Image de la semaine | 12/10/2015
Les excentriques, des concrétions spéléologiques bien étranges
12/10/2015
Résumé
Concrétions calcaires atypiques : les excentriques ou hélictites, des spéléothèmes moins classiques que stalactites, stalagmites et draperies.
Pour les premières semaines de l'année scolaire 2015-2016, nous vous avons montré des exemples de morphologies géologiques dont l'origine n'est comprise que dans ses grandes lignes, et où la physique-chimie exacte de la mise en place reste à déterminer : taffonis, boules de grès, polygones de grès, sols polygonaux, méga-sols polygonaux, sol striés. Nous terminons cette série de "mystères" par celui des excentriques, également appelés hélictites. Les excentriques sont, comme les stalactites, stalagmites et autres draperies des spéléothèmes de calcite (éventuellement d'aragonite). Ce CaCO3 provient de la perte de CO2 dans l'atmosphère de la grotte à partir d'une eau très chargée en HCO3- et en Ca2+ : 2 HCO3- + Ca2+ --> CO2 + CaCO3 + H2O.
Mais contrairement aux stalactites et aux stalagmites qui croissent verticalement, les excentriques croissent obliquement ou horizontalement. Ce sont toujours des structures de petite taille (classiquement de 2 à 4 mm de diamètre), ne dépassant que très rarement le décimètre de longueur, alors que stalactites et stalagmites peuvent sans problème dépasser la dizaine de mètres de hauteur. Les guides dans les grottes ouvertes aux touristes et montrant des excentriques disent qu'il s'agit de concrétions qui « violent les lois de la pesanteur ». Les excentriques ne violent évidemment rien du tout ; mais d'autres lois physiques, plus fortes que la pesanteur à cette petite échelle, imposent leurs règles. Plusieurs phénomènes physiques concourent à l'origine des excentriques. Les parts respectives de chacune d'entre elles restent à déterminer.
Il y a tout d'abord les lois de la cristallisation. Un cristal est un arrangement orienté d'atome et a souvent une croissance anisotrope (plus rapide dans une direction que dans une autre). La structure du cristal, en général de la calcite, peut être perturbée par un changement dans la chimie des eaux (plus ou moins concentrée, magnésienne, ferreuse…). Cela peut en perturber la croissance. Une augmentation de la teneur des eaux en magnésium peut entraîner la cristallisation d'aragonite, qui peut former des aiguilles poussant perpendiculairement aux parois et aux autres concrétions. Aragonites ou autre impuretés, pas forcément disposées à la base ou au sommet d'une concrétion verticale peuvent servir de germe à un départ latéral de nouveau cristaux. Il y a ensuite les lois de la capillarité. Les eaux qui circulent sur et dans les concrétions sont soumises aux forces de capillarité et de tension superficielle, pouvant avoir une intensité plus forte que la gravité à ces échelles. Et la capillarité à la surface ou au sein d'un matériel cristallisé anisotrope peut être complexe. Enfin, des circulations d'air dans la grotte peuvent entraîner une anisotropie de l'humidité sur les concrétions, plus sèches d'un côté que de l'autre.
Tout cela s'ajoute et se retranche à la gravité, mais de façon variable. Et quand le cocktail de tous ces effets domine localement la gravité (ce qui est somme toute assez rare), on obtient des excentriques.
Ceux-ci se nichent assez souvent dans les endroits "reculés" des grottes, comme des anfractuosités, des galeries étroites… Parfois, elles se développent sur de vastes surfaces, comme au plafond de grandes salles.
En plus d'excentriques de l'aven Armedia, de la grotte de Clamouse, et de la grotte du Grand Roc, nous vous montrons aussi des excentriques de la grotte d'Estévan dans le Gard, grotte non ouverte au public.