardèche), bâti sur une coulée de basalte

Figure 1. Vue du village de Saint-Laurent-sous-Coiron (Ardèche), bâti sur une coulée de basalte

Cette coulée de basalte repose sur des marno-calcaires du Crétacé inférieur. La coulée, d'âge miocène supérieur, a coulé au fond d'une très large vallée creusée dans les terrains du Crétacé. Au Miocène terminal et au Pliocène, la surrection de cette bordure Est du Massif Central a entrainé une reprise d'érosion. Le fond de la vallée recouvert par le basalte a bien mieux résisté à l'érosion que les environs marno-calcaires, beaucoup plus faciles à éroder. L'ancien fond de vallée s'est retrouvé perché à 580 m d'altitude, dominant de plus de 200 m les basses terres marneuses. C'est un exemple typique d'une inversion de relief : le fond d'une ancienne vallée difficile à éroder se retrouve perché au sommet d'un plateau.

Localisation par fichier kmz des diverses coulées de basalte du plateau du Coiron passées en revue dans cet article.


Vue large du village de Saint-Laurent-sous-Coiron (Ardèche), bâti sur une coulée de basalte

Figure 2. Vue large du village de Saint-Laurent-sous-Coiron (Ardèche), bâti sur une coulée de basalte

Cette coulée de basalte repose sur des marno-calcaires du Crétacé inférieur. La coulée, d'âge miocène supérieur, a coulé au fond d'une très large vallée creusée dans les terrains du Crétacé. Au Miocène terminal et au Pliocène, la surrection de cette bordure Est du Massif Central a entrainé une reprise d'érosion. Le fond de la vallée recouvert par le basalte a bien mieux résisté à l'érosion que les environs marno-calcaires, beaucoup plus faciles à éroder. L'ancien fond de vallée s'est retrouvé perché à 580 m d'altitude, dominant de plus de 200 m les basses terres marneuses. C'est un exemple typique d'une inversion de relief : le fond d'une ancienne vallée difficile à éroder se retrouve perché au sommet d'un plateau.

Le village de Saint-Laurent-sous-Coiron se trouve à l'extrémité Ouest d'un plateau basaltique beaucoup plus vaste qui continue au-delà de la limite droite (Est) de la photo. À gauche, barrant l'horizon, les Cévennes ardéchoises.


Le volcanisme cénozoïque du Massif Central est très varié. Le plus connu, très récent et très divers, est celui de la Chaine des Puys (cf. Survol du Nord de la Chaine des Puys (Puy de Dôme), du Pariou au Gour de Tazenat et Survol du Sud de la Chaine des Puys (Puy-de-Dôme), du Puy de Dôme à la Narse d'Espinasse). Il y a d'autres provinces, où des éruptions très volumineuses ont duré des millions d'années, ont donné des stratovolcans, et où des phénomènes de différenciation ont généré une grande variété de roches (Mont-Dore, Cantal, Velay…). Il y a aussi des provinces où le volcanisme est quasi exclusivement basaltique (pas ou peu de différenciation), soit sous forme d'édifices ponctuels, soit sous forme de grands épanchements laviques. C'est la situation dans l'Escandorgue, l'Aubrac, le Deves… et le Coiron, un massif volcanique bien méconnu, alors que son contexte géologique en fait (avec l'Escandorgue) un cas presque unique en France.

Le plateau du Coiron correspond à un ensemble de coulées basaltiques émises de −8 à −5,5 Ma, reposant sur les terrains sédimentaires mésozoïques (majoritairement des terrains marno-calcaires) situés au pied des Cévennes. Ces coulées ont envahi une très large vallée qui rejoignait le paléo-Rhône depuis le plateau du Massif Central, qui était beaucoup moins élevé que maintenant à cette époque. En plus de la vallée principale, le basalte a envahi les petites vallées adjacentes qui rejoignaient la vallée principale. À partir du Miocène terminal et au Pliocène, la dynamique générale du Massif Central cénozoïque a entrainé la surrection de la région, et les larges vallées remplies de basalte se sont retrouvées à une altitude de 900  m au Nord-Ouest, et de 500 m au Sud-Est. L'érosion différentielle a beaucoup plus attaqué les marno-calcaires que les basaltes, et le remplissage basaltique des paléo-vallées se retrouve maintenant perché sous forme d'un plateau dominant de 300 à 600 m les terrains environnants. L'actuel plateau du Coiron mesure une vingtaine de kilomètres du Nord-Est au Sud-Est, et une douzaine de kilomètres du Sud-Ouest au Nord-Est. Je suis allé plusieurs fois dans le Coiron à l'occasion de week-ends, de stages avec des étudiants (et même en tant qu'étudiant avant 1978), en accompagnant des thésards… J'y ai pris de nombreuses photographies, d'abord argentiques, puis numériques. En trois “images de la semaine”, nous vous montrerons un résumé de ces visites, avec (1) les coulées de lave et leur substratum, (2) les filons et autres dykes ayant alimenté ce volcanisme, et (3) quelques curiosités géologiques et péri-géologiques. Si les photographies récentes sont bien localisées, celles prisent avant les GPS (les plus anciennes présentées ici ont été prises il y a 41 ans) ne seront que mal (voir pas du tout) localisées, entre autres à cause de la perte de certaines notes et carnets.

Topographie du plateau du Coiron

Figure 3. Topographie du plateau du Coiron

Ce plateau à la forme d'une feuille de chêne d'une vingtaine de km de long pour une douzaine de km de large. La partie centrale de la “feuille de chêne” correspond à une ancienne vallée très large remplie de basalte ; les lobes correspondent à des vallées secondaires rejoignant la vallée principale. La flèche rouge localise Saint-Laurent-sous Coiron (figures 1 et 2).


Montage de cartes géologiques (Privas, Crest, Aubenas, Montélimar) couvrant la région du massif du Coiron, avec la même couverture et la même échelle que la carte topographique

Figure 4. Montage de cartes géologiques (Privas, Crest, Aubenas, Montélimar) couvrant la région du massif du Coiron, avec la même couverture et la même échelle que la carte topographique

Le basalte est de couleur violette, les sédiments mésozoïques sont de diverses teintes de bleu, de vert et de marron, et le socle hercynien dans les dominantes roses. Ce plateau basaltique a la forme d'une feuille de chêne d'une vingtaine de km de long pour une douzaine de km de large. La partie centrale de la “feuille de chêne” correspond à une ancienne vallée très large remplie de basalte ; les lobes correspondent à des vallées secondaires rejoignant la vallée principale. La flèche rouge localise Saint-Laurent-sous Coiron (figures 1 et 2).


Vue globale du contact entre une coulée de basalte (en haut) et des marno-calcaire cénozoïques (en bas), Aubignas (Ardèche)

Figure 5. Vue globale du contact entre une coulée de basalte (en haut) et des marno-calcaire cénozoïques (en bas), Aubignas (Ardèche)

Le contact est rendu particulièrement visible par sa couleur rouge. Ce niveau rouge correspond à un paléosol établi sur les marno-calcaires et métamorphisé (thermo-métamorphisme) par la haute température de la coulée de basalte (cf., par exemple, Thermo-métamorphisme d'un paléosol par une coulée de lave, Bournac (Haute Loire) et Prismation dans des argiles cuites à la base d'une coulée de basalte, Marjallat (commune de Mazeyrat d'Allier, Haute Loire)).


Vue de détail du contact entre une coulée de basalte (en haut) et des marno-calcaire cénozoïques (en bas), Aubignas (Ardèche)

Figure 6. Vue de détail du contact entre une coulée de basalte (en haut) et des marno-calcaire cénozoïques (en bas), Aubignas (Ardèche)

Le contact est rendu particulièrement visible par sa couleur rouge. Ce niveau rouge correspond à un paléosol établi sur les marno-calcaires et métamorphisé (thermo-métamorphisme) par la haute température de la coulée de basalte (cf., par exemple, Thermo-métamorphisme d'un paléosol par une coulée de lave, Bournac (Haute Loire) et Prismation dans des argiles cuites à la base d'une coulée de basalte, Marjallat (commune de Mazeyrat d'Allier, Haute Loire)).



Superposition de marno-calcaires clairs par du basalte plus sombre, secteur de Darbres (Ardèche)

Figure 8. Superposition de marno-calcaires clairs par du basalte plus sombre, secteur de Darbres (Ardèche)

Un examen rapide pourrait faire croire qu'il n'y a qu'une unique coulée ; mais un examen attentif (voir photo suivante) montre que l'affleurement de basalte est traversé par un paléosol thermo-métamorphisé. Il y a donc au moins deux coulées de basalte.



Vue éloignée de la falaise de basalte surmontant des marno-calcaires et de belles cascades, Aubignas (Ardèche)

Figure 10. Vue éloignée de la falaise de basalte surmontant des marno-calcaires et de belles cascades, Aubignas (Ardèche)

On voit deux paléosols rouges au sein de la falaise basaltique ; il y a donc au moins trois coulées superposées.


Falaise de basalte surmontant des marno-calcaires et de belles cascades, Aubignas (Ardèche)

Figure 11. Falaise de basalte surmontant des marno-calcaires et de belles cascades, Aubignas (Ardèche)

On voit deux paléosols rouges au sein de la falaise basaltique ; il y a donc au moins trois coulées superposées.


Les coulées du Coiron ne s'épanchent pas toujours sur les marno-calcaires ou des coulées précédentes. Elles recouvrent parfois des dépôts pyroclastiques (cendres et lapilli, dépôts phréatomagmatiques…). Elles recouvrent aussi les niveaux de galets ou des éboulis qui tapissaient le fond ou les flancs des vallées qu'elles ont envahies.

Vue globale de la partie amont du ravin entaillé dans les marno-calcaires juste à l'Est de Saint-Laurent-sous-Coiron (voir figures 1 et 2)

Figure 14. Vue globale de la partie amont du ravin entaillé dans les marno-calcaires juste à l'Est de Saint-Laurent-sous-Coiron (voir figures 1 et 2)

À cette résolution, on voit bien le basalte recouvrir les marno-calcaires. Au fond, un autre lobe basaltique, le lobe de Mirabel (cf. photos 18 à 21).


Vue sur la partie amont du ravin entaillé dans les marno-calcaires juste à l'Est de Saint-Laurent-sous-Coiron (voir figures 1 et 2)

Figure 15. Vue sur la partie amont du ravin entaillé dans les marno-calcaires juste à l'Est de Saint-Laurent-sous-Coiron (voir figures 1 et 2)

À cette résolution, on voit bien le basalte recouvrir les marno-calcaires. Au fond, un autre lobe basaltique, le lobe de Mirabel (cf. photos 18 à 21).


Vue sur la base de la coulée visible sur les deux photos précédentes, Saint-Laurent-sous-Coiron

Figure 16. Vue sur la base de la coulée visible sur les deux photos précédentes, Saint-Laurent-sous-Coiron

La coulée (prismée) ne repose pas directement sur les marno-calcaires clairs, mais sur des niveaux stratifiés plus sombres et où l'on voit des blocs et des stratifications obliques. Il s'agit vraisemblablement de dépôts pyroclastiques, montrant qu'il a existé une faible explosivité qui a recouvert le secteur de “cendres” avant l'arrivée de la coulée.


Détail sur la base de la coulée visible sur les deux photos précédentes, Saint-Laurent-sous-Coiron

Figure 17. Détail sur la base de la coulée visible sur les deux photos précédentes, Saint-Laurent-sous-Coiron

La coulée (prismée) ne repose pas directement sur les marno-calcaires clairs, mais sur des niveaux stratifiés plus sombres et où l'on voit des blocs et des stratifications obliques. Il s'agit vraisemblablement de dépôts pyroclastiques, montrant qu'il a existé une faible explosivité qui a recouvert le secteur de “cendres” avant l'arrivée de la coulée.


Bordure de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

Figure 18. Bordure de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

La coulée montre deux des trois niveaux “classiques” des coulées (cf. figure 2 de Sill et coulée dans le Parc National de Yellowstone, USA). Sa base, la (vraie) colonnade repose sur un niveau de galets. On voit bien que les plus gros de ces galets sont arrondis. Ce sont les alluvions du fond de la vallée où s'est épanché le basalte.


Vue rapprochée sur la bordure de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

Figure 19. Vue rapprochée sur la bordure de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

La coulée montre deux des trois niveaux “classiques” des coulées (cf. figure 2 de Sill et coulée dans le Parc National de Yellowstone, USA). Sa base, la (vraie) colonnade repose sur un niveau de galets. On voit bien que les plus gros de ces galets sont arrondis. Ce sont les alluvions du fond de la vallée où s'est épanché le basalte.


Vue sur la base de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

Figure 20. Vue sur la base de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

La coulée montre deux des trois niveaux “classiques” des coulées (cf. figure 2 de Sill et coulée dans le Parc National de Yellowstone, USA). Sa base, la (vraie) colonnade repose sur un niveau de galets. On voit bien que les plus gros de ces galets sont arrondis. Ce sont les alluvions du fond de la vallée où s'est épanché le basalte.


Zoom sur la base de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

Figure 21. Zoom sur la base de la coulée au Sud du lobe de Mirabel, au-dessus de la grotte de Baumier (Ardèche)

La coulée montre deux des trois niveaux “classiques” des coulées (cf. figure 2 de Sill et coulée dans le Parc National de Yellowstone, USA). Sa base, la (vraie) colonnade repose sur un niveau de galets. On voit bien que les plus gros de ces galets sont arrondis. Ce sont les alluvions du fond de la vallée où s'est épanché le basalte.


Base d'une coulée grossièrement prismée reposant sur un niveau “détritique” grossier

Figure 22. Base d'une coulée grossièrement prismée reposant sur un niveau “détritique” grossier

On peut se demander si ce sont des sédiments grossiers type éboulis de flancs de vallée, ou la base scoriacée d'une coulée en progression. La présence d'éléments arrondis et d'une “matrice” entre les gros éléments fait penser à la première hypothèse. Il faudrait retrouver ce site (j'en ai perdu la localisation) et aller le voir de près. Les photos (des scans de vieilles diapositives qui datent de 1986) ne permettent pas de trancher formellement.


Base d'une coulée grossièrement prismée reposant sur un niveau “détritique” grossier

Figure 23. Base d'une coulée grossièrement prismée reposant sur un niveau “détritique” grossier

On peut se demander si ce sont des sédiments grossiers type éboulis de flancs de vallée, ou la base scoriacée d'une coulée en progression. La présence d'éléments arrondis et d'une “matrice” entre les gros éléments fait penser à la première hypothèse. Il faudrait retrouver ce site (j'en ai perdu la localisation) et aller le voir de près. Les photos (des scans de vieilles diapositives qui datent de 1986) ne permettent pas de trancher formellement.


Base d'une coulée de basalte reposant sur un lit de galets plus ou moins arrondis, Rieux (Ardèche)

Figure 24. Base d'une coulée de basalte reposant sur un lit de galets plus ou moins arrondis, Rieux (Ardèche)

La majorité des galets sont en basalte ; le torrent à l'origine de la vallée remaniait des coulées antérieures. Mais on trouve aussi quelques galets de socle et de marno-calcaire (en particulier au centre de la figure 26).


Détail sur la base d'une coulée de basalte reposant sur un lit de galets plus ou moins arrondis, Rieux (Ardèche)

Figure 25. Détail sur la base d'une coulée de basalte reposant sur un lit de galets plus ou moins arrondis, Rieux (Ardèche)

La majorité des galets sont en basalte ; le torrent à l'origine de la vallée remaniait des coulées antérieures. Mais on trouve aussi quelques galets de socle et de marno-calcaire (en particulier au centre de la figure 26).


Détail sur un lit de galets plus ou moins arrondis sous une coulée de basalte, Rieux (Ardèche)

Figure 26. Détail sur un lit de galets plus ou moins arrondis sous une coulée de basalte, Rieux (Ardèche)

La majorité des galets sont en basalte ; le torrent à l'origine de la vallée remaniait des coulées antérieures. Mais on trouve aussi quelques galets de socle et de marno-calcaire, en particulier au centre de la photo.


Localisation du plateau du Coiron (tache bleue entourée de blanc à la base de la punaise jaune) dans le Sud Est de la France

La semaine prochaine, nous verrons les “chemins” par où sont arrivés les dix à vingt km3 de basalte qui forment l'actuel plateau du Coiron : des dykes, parmi les plus nombreux et les plus “beaux” de France métropolitaine.