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Article | 26/02/2021

La chaine varisque en France, un édifice multi-collisionnel et poly-cyclique / Les quatre domaines varisques (2/2)

26/02/2021

Michel Faure

Institut des Sciences de la Terre d'Orléans, Université d'Orléans

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Le domaine moldanubien (marge Nord-gondwanienne) et l'architecture générale de la chaine varisque.


Ce qui est trop simple est sûrement faux,
ce qui est trop compliqué est incompréhensible.

Paul Valéry

Avant-propos

Cette synthèse est le fruit de près de 40 ans de recherches menées directement par l'auteur ou dans le cadre de thèses et de masters soutenus à l'ISTO (UMR 7327, Université d'Orléans-CNRS-BRGM). Elle n'aurait pas été possible sans les nombreuses contributions de collègues et d'étudiants qui m'ont fait confiance. Un grand nombre de collègues, chercheurs et enseignants-chercheurs du monde académique universitaire, CNRS et BRGM sont également remerciés pour leur soutien scientifique et matériel et les discussions enrichissantes. Outre les nombreuses publications, les cartes géologiques à 1/50 000 constituent une source d'information inestimable. Bien évidemment, les interprétations sont de la responsabilité de l'auteur.

Jean-Paul Passeron et Anne-Marie Bouvier sont remerciés pour la lecture attentive du fond et de la forme, leurs conseils constructifs et leur grande patience à corriger les fautes de grammaire ou de syntaxe.

Échelles chronostratigraphiques

Cette synthèse utilise les noms des étages de l'échelle chronostratigraphique internationale, échelle qui a évolué au fil du temps lorsque de meilleurs stratotypes ont été trouvés et décrits (avec parfois de nouveaux découpages). Ainsi, par exemple, les étages du Carbonifère n'ont pas les mêmes noms sur la carte géologique de la France (noms “anciens” et, surtout, liés à des stratotypes européens) que dans la charte chronostratigraphique internationale.


Domaines varisques / régions actuelles

Les descriptions des ensembles géologiques et l'histoire de la chaine varisque suivent un “découpage” suivant les grands domaines ayant joué les uns par rapport aux autres lors de l'orogenèse hercynienne. Le territoire métropolitain actuel étant issu de collisions multiples entre blocs et micro-blocs d'origines variées, il est généralement nécessaire de parcourir l'ensemble de cette synthèse “orogénique” pour rassembler les éléments nécessaires à une synthèse concernant une région géographique actuelle (Bretagne, Vosges, par exemple). Des cartes synthétiques et des renvois dans le texte aident le lecteur à visualiser les différents événements / domaines affectant ”sa” région.

Les quatre domaines varisques

Malgré les progrès considérables réalisés dans la compréhension de la chaine varisque, de nombreux points restent encore controversés. Ainsi, avant de proposer un possible modèle d'évolution géodynamique, nous allons nous attacher à présenter les données disponibles : cartographie de terrain, études stratigraphiques, pétrologiques, structurales, géochronologiques, géophysiques… afin d'essayer de dégager l'architecture générale des structures, la cinématique des différentes unités tectoniques et la chronologie des évènements pour chacun des domaines constitutifs de la chaine. Pour bien aborder l'étude de la chaine varisque en France, il est indispensable de consulter les documents cartographiques disponibles à diverses échelles. La carte géologique de la France à 1/1 000 000 donne une bonne vue d'ensemble. Les cartes de détail à 1/50 000, presque toutes disponibles, et malgré des disparités dues à leur publication étalée dans le temps, apportent des informations détaillées et de qualité. Enfin, signalons que, bien que moins précises que les documents actuels, les anciennes coupures à 1/80 000 et à 1/320 000 de la carte géologique de la France sont loin d'être obsolètes. Ces cartes qui couvrent une plus grande superficie que celles à 1/50 000 permettent souvent de bien appréhender les grands domaines structuraux.

Le domaine rhéno-hercynien

Le domaine rhéno-hercynien.

Le domaine saxo-thuringien

Le domaine saxo-thuringien.

Le domaine de l'Armorica

Le domaine de l'Armorica.

Le domaine moldanubien ou la marge Nord-gondwanienne

Le domaine moldanubien représente la partie la plus métamorphique, la plus déformée et la plus épaissie de la chaine varisque. En France, il affleure dans le Sud du Massif Armoricain, le Massif Central, les Vosges centrales et méridionales, les Pyrénées. Il est probablement présent dans le massif des Maures et la Corse occidentale. La suture éo-varisque sépare le domaine moldanubien de celui de l'Armorica (Fig. 2).

La suture éo-varisque et le complexe de Champtoceaux

Dans le Massif Armoricain, la suture éo-varisque sépare le domaine Centre-Nord Armoricain et le domaine Sud-Armoricain (Fig. 16, Fig. 27). Ce dernier présente une structure initiale en nappes syn-métamorphes replissées et affectée par les décrochements dextres post-collisionnels d'âge carbonifère supérieur. Ainsi que présenté plus haut (voir Le domaine ligérien), la région comprise entre les branches Nord et Sud du cisaillement Sud-Armoricain, ou domaine ligérien, est le seul endroit en France où la suture éo-varisque peut être appréhendée convenablement. La faille de Nort-sur-Erdre a connu plusieurs épisodes de déformation post collisionnels. Il s'agit notamment d'un jeu senestre contemporain de l'ouverture du bassin d'Ancenis (voir Le domaine ligérien) et d'un jeu dextre, probablement transpressif, pendant lequel, les formations terrigènes et charbonneuses du Sillon houiller de basse-Loire sont cisaillées au Serpukhovien-Bashkirien.

Au Sud de la faille de Nort-sur-Erdre, dans la partie méridionale du domaine ligérien, le complexe de Champtoceaux est un empilement de nappes de natures lithologique et métamorphique très variées reposant sur un autochtone relatif de micaschistes appelé l'« unité de Mauves-sur-Loire » (Fig. 27, Fig. 29). De bas en haut de cet édifice, on reconnait : l'unité de Mauves-sur-Loire, la nappe de Champtoceaux, la nappe ophiolitique, la nappe des Mauges.

L'unité de Mauves-sur-Loire consiste en paragneiss et micaschistes à biotite-muscovite-albite dépourvus de reliques de haute pression. Par analogie avec le Massif Central, cette unité est rattachée à l'Unité Inférieure des Gneiss (UIG, voir ci-dessous).

La nappe de Champtoceaux, composée de métabasites (gabbros, basaltes, amphibolites), de rares serpentinites, d'ortho- et de paragneiss, de micaschistes et quartzites, est structurée en plusieurs unités distinguées par leurs conditions thermo-barométriques. Pour certains auteurs, la juxtaposition de roches continentales et de roches basiques d'affinités océaniques est la preuve d'un mélange tectonique. Ces roches ont subi un métamorphisme de haute pression et de moyenne température, les protolithes basiques sont transformés en éclogite à grenat-omphacite-amphibole bleue. On connait aussi des métagranites (orthogneiss de Saint-Mars-du-Désert, La Picherais) dont le protolithe ordovicien (485 ±11 Ma, U/Pb sur zircon) a connu un métamorphisme granulitique silurien supérieur (423 ±10 Ma U/Pb sur zircon).

Les conditions du métamorphisme sont estimées à 18-20 kbar et 650-700°C. Des âges U/Pb sur les zircons des éclogites indiquent 413 ±16 Ma et 358 ±2 Ma qui peuvent être interprétés respectivement comme les âges du métamorphisme de HP et celui d'une seconde déformation varisque. Certains auteurs envisagent que l'âge du métamorphisme de HP se situerait vers 360 Ma et que les âges plus anciens seraient des artéfacts. Cependant, par analogie avec les données géochronologiques du Massif Central et de Vendée, un âge fini-silurien autour de 410-420 Ma semble plausible.

L'association de métabasites et de gneiss pauvres en biotite de la nappe de Champtoceaux évoque les complexes leptyno-amphiboliques du Massif Central (cf. l'article Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français 1/3 – Évolution des idées et architecture en nappes). L'existence d'orthogneiss éclogitiques témoigne de la réalité de la subduction d'une croute continentale. Les roches basiques ne sont pas de véritables ophiolites, mais appartiennent à une association magmatique bimodale formée dans une croute continentale amincie interprétée comme une transition océan-continent. La nappe de Champtoceaux comprend aussi des migmatites issues de la fusion partielle des roches subductées à grande profondeur puis exhumées. Des amphibolites, avec ou sans grenat, sont des restites rétromorphosées. Un âge U-Th-Pb chimique sur monazite à 386 ± 5 Ma est considéré comme celui de l'anatexie. La nappe de Champtoceaux présente de grandes analogies lithologiques, structurales et métamorphiques avec l'Unité Supérieure des Gneiss (USG) du Massif Central.

La nappe ophiolitique est formée par des roches basiques (gabbros, amphibolites) appelée unité de Drain et de métasédiments (micaschistes à biotite, grenat, chloritoïde) appelée « unité du Havre ». Un métagabbro mylonitique a donné un âge U/Pb sur zircon à 381,8 ±2,3 Ma. Il faut noter que toutes ces roches n'ont jamais connu de métamorphisme de haute pression, ce qui suggère que la nappe ophiolitique appartient à la plaque supérieure. On parle d'ophiolite de supra-subduction.

La nappe de socle des Mauges est un autre élément original du complexe de Champtoceaux. Il s'agit d'une nappe de socle constituée de micaschistes néoprotérozoïques, déformés et métamorphisés pendant l'orogenèse cadomienne, recouverts en discordance par des sédiments et des volcanites du Cambrien (exposés vers Cléré-sur-Layon) et de l'Ordovicien (observables au Moulin de Chateaupanne près d'Ancenis). Le magmatisme acide est représenté à la fois par des rhyolites au Nord de Cholet et par le complexe hypovolcanique de microgranite-gabbros de Thouars-Argenton-Château (au Sud de Vihiers). La nappe des Mauges, avec ses structures cadomiennes, a une origine septentrionale. De même, les similitudes des faciès paléozoïques du Choletais et celles du Domaine Centre-Nord Armoricain de Normandie sont aisément expliquées puisque, à cette époque, les deux régions étaient plus proches qu'actuellement.

Ainsi, à la différence du Massif Central, la région ligérienne est le seul endroit de la chaine varisque de France où l'Unité Supérieure des Gneiss est surmontée successivement par une nappe ophiolitique, puis une nappe de socle. Cette architecture est comparable, mutatis mutandis avec le dispositif alpin dans lequel le substratum européen (zone briançonnaise) est surmonté par des roches issues de l'océan liguro-piémontais (nappes des schistes lustrés à ophiolites) puis par le socle varisque austro-alpin de l'Apulie (nappe de la Dent Blanche).

Le profil sismique réalisé dans le cadre du programme Armor 2 traverse tout le domaine ligérien (Fig. 30). Les réflecteurs proches de la surface ont une géométrie cohérente avec les pendages mesurés sur le terrain. Les réflecteurs subhorizontaux, entre 25 et 30 km de profondeur (traits rouges), représentent la base de la croute continentale litée, interprétée comme des granulites. Vers le Sud du profil, entre 15 et 25 km de profondeur, on observe des réflecteurs à pendage Sud (traits verts) interprétés comme la foliation due à un cisaillement ductile vers le Nord qui traverserait toute la croute moyenne. Il s'agit d'une structure tardive puisqu'elle recoupe le Cisaillement Sud-Armoricain (CSA). Ce cisaillement crustal supposé recoupe aussi des réflecteurs à pendage Nord (traits violets) ce qui pose quelques problèmes. Remarquons que la suture éo-varisque de la faille de Nort-sur-Erdre n'est pas imagée du fait de son fort pendage. Toutefois, on notera que ce dessin n'est qu'une interprétation, d'autres sont également possibles.

L'empilement de nappes du domaine moldanubien

Le domaine moldanubien se caractérise par un ensemble de nappes pour la plupart syn-métamorphes. C'est dans le Massif Central (MCF) que cet édifice a été progressivement mis en évidence depuis les années 1970. Le détail de la géologie anté-permienne du Massif Central fait l'objet de plusieurs articles de Planet-Terre auxquels le lecteur est invité à se rapporter (cf. Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français 1/3 – Évolution des idées et architecture en nappes et les 2 suivants). Ici, seules la structure de nappe et la succession des évènements tectono-métamorphiques sont brièvement rappelées.

L'architecture du Massif Central

Du haut en bas de l'édifice de nappes classique, on reconnait les unités litho-tectoniques suivantes largement réparties dans tout le MCF (Fig. 33) : l'unité supérieure des gneiss (USG), l'unité inférieure des gneiss (UIG), l'unité para-autochtone (UPA), l'unité des plis-et-chevauchements, et le bassin d'avant-pays méridional.

Outre cette succession, il faut aussi mentionner des « unités particulières », restreintes à certaines régions : la série de la Somme, la nappe ophiolitique de la Brévenne, l'unité de Thiviers-Payzac, la série des « Tufs anthracifères ».

Schéma structural du Massif Central montrant les grandes unités lithotectoniques ainsi que les trois évènements compressifs (D1, D2, D3) décrits dans le texte

Figure 33. Schéma structural du Massif Central montrant les grandes unités lithotectoniques ainsi que les trois évènements compressifs (D1, D2, D3) décrits dans le texte

SSR : nappe de Saint-Sernin-sur Rance, SSC : nappe de Saint-Salvi de Carcavès.

M. Faure, J.-M. Lardeaux, P. Ledru, 2009. A review of the pre-Permian geology of the French Massif Central, C.R. Geoscience, 341, 2-3, 202-213



La pile de nappes classique

L'USG est l'unité la plus originale de l'édifice de nappes (Fig. 33, Fig. 34). C'est là que se rencontrent des alternances centimétriques à métriques de gneiss acides (leptynites) et d'amphibolites (métabasites ou roches volcano-clastiques basiques) appelées « complexe leptyno-amphibolique » (CLA) contenant des reliques métamorphiques de haute pression (éclogites et granulites). Certaines amphibolites à grenat sont des éclogites rétromorphosées dans lesquelles on retrouve parfois des textures magmatiques (gabbroïques ou doléritiques) indiquant une origine orthodérivée des protolithes. On connait également des masses hectométriques à kilométriques de péridotites serpentinisées. La partie supérieure de l'USG est constituée de migmatites (migmatites MI), d'âge dévonien, résultant de l'anatexie des séries gneissiques ortho- et para-dérivées. D'une façon générale, l'USG se rencontre sous forme de klippes : Limousin central, synforme d'Uzerche, Haut Allier, Marvejols, Lévezou.

L'UIG, tectoniquement sous-jacente à l'USG, ne diffère guère du point de vue lithologique. Elle est constituée de paragneiss (métagrès, métagrauwackes) et de micaschistes (métapélites), formant l'encaissant de niveaux volcano-sédimentaires acides et basiques. Des métaconglomérats, transformés en gneiss œillés, affleurent en plusieurs endroits. Dans la région de Tulle, des alternances acides-basiques forment un complexe leptyno-amphibolique mais contrairement à ceux de l'Unité Supérieure des Gneiss, il ne contient pas de reliques métamorphiques de HP. Les micaschistes et paragneiss de l'UIG sont métamorphisés dans le faciès amphibolite à biotite, grenat, staurotide, disthène et sillimanite fibrolitique. Des agrégats quartzo-feldspathiques à biotite-muscovite-sillimanite indiquent des conditions métamorphiques de haute température pouvant aller jusqu'à l'anatexie. Ces roches métamorphiques constituent l'encaissant de nombreux plutons de granites alcalins à calco-alcalins, souvent porphyriques, transformés en orthogneiss. Les datations Rb-Sr sur roche totale, et U-Pb sur zircon montrent deux groupes d'âge pour ces protolithes. Le plus important, bien développé dans le Limousin, correspond à l'Ordovicien inférieur (480-460 Ma). Un autre groupe d'âge entre 560 et 520 Ma représente un épisode magmatique de l'Édiacarien-Cambrien inférieur.

L'UPA représente l'autochtone relatif chevauché par la précédente. Elle affleure dans les Cévennes centrales, la région du Haut Lot et la Châtaigneraie. À l'Ouest du Sillon Houiller, elle forme la partie la plus profonde du massif du Millevaches. Dans le Limousin, elle apparait au cœur des fenêtres de Sussac, de la Drone, de Saint-Goussaud, du plateau d'Aigurande, et de la Sioule, à l'Est du Sillon Houiller (Fig. 33). Lithologiquement, l'UPA se caractérise par l'abondance de micaschistes sériciteux et de micaschistes quartzo-feldspathiques. D'autres lithologies, quartzites, amphibolites, marbres, sont subordonnées. Du point de vue structural et métamorphique, l'UPA du Sud du MCF a connu seulement l'évènement D3 (voir ci-dessous Les évènements varisques stricto sensu), caractérisé par des cisaillements ductiles vers le Sud ou le Sud-Est contemporains d'un métamorphisme de faciès schiste vert à amphibolite inférieur. En revanche l'UPA du Nord du MCF a enregistré la déformation NO-SE (D2) synchrone d'un métamorphisme barrowien à biotite-grenat-staurotide.

Il n'existe aucun âge paléontologique dans l'UPA, mais l'étude des zircons dans les niveaux volcano-sédimentaires des Cévennes montre un pic d'âge entre 480 et 460 Ma suggérant qu'au moins une partie de la série est d'âge ordovicien. On identifie aussi des zircons d'âge édiacarien (vers 550 Ma) et cambro-ordovicien (vers 490 Ma), ainsi, la présence de formations d'âge cambrien et néoprotérozoïque ne peut pas être exclue. On peut donc considérer que l'UPA du MCF est constituée de séries détritiques d'âge cambro-ordovicien et probablement édiacarien, avec des intercalations volcaniques acides et basiques d'âge cambrien ou ordovicien inférieur et à dominante géochimique alcaline.

L'unité des plis-et-chevauchements occupe le Sud du Massif Central où elle forme les versants Sud et Nord de la Montagne Noire, le horst du Lodévois, et le Viganais dans les Cévennes méridionales. On ne la connait pas dans les massifs armoricain et vosgien. Lithologiquement, cet ensemble contient surtout des roches sédimentaires : calcaires, grès et argilites dont l'âge s'étale du Cambrien inférieur (possiblement de l'Édiacarien) jusqu'au Carbonifère inférieur (Serpukhovien). La plateforme carbonatée du Dévonien moyen à supérieur se rencontre dans le versant Sud de la Montagne Noire et dans les Pyrénées (voir ci-dessous Les Pyrénées varisques). La discordance du Dévonien inférieur (vers 415-410 Ma) marquée par des conglomérats et des grès contenant des minéraux lourds (grenat, tourmaline, zircon) transportés du Nord vers le Sud depuis des domaines plus internes du MCF s'accorde avec un évènement précoce « éo-varisque ». Le Silurien manque presque partout, sauf dans certains olistolithes près de Cabrières, et dans la région de Murasson dans les Monts de Lacaune, où il se caractérise par des calcaires à orthocères et des pélites noires.

On connait en outre dans le versant Nord de la Montagne Noire des métarhyolites (appelées « porphyroïdes »), des tufs acides, et des roches basiques – laves basaltiques ou intermédiaires, brèches volcaniques, pyroclastites, filons de dolérite et quelques gabbros intercalés dans les séries cambriennes ou ordoviciennes. Des granites porphyriques alcalins (massifs du Mendic, des Cammazes, de Plaisance) d'âge cambrien probable, transformés en orthogneiss lors de la tectonique carbonifère, développent une auréole de métamorphisme de contact. Les orthogneiss œillés, avec des protolithes d'âge ordovicien inférieur, sont également très développés dans la zone axiale de la Montagne Noire. Il est maintenant bien admis que dans le domaine moldanubien, il n'existe pas de socle, c'est-à-dire un ensemble cristallin déformé et métamorphisé préalablement à l'orogenèse varisque. Ainsi, parler de plutonisme « cadomien » pour désigner ces manifestations magmatiques est incorrect car on ne connait pas d'arguments en faveur d'une orogenèse d'âge néoprotérozoïque dans le Massif Central. Toutes les formations de l'unité des plis-et-chevauchements sont très faiblement métamorphisées dans le faciès prehnite-pumpellyite, mais un métamorphisme plus intense dans le faciès amphibolite apparait autour du dôme de la zone axiale de la Montagne Noire. Une situation analogue se retrouve dans les Pyrénées centrales et orientales (dômes de Bosost, du Canigou, etc… voir Les Pyrénées varisques).

Le versant Sud de la Montagne Noire est bien connu pour ses plis couchés pluri-kilométriques mis en place du Nord vers le Sud dans le bassin d'avant-pays, puis replissés par des plis droits formés lors de la mise en place du dôme de la zone axiale (pour plus de détail, voir l'article La géologie anté-permienne de la Montagne Noire). Dans son ensemble, l'unité des plis-et-chevauchements représente un domaine externe non-métamorphique de la chaine varisque, structuré en chevauchements imbriqués à vergence Sud. La structure la plus septentrionale de cette unité est la nappe de Saint-Salvi-de-Carcavès (Fig. 33).

Le bassin sédimentaire d'avant-pays affleure dans la partie Sud-Est de la Montagne Noire et se prolonge sous les sédiments mésozoïques et cénozoïques du Languedoc pour réapparaitre dans le massif du Mouthoumet au Sud de Carcassonne, puis dans les Pyrénées. Il est également connu en Sardaigne et dans l'ile de Minorque aux Baléares (Fig. 1, Fig. 2). Il est formé de turbidites (flyschs) d'âge viséen à serpukhovien, voire bashkirien, comportant des faciès chaotiques de type schistes à blocs avec slumps et olistolithes de taille métrique à kilométrique, provenant des formations plus septentrionales de l'unité des plis-et-chevauchements. Depuis Gèze (1949), les olistolithes les plus gros sont appelés les « écailles de Cabrières » (pour plus de détail, voir l'article La géologie anté-permienne de la Montagne Noire).

Les « unités particulières » du Massif Central, restreintes à certaines régions

L'Unité de Thiviers-Payzac (UTP). Cette unité occupe la position la plus élevée de l'édifice de nappes du MCF. Elle surmonte tectoniquement l'USG, mais cette géométrie résulte de la superposition des évènements tectono-métamorphiques D1 et D2 (voir La succession des déformations compressives “épaississantes” D0-D3). Elle forme une bande allongée le long de la bordure Sud-Ouest du Massif Central, du Limousin au Quercy. Au-delà du Sillon Houiller, la nappe de Saint-Sernin-sur-Rance, bien que lithologiquement comparable à l'unité para-autochtone, doit être rattachée à l'UTP sur la base de ses caractéristiques structurales et métamorphiques. Les formations volcano-sédimentaires acides sont très développées dans l'UTP. Dans la région de Thiviers, les méta-rhyolites, méta-ignimbrites et tufs appelés « porphyroïdes de Génis » appartiennent à l'UTP et non à l'unité de Génis. Dans la nappe de Saint-Sernin-sur-Rance, on parle des « porphyroïdes de Réquista ». Les porphyroïdes de Vendée (Chantonnay, de Mareuil-sur-Lay), de Pornic, Belle Ile en Mer ou de Guérande sont comparables à ceux du Massif Central. Des méta-granites transformés en orthogneiss (Saut-du-Saumon et Corgnac dans le Limousin, d'Aynac dans le Quercy) forment des bandes allongées de 1 à 5 km et larges de quelques dizaines de mètres, intrusives dans les grès de Thiviers. Les âges Rb-Sr à 477 ± 22 Ma et à 361 ± 9 Ma, établis dans les orthogneiss du Saut-du-Saumon sont interprétés respectivement comme ceux du protolithe granitique et de la déformation régionale D2.

L'Unité de la Brévenne. Dans le Nord-Est du Massif Central (Fig. 33, Fig. 34), au Nord des Monts du Lyonnais et dans le Beaujolais, l'existence de laves basaltiques (parfois sous forme de pillow lavas), de diabases, gabbros, de péridotites serpentinisées, de roches volcano-sédimentaires basiques (grauwackes, grès à pyroxènes détritiques), de laves acides (kératophyres), de sédiments siliceux (argilites et radiolarites) est connue de longue date. Des amas sulfurés ont été anciennement exploités à Sain-Bel et à Chessy (cf. Les mines de cuivre de Chessy-les-Mines, (Rhône) [:] – Comparaison avec l'amas sulfuré voisin de Sain-Bel). Des granites albitiques sont également présents. Le chimisme tholéiitique des roches magmatiques s'accorde avec une série ophiolitique d'âge dévonien supérieur. L'âge des protolithes est mal contraint. Les kératophyres donnent un âge U/Pb sur zircon à 365 ± 10 Ma qui est probablement un âge minimum car les roches acides sont plus tardives que les roches basiques. Les formations de l'unité de la Brévenne sont déformées par la phase D2, à cinématique vers le Nord-Ouest et recouvertes en discordance par des grès du Viséen inférieur.

La série de la Somme et le Dévono-dinantien du Nord-Est du MCF. Cette série sédimentaire n'est connue que dans la partie Ouest du Morvan central. Il s'agit d'une succession de roches volcaniques (andésites, dacites, rhyodacites et rhyolites), et volcano-clastiques (grauwackes, conglomérats, pyroclastites, tufs), ainsi que d'amas sulfurés. La série de la Somme n'est ni métamorphique ni déformée ductilement, elle est datée paléontologiquement du Dévonien supérieur (Frasnien-Famennien, 380-370 Ma), mais le contact de base de la série avec son substratum n'est pas connu. Des galets calcaires, d'âge dévonien inférieur à moyen (Emsien à Givétien, 407-385 Ma), remaniés dans le Carbonifère suggèrent que la base de la série de la Somme pourrait atteindre le Dévonien moyen. Des gneiss, éclogites et migmatites, appartenant à l'USG, sont connus dans la région d'Autun, mais les relations entre ces roches métamorphiques et celles de la série de la Somme sont inconnues. Malgré l'absence d'arguments de terrain, on admet que les roches sédimentaires du Dévonien reposent en discordance sur ce substratum métamorphique. Les roches magmatiques présentent une signature géochimique calco-alcaline caractéristique d'un arc magmatique.

La série de la Somme est recouverte en discordance par des formations détritiques non métamorphiques et non déformées d'âge viséen inférieur et moyen composées de roches terrigènes et de calcaires.

La série des « Tufs anthracifères ». Cette formation n'existe que dans le Nord du Massif Central (Fig. 33), où elle affleure sous forme de deux “bandes” dans le Morvan septentrional au Nord d'Autun et dans la région de Roanne. Vers l'Ouest, la formation des « Tufs anthracifères » se prolonge dans la Montagne bourbonnaise, puis au Sud de la région de la Sioule, et dans le Limousin septentrional, où elle forme la partie la plus profonde du bassin de Bosmoreau-les Mines. Elle consiste en conglomérats à galets variés, notamment des fragments de roches métamorphiques et de granites, grès, silts avec des intercalations charbonneuses. Elle contient aussi des coulées volcaniques (rhyolites, dacites) et des filons de microgranite ou de dolérite. Elle est datée paléontologiquement du Viséen supérieur par des végétaux. Les datations radiométriques Rb/Sr et U/Pb vers 330 Ma confirment cet âge fini-carbonifère inférieur. La formation des « Tufs anthracifères » repose en discordance sur certains granites (par exemple le massif de Saint-Gervais-d'Auvergne dans la Sioule) et également sur la série d'arc de la Somme ou sur les ophiolites de la Brévenne. Cette formation est donc d'un marqueur chronologique essentiel pour l'évolution tectonique du Massif Central car dans le Nord du massif, elle scelle la déformation syn-métamorphe D2. Toutefois, il est important de noter que dans le Sud du MCF, la déformation D3 des unités para-autochtone et des plis-et-chevauchements est synchrone du dépôt de la formation des « Tufs anthracifères ».

La succession des déformations compressives “épaississantes” D0-D3

Quatre évènements tectono-métamorphiques, D0, D1, D2, D3 (Fig. 33), ont contribué à l'empilement des unités litho-stratigraphiques décrites dans le paragraphe précédent. Subséquemment, deux évènements D4 et D5 ont participé au “désépaississement” de l'orogène varisque. Ils ne seront pas abordés dans cet article.

Des arguments structuraux et chronologiques conduisent à distinguer deux cycles tectono-métamorphiques dans l'histoire du Massif Central et au-delà dans la chaine varisque française. Les évènements “précoces” D0 et D1, d'âge siluro-dévonien, regroupés dans un cycle éo-varisque, sont responsables du métamorphisme de haute pression et d'une première anatexie. Les évènements D2 et D3, d'âge fini-dévonien (Famennien) à carbonifère inférieur (Tournaisien-Viséen), ou varisques stricto sensu, sont responsables du métamorphisme barrowien de moyenne pression-moyenne température contemporains de chevauchements ductiles. Dans le Nord du Massif Central, à partir du Viséen supérieur, la pile de nappes commence à se “désépaissir”, alors que l'épaississement se poursuit dans la partie Sud du MCF. Le désépaississement ne débute qu'au Carbonifère supérieur (Bashkirien) dans le Sud du massif. Quel que soit son âge, le “désépaississement” crustal est associé à plusieurs épisodes de fusion crustale responsables de la mise en place de plutons granitiques et de dômes migmatitiques.

Les évènements éo-varisques

Trajets synthétiques Pression-Température-temps suivis par l'Unité Supérieure des Gneiss, et l'Unité Inférieure des Gneiss lors des évènements éo-varisques D0 et D1

Figure 36. Trajets synthétiques Pression-Température-temps suivis par l'Unité Supérieure des Gneiss, et l'Unité Inférieure des Gneiss lors des évènements éo-varisques D0 et D1

Lors de son exhumation, après le pic de pression (D0), l'USG connait une décompression adiabatique (proche d’isotherme) au cours de laquelle les lithologiques alumineuses (ortho- et paragneiss) connaissent une anatexie donnant naissance aux migmatites MI. L'UIG n'a connu qu'un pic de pression vers 0,12 GPa, puis une anatexie rétrograde lors de son exhumation.

D'après M. Faure, E. Bé Mézème, A. Cocherie, P. Rossi, A. Chemenda, D. Boutelier, 2008. Devonian geodynamic evolution of the Variscan Belt, insights from the French Massif Central and Massif Armoricain, Tectonics, 27.


Le métamorphisme de HP et UHP (D0). Connues depuis la fin du XIXe siècle, notamment par les travaux de Lacroix et de ses élèves, les roches de haute pression (HP) se rencontrent principalement dans les klippes formant l'Unité Supérieure des Gneiss (USG) du Massif Central (Fig. 35). Il s'agit de boudins de métabasites et plus rarement d'ultrabasites inclus dans des gneiss plagioclasiques (ou gneiss gris ou métagrauwackes) souvent migmatisés.

Les assemblages métamorphiques varient selon la lithologie du protolithe. Bien que souvent rétromorphosées en amphibolites à grenat, les métabasites sont passées dans le faciès éclogite (omphacite-quartz-rutile-zoïsite, disthène, coésite). Certaines roches se situent dans le faciès des granulites de haute pression (grenat-clinopyroxène, clinopyroxène-orthopyroxène-plagioclase-grenat).

On reconnait aussi des ultrabasites dont les plus grandes masses se trouvent dans la klippe de La Bessenoits en Rouergue, dans le Limousin central (La Lande, Merly), le Haut-Allier (Mont-Mouchet), les Monts-du Lyonnais (Bois-des-Feuilles). Il s'agit de lherzolites ou d'harzburgites très serpentinisées. Les péridotites du Bois-des-Feuilles dans les Monts du Lyonnais contiennent une paragenèse à grenat-spinelle. Contrairement au domaine Sud-Armoricain (voir ci-dessous), les roches du faciès des schistes bleus sont rares dans le Massif Central. Elles sont décrites en Rouergue dans la klippe de Najac.

Du fait de leur composition chimique et de leur degré d'hydratation, les roches quartzo-feldspathiques sont plus facilement rétromorphosées et les assemblages de HP ne sont pas bien identifiés. On observe des textures coronitiques de grenat autour de biotite ou de clinopyroxène cristallisé à partir de hornblende magmatique constituant des critères de reconnaissance de métamorphisme de HP développé à partir de protolithes magmatiques. Dans le Rouergue, la klippe du Vibal, appartenant à l'USG, contient un orthogneiss granodioritique d'âge cambrien qui est métamorphisé dans des conditions du faciès granulite de haute pression. Dans le Massif Armoricain, l'orthogneiss de la Picherais renferme aussi des assemblages de HP.

Des études détaillées ont permis de déterminer dans ces roches de haute pression des gradients géothermiques compris entre 7 et 15°C/km et un pic de pression de 3 GPa compatible avec un enfouissement à plus de 90 km (Fig. 36). Néanmoins, les trajets P-T sont ambigus car le synchronisme entre les pics de pression (Pmax) et de température (Tmax) n'est pas établi. Les éclogites du Massif Central indiquent des conditions de Pmax comprises entre 2 et 3 GPa et de Tmax entre 700 et 750°C. Les granulites de HP atteignent des valeurs de 1,5 GPa et 800-850°C. On peut donc proposer qu'après avoir passé le pic de pression, certaines éclogites ont été partiellement réchauffées. Ces conclusions s'appliquent également aux roches de HP du Massif Armoricain. Actuellement, il existe très peu de données sur les microstructures planaires ou linéaires développées dans les éclogites pendant l'évènement D0.

L'âge de l'évènement précoce de HP, D0, encore appelé éo-varisque, reste discuté. Dans le Sud-Est du Massif Central, les datations U-Pb sur des populations de zircons éclogitiques indiquent des âges à 415 ± 6 et 432 ± 20 Ma. Dans le Limousin, une datation de monograins de zircon par la méthode U-Pb, (ICP-MS) donne un âge à 421 ± 10 Ma. Un travail récent sur une éclogite du Limousin donne des âges U-Pb ICP-MS sur zircon à 405 ± 2 Ma. Le chronomètre Sm-Nd sur des métagabbros de la klippe de La Bessenoits fournit un âge à 408 ± 7 Ma et un âge Pb-Pb, par la méthode d'évaporation de zircon à 413 ± 23 Ma. Le cœur de monazites donne un âge U-Th-Pb à 415 ± 15 Ma. Des éclogites rétromorphosées de la klippe de Najac ont cependant fourni des âges isochrones Lu-Hf et Sm-Nd respectivement de 383 ± 1 et 377 ± 3 Ma, alors que l'âge de l'apatite tardive cristallisée dans les fractures de grenat est de 369 ± 13 Ma.

Les méthodes géochronologiques les plus modernes indiquent plutôt des âges du Dévonien supérieur - Carbonifère inférieur. L'interprétation des données géochronologiques reste toutefois toujours délicate car le comportement des chronomètres isotopiques dans les minéraux vis-à-vis de la déformation et des fluides hydrothermaux reste très mal appréciée. Il est difficile de déterminer si les âges obtenus reflètent bien le pic de pression ou indiquent déjà un intervalle temporel rétrograde du trajet P-T. En particulier, les âges aux alentours de 380 Ma des éclogites de Najac pourraient dater leur exhumation, car les calculs des isochrones Lu-Hf et Sm-Nd prennent en compte la hornblende cristallisée lors de la rétromorphose des roches de HP. Il est intéressant de noter que ces âges du Dévonien supérieur (385-375 Ma) et du Carbonifère inférieur (vers 360 Ma) sont similaires à ceux obtenus respectivement pour les évènements tectono-métamorphiques D1 et D2.

L'évènement de MP/MT (D1), 385-375 Ma. L'exhumation de la racine crustale de la chaine éo-varisque enfouie à des profondeurs mantelliques lors de l'évènement D0 est accommodée par des phénomènes structuraux, métamorphiques et anatectiques regroupés sous le terme d'évènement D1. Structuralement, D1 est le premier évènement identifié sur le terrain par la foliation majeure, S1, souvent à faible pendage et la linéation minérale et d'allongement, L1, orientée NE-SO, associée à une cinématique de la partie supérieure vers le Sud-Ouest (Fig. 35). Dans le Massif Central, L1, reconnue à la fois dans l'USG et l'UIG, est interprétée comme l'indication du chevauchement de l'USG sur l'UIG (Monts du Lyonnais, plateau d'Aigurande, Limousin, Sioule, Haut Allier, Artense, Rouergue).

Les métabasites du complexe leptyno-amphibolique de l'USG connaissent une décompression isotherme (Fig. 36). Les éclogites et les granulites de HP sont rétromorphosées en amphibolites à grenat et en amphibolites banales. Les datations 39Ar/40Ar sur amphiboles donnent des âges compris entre 379 et 385 Ma pour cette rétromorphose.

En revanche, les roches pélitiques (paragneiss et micaschistes) et quartzo-feldspathiques (orthogneiss) hydratées sont partiellement fondues pour donner naissance à des migmatites à biotite-sillimanite-muscovite±grenat±cordiérite, appelées « migmatites MI » (Fig. 36). Des restites d'orthogneiss encore reconnaissables dans certaines migmatites témoignent de l'histoire polyphasée de l'UIG et de l'USG. Il s'agit des granites d'âge cambrien ou ordovicien, mis en place lors des phases de rifting pré-orogénique, qui ont été déformés et orthogneissifiés lors des évènements D0 et D1, puis partiellement fondus à la fin de D1. À de très rares exceptions, comme la métagranodiorite de Pomeyrols dans la klippe du Vibal en Rouergue, ou l'orthogneiss de La Picherais dans le complexe de Champtoceaux, les orthogneiss n'ont pas conservé la trace de l'évènement D0. Cette absence peut être due soit à une oblitération complète des paragenèses de HP, soit au fait que ces roches n'ont effectivement jamais été profondément subductées dans les conditions du faciès éclogite. Si cette dernière interprétation est acceptable pour l'UIG, elle est difficilement recevable pour l'USG car orthogneiss et métabasites appartiennent au même ensemble magmatique bimodal contemporain du rifting pré-orogénique. Dans les premiers stades de l'anatexie MI, la présence de grenat et de feldspath potassique, la déstabilisation du disthène en sillimanite et du rutile en ilménite et l'absence de muscovite primaire traduisent des conditions de pression de 0,9 à 1 GPa et de température de 700 à 750°C. La fusion se poursuit ensuite dans des conditions de plus basse pression et température, respectivement de 0,4-0,6 GPa et 650-700°C au fur et à mesure de l'exhumation de l'USG et de l'UIG. Les données radiométriques U-Pb sur zircon et Rb-Sr sur roche totale et minéraux indiquent des âges compris entre la fin du Dévonien moyen (Givétien) vers 386 Ma et le début du Dévonien supérieur (Frasnien) vers 375 Ma. Les migmatites MI du Morvan, contiennent des amphibolites à grenat, des éclogites rétromorphosées, des péridotites à spinelle. Ces roches affleurent près d'Autun à proximité de la série sédimentaire et volcanique dévonienne (Frasnien, environ 380 Ma) de la Somme. Ces observations suggèrent que l'UIG et l'USG étaient placées dans les conditions supracrustales dès la fin du Dévonien. Les modélisations numériques indiquent que l'anatexie qui accompagne l'exhumation d'une croute continentale se déclenche environ 20 à 30 Ma après le pic de pression. Cet intervalle de temps s'accorde bien avec le cycle éo-varisque, rifting ordovicien inférieur – subduction continentale fini silurienne à éo-dévonienne – exhumation dévonienne, décrit ci-dessus.

Les évènements varisques stricto sensu
Schéma structural des Massifs Armoricain, Central et des Vosges localisant les données structurales, magmatiques et géochronologiques de l'évènement D2

Figure 37. Schéma structural des Massifs Armoricain, Central et des Vosges localisant les données structurales, magmatiques et géochronologiques de l'évènement D2

D'après M. Faure, E. Bé Mézème, M. Duguet, C. Cartier, J.Y. Talbot, 2005. Paleozoic tectonic evolution of medio-Europa from the example of the French Massif Central and Massif Armoricain, in Carosi R., Dias R., Iacopini D., and Rosenbaum G.(eds), The southern Variscan belt, Journal of the Virtual Explorer, 19, Paper 5


Trajets synthétiques Pression-Température-temps suivi par les Unités Supérieure des Gneiss, Inférieure des Gneiss, Para-autochtone et de Thiviers-Payzac pendant l'évènement D2 et plutonisme de type Guéret, tardi-Guéret

L'évènement de MP/MT (D2), 360-350 Ma. L'évènement D2 est bien identifié dans tout le Massif Central de sorte qu'il a parfois été considéré, à tort, comme le seul évènement responsable de son évolution tectono-métamorphique (Fig. 37). Il est reconnu dans toutes les unités litho-structurales, à l'exception de l'unité para-autochtone du Sud-Est du MCF (Cévennes, Albigeois méridional) et de celle des plis-et-chevauchements (Montagne Noire, Viganais). Pétrographiquement, le métamorphisme D2 est bien enregistré dans les protolithes alumineux. Les micaschistes à biotite-grenat-staurotide±disthène sont les roches les plus représentatives. Cet assemblage barrowien prograde indique des conditions thermo-barométriques de 600 à 750°C et 0,6-0,9 GPa (Fig. 38). Une linéation minérale et d'allongement systématiquement orientée NO-SE, associée à une cinématique vers le Nord-Ouest de la partie supérieure est l'élément structural caractéristique de l'évènement D2 (Fig. 37). Le métamorphisme inverse caractéristique de l'évènement D2 ne sera pas discuté ici (voir pour cela l'article Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français 2/3 – Évènements tectono-métamorphiques successifs).

Les datations radiométriques 39Ar/40Ar sur biotite, muscovite et amphibole dans la série du Lot donnent des âges compris entre 358 ±4 Ma et 340 ±4 Ma. Des âges comparables, autour de 350-346 Ma, sont mesurés sur les biotites de l'orthogneiss du Pinet, dans la série du Lot, et dans les Monts du Lyonnais. Un âge 39Ar/40Ar à 354 ±5 Ma sur biotite et muscovite a également été obtenu dans la série du Chavanon. Les monazites synfoliales contemporaines du métamorphisme barrowien fournissent des âges chimiques U-Th-Pb identiques dans les barres d'erreur, compris entre 365 ±5 et 357 ±4 Ma dans le Sud Limousin. Dans la série de la Sioule, les âges U-Th-Pb sur monazite varient entre 363 ±5 et 351 ±5 Ma.

Les ophiolites de la Brévenne sont déformées ductilement lors de leur charriage vers le Nord-Ouest sur les gneiss d'Affoux, formés de paragneiss, d'orthogneiss et de migmatites contenant des blocs d'amphibolites à grenat. Ces roches, équivalentes à l'Unité Supérieure des Gneiss, ont connu une rétromorphose pendant leur exhumation avant la tectonique responsable du charriage ophiolitique. Cette observation est un argument important pour montrer que la mise en place des ophiolites de la Brévenne relève d'une tectonique plus récente que celle responsable d'une partie des évènements tectono-métamorphiques reconnus dans l'USG et l'UIG, attribuée à D1. Les métagabbros et métabasaltes sont mylonitisés, selon une linéation d'allongement SE-NO. Cette déformation syn-métamorphe est rapportée à l'évènement D2 car elle est scellée par la discordance du Viséen inférieur au Goujet (Fig. 37).

Dans le Sud Limousin, l'empilement de l'USG sur l'UIG est replissé par l'antiforme de Tulle et le synforme d'Uzerche (Fig. 37). Ces unités montrent deux orientations de linéation. La famille précoce de direction NE-SO est contemporaine d'un métamorphisme à biotite-muscovite-plagioclase±sillimanite associé à une cinématique vers le Sud-Ouest. Elle est à rattacher à l'évènement D1. La seconde famille de direction NO-SE et à cinématique vers le Nord-Ouest est contemporaine d'un métamorphisme barrowien à biotite-grenat±staurotide attribuée à l'évènement D2.

Les unités de Thiviers-Payzac et de Génis, montrent une foliation subverticale et une linéation d'allongement subhorizontale formée lors du jeu senestre du décrochement d'Estivaux (Fig. 37). L'ensemble des formations de l'unité de Thiviers-Payzac est métamorphisé dans le faciès amphibolite lors de l'évènement D2. Le granite Tournaisien d'Estivaux est déformé lors de sa mise en place.

Plus généralement, les granites syncinématiques, à biotite±cordiérite de type Guéret présentent une orientation préférentielle magmatique, caractérisée par une foliation plate et une linéation NO-SE compatible avec l'évènement D2. Ces plutons, datés à 355 ±5 Ma (zircon, U-Pb, ICP-MS), se sont mis en place à la fin de l'évènement D2. Ces âges tournaisiens sont en bon accord avec les données stratigraphiques puisque le granite de Guéret et, à l'Est du Sillon Houiller, le massif de Saint-Gervais d'Auvergne et son encaissant métamorphique de la Sioule sont recouverts en discordance par des formations du Viséen inférieur (345-340 Ma), puis par les formations volcano-sédimentaires des « Tufs anthracifères » du Viséen supérieur (330 Ma). D2 est également reconnu dans le Sud du Massif Armoricain : Vendée, complexe de Champtoceaux, et domaine littoral Sud-Armoricain (voir chapitres suivants).

À l'échelle crustale, l'évènement D2 pourrait être interprété comme un déplacement vers l'Est de l'unité para-autochtone et de son substratum inconnu par rapport à l'UIG et l'USG déjà structurées lors de l'orogenèse éo-varisque. Ce serait donc une sorte de sous-charriage. L'évènement D2 est la phase majeure de l'orogenèse varisque correspondant à la collision entre Laurussia au Nord et Gondwana au Sud. Il correspond à ce qui est reconnu dans le Massif Armoricain sous le nom de « phase bretonne ». La discussion approfondie de ce phénomène sera considérée dans le chapitre suivant Le domaine moldanubien en Armorique méridionale).

L'évènement de BP/BT (D3), 345-320 Ma. L'évènement tectono-métamorphique D3 est le dernier qui accommode un épaississement de la marge gondwanienne dans le Massif Central, après la collision varisque réalisée lors de la phase D2. L'évènement D3 est localisé dans le Sud du Massif Central.

Dans le Nord du Massif Central, au Nord du pluton de la Margeride, les roches déjà structurées et métamorphisées par les évènements précoces, D0, D1 et D2, sont souvent rétromorphosées dans le faciès des schistes verts pendant D3. Dans le Nord Limousin (massif de Guéret), la Sioule, le Morvan, les Vosges, les séries métamorphiques ont déjà été exhumées dès le Viséen inférieur. La formation d'âge viséen supérieur des « Tufs anthracifères » (Fig. 33) est un marqueur essentiel pour décrypter l'évolution tectono-métamorphique de la chaine varisque.

L'évènement compressif D3 est bien développé dans les Cévennes, la Châtaigneraie, le Rouergue occidental et le Sud Millevaches (Fig. 33). Dans les Cévennes, la foliation à faible pendage Nord, porte une linéation d'allongement L3, Nord-Sud à N50E, exprimée dans les niveaux quartzo-feldspathiques ou les métaconglomérats. Les critères cinématiques indiquent majoritairement un cisaillement de la partie supérieure vers le Sud (ou vers le Sud-Ouest). Ces déformations ductiles syn-métamorphes sont contemporaines de l'empilement d'unités litho-tectoniques. Les micaschistes de l'unité para-autochtone des Cévennes ont connu un métamorphisme de BP/BT dans les faciès des schistes verts et amphibolite inférieur, croissant du Sud-Est vers le Nord-Est. Les conditions thermo-barométriques estimées sont de 450 à 580°C et 0,3 à 0,6 GPa. En outre, l'existence de biotite et de grenat post-foliaux suggèrent que l'unité para-autochtone des Cévennes a connu un poly-métamorphisme. Le métamorphisme D3, synchrone de l'épaississement a été en partie effacé par un évènement thermique post-nappe. À l'Est de la faille de Villefort, les datations 39Ar/40Ar sur biotite et muscovite indiquent des âges compris entre 340 et 325 Ma, considérés comme ceux du métamorphisme D3. Dans l'Albigeois et le Viganais, la déformation ductile à cinématique vers le Sud est contemporaine d'un métamorphisme de faciès schiste vert. Dans les micaschistes, des mesures de la cristallinité du graphite par spectrométrie Raman donnent des températures d'environ 300-400°C.

L'unité des plis-et-chevauchements, tectoniquement sous-jacente à l'unité para-autochtone, est déformée par des plis à vergence Sud, parfois syn-schisteux, mais quasiment exempts de métamorphisme (faciès prehnite-pumpelliyte ). Les plis couchés du versant Sud de la Montagne Noire sont les structures emblématiques des déformations D3 dépourvues de métamorphisme associé (pour plus de détail voir l'article La géologie anté-permienne de la Montagne Noire (Sud du Massif Central)). Dans les séries paléozoïques du versant Sud de la Montagne Noire, les températures mesurées par la cristallinité de l'illite, la couleur d'altération des conodontes, les inclusions fluides et la cristallinité de la matière organique par spectrométrie Raman sont de l'ordre de 250 à 300°C. Ces températures anchizonales obtenues dans des pélites carbonées du Paléozoïque du versant Sud de la Montagne Noire ne sont pas directement liées aux plis couchés, mais plutôt à la mise en place du dôme granitique et migmatitique de la zone axiale qui se développe à la fin ou après l'évènement D3.

L'âge de l'évènement D3 évolue du Nord vers le Sud. À Marvejols, la zone mylonitique qui jalonne le contact chevauchant de l'USG sur l'UIG contient des boudins de pegmatite datée du Viséen à 345 ±10 Ma. Dans les Cévennes, les datations 39Ar/40Ar donnent des valeurs comprises entre 340-330 Ma pour des biotites et muscovites de la Cézarenque, et 325-320 Ma pour des biotites de la métadiorite d'Aire-de-Côte et des muscovites dans la série micaschisteuse. Ainsi dans les Cévennes centrales, un âge autour de 325 Ma pour la déformation syn-métamorphe D3 est probable. En Montagne Noire, l'âge de la tectonique syn-sédimentaire est fixé par celui des turbidites dans lequelles se mettent en place les plis couchés au Serpukhovien ou au Bashkirien (320-315 Ma).

L'évènement D3 n'est pas décrit dans les Vosges centrales et méridionales et dans le domaine Sud-Armoricain (sauf peut-être vers Brétignolles, au Nord des Sables d'Olonne). En revanche, dans les Pyrénées, les plis couchés impliquant des flyschs du Viséen-Serpukhovien sont à rapporter à cet évènement (voir ci-dessous Les Pyrénées varisques – La tectonique des ensembles sédimentaires).

Le domaine moldanubien en Armorique méridionale

Les corrélations Massif Central-Massif Armoricain sous le Bassin de Paris
Schéma structural et coupe de la chaine varisque sous la partie Sud-Ouest du Bassin de Paris

Figure 39. Schéma structural et coupe de la chaine varisque sous la partie Sud-Ouest du Bassin de Paris

Les corrélations lithologiques et structurales sont basées sur les données gravimétriques et aéromagnétiques.

D'après J. Baptiste, G. Martelet, M., L. Beccaletto, P.-A. Reninger, J. Perrin, Y. Chen, 2016. Mapping of a buried basement combining aeromagnetic, gravity and petrophysical data: The substratum of southwest Paris Basin, France, Tectonophysics, 683, 333-348 [pdf]


Le Massif Central et le Sud du Massif Armoricain appartiennent tous les deux au domaine moldanubien, mais la continuité géologique entre ces deux régions est masquée par les dépôts mésozoïques du seuil du Poitou. Les données gravimétriques et aéromagnétiques apportent des arguments permettant de proposer des corrélations lithologiques et structurales entre le Nord du Massif Central (plateau d'Aigurande) et le Sud-Est du Massif Armoricain, au Nord-Est de la branche Sud du cisaillement Sud-Armoricain (Fig. 39). Selon ces données, la suture éo-varisque se situerait approximativement à la latitude de Vierzon, et les formations néoprotérozoïques ainsi que la couverture volcano-sédimentaire paléozoïque de la nappe des Mauges semblent se poursuivre largement vers l'Est, au moins jusqu'à Bourges.

Le domaine Sud-Armoricain

La branche Sud du cisaillement Sud-Armoricain (CSA) recoupe la faille de Nort-sur-Erdre et interrompt ainsi la continuité occidentale de la suture éo-varisque (Fig. 16). Au Sud de la branche Sud du CSA, le domaine Sud-Armoricain est souvent subdivisé en deux régions : l'anticlinal de Cornouailles le long de la côte Sud bretonne, et la Vendée au Sud de la Loire. Mais cette distinction est géographique et non géologique puisqu'on retrouve des unités géologiques similaires dans ces deux régions (Fig. 40).

Schéma structural du domaine Sud-Armoricain

Figure 40. Schéma structural du domaine Sud-Armoricain

BN CSA : branche Nord du cisaillement Sud-Armoricain, BS CSA : branche Sud du cisaillement Sud-Armoricain.

D'après

F. Cagnard, D. Gapais, J.-P. Brun, C. Gumiaux, J. Van den Driessche, 2004. Late pervasive crustal-scale extension in the south Armorican Hercynian belt (Vendée, France), J. Struct. Geol. 26, 3, 435-449

P. Turrillot, R. Augier, M. Faure, 2009. The top-to-the-southeast Sarzeau shear zone and its place in the late-orogenic extensional tectonics of southern Armorica, Bull. Soc. Géol. France, 180, 3, 247-261


Le domaine Sud-Armoricain se caractérise par une très importante fusion crustale donnant naissance à des dômes migmatitiques et des granites à biotite-muscovite. Les structures les plus évidentes du domaine Sud-Armoricain sont liées à la mise en place des dômes. Il est cependant possible de retrouver des reliques de l'édifice de nappes antérieur. On distinguera ainsi : i) des unités supérieures de haute pression, ii) une unité intermédiaire dépourvue de métamorphisme de haute pression, iii) une unité inférieure intensément reprise lors de la mise en place des phénomènes anatectiques. Les contacts de nappes, responsables de l'épaississement crustal, sont souvent réactivés en failles de détachement contemporaines de l'amincissement.

Les unités supérieures de haute pression

Outre le complexe de Champtoceaux décrit plus haut (cf. ci-dessus La suture éo-varisque et le complexe de Champtoceaux), des roches de haute pression sont connues en plusieurs endroits du domaine Sud-Armoricain. Du Nord-Ouest au Sud-Est, il s'agit du complexe de la baie d'Audierne, l'ile de Groix, l'unité du Bois-de-Céné, et le complexe des Essarts. Les études thermo-barométriques conduisent à distinguer deux types d'unités selon leur maximum de température atteint au cours de la subduction (Fig. 40).


Carte de la partie occidentale du domaine Sud-Armoricain, de la baie d'Audierne à Qimperlé

Le complexe de la baie d'Audierne.

À l'extrémité Nord-occidentale du domaine Sud-Armoricain, le complexe de la baie d'Audierne, au Sud de la Pointe du Raz, expose des unités métamorphiques (Fig. 16, Fig. 42). Du fait des conditions d'affleurement limitées entre des granites à deux micas déformés par le cisaillement Sud-Armoricain au Sud de Quimper et des granites non déformés vers Pont-l'Abbé, cet ensemble est difficile à replacer dans l'architecture de nappes du domaine Sud-Armoricain. Cependant sa position septentrionale conduit à le situer à proximité de la suture éo-varisque. Toutes les formations du complexe de la baie d'Audierne présentent une foliation à pendage Nord. Du haut en bas de la pile, soit du Nord au Sud, on reconnait l'unité des micaschistes de Penhors avec de rares intercalations basiques séparées par un contact tectonique renfermant des boudins d'éclogite, d'orthogneiss datés à 470 ±7Ma et des micaschistes à grenat-disthène, qui chevauchent une unité métamorphique plus variée. Cette dernière est formée i) de serpentinites, ii) d'amphibolites (Peumerit) à plagioclase-grenat dérivées de métagabbros dont des zircons ont livré des âges U-Pb à 384 ±6 Ma, iii) des roches volcaniques et volcano-sédimentaires basiques à albite-épidote-actinote-chlorite (Trégoat), iv) de micaschistes à grenat-chloritoïde (Trégoat), v) de l'orthogneiss de Plonéour-Lanmeur daté sur zircon à 498 ±14 Ma par la méthode Pb/Pb, vi) des miscaschistes et métavolcanites de Nerly. Les amphibolites de Peumerit sont des métagabbros dont certains, bien que rétromorphosés en amphibolite à grenat, préservent des reliques d'éclogite et de granulite de haute pression.

La klippe de l'ile de Groix.

Cette région est un site emblématique de la chaine varisque car son littoral expose remarquablement le plus vaste ensemble de schistes bleus de France (Fig. 40) (cf., par exemple, Les glaucophanites de l'île de Groix ou encore Les plages de l'ile de Groix (Morbihan) : diversité des roches métamorphiques associées à la subduction de l'océan Galice – Massif Central). L'ile de Groix est constituée de micaschistes, de roches volcano-sédimentaires basiques (tufs, silts) et de métabasites (gabbros, basaltes). Les protolithes des glaucophanites de l'ile de Groix sont interprétés comme des fragments de sédiments et de croute océanique obductés pendant la tectonique varisque. Des roches de haute pression retrouvées en dragages autour de l'ile suggèrent que les schistes bleus occupent une plus grande superficie que celle actuellement émergée.

L'ile de Groix est interprétée comme une klippe de roches de haute pression-basse température avec des paragenèses à glaucophane-grenat-épidote-lawsonite. Elle est subdivisée en un domaine occidental inférieur moins métamorphique et un domaine oriental supérieur de plus haute pression séparés par l'isograde du grenat. Les conditions thermo-barométriques calculées à partir des métapélites et des métabasites à grenat-lawsonite-épidote de la klippe de l'ile de Groix sont comprises entre 400-450°C et 1,4 et 1,6 GPa pour l'unité inférieure et entre 450-500°C et 1,6-1,8 GPa pour l'unité supérieure (Fig. 41). Les micaschistes de HP sont ensuite rétromorphosés dans des conditions quasi-isothermes pendant une exhumation syntectonique pour atteindre des conditions de basse pression d'environ 0,4 GPa du faciès des schistes verts.

Les métabasites de l'ile de Groix portent une linéation d'allongement orientée NO-SE associée à deux phases de déformation. La première, contemporaine du métamorphisme de HP, est caractérisée par un cisaillement ductile vers le Sud-Est. Les célèbres plis en fourreaux se développent également lors de cette phase. La seconde déformation, synchrone de la rétromorphose dynamique dans le faciès des schistes verts pendant l'exhumation des roches de HP, est associée à une cinématique vers le Nord-Ouest. Les schistes bleus de l'ile de Groix ont fait l'objet de datations multiméthodes U-Pb, Rb-Sr et 39Ar/40Ar. Les premières mesures sur zircon détritiques indiquent des âges à 422 ±16 Ma et 399 ±12 Ma. En revanche, les datations 39Ar/40Ar et Rb-Sr fournissent des âges entre 370-360 Ma pour la phase de HP et de 350-345 Ma acquis lors du trajet rétrograde des unités de HP pendant leur exhumation.

La klippe du Bois-de-Céné.

Les glaucophanites à grenat-lawsonite-épidote de la klippe du Bois-de-Céné (Fig. 40, Fig. 43) ont été métamorphisées dans le faciès des schistes bleus à épidote dans des conditions thermo-barométriques de 500°C et 1,1 GPa. Du fait des médiocres conditions d'affleurement, il existe très peu de données structurales sur cette klippe.

Coupe schématique du domaine Sud-Armoricain dessinée d’après les données de surface

Figure 43. Coupe schématique du domaine Sud-Armoricain dessinée d’après les données de surface

BN CSA : branche Nord du cisaillement Sud-Armoricain, BS CSA : branche Sud du cisaillement Sud-Armoricain.


Le complexe métamorphique des Essarts.

L'existence de roches de HP dans cette unité vendéenne est connue depuis 1830 (Fig. 40). Le complexe des Essarts forme une lanière comprise entre deux décrochements dextres du systèmes Sud-Armoricain, son prolongement en rive droite de la Loire est mal défini du fait des mauvaises conditions d'affleurement. La plupart des roches basiques sont des amphibolites avec ou sans grenat, issues de la rétromorphose d'éclogites. Ces éclogites ont préservé des assemblages de HP et HT à grenat-omphacite-rutile et certaines roches, notamment autour du lac de Grandlieu, contiennent de spectaculaires grenats pluri-centimétriques. Les études thermo-barométriques indiquent des conditions de 650-750°C et 1,6 GPa, mais le pic de pression pourrait atteindre 2 GPa. Un âge U-Pb sur zircon à 436 ±15 Ma a été interprété comme celui du métamorphisme éclogitique. Cependant d'autres études U/Pb plus récentes ne confirment pas cet âge. Les zircons analysés donnent des âges à 467 ±8 Ma et 487 ±12 Ma interprétés comme ceux de la mise en place des protolithes.

Outre les éclogites dérivées de protolithes gabbroïques, le complexe des Essarts contient des orthogneiss œillés, issus de granites porphyriques à tendance alcaline. L'orthogneiss de Mervent forme le massif le plus important qui s'étend sur près de 80 km. L'intense déformation décrochante dextre d'âge carbonifère supérieur a oblitéré les relations primaires entre les roches basiques et les intrusifs granitiques. Cependant la présence de reliques de métamorphisme de HP dans les orthogneiss conduit à regrouper ces roches dans la même unité des Essarts (on parle parfois de l'unité des Essarts-Mervent) qui s'apparente au complexe de Champtoceaux du domaine ligérien et à l'Unité Supérieure des Gneiss du Massif Central. La datation Rb/Sr sur roche totale de l'orthogneiss de Mervent donne un âge à 446 ±22 Ma interprété comme celui du granite initial. Le complexe des Essarts présente aussi des paragneiss et des micaschistes métamorphosés dans le faciès des amphibolites. Ces roches, dépourvues de métamorphisme éclogitique probablement à cause d'une intense rétromorphose, sont considérées comme l'encaissant des éclogites.

Certains gneiss contiennent des paragenèses à biotite-grenat-cordiérite ±sillimanite témoignant d'un évènement, de haute température et basse pression. Les conditions thermo-barométriques du métamorphisme antérieur à l'éclogitisation sont estimées à 770°C et 0,5 GPa (Fig. 41). Dans ces mêmes roches, les conditions du métamorphisme de HP sont estimées à 650-700°C et 1,65 GPa. Ce métamorphisme de HT précoce anté-éclogitique, peut être considéré comme la trace d'un évènement de HT pré-varisque. En outre, les orthogneiss contiennent des couronnes réactionnelles à grenat-phengite-rutile cristallisées autour de biotite magmatique. L'interprétation la plus probable de ces données pétrologiques est que les protolithes du complexe des Essarts ont préservé un métamorphisme de HT (de contact) contemporain de la mise en place des granites lors du rifting ordovicien (voir la partie L'évolution géodynamique de la chaine varisque).

L'unité de Saint-Martin-des-Noyers forme une étroite lanière qui se développe au Sud du complexe des Essarts, au Sud-Est de Mervent (Fig 44). Cette unité est essentiellement composée d'amphibolites à grenat présentant des affinités géochimiques de basaltes et dolérites tholéiitiques et plus rarement de métarhyolites, de métadacites et de micaschistes à grenat-chlorite. Les roches de l'unité de Saint-Martin-des-Noyers n'ont jamais connu de métamorphisme éclogitique, mais des assemblages à grenat-hornblende barroisitique (amphibole calco-sodique ayant la même signification que la glaucophane) permettent d'établir des conditions métamorphiques de MP/MT à 0,7-0,8 GPa et 500-600°C. Elles doivent donc être distinguées du complexe des Essarts. Sur la base de leurs caractères géochimiques, les métabasites ont été interprétées comme formées dans un contexte de magmatisme d'arc. Malgré une verticalisation générale de la foliation due aux décrochements tardifs, il semble que le complexe éclogitique des Essarts surmonte tectoniquement l'Unité de Saint-Martin-des-Noyers, mais le détail des structures et le contexte tectonique régional de cette unité reste encore mal compris.

Schéma structural de la Vendée et du domaine ligérien

Figure 44. Schéma structural de la Vendée et du domaine ligérien

D'après

M. Ballèvre, J. Marchand, G. Godard, J.-C. Goujou, Jean Christian, R. Wyns, 1994. Eo-Hercynian Events in the Armorican Massif, in Pre-Mesozoic geology in France and related areas, Springer-Verlag, 183-194

M. Colchen, P. Rolin, 2001. The Hercynian belt in Vendée, Géologie de la France, 53-85


L'unité intermédiaire

Les unités de haute pression chevauchent une unité sous-jacente constituée de métapélites, paragneiss, orthogneiss et métabasites. Dans la partie basale de cette unité, on reconnait une formation remarquable de rhyolites, tufs acides et ignimbrites, caractérisée par des porphyroclastes centimétriques de feldspath potassique ou « porphyroïdes » d'âge ordovicien inférieur. Cette unité intermédiaire est parfois appelée la « nappe des porphyroïdes » ou encore « la nappe de Saint-Gilles ». Les porphyroïdes sont très développés en Vendée, dans l'estuaire de la Loire (Pornic, Guérande) ou à Belle-Ile. Toutes ces roches ont connu un métamorphisme barrowien de MP/MT. Malgré l'importante rétromorphose locale (par exemple à Saint-Gilles), les paragenèses à biotite-grenat-staurotide ±disthène sont fréquentes dans les micaschistes, par exemple dans les séries de la Vilaine, de Belle-Ile ou de Vendée. Les conditions thermo-barométriques varient selon les régions, mais globalement elles sont comprises respectivement entre 500-600°C et 0,5-0,8 GPa. Structuralement, l'unité intermédiaire est caractérisée par la présence d'une spectaculaire linéation minérale et d'allongement orientée Est-Ouest, très pénétrative et très bien exprimée par l'allongement des porphyroclastes de quartz et de feldspath dans les porphyroïdes. La cinématique associée à la linéation d'allongement indique un cisaillement vers le Nord-Ouest.

À l'échelle du domaine moldanubien français, cette unité intermédiaire évoque l'Unité Inférieure des Gneiss par son contenu lithologique et métamorphique. Notamment les porphyroïdes de Vendée et de Bretagne méridionale sont comparables à ceux connus dans le Sud Limousin (porphyroïdes de Génis), du Rouergue et de l'Albigeois. Les caractéristiques structurales et métamorphiques de cette unité sont identiques à l'évènement D2 décrit dans le Massif Central (Fig. 37). En outre, on peut reconnaitre, par exemple à l'ile d'Yeu, un évènement plus ancien que D2 représenté notamment par des linéations subméridiennes associées à un cisaillement vers le Sud et contemporaines d'un métamorphisme de moyenne pression à disthène qui devrait être corrélé avec l'évènement D1 du Massif Central.

L'unité inférieure et les dômes migmatitiques

Cette unité forme la partie la plus profonde de l'édifice de nappes du domaine Sud-Armoricain. Elle affleure en Vendée littorale, entre Brétignolles et les Sables d'Olonne (Fig. 40, Fig. 44). La partie supérieure et septentrionale de la série, vers Brétignolles, expose des roches peu métamorphiques mais très déformées (Fig. 45A). On rencontre des radiolarites noires d'âge silurien, des lentilles de calcaire recristallisé et des grès et microconglomérats ordoviciens. Des pélites rouges et noires, à lits arkosiques, renferment des nodules phosphatés ayant livré des conodontes et radiolaires du Tournaisien. La diversité lithologique et la forme en blocs de certaines roches suggèrent qu'il s'agit d'un olistostrome à matrice d'âge tournaisien. Le sommet de la série est constitué d'alternances flyschoïdes de bancs de grès arkosiques et de pélites turbiditiques supposées d'âge viséen.

La partie méridionale de la série des Sables d'Olonne est composée des micaschistes, arkoses et métaconglomérats et quartzites dont le domaine le plus profond est constitué d'un orthogneiss migmatitique recoupé par un granite à biotite (granite du Puy d'Enfer) et un réseau dense de filons de pegmatites et d'aplites plissés ou boudinés selon leur position par rapport aux axes de déformation (Fig. 45B).

Coupes dans l'unité inférieure du domaine Sud-Armoricain, Brétignolles - Sables d'Olonne

Figure 45. Coupes dans l'unité inférieure du domaine Sud-Armoricain, Brétignolles - Sables d'Olonne

A : Coupe de l'estran de Brétignolles au contact entre l'Unité intermédiaire (nappe des porphyroïdes et schistes de Saint-Gilles) et l'Unité inférieure (partie supérieure de la série des Sables d’Olonne).

La formation à blocs (olistrostrome de Brétignolles) est datée du Tournaisien par radiolaires et conodontes. Les grès feldspathiques flyschoïdes sus-jacents sont supposés du Tournaisien. L'ensemble de la série est peu métamorphique mais sévèrement déformée par deux phases de plissement.

M. Colchen, D. Poncet, 1989. Présence, dans la série paléozoïque de Brétignolles-sur-Mer (Vendée, sud du Massif Armori-cain), d'une formation à blocs et olistolites d'âge Dinantien. Conséquences géodynamiques. C.R. Acad. Sci. Paris, II, 309, 1503-1507

B : Coupe de la partie méridionale de la série des Sables d'Olonne avec les principaux minéraux métamorphiques formés soit pendant l'anatexie et le dôme migmatitique soit pendant l’évènement D2.

D'après M. Colchen, P. Rolin, 2001. The Hercynian belt in Vendée, Géologie de la France, 53-85


Carte du métamorphisme autour du dôme des Sables d'Olonne

Figure 46. Carte du métamorphisme autour du dôme des Sables d'Olonne

D'après

J.C. Goujou, 1992. Analyse pétro-structurale dans un avant-pays mé́tamorphique : influence du plutonisme tardi-orogénique varisque sur l'encaissant épi- à mé́sozonal de Vendée. Doc. BRGM 216, 347p.

F. Cagnard, D. Gapais, J.-P. Brun, C. Gumiaux, J. Van den Driessche, 2004. Late pervasive crustal-scale extension in the south Armorican Hercynian belt (Vendée, France), J. Struct. Geol. 26, 3, 435-449


Âges chimiques U-Th-Pb sur monazite des migmatites du domaine Sud-Armoricain (Quimperlé, Auray, Morbihan, Vilaine, Saint-Nazaire, Les Sables d'Olonne, La Roche-sur-Yon) et de granites à deux micas tardi-migmatitiques (Ploemeur, Carnac, Quiberon)

Il existe un très net gradient métamorphique croissant du Nord au Sud. En effet, malgré une lacune d'observation entre les parties Nord et Sud de la coupe, on passe progressivement de roches non métamorphiques à Brétignolles, jusqu'à des migmatites à biotite-grenat-sillimanite autour de la ville des Sables d'Olonne. Les études métamorphiques détaillées, donnent une évolution thermo-barométrique de 500°C et 0,4 GPa jusqu'à 700°C et 0,7 GPa. La disposition de la foliation et des isogrades dessine un arc de cercle suggérant une structure en dôme dont l'essentiel est masqué sous la mer (Fig. 46).

Dans cette série métamorphique, on observe aussi des porphyroblastes de grenat, biotite, staurotide et disthène qui s'accordent mal avec le métamorphisme de HT-MP associé au dôme migmatitique des Sables d'Olonne. Ces minéraux, contenus dans la foliation et souvent déformés, sont antérieurs au dôme. Ils suggèrent qu'un métamorphisme de MP/MT a précédé la formation du dôme. Structuralement, dans la série des Sables d'Olonne, la foliation porte une linéation minérale et d'allongement orientée Est-Ouest et associée à des critères de cisaillement ductile vers l'Ouest. Le déchiffrement des caractères métamorphiques et structuraux de la série des Sables d'Olonne est délicat. L'existence d'un dôme migmatitique et granitique est indéniable, mais il est très probable que ce doming ait été précédé par un évènement tectonique contemporain d'un métamorphisme de MP/MT. Du fait de l'intense superposition structurale due aux dômes migmatitiques, cet évènement n'est pas clairement identifié. Il pourrait être attribué à l'évènement D2 connu dans le Massif Central (Fig. 37). À Brétignolles, on identifie deux phases de déformation, des plis droits ou déversés qui peuvent être reliés au doming replissent des plis isoclinaux (Fig. 45A).

L'ensemble du domaine Sud-Armoricain est caractérisé par l'abondance de dômes migmatitiques : Quimperlé-Hennebont, Morbihan, Vilaine, Saint-Nazaire, Les Sables d'Olonne, Aubigny, La Roche-sur-Yon, allongés dans la direction NO-SE (Fig. 40). Dans le Morbihan, la foliation migmatitique subverticale porte une linéation minérale et d'allongement orientée NO-SE. Les migmatites contiennent des blocs allongés d'amphibolites et de gneiss à biotite-grenat-sillimanite-cordiérite appelées localement « morbihanites ». Il s'agit de kinzigites appartenant au faciès des granulites de HT/MP. Ces roches représentent des résidus de fusion, ou restites, une fois que les liquides silicatés à l'origine des migmatites ont été expulsés. Des rares reliques de disthène peuvent également être observées dans ces roches. Une estimation thermo-barométrique indique des conditions de 800-900°C et 1-1,2 GPa pour le climax métamorphique et 700-800°C et 0,6-0,8 GPa lors de l'exhumation. Les monazites cristallisées pendant l'anatexie donnent des âges U-Th-Pb compris entre 325 et 320 Ma (Fig. 47). Un contexte tectonique extensif est généralement proposé pour la mise en place de ces dômes, mais cette interprétation, bien que très plausible, n'est étayée par aucune donnée structurale. En revanche, la tectonique extensive est bien documentée dans les plutons tardi- à post-métamorphiques (par exemple Quiberon, Carnac), datés de 320-318 Ma sur monazite, dont la mise en place syn-cinématique est associée à des failles de détachement à faible pendage (Fig. 47).

La structure du domaine Sud-Armoricain en nappes syn-métamorphes remaniées par des dômes migmatitiques est également bien documentée par le profil ARMOR 2 (Fig. 48). Dans la croute moyenne, l'ondulation des réflecteurs est en accord avec les dômes migmatitiques de Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon et Aubigny reconnus en surface. Les réflecteurs à faible pendage sont interprétés soit comme des failles de détachement, soit comme des chevauchements plus anciens mais ayant pu être réutilisés en faille normale.

Interprétation géologique de la partie Sud du profil ARMOR 2

Figure 48. Interprétation géologique de la partie Sud du profil ARMOR 2

L'ondulation des réflecteurs dans la croute moyenne est en accord avec les dômes migmatitiques de Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon et Aubigny reconnus en surface. Les réflecteurs à faible pendage sont interprétés comme des failles de détachement.

D'après A. Bitri, J.-P. Brun, D. Gapais, F. Cagnard, C. Gumiaux, J. Chantraine, G. Martelet, C. Truffert, 2010. Deep reflection seismic imaging of the internal zone of the South Armorican Hercynian belt (western France) (ARMOR 2/Géofrance 3D Program), C.R. Geoscience, 342, 6, 448-452


Les lanières vendéennes

Entre l'Unité des Essarts et la nappe des Mauges, les failles décrochantes dextres de Chantonnay, de la branche Sud du CSA (ou faille de Secondigny), et de Cholet divisent la Vendée en deux compartiments : le synclinal de Chantonnay et l'unité du Haut Bocage qui possèdent des caractéristiques lithologiques ou structurales contrastées (Fig. 44). Les failles vendéennes forment une structure en « queue de cheval » qui amortissent les mouvements décrochants Sud-Armoricains.

Le synclinal de Chantonnay

Cette unité qui occupe la partie centrale de la Vendée est limitée au Nord par la branche Sud du CSA et au Sud par la faille de Chantonnay. Elle est composée d'une série sédimentaire datée paléontologiquement du Paléozoïque. Les grès, silts, grauwackes et conglomérats d'âge cambrien et probablement édiacarien sont traversés par des filons de dolérite et surmontés par des métarhyolites et ignimbrites de l'Ordovicien inférieur (vers 480 Ma), puis par des quartzites blancs très riches en quartz de l'Ordovicien inférieur (lithostratigraphiquement corrélés avec le Grès armoricain) et par une succession de pélites et de radiolarites (phtanites) datées par graptolites de l'Ordovicien supérieur-Silurien inférieur. La partie supérieure formée de shales sériciteux et de quartzites contient des brachiopodes, des crinoïdes, des conodontes et des tentaculites de la base du Dévonien supérieur (Eifélien-Givétien, 400-385 Ma). Le sommet de la série est constitué par les basaltes tholéiitiques calco-alcalins de La Meilleraie considérés comme formés dans un contexte d'arc volcanique. Lithologiquement, la série de Chantonnay est comparable à celle des unités de Thiviers-Payzac et de Génis dans le Limousin méridional et également à celle qui forme la nappe de Saint-Sernin-sur-Rance dans le Rouergue (cf. Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français 1/3 – Évolution des idées et architecture en nappes).

Dans la partie Nord-Ouest du synclinorium de Chantonnay, l'unité de Montaigu est constituée d'amphibolites, leptynites, métagrauwackes, micaschistes à biotite-grenat, et orthogneiss (dit de Montaigu). Les conditions d'affleurement ne permettent pas de déterminer la nature sédimentaire ou tectonique du contact entre l'unité de Montaigu et la série paléozoïque sus-jacente de Chantonnay. Les alternances acides-basiques suggèrent une interprétation de ce magmatisme en terme de complexe leptyno-amphibolique, mais l'absence de métamorphisme de haute pression permet de penser que l'unité de Montaigu pourrait être équivalente à l'Unité Inférieure des Gneiss du Massif Central.

Dans la partie Sud-Est du synclinorium, à La Villedé d'Ardin (Fig. 44), affleurent des formations gréseuses, conglomératiques et des calcaires construits datés du Dévonien moyen (Givétien). La série dévonienne de La Villedé d'Ardin n'est pas déformée ductilement mais elle est limitée par des décrochements, de sorte que les contacts sédimentaires initiaux entre cette série et son substratum sont inconnus. Sur la bordure Sud du synclinorium de Chantonnay des formations charbonneuses du Carbonifère supérieur (Serpukhovien-Gzhélien) regroupées sous le nom de “Sillon Houiller de Vendée” sont cataclasées pendant un jeu fragile tardif des failles armoricaines.

La série paléozoïque de Chantonnay est déformée par des plis droits synschisteux globalement structurés en un synclinorium d'échelle plurikilométrique d'axe NO-SE. Ces plis droits sont probablement associés aux décrochements transpressifs dextres comme pour les structures Sud-limousines. Cependant cette déformation, très évidente, se surimpose à une phase plus précoce. La surface plissée correspond à la fois à la stratification sédimentaire (S0) et à une première foliation (S1) à chlorite-séricite sub-parallèle à S0. La cinématique associée à la linéation d'allongement NO-SE indique un cisaillement vers le Nord-Ouest de la partie supérieure. Le métamorphisme épizonal et la déformation modérée du synclinorium de Chantonnay contrastent fortement avec les structures et les assemblages métamorphiques des unités voisines.

L'unité du Haut-Bocage

Le Haut-Bocage est découpé en deux sous-parties par le décrochement de Bressuire. Dans le compartiment Sud, on reconnait une série métamorphique de moyenne pression et moyenne à haute température de gneiss grauwackeux et silteux à biotite-grenat-staurotide ±sillimanite qui peut atteindre l'anatexie pour donner les migmatites de La Tessoualle et des Herbiers. Ces dernières sont datées entre 380 ±9 Ma et 368 ±7 Ma en U/Pb sur monazite. Ce dernier âge est probablement sous-estimé puisque les migmatites de La Tessoualle sont recoupées par la diorite quartzique de Montcoutant. Par comparaison avec le Massif Central, elles pourraient être équivalentes aux migmatites MI (cf. Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français 1/3 – Évolution des idées et architecture en nappes).

Plusieurs plutons granitiques recoupent la série métamorphique du Haut-Bocage.

- Les diorites quartziques de Moncoutant, du Tallud et de Soutiers, datées à 373 +6/−11 Ma en U/Pb sur zircon, sont identiques aux diorites du plateau d'Aigurande et du Limousin qui forment la « ligne tonalitique ».

- Les granodiorites à biotite de Moulins-Les Aubiers-Gourgé, d'âge dévonien (375 Ma Rb/Sr sur roche totale), souvent comparées, malgré leurs âges différents, avec le granite de Guéret dans le Limousin.

- Le granite à biotite de Neuvy-Bouin, daté à 340 ±4 Ma pourrait être équivalent aux granites tardifs du complexe granitique de Guéret.

- Les leucogranites peralumineux de Mortagne (daté à 313 ±15 Ma en Rb/Sr sur roche totale), Bressuire, Parthenay, pétrologiquement et chronologiquement similaires aux leucogranites du Limousin.

- La granodiorite à hornblende de Pouzauges, se distingue des autres plutons vendéens par son âge paléozoïque inférieur : 483 ±22 Ma en Rb/Sr sur roche totale et 465 ±5 Ma sur zircon. L'absence de déformation de ce pluton a longtemps été un critère pour considérer que la série métamorphique du Haut-Bocage était d'âge précambrien. Actuellement, ce caractère structural est interprété comme dû à un comportement rhéologique particulier pendant la déformation varisque. Comme dans le Massif Central, la présence d'un substratum cadomien dans le domaine moldanubien n'est pas reconnue.

Les Vosges centrales et méridionales

L'extrémité orientale du domaine moldanubien français est exposée dans le Massif des Vosges au Sud de la faille de Lalaye-Lubine interprétée comme la suture éo-varisque (Fig. 2, Fig. 31). Les Vosges moldanubiennes sont classiquement subdivisées du Nord au Sud en Vosges centrales et Vosges méridionales, limitées par la série dévono-dinantienne du Markstein. Cette subdivision quelque peu artificielle est fondée sur le fait que les Vosges centrales sont plus métamorphiques que les Vosges méridionales.

Les Vosges centrales

Du fait de l'abondant plutonisme carbonifère et notamment du « granite des Vosges centrales » (Fig. 31), les roches métamorphiques apparaissent isolées en diverses séries regroupées en deux ensembles : les unités des "Gneiss Variés" et des "Granulites Acides" et l'unité des Gneiss Monotones.

Schéma structural de la série de Sainte-Marie-aux-Mines montrant l'allochtonie de l'Unité des Gneiss Variés et des Granulites acides (équivalentes à l'Unité Supérieure des Gneiss) sur l'Unité des Gneiss Monotones (équivalente à l'Unité Inférieure des Gneiss)

Figure 49. Schéma structural de la série de Sainte-Marie-aux-Mines montrant l'allochtonie de l'Unité des Gneiss Variés et des Granulites acides (équivalentes à l'Unité Supérieure des Gneiss) sur l'Unité des Gneiss Monotones (équivalente à l'Unité Inférieure des Gneiss)

Les âges U/Pb sur zircon (méthode ICP-MS) indiquent un maximum viséen représentatif d'un pic thermique mais le pic de pression est probablement plus ancien, peut être Dévonien.

D'après

U. Schaltegger, C.M. Fanning, D. Günther, J.-C. Maurin, K. Schulmann, D. Gebauer, 1999. Growth, annealing and recrystallization of zircon and preservation of monazite in high-grade metamorphism: conventional and in situ U-Pb isotope, cathodoluminiscence and microchemical evidence, Contrib. Mineral. Petrol., 134, 2-3, 186–201


Trajets P-T-t pour les différentes unités des Vosges médianes

Figure 50. Trajets P-T-t pour les différentes unités des Vosges médianes

Trajets P-T-t pour les différentes unités des Vosges médianes

Les âges U/Pb sur zircon (méthode ICP-MS) indiquent un maximum de température d'âge viséen représentatif d'un pic thermique, mais le pic de pression est probablement plus ancien.

D'après

É. Skrzypek, K. Schulmann, A.-S. Tabaud, J.-B. Edel, 2014. Palaeozoic evolution of the Variscan Vosges Mountains, dans The Variscan Orogeny: Extent, Timescale and the Formation of the European Crust, K. Schulmann, J. R. Martínez Catalán, J. M. Lardeaux, V. Janoušek, G. Oggiano Eds, Geol. Soc. London, Special Pub. 495, 45-75


Coupes réinterprétées des Vosges centrales et méridionales

Figure 51. Coupes réinterprétées des Vosges centrales et méridionales

D'après É. Skrzypek, K. Schulmann, A.-S. Tabaud, J.-B. Edel, 2014. Palaeozoic evolution of the Variscan Vosges Mountains, dans The Variscan Orogeny: Extent, Timescale and the Formation of the European Crust, K. Schulmann, J. R. Martínez Catalán, J. M. Lardeaux, V. Janoušek, G. Oggiano Eds, Geol. Soc. London, Special Pub. 495, 45-75


i) Les unités des "Gneiss Variés" et des "Granulites Acides", unités lithologiquement assez proches, sont constituées de gneiss et de migmatites. Dans la série de Sainte-Marie-aux-Mines qui est l'une des mieux connues (Fig. 49), on identifie des orthogneiss acides (ou leptynites), des amphibolites à grenat, des marbres et quelques blocs de péridotites à grenat. Au col des Bagenelles, les alternances d'amphibolites et de gneiss évoquent les complexes leptyno-amphiboliques du Massif Central. Les gneiss et micaschistes contiennent des assemblages à grenat-disthène-feldspath potassique indiquant des conditions thermo-barométriques de HP/HT à 800-880°C et 1,4-1,6 GPa pour l'unité des Gneiss Variés et de 700-900°C et 1,2-1,5 GPa pour l'unité des Granulites Acides. Des péridotites à grenat ±spinelle, préservant des conditions mantelliques (5 GPa, >1000°C), ont été incorporées tectoniquement aux roches crustales dans des conditions de HP/HT (1-1,2 GPa, 800-900°C), similaires de celles déterminées dans les Gneiss Variés (Fig. 50). Les éclogites et granulites ont connu une rétromorphose dans le faciès amphibolite avec des conditions thermo-barométriques de 800°C et 0,66-0,85 GPa.

À Sainte-Marie-aux-Mines, l'unité des Gneiss Variés chevauche l'unité des Gneiss Monotones, avec des linéations NE-SO. La cinématique, probablement vers le Sud-Ouest, n'est pas clairement établie (Fig. 49). Au Sud-Est, et à l'Ouest, les migmatites des Trois-Épis et de Gerbépal, attribuées à l'unité des Gneiss Variés, ont été interprétées comme des nappes charriées sur l'unité des Gneiss Monotones. Pour certains auteurs, ces migmatites seraient la partie la plus septentrionale de la série turbiditique du Markstein dans les Vosges du Sud (cf. plus bas). L'âge du métamorphisme de haute pression est encore mal contraint. Un galet de gneiss à grenat remanié dans la série viséenne d'Oderen dans les Vosges méridionales donne des âges 39Ar/40Ar à 382 ±10 Ma sur biotite et de 345 ±2 Ma sur muscovite.

ii) L'unité des Gneiss Monotones, sous-jacente, est formée de gneiss à biotite-sillimanite-grenat ±staurotide ±disthène contenant des lentilles de péridotites, d'amphibolites, de marbres et de granulites acides. Ces gneiss sont dépourvus de minéraux métamorphiques de haute pression, mais seulement affectés par un métamorphisme barrowien avec des conditions de 600-650°C et 0,7-0,8 GPa. Lors de leur évolution rétrograde les deux séries des Gneiss Variés et des Gneiss Monotones ont été tectoniquement superposées. Les conditions thermo-barométriques du métamorphisme rétrograde sont proches de 0,7 à 0,9 GPa et 750-800°C (Fig. 50). Des rares données mentionnent une linéation d'allongement NE-SO.

Les datations radiométriques obtenues sur les roches métamorphiques des deux unités des Vosges centrales s'étalent globalement entre 350 et 330 Ma. Un pic thermique net, enregistré par les chronomètres Ar/Ar et U/Pb, apparait vers 345 Ma, mais il est probable que le pic de pression soit plus ancien. Les deux séries portent aussi les marques d'une rétromorphose dans le faciès schiste vert attribuée à l'exhumation finale des roches métamorphiques. Dans ces séries métamorphiques, les biotites et muscovites indiquent des âges 39Ar/40Ar entre 330 et 340 Ma qui traduisent une perturbation thermique au Viséen supérieur, également enregistrée par le plutonisme et par les roches volcaniques des Vosges méridionale (voir ci-dessous). Une amphibole dérivant d'une éclogite donne une valeur de 357 ±4 Ma qui pourrait correspondre à l'âge de la rétromorphose des éclogites dans le faciès amphibolite.

Cette brève description des Vosges moyennes évoque clairement les roches métamorphiques du Massif Central. Les unités des Gneiss Variés et des Granulites Acides qui pourraient être rassemblées dans une seule unité, sont très comparables à l'Unité Supérieure des Gneiss du Massif Central, même si le complexe leptyno-amphibolique ne semble pas très développé dans les Vosges. L'unité des Gneiss Monotones semble équivalente à l'Unité Inférieure des Gneiss. Bien que n'ayant jamais été étudié en détail, l'unité des Gneiss Variés chevauche l'unité des Gneiss Monotone (Fig. 51).

Les Vosges méridionales

Les Vosges méridionales sont constituées de séries sédimentaires et volcaniques d'âge dévonien supérieur à viséen. On distingue du Nord au Sud cinq ensembles recoupés par des granites (Fig. 31).

i) La série du Markstein est formée de turbidites, conglomérats à galets de granite et de roches métamorphiques, grès, schistes noirs et de volcanites acides d'âge dévonien supérieur (Famennien) à viséen. Au Nord, cette série est partiellement migmatitique.

ii) La « ligne des klippes » correspond à un alignement discontinu d'écailles tectoniques entre l'unité du Markstein et l'unité d'Oderen et recoupées par des granites d'âge viséen (Fig. 52). Lithologiquement, les écailles sont constituées de schistes rouges famenniens appelés « schistes du Treh », de conglomérats à galets de gneiss, d'amphibolites, de roches basiques (basaltes, gabbros), et ultrabasiques (harzburgites serpentinisées), d'orthogneiss œillés, de paragneiss et d'amphibolites à grenat. Les roches basiques et ultrabasiques sont des fragments d'ophiolites témoignant de l'existence d'une croute océanique. Une datation Sm/Nd fournit une isochrone roche totale - plagioclase - pyroxène avec un âge à 372 ±18 Ma qui est interprété comme celui du magmatisme basique. La signification de la « ligne des klippes » est encore discutée. Structuralement, il s'agit probablement d'écailles tectoniques localisées à la base du charriage de la série du Markstein sur celle d'Oderen (cf. ci-dessous). La grande variété lithologique a été interprétée comme un olistostrome d'âge dévonien supérieur ultérieurement tectonisé au Viséen inférieur ou moyen. Les roches basiques et ultrabasiques d'âge dévonien supérieur évoquent l'unité de la Brévenne dans le Massif Central. Comme cette dernière, les roches constitutives de la « ligne des klippes » sont interprétées comme formées dans un bassin d'arrière-arc dévonien refermé au Carbonifère inférieur. La présence de galets de roches métamorphiques indique que là aussi le rifting du bassin s'est développé sur un substratum déjà structuré par l'orogenèse éo-varisque.

iii) L'unité des Vosges du Sud, ou unité d'Oderen, est répartie en plusieurs séries litho-stratigraphiques : Oderen, Malvaux, Plancher-Bas, assez proches par leur contenu lithologique (phtanites à radiolaires, tufs, diabases, sédiments volcanodétritiques) et par leur âge viséen inférieur. Mais dans le détail, les séries d'Oderen et de Plancher-Bas sont d'âge viséen inférieur et essentiellement sédimentaires, alors que la série de Malvaux est volcanique et d'âge viséen moyen.

iv) La série de Thann-Giromagny, formée de grès, pélites et conglomérats, est riche en laves rhyolitiques, andésitiques, tufs soudés et ignimbrites. Une discordance a été décrite entre la série de Thann-Giromagny et celle sous-jacentes d'Oderen. Sa lithologie et son âge paléontologique du Viséen supérieur permet de la comparer avec la formation des « Tufs anthracifères » du Massif Central.

v) L'unité de Belfort est isolée des autres ensembles par des grès rouges continentaux du Permien. Elle est formée de calcaires du Dévonien supérieur, de conglomérats et de volcanites acides et basiques considérées comme d'âge carbonifère.

Schéma structural de la ligne des klippes des Vosges méridionales qui sont des écailles tectoniques variées

Figure 52. Schéma structural de la ligne des klippes des Vosges méridionales qui sont des écailles tectoniques variées

Noms des principales écailles = a : Drumont, b : Thalhorn, c : Kruth-Sauwas, d : Treh, e : Markstein, f : Arutsch-Rennenbachfels, g : Lautenbach, h : Murbach-Rimbach.

Pour le détail lithologique des différentes écailles, voir

É. Skrzypek, A.-S. Tabaud, J.-B. Edel, K. Schulmann, A. Cocherie, C. Guerrot, P. Rossi, 2012. The significance of Late Devonian ophiolites in the Variscan orogen: a record from the Vosges Klippen Belt, Int. J. Earth Sci., 101, 4, 951–972


Les différents ensembles des Vosges du Sud sont structurés en écailles et en plis déversés vers le Sud avec une géométrie de détail encore imprécise. La déformation et le métamorphisme faible (prehnite-pumpellyite) décroissent du Nord vers le Sud. L'âge de la déformation est controversé. Si tous les auteurs s'accordent pour reconnaitre l'existence d'une tectonique à la limite Viséen-Serpukhovien, d'autres auteurs observant une discordance entre la série de Thann-Giromagny et les séries plus anciennes, considèrent qu'il existe aussi une phase « intra-viséenne ». Plus précisément, l'âge de cette déformation est compris entre les dépôts du Famennien du Markstein et de la « ligne des klippes » et ceux du Viséen supérieur. Les données récentes montrent que tout le Viséen moyen et inférieur (et peut être le Tournaisien) correspond à une période d'instabilité caractérisée par des dépôts gravitaires (turbidites, olistostrome) et du volcanisme. La signification tectonique et géodynamique de cette instabilité sera discutée dans le chapitre dédié à la géodynamique.

En conclusion, la géométrie générale du massif des Vosges est présentée sous forme de coupes synthétiques (Fig. 51). De nombreux aspects de la géologie du massif des Vosges sont comparables à ceux mis en évidence dans les autres massifs français. Les analogies entre les Vosges méridionales et le Massif Central sont reconnues depuis longtemps puisque dès le début du XXe siècle, les auteurs parlaient de l'ensemble Morvano-Vosgien. Cette comparaison est surtout valable pour les phénomènes tectono-magmatiques du Carbonifère moyen et supérieur. Le magmatisme de la série de Thann-Giromagny est équivalent à celui des « Tufs anthracifères ».

Contrairement à des idées anciennes, il n'existe aucune preuve de tectonique compressive d'âge cambro-ordovicien que l'on pourrait rattacher au cycle calédonien ou paléozoïque inférieur dans les Vosges centrales et méridionales. Ceci n'exclut pas l'existence d'évènements magmatiques, tectoniques, sédimentaires et métamorphiques d'âge dévonien attribuables au cycle éo-varisque. De même, il n'existe aucune trace de chaine cadomienne dans les Vosges du Sud. Comme dans les autres parties du domaine moldanubien, il n'y a donc pas de socle dans les Vosges centrales et méridionales. La tectonique tournaisienne du Nord-Est du Massif Central n'est pas clairement identifiée dans les Vosges du Sud. Il existe toutefois des analogies entre le rift océanique de l'unité de la Brévenne et la ligne des klippes. Les corrélations entre les ensembles métamorphiques des Vosges centrales et les Unités Inférieure et Supérieure des Gneiss sont tout à fait acceptables. Tous les aspects tectoniques liées à la migmatisation et à la mise en place des différentes générations de granitoïdes ne sont pas décrits ici.

Les Pyrénées varisques

Dans la chaine varisque française, le socle pyrénéen occupe la partie la plus méridionale du domaine moldanubien. Il présente de nombreuses analogies litho-stratigraphiques et structurales avec l'Unité des Plis-et-Chevauchements du Massif Central et le bassin d'avant pays (cf. La géologie anté-permienne de la Montagne Noire (Sud du Massif Central) ainsi que Structure et évolution pré-permienne du Massif Central français 1/3 – Évolution des idées et architecture en nappes). Cette analogie est encore renforcée si l'on tient compte des mouvements senestres le long de la faille Nord-Pyrénéenne. La partie orientale des Pyrénées se présente alors comme la prolongation occidentale de la Montagne Noire.

Une des difficultés de l'étude de la chaine varisque des Pyrénées est de faire la part de l'influence de la tectonique tertiaire pyrénéenne qui a pu déplacer les unités varisques les unes par rapport aux autres et engendrer des déformations pouvant masquer les évènements varisques développés dans les séries anté-permiennes. La plupart des terrains varisques sont exposés dans la zone axiale et également au Nord de la faille Nord-pyrénéenne, dans la zone Nord-Pyrénéenne (Fig. 53). Ce segment varisque se caractérise par une abondance de plutons granitiques et de roches métamorphiques allant jusqu'à des migmatites structurées en dômes. De nombreuses études ont mis l'accent sur les phénomènes tardifs de fusion crustale et de déformations syn-métamorphes au détriment des phénomènes antérieurs souvent plus difficiles à appréhender. Dans la suite de ce paragraphe, on se limitera à ces évènements précoces que l'on peut attribuer à un épaississement crustal, même modéré, qui s'inscrit dans la continuité spatiale et temporelle de l'évènement D3 décrit dans le Massif Central.

Carte des Pyrénées varisques montant les principaux plutons granitiques et les dômes migmatitiques plus développés à l'Est qu’à l'Ouest de la chaîne

Figure 53. Carte des Pyrénées varisques montant les principaux plutons granitiques et les dômes migmatitiques plus développés à l'Est qu’à l'Ouest de la chaîne

Le cœur de certains dômes est occupé par des orthogneiss dérivant de granites ordoviciens. La foliation des dômes porte une linéation Est-Ouest à NO-SE (D2) et parfois une linéation précoce D1 orientée NE-SO.

Redessiné d'après

B. Cochelin, D. Chardon, Y. Denèle, C. Gumiaux, B. Le Bayon, 2018. Vertical strain partitioning in hot Variscan crust: Syn-convergence escape of the Pyrenees in the Iberian-Armorican syntax, Bull. Soc. Géol. France - Earth Sciences Bulletin, 188, 6, 39

Y. Denèle, B. Laumonier, J.-L. Paquette, P. Olivier, G. Gleizes, P. Barbey, 2014. Timing of granite emplacement, crustal flow and gneiss dome formation in the Variscan segment of the Pyrenees, Geol. Soc., London, Spec. Publ., 405, 265–287

J. Soliva, J.-F. Salel, M. Brunel, 1989. Shear deformation and emplacement of the gneissic Canigou thrust nappe (Eastern Pyrénées), Geol. Mijnbouw, 68, 357-366


Carte des bassins turbiditiques des Pyrénées montant le diachronisme de l'âge des dépôts du Viséen supérieur à l'Est au Moscovien à l'Ouest

Figure 54. Carte des bassins turbiditiques des Pyrénées montant le diachronisme de l'âge des dépôts du Viséen supérieur à l'Est au Moscovien à l'Ouest

Noter également que les plutons granitiques et les dômes migmatitiques sont plus développés à l'Est qu'à l'Ouest de la chaine traduisant une quantité d'exhumation différente.


Le socle varisque de la zone axiale pyrénéenne consiste en trois grands ensembles lithostructuraux : i) un ensemble superficiel, la « superstructure » définie par Zwart (1979), composée de roches sédimentaires d'âge néoprotérozoïque à carbonifère supérieur peu ou pas métamorphiques ; ii) un ensemble profond ou l'« infrastructure », formé de roches métamorphiques, d'orthogneiss œillés et de migmatites ; iii) de nombreux plutons granitiques d'âge carbonifère déformés à des degrés divers.

Litho-stratigraphie

Malgré des variations longitudinales le long de la zone axiale, la succession lithologique des formations paléozoïques des Pyrénées peut être bien décrite dans les régions où les phénomènes métamorphiques et anatectiques n'ont pas eu d'influences très fortes.

Les formations les plus anciennes des Pyrénées sont représentées par des grès, grauwackes, pélites avec quelques passées de marbres et de rares amphibolites, appelée série ou groupe de Canaveilles. Certains niveaux volcaniques donnent des âges vers 580-550 Ma (Édiacarien) ce qui ne signifie nullement qu'il existe un socle précambrien puisque toute la déformation est varisque (Paléozoïque supérieur). Les formations sus-jacentes de brèches, conglomérats, grès grossiers, argilites et calcaires forment le « groupe de Jujols », attribué au Cambrien-Ordovicien inférieur. Une discordance remarquable, appelée « discordance sarde », sépare l'Ordovicien inférieur et l'Ordovicien supérieur constitué d'un ensemble de conglomérats très épais (>2000 m), grès, silts et séries volcano-sédimentaires, calcaires, accompagnés d'un magmatisme acide et basique alcalin. Cette discordance traduit l'existence d'une tectonique, mais pas d'une phase compressive. En effet, la phase sarde correspond à un phénomène de rifting, également enregistré par le magmatisme alcalin ordovicien lors de la rupture de la Pannotia. Cet évènement a déjà été mentionné dans les autres parties du domaine moldanubien, ainsi que dans les autres domaines varisques (voir la partie L'évolution géodynamique de la chaine varisque).

La suite de la série paléozoïque ne sera pas décrite en détail ici. On retiendra seulement quelques points importants pour la compréhension de l'évolution géodynamique.

  • Le Silurien est caractérisé par des schistes noirs riches en matière organique qui pourront localiser des zones de cisaillement et des niveaux de décollement.
  • Les formations dévoniennes sont dans l'ensemble caractéristiques d'une plateforme carbonatée. On reconnait notamment des calcaires noduleux d'âge famennien, certains présentant le faciès “griotte” caractéristique de la plateforme gondwanienne, également présents dans le versant Sud de la Montagne Noire. Il faut cependant noter que dans les Pyrénées centrales, des turbidites d'âge frasnien (formations de Sia, des Agudes, de Las Bordas), sont reconnues de part et d'autre de la vallée de la Garonne dans le synclinal d'Arran. Une interprétation tectonique de ces dépôts sera discutée ci-dessous.
  • Le Tournaisien présente des formations de radiolarites noires (ou lydiennes) indicatrices d'un approfondissement du bassin sédimentaire.
  • Le Carbonifère supérieur (Viséen supérieur-Serpukhovien-Bashkirien-Moscovien) est remarquable par le développement d'un très vaste bassin turbiditique qui s'étend jusqu'à l'ile de Minorque et en Sardaigne qui se trouvait plus proche des Pyrénées avant l'ouverture du bassin algéro-provençal à l'Oligo-Miocène (Fig. 1). Cet ensemble, parfois qualifié de « faciès culm », est constitué de dépôts gravitaires (conglomérats, pebbly mudstones) parfois chaotiques (olistolithes) très comparables aux flyschs de la Montagne Noire et du Mouthoumet. La stratigraphie des turbidites montre une propagation du Nord-Est vers le Sud-Ouest de l'âge des bassins. En effet, le flysch est daté du Viséen supérieur dans le Mouthoumet, du Serpukhovien inférieur (326-320 Ma), dans la zone axiale, dans le Pays de Sault, l'Arize et la haute vallée de la Garonne, du Serpukhovien supérieur (320-318 Ma) dans les régions des gaves d'Osso et de Pau, du Bashkirien (318-312 Ma) à Gavarnie et du Moscovien (312-306 Ma) au Pays Basque (Fig. 54).
La tectonique des ensembles sédimentaires

Des chevauchements et des plis à vergence Sud impliquant des formations sédimentaires sont connus en divers endroits des Pyrénées. On citera notamment les exemples suivants.

  • La déformation syn-sédimentaire est bien documentée dans les bassins turbiditiques du Viséen-Serpukhovien. La sédimentation chaotique gravitaire se développe au front des chevauchements (Fig. 55).
  • Dans les Pyrénées orientales, le synclinal de Villefranche-de-Conflent est formé d'un empilement de plis couchés kilométriques déversés vers le Sud puis replissés dans une vaste synforme (Fig. 56). Ces structures rappellent celles décrites dans le versant Sud de la Montagne Noire (cf. La géologie anté-permienne de la Montagne Noire (Sud du Massif Central)).
  • Dans le Pays de Sault en Ariège orientale, un chevauchement vers le Sud superpose des séries dévoniennes et carbonifères de faciès différent. Le Dévonien allochtone, au Nord, est formé de carbonates comparables à ceux de la Montagne Noire, alors que l'autochtone, au Sud, est plus pélitique.
  • Dans la région du Salat, des chevauchements impliquant du Dévonien sont contrôlés par des décollements localisés dans les pélites noires du Silurien.

L'âge de ces chevauchements n'est pas très bien établi. Ils sont généralement attribués au Serpukhovien-Baskirien (vers 325-315 Ma) mais, comme le suggèrent les dépôts syn-tectoniques dont l'âge rajeunit d'Est en Ouest (Fig. 54), la tectonique est probablement diachrone dans l'ensemble du massif pyrénéen.

Par ailleurs, une déformation syn-sédimentaire d'âge frasnien (385-374 Ma) est décrite dans les Pyrénées centrales. Elle serait caractérisée par des plis et chevauchements vers le Sud (Fig. 57). Cette interprétation compressive impliquant toute la croute est contestée. On pourrait voir les bassins turbiditiques du Frasnien comme une conséquence de la tectonique éo-varisque reconnue plus au Nord dans le Massif Central et le Massif Armoricain.

La tectonique syn-métamorphe des parties profondes

Du fait de la tectonique éocène et plus récente, pro parte liée à l'ouverture du Golfe du Lion, le massif varisque des Pyrénées est basculé vers l'Ouest de sorte que les zones profondes sont mieux exposées dans la partie Est (Pyrénées orientales et centrales) que dans la partie Ouest. Cette infrastructure formée de plutons granitiques et de dômes gneissiques et migmatitiques, allongés dans la direction Est-Ouest ou NO-SE, est responsable des mégastructures cartographiques. Les datations des granitoïdes et des migmatites suggèrent que le doming s'est produit entre 310 et 300 Ma. Cependant, il existe aussi des âges viséens, entre 340 et 330 Ma, dans les Pyrénées centrales (dôme de l'Aston) qui conduisent des auteurs à proposer un âge plus ancien pour la formation des dômes, ou encore à envisager un diachronisme Est-Ouest. La tectonique de la partie orientale des Pyrénées serait plus tardive que celle qui se développe à l'Ouest. Le détail des structures, les mécanismes et le contexte tectonique du doming ne seront pas présentés ici. Actuellement, la plupart des auteurs privilégient une tectonique transpressive dextre (pour plus de détail voir les travaux de Denèle et al., 2009, 2014, et Laumonier et al., 2010).

Très schématiquement, on retiendra que la zone axiale résulte de deux grands évènements tectono-métamorphiques (chacun pouvant être subdivisé en plusieurs phases ou stades). Le second évènement (D2) est responsable de la formation des dômes allongés Est-Ouest, caractérisés par une foliation à fort pendage (sauf au toit des dômes) et un métamorphisme de HT/BT. Le premier évènement, (D1), est relativement discret car il a été fortement repris, voire effacé, par D2. D1 est un évènement compressif, responsable d'un épaississement crustal probablement modéré car, ainsi que mentionné ci-dessus, le domaine varisque pyrénéen se trouve en position externe de la chaine.

Dans les reconstructions, il faut tenir compte de la position initiale de la zone axiale avant l'ouverture du Golfe de Gascogne au Crétacé, accommodé par le jeu senestre de la faille Nord-Pyrénéenne. En effet, au Carbonifère, les Pyrénées étaient situées au Sud-Ouest du Massif Armoricain et du Bassin Aquitain, donc d'avantage au Nord-Ouest qu'actuellement (voir plus loin L'évolution géodynamique de la chaine varisque).

Schéma structural du Massif du Canigou

Figure 58. Schéma structural du Massif du Canigou

D'après

J. Soliva, J.-F. Salel, M. Brunel, 1989. Shear deformation and emplacement of the gneissic Canigou thrust nappe (Eastern Pyrénées), Geol. Mijnbouw, 68, 357-366

P. Barbey, A. Cheilletz, B. Laumonier, 2001. The Canigou orthogneisses (Eastern Pyrenees, France, Spain): an Early Ordovician rapakivi granite laccolith and its contact aureole, C.R. Acad. Sci., IIA, 332, 2, 129-136


Trois coupes interprétatives du dôme du Canigou selon les tracés indiqués sur la figure 58

Figure 59. Trois coupes interprétatives du dôme du Canigou selon les tracés indiqués sur la figure 58

A : pli pennique.

B : nappe syn-métamorphe replissée.

D'après J. Soliva, J.-F. Salel, M. Brunel, 1989. Shear deformation and emplacement of the gneissic Canigou thrust nappe (Eastern Pyrénées), Geol. Mijnbouw, 68, 357-366

C : laccolithe replissé par un dôme migmatitique.

D'après P. Barbey, A. Cheilletz, B. Laumonier, 2001. The Canigou orthogneisses (Eastern Pyrenees, France, Spain): an Early Ordovician rapakivi granite laccolith and its contact aureole, C.R. Acad. Sci., IIA, 332, 2, 129-136


Les orthogneiss œillés qui affleurent notamment dans les massifs du Canigou, du Roc-de-France, de l'Aston, de l'Hospitalet (Fig. 53) sont des granites porphyriques alcalins d'âge ordovicien inférieur (entre 475 et 470 Ma). L'ancienne interprétation d'un socle précambrien est abandonnée, même si des plutons d'âge édiacarien peuvent se rencontrer comme par exemple dans les massifs du Canigou ou de l'Agly (Fig. 58). Dans ces roches, la foliation, née subhorizontale, porte une linéation minérale et d'allongement orientée NE-SO à cinématique vers le Sud-Ouest (Fig 58). Certains auteurs ont proposé que ces orthogneiss étaient structurés par des plis couchés (de style pennique), d'autres préfèrent voir des nappes profondes conduisant à un empilement de micaschistes, paragneiss et orthogneiss, enfin d'autres auteurs privilégient la présence d'intrusions laccolithiques sans contact tectonique (Fig 59). Dans les trois cas, la foliation, replissée lors du doming et en partie remaniée par l'anatexie, résulte d'une phase précoce anté-dôme. Cependant d'autres auteurs considèrent que l'acquisition de la foliation se produit lors du « doming » qui serait accommodé par un mécanisme diapirique ou extensif de type metamorphic core complex (cf. L'ile de Naxos, en mer Égée : marbre, migmatites et éléphants nains). Dans cette hypothèse, la foliation relèverait uniquement de l'évènement D2. Cette interprétation qui ne s'accorde pas avec l'évolution métamorphique ne sera pas retenue ici.

Les métapélites sous-jacentes aux orthogneiss œillés du Canigou qui correspondent à l'encaissant granites avant les déformations, apportent aussi des arguments en faveur d'un métamorphisme prograde antérieur à la formation du dôme. Ces roches contiennent des assemblages à biotite-grenat-disthène-staurotide, parfois inclus dans des porphyroblastes d'andalousite ou de cordiérite. Ces minéraux définissent un métamorphisme précoce dont les conditions barométriques ont été estimées à 550 ±50°C et 0,5-0,6 GPa. Ces paragenèses de MP/MT sont ensuite remaniées lors d'un métamorphisme de HT/BP défini par des pressions de l'ordre de 0,30-0,35 GPa et 550-600°C dans lequel biotite, cordiérite et andalousite sont stables et la composition du grenat initial est modifiée. Il faut noter que les reliques de disthène mentionnées ici ne doivent pas être confondues avec les amas de disthène fibreux (dit hystérogène) que l'on rencontre dans les massifs de l'Agly, du Castillon, des Albères ou du Cap de Creus qui, eux, résultent de circulations hydrothermales.

D'autres reliques de métamorphisme barrowien anté-dôme existent dans le dôme de Bosost. Les assemblages à biotite-grenat-staurotide sont stables pour des pressions et températures respectivement de 0,6-0,7 GPa et 600 ±50°C (Fig. 60). Contrairement aux assemblages métamorphiques, les structures planaires et linéaires associées à ce métamorphisme précoce ne sont pas préservées. En outre, les amphibolites à grenat qui se rencontrent dans le massif du Canigou indiquent un pic métamorphique à environ 650°C et 0,61 GPa, alors que pour le massif des Albères, les conditions métamorphiques sont de 600°C et 0,5 GPa et de 650°C et 0,6 PGa au Cap de Creus. En outre, dans le massif du Canigou, un bloc plurimétrique d'éclogite rétromorphosée en amphibolite à grenat a été décrit par G. Guitard (1970), mais sa source est actuellement inconnue. Ainsi une évolution métamorphique polyphasée est probable dans le segment varisque des Pyrénées. Un métamorphisme précoce de MP/MT, contemporain de l'évènement D1, est suivi par un métamorphisme de HT/BP pouvant atteindre l'anatexie pendant l'évènement D2. On retrouve là aussi de fortes analogies avec l'évolution tectono-métamorphique de la zone axiale de la Montagne Noire (cf. La géologie anté-permienne de la Montagne Noire (Sud du Massif Central)).

En conclusion, une interprétation possible des déformations polyphasées dans les Pyrénées est présentée dans la figure 61. Une première déformation compressive, D1, est responsable de structures variables selon le niveau structural. Dans la partie supérieure de l'édifice (« superstructure »), il s'agit de plis à vergence Sud sans schistosité. On peut envisager que les déformations synsédimentaires (slumps) dans les bassins turbiditiques relèvent aussi de cette tectonique, ce qui daterait la tectonique entre le Viséen supérieur et le Moscovien (vers 330 et 310 Ma). Sous le front de schistosité, les plis couchés synschisteux sont formés avec une schistosité de plan axial subhorizontale. Dans le niveau structural profond (« infrastructure »), les déformations syn-métamorphes sont accompagnées d'une foliation subhorizontale et d'une linéation subméridienne mieux préservée dans les orthogneiss que dans les roches paradérivées. Lors d'un second évènement, D2, une déformation ductile, associée à une foliation à fort pendage et une linéation NO-SE, se développe pendant la formation de dômes migmatitiques dans un contexte métamorphique de HT/BP. Ce deuxième évènement, d'âge carbonifère supérieur, (vers 310-300 Ma), est interprété dans un contexte de transpression dextre. La mise en place de plutons granitiques syn-cinématiques, également dans un contexte transpressif dextre, correspond à la continuité de cette évolution. Le détail des phénomènes magmatiques ainsi que le contexte tectonique de mise en place des plutons pyrénéens ne seront pas présenté ici.

Trajets P-T déterminés pour les micaschistes et gneiss des dômes du Canigou et de Bosost

Figure 60. Trajets P-T déterminés pour les micaschistes et gneiss des dômes du Canigou et de Bosost

Selon les auteurs, une évolution monocyclique ou polycyclique est proposée. Dans le travail le plus récent sur le Canigou (de Höym de Marien et al., 2019), le métamorphisme précoce, anté-dôme de MP/MT est suivi par une évolution tardive, contemporaine du dôme, de HT/BP. Le trajet a été prolongé (pointillé) pour aller jusqu'à l'anatexie.

Voir L. de Hoÿm de Marien, B. Le Bayon, P. Pitra, J. Van Den Driessche, M. Poujol, F. Cagnard. 2019. Two‐stage Variscan metamorphism in the Canigou massif: Evidence for crustal thickening in the Pyrenees, J. Metamorph. Geol., 37, 863-888


Une interprétation possible des déformations polyphasées dans les Pyrénées

Figure 61. Une interprétation possible des déformations polyphasées dans les Pyrénées

A : Une première déformation compressive est responsable de : i) plis à vergence Sud sans schistosité dans la partie supérieure de l'édifice, ii) plis synschisteux (avec schistosité subhorizontale S1) sous le front de schistosité, et iii) déformations syn-métamorphes dans le niveau structural profond accompagnées de foliation subhorizontale et de linéation Nord-Sud.

B : Lors d'un second évènement, une déformation associée à une schistosité (ou foliation) à fort pendage et linéation NO-SE, se développe pendant la formation de dômes migmatitiques puis de plutons granitiques syncinématiques. Ce deuxième évènement est interprété comme la conséquence d'une transpression dextre.

D'après J. Carreras, I. Capella, 1994. Tectonic levels in the Palaeozoic basement of the Pyrenees: a review and a new interpretation, J. Struct. Geol., 16, 11, 1509-1524


Le substratum varisque du Bassin Aquitain

Le substratum varisque du Bassin Aquitain est masqué par plus de 2000 m de roches sédimentaires mésozoïques et cénozoïques. Il ne peut donc être appréhendé que de manière indirecte par des investigations géophysiques (gravimétrie, magnétisme et sismique) ou de façon ponctuelle grâce à quelques forages ayant atteint le Paléozoïque. Les relevés gravimétriques et magnétiques montrent un arrangement NO-SE des structures qui s'accorde bien avec les directions armoricaines de Vendée et du Limousin méridional (Fig. 62). Les anomalies gravimétriques positives et magnétiques indiquent la présence de roches denses, riches en minéraux magnétiques qui pourraient correspondre à des roches basiques (gabbros, diorites, granodiorites), voire ultrabasiques. Les anomalies gravimétriques négatives sont interprétés comme des plutons granitiques (le granite étant moins dense que son encaissant).

Structure géophysique du Bassin Aquitain

Figure 62. Structure géophysique du Bassin Aquitain

Les anomalies magnétiques et gravimétriques positives sont interprétées comme des corps denses basiques (gabbro, diorite) ou ultrabasiques, mais ne correspondent pas nécessairement à des sutures ophiolitiques.

D'après C. Bois, O. Gariel, 1997. Seismic images of the northern Aquitaine basement, Mém. Soc. Géol. France, 171, 97-113


Schéma structural des unités varisques du Bassin Aquitain

Figure 63. Schéma structural des unités varisques du Bassin Aquitain

D'après J. Rolet, 1997. The concealed basement of Aquitaine, Mém. Soc. Géol. France, 171, 115-141


Les subdivisions litho-stratigraphiques

Les études pétrographiques et stratigraphiques des carottes de forage ont permis de subdiviser le substratum du Bassin Aquitain en trois unités orientées NO-SE.

i) L'unité occidentale, au SO, est constituée de grès, silts et argilites de l'Ordovicien inférieur et de schistes noirs du Silurien. Ces roches ont connu un métamorphisme épizonal.

ii) L'unité médiane qui s'étend de la Gironde jusqu'au Sud d'Agen, comprend des grès, des silts et des argilites de l'Ordovicien moyen, des tufs de l'Ordovicien supérieur, puis des calcaires et des dolomies du Dévonien inférieur. Le Silurien manque. Des argilites mal datées, supposées du Viséen et Serpukhovien sont reconnues localement. Cette unité n'est pas métamorphique et peu déformée.

iii) L'unité orientale, au Nord-Est, renferme des argilites de l'Ordovicien et des schistes noirs du Silurien. Ces formations sont surmontées par des grès et argilites attribuées au Carbonifère et contenant des clastes de radiolarites et de calcaires du Dévonien supérieur,. Ces faciès suggèrent une sédimentation gravitaire chaotique similaire à celle connue plus à l'Est dans le bassin turbiditique d'avant-pays de la Montagne Noire. Ces roches sont déformées par une schistosité de flux et un métamorphisme épizonal.

Les subdivisions structurales

Malgré la rareté des données, une zonation tectonique, également NO-SE, a été proposée sur la base des profils sismiques et de l'analyse microtectonique des échantillons disponibles. L'ensemble du substratum varisque du Bassin Aquitain est caractérisé par des écailles et chevauchements vers le Sud-Ouest. Bien que probable, l'existence de décrochements dextres, similaires aux failles armoricaines et limousines, n'est pas reconnue. La faille de Bordeaux, orientée NE-SO, sépare le Bassin Aquitain en un bloc Ouest-aquitain et un bloc Est-aquitain (Fig. 63).

Le bloc Ouest-aquitain, est subdivisé du Nord au Sud en 6 zones.

  • i) La bordure vendéo-limousine est équivalente à l'unité orientale des stratigraphes. Elle pourrait être un équivalent occidental de l'Unité des Plis-et-Chevauchements du Sud du Massif Central. Le graben carbonifère de Saintes-Cognac est un des traits structuraux remarquables de cette zone.
  • ii) La zone de la Gironde (correspondant à l'unité médiane) est peu déformée.
  • iii) La zone du Médoc (correspondant à l'unité occidentale) est déformée ductilement dans des conditions métamorphiques épizonales.
  • iv) La zone de l'Albatros, formée de tufs acides et de carbonates, et affectée de cisaillement ductiles supposés vers le Sud, est interprétée comme une zone de chevauchement majeure.
  • v) La zone de Parentis est constituée de roches paléozoïques fortement déformées par des cisaillements à faible pendage mais peu métamorphiques. Les schistes noirs du Silurien localisent la déformation.
  • vi) La zone Sud-Gascogne, plus au Sud, n'est pas documentée.

Le bloc Est-aquitain est également subdivisé en plusieurs zones, évidemment comparables à celles du bloc Ouest, mais présentant quelques différences (Fig. 63).

La zone de l'Entre-Deux Mers, correspondant à l'unité de la Gironde, peu déformée, passe progressivement vers le Sud à la zone Sud-Garonne, caractérisée par une schistosité de flux. La zone de Mimizan-Montauban est affectée par un métamorphisme thermique dû à des plutons granitiques, comme par exemple celui de Castelsarrazin. La zone Sud-aquitaine, au Nord des Pyrénées, est formée par des roches paléozoïques faiblement déformées. La structure générale du substratum varisque du Bassin Aquitain est illustrée par une coupe hypothétique (Fig. 64).

Coupe schématique du Bassin Aquitain

Figure 64. Coupe schématique du Bassin Aquitain

D'après J. Rolet, 1997. The concealed basement of Aquitaine, Mém. Soc. Géol. France, 171, 115-141


L'architecture générale des quatre domaines varisques

Coupe générale synthétique de la chaine varisque en France

Figure 65. Coupe générale synthétique de la chaine varisque en France

Les plutons granitiques ne sont pas représentés.


L'organisation d'ensemble de la chaine varisque française est présentée le long d'une coupe subméridienne (Fig. 65). On distingue quatre masses continentales, toutes issues de la marge du mégacontinent Pannotia. Du Sud vers le Nord, il s'agit de la marge Nord-gondwanienne, du microcontinent Armorica, du microcontinent ou bloc du Léon, et de l'Avalonia. Ces domaines ont été assemblés lors de trois collisions d'âges et de polarités différentes. Les migmatites et les plutons granitiques issus de la fusion crustale syn- à tardi-collisionnelle ne sont pas pris en compte dans la coupe.

L'évolution géodynamique de la chaine varisque

Évolution géodynamique.

Conclusion

Conclusion.