Image de la semaine | 28/03/2016
Les stromatolithes de Chadrat (commune de Saint Saturnin, Puy de Dôme) : un musée de la structure interne des stromatolithes
28/03/2016
Résumé
Structure stromatolithique interne en "cônes", tempestites, thanatocénose d'Hydrobies, roseaux et troncs stromatolithisés dans la falaise de Chadrat (Auvergne).
Chacun s'imagine que les stromatolithes, actuels comme fossiles forment des boules, coupoles ou piliers, isolés ou groupés. C'est souvent vrai, mais pas toujours. Le tapis bactérien peut recouvrir tout le fond du lac ou de la mer et déposer des lamines successives plates et horizontales, ou légèrement ondulées. Dans la nature actuelle, ce sera infiniment moins spectaculaire qu'un ensemble de coupoles et de boules (cf. Les stromatolithes du lac Thetis près de Cervantes, Australie occidentale), et on ne verra qu'un fond plat et légèrement induré au fond du lac ou de la mer pouvant occuper des centaines ou des milliers de m2, voire plusieurs hectares ou dizaines d'hectares. Par contre, si l'érosion recoupe ce niveau, on observera une couche horizontale de calcaire concrétionné et laminé pouvant atteindre plusieurs mètres d'épaisseur et reposant sur un substratum quelconque. C'est le cas en Auvergne sur la commune de St Saturnin, en particulier au Sud et à l'Est du hameau de Chadrat où s'est déposée une couche stromatolithique d'environ 2 m d'épaisseur au sein des alternances marno-argilo-sableuses de l'Oligocène supérieur lacustre de Limagne. Ici ou là, l'érosion recoupe cette couche qui forme alors une petite falaise. L'observation détaillée de cette falaise est un véritable "enchantement stromatolithique". Cette falaise est en général en surplomb, car elle repose sur des sables et argiles très facilement érodables. Si on se promène le long des chemins et dans les friches, en particulier au Sud et au Sud-Ouest du hameau de Chadrat, entre ce hameau et la Ferme du Lac, on peut observer et ramasser de superbes échantillons que les agriculteurs ont sortis de leurs champs ou que l'on trouve éboulés au pied d'anciens escarpements.
Nous vous montrons ici un échantillon ramassé près de cette Ferme du Lac, et 22 photographies toutes prises sur l'une de ces petites falaises, longue d'environ 200 m.
Localiser les falaises de Chadrat viaGoogle earth grâce au fichier 527-Chadrat.kmz.
Attention, cette falaise est à l'intérieur de terrains agricoles privés, et il convient de demander l'autorisation aux propriétaires pour y accéder. La visite avec une classe est déconseillée pour au moins deux raisons (outre ce caractère de propriété privée) : (1) la couche stromatolithique est en surplomb, et les éboulements sont fréquents, et parfois importants ; (2) pour y accéder, il faut traverser des terrains en culture (céréales…) et/ou des pâtures où broutent des vaches (et parfois un taureau). Si vous y allez, admirez cet affleurement (qui serait certainement classé si la France était un pays soucieux de son patrimoine géologique), ne le dégradez pas à coups de marteaux, préservez-le pour les générations futures.
Dans le détail, cette couche stromatolithique révèle parfois des variations, qui permettent de préciser les conditions paléo-géographiques et paléo-écologiques de sa genèse. Nous vous montrons trois de ces "particularités" : une couche de tempestite, une thanatocénose d'Hydrobies, et une "tempestite de roseaux stromatolithisés couchés" (beau nom de roche, n'est-ce pas !).
Dans la partie supérieure de cette petite falaise, on trouve un niveau assez extraordinaire : juste au-dessus d'un niveau clastique, on trouve des « stromatolithes tubulaires ». Il devait s'agir de roseaux ou de plantes herbacées aquatiques avec des tiges, poussant verticalement et dont la base se faisait encroûter par les précipitations stromatolithiques. Une tempête a dû coucher ces roseaux lithifiés. La matière végétale a disparu, mais il reste les tubes de calcaire. Nous vous montrons une série de 5 vues sur cette tempestite de roseaux stromatolithisés couchés.
Si des troncs d'arbres morts étaient à moitié posés sur le fond du lac, mais pas complètement à plat sur le fond, un voile de bactéries photosynthétiques pouvait les entourer et participer au dépôt de couches de calcaire concentriques autour de ces arbres morts. Le bois a maintenant disparu, mais il reste un trou (dont le diamètre peut atteindre 10 cm) entouré de lamines calcaires concentriques formant (en section) un ensemble de cercles emboités de plus de 50 cm de rayon. De tels "arbres" stromatolithisés sont relativement fréquents en Limagne. Ce sont le plus souvent des stipes de palmiers. En témoigne la décoration de ce rond-point à Gannat (cf. Des concrétions stromatolithiques exceptionnelles : des stipes de palmier « stromatolithisés », Gannat (Allier) ) et de ce qu'on peut trouver ici ou là dans des jardins privés ou publiques (cf. images a et b de la balade avec Loulette). Il est dommage que de telles merveilles géologiques ne se découvrent que par hasard pendant un embouteillage sur le "périphérique" de Gannat où lors d'une balade dominicale pilotée par la chienne Loulette. C'est tout à fait à l'image de la place du patrimoine géologique dans les priorités des associations naturalistes et des collectivités locales.