Image de la semaine | 18/01/2021
Quelques filons de quartz dans la chaine hercynienne : l'ile Callot (29), Roche d'Agoux (63), Saint-Paul-la Roche (24)
18/01/2021
Résumé
Quartz hydrothermal : cristal de roche, quartz laiteux, quartz fumé.
Les filons de quartz, comme les filons de calcite vus la semaine dernière (cf. Les filons de calcite associés à la Faille Nord-pyrénéenne, Sournia, Pyrénées-Orientales), sont d'origine hydrothermale et non pas magmatique contrairement à ce que croient certains étudiants arrivant à l'ENS de Lyon. Des eaux chaudes saturées en silice circulent en profondeur. Des variations des paramètres physiques (entre autres, diminution de pression et surtout de température) entrainent une baisse de la solubilité de la silice et son dépôt dans les fractures. Pour simplifier, il y a trois contextes principaux (non incompatibles) générant des filons de quartz dans les chaines de montagne.
- Des réactions de métamorphisme prograde génèrent souvent de l'eau, par exemple la déstabilisation de la muscovite : Muscovite + Quartz → Silicate d'alumine (par exemple, Sillimanite) + Feldspath potassique + H2O. Cette eau s'échappe, s'insinue dans la schistosité et peut s'échapper par des fractures.
- Quand un magma granitique (en général hydraté) cristallise, le magma résiduel se concentre en eau et donne des pegmatites. Quand tous les silicates ont cristallisé, il ne reste que de l'eau saturée en silice, qui s'insinue dans (et peut s'échapper par) des fractures.
- Surtout dans les derniers stades de leur histoire, les chaines de montagne sont affectées par une multitude de failles et de cassures de toutes échelles. Même très loin de zones de métamorphisme ou de magmatisme actifs, des eaux chaudes circulent dans ces fractures et y déposent (en particulier) du quartz.
La photographie suivante (figure 3), tout en restant dans le même secteur de l'ile Callot, montre la complexité potentielle de la genèse des filons de quartz.
L'incertitude quant à la genèse et à la chronologie précises de ces filons de quartz n'empêche pas de les regarder de près. Certains cherchent des bigorneaux ou des étrilles sur les estrans bretons ; on peut aussi y chercher des cristaux de quartz, mais en les laissant sur place. En effet, contrairement aux bigorneaux et étrilles, les cristaux de quartz ne se reproduisent pas.
Dans la chaine hercynienne, on trouve de nombreux filon de quartz de taille beaucoup plus importante que les petits filons de l'ile Callot, dont la longueur se mesure en mètres et la largeur en décimètres. Nous allons en évoquer deux situés dans le Massif Central : le filon de Roche d'Agoux dans le Puy de Dôme réputé pour sa longueur et sa largeur, et celui de Saint-Paul-la-Roche en Dordogne, fameux pour ses quartz clivés et son (ancien) cristal géant, aujourd'hui “disparu”.
Le filon de la Roche d'Agoux mesure 5800 m de long (du point A au point B sur la figure 8) pour une largeur comprise entre 10 et 20 m. Ce filon principal et ses annexes s'est très vraisemblablement mis en place dans un faisceau de failles tardi-hercyniennes. Au niveau du village de Roche-d'Agoux, le filon quartzeux mis en relief par l'érosion, constitue, comme l'écrit le géologue Louis de Launay en 1921, une sorte de grand mur « cyclopéen », nommé localement Château Banu. Ce rocher est aménagé pour la visite et une table d'orientation est installée à son sommet. Le site web de la mairie de Roche d'Agoux site web de la mairie de Roche d'Agoux le décrit ainsi : « Ce filon chemine sous la route de Saint-Maurice (D80) qui continue vers Roche-d'Agoux. Après une petite côte, la route longe un bois de sapin dont le sol est jonché de blocs, certains amassés à l'orée ou incorporés dans des murettes. À l'entrée Nord-Ouest de Roche-d'Agoux, on trouve un gros rocher circulaire d'une trentaine de mètres de diamètre qui forme le “Château Banu”, assise d'un château seigneurial depuis longtemps ruiné. […] Un premier ressaut domine la route de cinq à six mètres, accessible par un petit chemin abrupt équipé d'une rampe. Le second ressaut s'élève à sept ou huit mètres au-dessus. La roche est truffée de multiples cavités tapissées de grands cristaux laiteux ou petits cristaux scintillants. Legrand d'Aussy en a fait mention, en 1787, précisant que “ces cristaux de quartz, transparents, qui étant taillés, forment des châtons de bagues, des boutons de manches et autres joyaux pareils. Pendant quelques temps, ces sortes d'ouvrages ont été à la mode dans la Basse Auvergne.” (Voyage dans la ci-devant Haute et Basse Auvergne). Rappelons qu'à la fin du XIXe siècle des marchands passaient encore de temps à autre pour acquérir, à fort bas prix du reste, ces “diamants” dégagés avec peine par les enfants. Attention : le site est protégé. Il est interdit de collecter des minéraux sur le Château Banu. »
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Source - © 2008 Félix Potuit, modifié | Source - © 2008 Félix Potuit, modifié |
Donner des coups de marteau sur le rocher de Château Banu et dans les murs du village de Roche d'Agoux serait bien sûr une attitude non citoyenne et est bien évidemment interdit. Mais le filon est long et traverse bois, champs, chemins, fossés… Il suffit alors de se promener, de regarder par terre, et d'y ramasser des échantillons. C'est ce que j'ai fait une fois ou deux avant 1973, quand j'habitais en Auvergne. En témoigne les deux échantillons de la figure 14.
Un autre quartz hydrothermal du Massif Central a eu son heure de gloire : le quartz de Saint-Paul-la-Roche. Saint-Paul-La-Roche est un village de Dordogne, tout près de la Haute-Vienne et de la Corrèze. Un filon de quartz, plus une ellipse allongée qu'un filon type Roche d'Agoux, y est connu depuis toujours sous le nom de « la Roche Blanche », colline rocheuse dominant les environs d'une trentaine de mètres. Cette Roche Blanche est faite d'un quartz très pur. Ce quartz a été exploité en carrière dès le début du XXe siècle, pour l'industrie de la porcelaine. On n'est pas loin de Limoges, et en plus de 50 % de kaolin (Les pegmatites et le kaolin de Marcognac, Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), matières premières historiques de la porcelaine de Limoges) et de 25 % de feldspath (Les pegmatites du Limousin : d'anciens gisements exploités pour l'industrie électrique, les porcelaines et autres céramiques, la verrerie… et des curiosités géologiques) il faut 25 % de quartz pur pour faire de la porcelaine. Puis, la pureté de ce quartz le fit remarquer par l'industrie du silicium, et par les “verriers” spécialisés dans l'optique de qualité… La NASA en a utilisé pour l'optique de certains de ses satellites. De nombreux cristaux “classiques” furent trouvés pendant toute la durée de l'exploitation. L'exploitation est restée artisanale (jamais plus de 6 ouvriers). La Roche Blanche ayant été totalement arrasée et étant remplacée par une dépression, le filon ne se poursuivant pas avec cette épaisseur en profondeur, la carrière a cessé son activité en 1996.
Le quartz de Saint-Paul-la-Roche a été mondialement célèbre dans le monde de la minéralogie (mais hélas cette célébrité n'a pas touché les autorités [in]compétentes des années 1990) pour deux caractéristiques.
- En 1975, l'agrandissement de la carrière a dégagé une pyramide géante de quartz (4 m de haut, 20 tonnes). Ce quartz géant n'existe plus (dynamité en 1990).
- Le quartz de cette carrière est clivé, ce qui est rarissime, le quartz se caractérisant en général par son absence de clivage.
En plus de ce quartz géant, cette carrière a une particularité exceptionnelle : son quartz y est clivé. D'après mes souvenirs (et les échantillons que j'ai ramenés), il y a au moins trois directions de clivages qui découpent ce quartz en lames, en parallélépipèdes, en rhomboèdres… L'origine de ces clivages n'est pas claire. Ces clivages furent un temps reliés à l'impact de Rochechouart (à 40 km au Nord-Nord-Ouest, cf. À la rencontre de l'astroblème de Rochechouart–Chassenon). Ils sont maintenant attribués à une mise en place de cette masse de quartz pendant un régime particulier de contraintes. Mais pourquoi est-ce si rare alors que la mise en place de filons de quartz sous contrainte n'a rien d'exceptionnel ?
Ce gisement exceptionnel n'est plus maintenant que l'ombre de lui-même. La carrière n'est plus exploitée depuis 1996 (24 ans !) ; elle est maintenant un amphithéâtre bucolique et végétalisé, où rien ne rappelle ce que montre par exemple la figure 15. Le cristal géant a disparu en 1990, dynamité par l'exploitant/propriétaire de la carrière : un crime de lèse géologie, un “Bouddha de Bamiyan” à la française ! Trente ans après cette destruction, on peut essayer d'analyser à froid les causes de ce gâchis, pour qu'une telle situation et un tel dénouement ne puisse plus se reproduire ailleurs dans les années qui viennent. En 1975, la découverte de ce cristal géant fit la une des médias locaux et même de la télévision nationale. La carrière fut visitée en journée par des géologues professionnels et amateurs, qui demandaient aux carriers l'autorisation d'entrer. Le Muséum national d'Histoire naturelle a même envisagé de racheter ce cristal, mais les propriétaires refusèrent la vente. Peut-être la somme proposée n'était-elle pas suffisante. Mais cette carrière n'était pas visitée que par des gens “civilisés”. Elle fut visitée de nuit et pendant les week-ends par des “pourvoyeurs des bourses aux minéraux” ramassant des kilos de quartz clivé et par des vandales. La pointe sommitale fut volée… Et de plus, le cristal gênait la poursuite de l'exploitation. Si la France avait été un pays qui se souciait de son patrimoine géologique, une volonté politique et des lois auraient pu permettre de classer ce gisement et de correctement indemniser les propriétaires de la gêne ou de la perte d'exploitation causé par ce cristal. Mais rien ! Je-m'en-foutisme et/ou impuissance des autorités ! Agacés par les visites intempestives, voulant poursuivre l'exploitation de la carrière et sans soutiens effectifs des autorités (in)compétentes, les propriétaires de la carrière dynamitèrent ce cristal au printemps 1990. C'est d'autant plus idiot et regrettable que la carrière cessa son activité 6 ans à peine après ce dynamitage.
Dès 1996, une association, Les amis de la Roche Blanche, n'ayant pas pu arrêter le massacre, a voulu pérenniser la mémoire de cette Roche Blanche, de son quartz exceptionnel. Avec l'aide de la municipalité, un géosite fut créé, avec un jardin géologique dans le bourg (avec une reproduction grandeur nature du cristal géant), et un sentier de découverte (passant par l'ancienne carrière) le long duquel on peut encore y voir quelques fragments de quartz blanc sous ses semelles.
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D'autres filons de quartz hercyniens ont déjà été traités sur Planet-Terre, comme, par exemple, des filons d'améthyste, Les améthystes du Livradois et la maison de l'Améthyste, Le Vernet-Chaméane, Puy-de-Dôme, ou de quartz aurifère, Les mines d'or du district de Saint-Yrieix-la-Perche et la Maison de l'Or en Limousin au Chalard (Haute-Vienne)». D'autres filons tardi-hercyniens composés d'autres substances ont aussi été montrés, comme la fluorine, Les mines de fluorine (CaF2) du Beaujolais (Rhône) ou la barytine, Les filons de barytine (BaSO4) du Beaujolais (Rhône).