Image de la semaine | 09/01/2023
Le Coiron (Ardèche), un véritable musée des dykes
09/01/2023
Résumé
Dykes basaltiques d’alimentation du Plateau du Coiron : géométrie, prismation, thermométamorphisme de contact.
Le volcanisme cénozoïque du Massif Central est très varié. Le plus connu, très récent et très divers, est celui de la Chaine des Puys (cf. Survol du Nord de la Chaine des Puys (Puy de Dôme), du Pariou au Gour de Tazenat et Survol du Sud de la Chaine des Puys (Puy-de-Dôme), du Puy de Dôme à la Narse d'Espinasse). Il y a d'autres provinces où des éruptions très abondantes ont duré des millions d'années, ont donné des stratovolcans, et où des phénomènes de différenciation ont généré une grande variété de roches (Mont-Dore, Cantal, Velay…). Il y a aussi des provinces où le volcanisme est quasi exclusivement basaltique (pas ou peu de différenciation), soit sous forme d'édifices ponctuels (Forez…), soit sous forme de grands épanchements laviques. C'est la situation dans l'Escandorgue, l'Aubrac, le Devès… et le Coiron, un massif volcanique bien méconnu, alors que son contexte géologique en fait (avec l'Escandorgue) un cas presque unique en France. Le plateau du Coiron correspond à un ensemble de coulées basaltiques émises de −8 à −5,5 Ma, reposant sur les terrains sédimentaires mésozoïques (majoritairement des terrains marno-calcaires) situés au pied des Cévennes. Ces coulées ont envahi une très large vallée qui rejoignait le paléo-Rhône depuis le plateau du Massif Central, plateau qui était à l'époque beaucoup moins élevé que maintenant. En plus de la vallée principale, le basalte a envahi les petites vallées adjacentes qui rejoignaient la vallée principale. À partir du Miocène terminal et au Pliocène, la dynamique générale du Massif Central cénozoïque a entrainé la surrection de la région, et les larges vallées remplies de basalte se sont retrouvées à une altitude de 900 m au Nord-Ouest, de 500 m au Sud-Est. L'érosion différentielle a beaucoup plus érodé les marno-calcaires que les basaltes, et le remplissage basaltique des paléo-vallées se retrouve maintenant perché sous forme d'un plateau dominant de 300 à 600 m les terrains environnants. Cette érosion a quand même érodé certaines parties des coulées de basalte et rend bien visible leur soubassement. Cette érosion a dégagé des dizaines de dykes, filons de basalte traversant les marno-calcaires et maintenant souvent mis en relief par l'érosion. L'érosion n'a pas dégagé le soubassement du centre du plateau, mais seulement celui de sa périphérie. Mais si on suppose que ce qui se passe dans cette périphérie est représentatif du mode d'alimentation du volcanisme du Coiron, on s'aperçoit que l'arrivée du basalte par des fissures (maintenant des dykes) est beaucoup plus fréquente que par des “cheminées” plus ou moins cylindriques (maintenant des necks), cheminées qui sont pourtant, dans la représentation populaire, la voie d'accès classique du magma qui alimente les volcans. Dans la région du Coiron, on ne connait que quelques necks, dont le fameux neck de Sceautres, alors qu'on connait des dizaines et des dizaines de dykes. L'actuel plateau du Coiron mesure une vingtaine de kilomètres du Nord-Ouest au Sud-Est, et une douzaine de kilomètres du Sud-Ouest au Nord-Est ; il est donc allongé dans la direction Nord-Ouest-Sud-Est. Cette direction est d'ailleurs celle de la majorité des dykes qui sont statistiquement orienté N120° à N140°. Ce volcanisme se serait donc mis en place dans un régime de contrainte avec σ3 orienté N30° à N50° et σ1 N120° à N140° (cf. figure 4 de Fentes en échelons dans les Alpes, les Pyrénées et le Sahara).
Je suis allé plusieurs fois dans le Coiron, à l'occasion de week-end, de stages avec des étudiants (et même en tant qu'étudiant avant 1978), en accompagnant des thésards… J'y ai pris de nombreuses photographies, d'abord argentiques, puis numériques. En trois “images de la semaine”, nous vous montrerons un résumé de ces visites, avec (1) les coulées de lave et leur substratum, (2) les filons et autres dykes ayant alimenté ce volcanisme, et (3) quelques curiosités géologiques et péri-géologiques. Si les photographies récentes sont bien localisées, celles prisent avant les GPS et Google Earth (les plus anciennes présentées ici ont été prises en 1981, il y a 41 ans) sont parfois mal localisées, entre autres à cause de la perte de certaines notes et carnets.
Si vous aimez les dykes, vous pouvez en voir d'autres, par exemple dans Dykes au pied de la Meseta del Lago Buenos Aires en Patagonie argentine et Les dykes (ou dikes) basaltiques de la Sand River, Afrique du Sud.