Image de la semaine | 15/06/2020
Découvrir les rudistes en parcourant les rues de Saint-Sébastien (Pays basque espagnol) et en visitant le musée d'Orgon (Bouches du Rhône)
15/06/2020
Résumé
L'Urgonien, un faciès du Crétacé inférieur à récifs de coraux et de rudistes.
Les rudistes forment un groupe de bivalves exclusivement marins qui se caractérisent par une coquille épaisse, dont les deux valves sont très différentes, l'une souvent réduite à un opercule, et l'autre hypertrophiée. Cette valve hypertrophiée a souvent la forme d'un cône, cône droit (un peu comme un cornet de glace), ou cône enroulé en spirale régulière ou irrégulière. Cette forme enroulée fait qu'il existe même une espèce qu'on a nommée « ammonia » (Requienia ammonia), car, comme les ammonites, elle ressemble aux cornes de bélier, animal sous lequel le dieu égyptien Amon (avec 1 seul “m”) ou gréco-égyptien (avec 2 “m”) est représenté. Les rudistes ont vécu du Jurassique supérieur jusqu'à la limite Crétacé-Tertiaire. Ils ont considérablement évolué durant le Crétacé et sont de bons fossiles stratigraphiques. Ils vivaient fixés en eaux peu profondes et chaudes. Ils vivaient en eaux claires (bien que supportant un peu mieux la turbidité que les coraux), et formaient de véritables récifs à partir du Crétacé inférieur. Ce sont aussi de bons fossiles de faciès. On peut consulter une rapide monographie sur les rudistes écrite par Cyril Langlois. Des rudistes du Crétacé supérieur ont déjà été présentés dans Les rudistes du Castellet (Var).
Les genres les plus abondants au Crétacé inférieur sont Toucasia et Requienia.
Source - © 2007 Musée de Paléontologie de Provence | Source - © 2007 Musée de Paléontologie de Provence |
Source - © 2007 Musée de Paléontologie de Provence | Source - © 2019 Pierre Thomas / Paleotax d'après Schumann & Steuber 1997 |
Dans les sept photographies qui suivent, nous vous montrons des vues plus ou moins d'ensemble ou plus ou moins détaillées de ces dalles et trottoirs de Saint-Sébastien au Pays basque espagnol.
Quand on se promène à Saint Sébastien, d'autres dallages attirent l'attention, les municipalités successives ayant eu à cœur de ne pas se contenter des seuls bitumes, ciments ou granites chinois bon marché pour agrémenter leurs trottoirs, parapets de quais… Ils ont même tenté de privilégier les ressources locales. Et au Pays basque, en plus de l'Urgonien à rudistes, il y a aussi de l'Urgonien à coraux, utilisé par exemple sur les parapets du Puente (pont) Santa Catalina.
Le calcaire dit Urgonien s'est déposé au Crétacé inférieur, sur la marge passive bordant le Nord-Ouest de l'océan alpin, et sur le plateau continental au Sud-Est de cet océan, plateau qui est devenu la Provence, le Languedoc, les Pyrénées, le Pays basque… C'est ce calcaire urgonien qui fait la beauté des falaises du Vercors, des gorges de l'Ardèche et des calanques entre Marseille et Cassis, qui constitue le soubassement du château cathare de Montségur… Il s'agit d'un calcaire récifal et péri-récifal, les organismes constructeurs étant principalement des rudistes, et accessoirement des coraux. L'Urgonien n'est pas un étage, mais un faciès, qui englobe (cela varie du Nord-Est au Sud-Ouest) le Barrémien (130-125 Ma), l'Aptien (125-110 Ma) et parfois la base de l'Albien (112 à 99,6 Ma). C'est Alcide d'Orbigny qui, en 1847, a défini ce faciès à Orgon, commune de l'Est des Alpilles (Bouches du Rhône). Le paysage devait ressembler à ce qu'on peut voir aujourd'hui dans la Grande Barrière de Corail au Nord-Est de l'Australie (cf. Survol en hélicoptère de la Grande Barrière de Corail, Queensland, Australie).
Source - © 2019 D. Gesbert, d'après J.P. Masse / geocaching.com, modifié
En Pays basque, ces calcaires urgoniens sont largement exploités, notamment pour les pierres de taille et les dalles semi-ornementales. Citons les carrières de Lastur, Markina, Ereňo…
Source - © 2004 Instituto Geológico y Minero de España
La ville d'Orgon (≈ 3000 habitants), à côté de Cavaillon, entre Avignon et Salon-de-Provence, vit en partie grâce au calcaire urgonien. En effet, la société Omya exploite depuis 1957 une carrière de calcaire urgonien qui, avec l'usine associée, emploie de 50 à 100 personnes et qui extrait de 500 000 à 900 000 tonnes par an de calcaire. Cette carrière exploite un calcaire urgonien un peu atypique. En effet, la matrice (l'ancienne boue calcaire) présente entre les bioclastes et les fossiles est restée relativement tendre malgré la diagenèse et possède la “consistance” d'une craie. Les fossiles se dégagent ainsi assez facilement du reste de la roche, contrairement à ce qu'on voit à Saint-Sébastien. C'est sans doute pour cela que d'Orbigny a choisi ce site pour définir le contenu paléontologique de l'Urgonien. La société Omya exploite ce calcaire non pas pour en faire des dalles et pierres de taille à cause de cette consistance crayeuse, mais pour sa pureté (99,8 % de CaCO3). Broyé en une poudre très fine, ce calcaire est utilisé en tant que charge dans la composition de nombreux produits : peintures, crépis, enduits, certains plastiques (PVC), papiers de haut de gamme, cosmétiques, produits alimentaires… Depuis 2015, la municipalité a ouvert un musée, le Musée Urgonia, une moitié étant consacrée à l'archéologie locale, à l'ornithologie… et l'autre moitié à l'Urgonien, ses fossiles, ses usages… Un sentier de la pierre (3,5 km de long, départ depuis le musée) a également été aménagé.
Source - © 2018 Musée Urgonia | Source - © 2017 Musée Urgonia |
Source - © 2017 Musée Urgonia | Source - © 2015 D'après petit-patrimoine.com, modifié |