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Image de la semaine | 02/11/2015

Les aragonites des grottes de Limousis (Aude) et de Clamouse (Hérault)

02/11/2015

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Cristallisation d'aragonite en sub-surface, dans les conditions de stabilité de la calcite. Lien entre vie, magnésium et aragonite.


Cristaux d'aragonite se développant sur une paroi de la grotte de Limousis (Aude)

Figure 1. Cristaux d'aragonite se développant sur une paroi de la grotte de Limousis (Aude)

Ces cristaux en forme d'aiguilles forment comme des oursins, chaque "oursin" mesurant une dizaine de centimètres de diamètre. Cette grotte de Limousis, ouverte aux touristes, est célèbre, entre autres, pour ses aragonites.


Cristaux d'aragonite se développant sur une paroi et sur des stalactites de la grotte de Clamouse (Hérault)

Figure 2. Cristaux d'aragonite se développant sur une paroi et sur des stalactites de la grotte de Clamouse (Hérault)

Ces cristaux en forme d'aiguilles mesurant entre 0,5 et 2 cm de longueur. Cette grotte de Clamouse, ouverte aux touristes, est célèbre, entre autres, pour ses aragonites.


Les grottes sont souvent admirablement décorées de concrétions carbonatées : stalactites, stalagmites, draperies, excentriques… Dans la très grande majorité des cas, ces concrétions sont constituées de calcite. Mais il existe des grottes ou des concrétions sont constituées d'aragonite. C'est, par exemple, le cas des grottes de Limousis (Aude) et de Clamouse (Hérault).

Le carbonate de calcium (CaCO3) existe sous deux formes cristallines (polymorphes) distinctes :

  • la calcite, qui cristallise dans le système trigonal (anciennement appelé rhomboédrique), qui forme de nombreuses formes cristallines (cf., par exemple, Les macro-cristaux de calcite de la Carrière du Boulonnais, Pas de Calais) ;
  • l'aragonite, qui cristallise dans le système orthorhombique, qui forme aussi de nombreuses formes cristallines, en particulier des aiguilles.

L'aragonite est la forme stable du CaCO3 dans des conditions de haute pression. À température ambiante (15°C), elle est stable à une pression supérieure à 0,3 GPa (= 3 kb), soit en dessous d'une profondeur de 9 km. Il ne devrait pas se former d'aragonite en surface, et en particulier dans les grottes où la pression est évidemment égale à la pression atmosphérique (1013 hPa ≃ 105 Pa = 10-4 GPa).


Il existe 3 contextes principaux dans lesquels il se forme quand même de l'aragonite en condition de surface ou de sub-surface.

  1. La vie, grâce à son métabolisme, grâce à des enzymes particuliers…, produit beaucoup d'aragonite. La majorité des tests de polypiers sont aragonitiques, les coquilles de bivalves ont en général une couche calcitique et une couche aragonitique… Il serait intéressant de connaître l'avantage évolutif qui a sélectionné ce type de cristallisation hors équilibre. On peut également citer deux autres "concrétions" biologiques en aragonite : les perles des huîtres, et la "lentille" des yeux des chitons (gastéropodes polyplacophores) qui est constituée de cristaux d'aragonite.
  2. Les circulations hydrothermales dans les régions volcaniques produisent souvent des cristaux d'aragonite colmatant des fissures où ont circulé des eaux chaudes (cf., par exemple, "Oursins" d'aragonite, Gergovie, Puy de Dôme (63)).
  3. Dans certaines grottes.

Cette aragonite qui cristallise en surface ou en sub-surface n'est pas stable, mais seulement métastable. Avec les millions d'années, cette aragonite superficielle se transformera inévitablement en calcite.

Dans les deux derniers cas (hydrothermalisme et grottes) dans lesquels, a priori, la vie n'intervient pas, on peut se demander ce qui peut favoriser la cristallisation d'aragonite aux dépens de la calcite. Si on cherche une caractéristique géologique commune aux grottes de Limousis et de Clamouse, on n'en trouve qu'une : ces deux grottes sont creusées dans des calcaires dolomitiques, calcaires dolomitiques dévoniens dans le cas de la grotte de Limousis, et calcaires dolomitiques jurassiques dans le cas de la grotte de Clamouse. Rappelons que le minéral "dolomite" est un carbonate double de calcium et de magnésium et a pour formule CaMg(CO3)2. Une roche formée exclusivement de dolomite se nomme "dolomie". Un calcaire dolomitique est fait d'un mélange en proportion variable de calcite, de dolomite, et de calcite magnésienne (Cax,Mg1-x)(CO3).


 

d3a. Emsien inférieur. Calcaires blancs.

Il s'agit de calcaires massifs à grain fin, très homogènes, à cassure gris clair, qui tranchent sur les dolomies grises dans le paysage par leur patine presque blanche. […]

La partie inférieure des calcaires blancs est marquée par des lits décimétriques de dolomies fines à patine jaune, qui témoignent du caractère diagénétique de la dolomitisation.[…]

Les calcaires blancs peuvent être le siège d'une dolomitisation épigénétique tardive qui développe des masses de dolomies jaunâtres vacuolaires à gros grains, dont les limites tranchées sont bien sécantes sur les limites stratigraphiques. Très étendues dans le secteur de Cabrespine, ces dolomitisations aux contours complexes n'ont pu être représentées sur la carte.

 
 --Notice de la carte géologique de Carcassonne (Aude) au 1/50 000
 

j1 -3D. Bajocien à Callovien. Dolomie grise.

Dolomie grenue, grise ou beige à patine sombre, souvent caverneuse et lapiazée. Localement, les structures de recristallisation gardent le souvenir de textures bioclastiques antérieures. Les bancs sont massifs, les stratifications peu apparentes et l'érosion donne souvent à ces roches un relief ruiniforme caractéristique dont le site de Mourèze est un bel exemple.

Ce faciès typique du Jurassique moyen languedocien se développe aux dépens des faciès calcaires depuis le Bajocien supérieur jusqu'au Callovien supérieur, faciès auxquels il se substitue partiellement ou totalement. […]

Au Nord-Est, dans le secteur de Saint-Guilhem, on a peu de repères chronostratigraphiques mais on observe que la dolomie peut descendre pratiquement au contact des calcaires à Cancellophycus du Bajocien inférieur et n'être recouverte que par les couches transgressives de l'Oxfordien moyen.

 
 --Notice de la carte géologique de Lodève (Hérault) au 1/50 000

Or, la présence de magnésium dans les eaux de précipitation des carbonates (grotte, circulation hydrothermale…) inhibe la cristallisation de calcite. Si la saturation est atteinte et que du CaCO3 "doit" précipiter, cette inhibition de la précipitation de calcite se traduit par la précipitation d'aragonite, métastable.

Nous vous présentons ci-dessous 7 photographies prises dans la grotte de Limousis, en particulier des vues d'ensemble et de détail de son "grand lustre", et 8 photographies prises dans la grotte de Clamouse.

Ces deux superbes grottes, pas très loin des plages du midi et des autoroutes y conduisant sont de vrais buts d'un tourisme intelligent pour nos prochaines vacances.

Vue globale sur le grand lustre de la grotte de Limousis (Aude)

Figure 5. Vue globale sur le grand lustre de la grotte de Limousis (Aude)

Il s'agit d'un fragment du toit d'une salle faisant saillie et de quelques coulées stalagmitiques, le tout recouvert de gerbes d'aragonite.


Le grand lustre de la grotte de Limousis (Aude)

Figure 6. Le grand lustre de la grotte de Limousis (Aude)

Il s'agit d'un fragment du toit d'une salle faisant saillie et de quelques coulées stalagmitiques, le tout recouvert de gerbes d'aragonite.




Aragonite sur les parois de la grotte de Limousis (Aude)

Aragonite sur des stalactites de la grotte de Limousis (Aude)

Aragonite sur des stalactites de la grotte de Limousis (Aude)

Localisation des grottes de Limousis et de Clamouse dans le Languedoc