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Image de la semaine | 14/09/2020

Le volcanisme rhyolitique permien du Sud de la France : Estérel, Corse, Briançonnais et Béarn

14/09/2020

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Exemples français de volcanisme rhyolitique tardi-hercynien, explication du magmatisme bimodal tardi-orogénique.



Nous avons vu les deux semaines précédentes qu'un important volcanisme rhyolitique avait eu lieu au Viséen supérieur (Carbonifère inférieur, 330 à 340 Ma) dans le Nord-Est du Massif Central (cf. Des rhyolites aux granites d'anatexie : le volcanisme hercynien acide de la région de Roanne (Loire et Rhône), un exemple de volcanisme de zone de collision). Ce volcanisme acide est l'expression superficielle d'un magmatisme qui se manifeste aussi sous forme de granites, voisins et contemporains (cf. Le granite de Saint-Julien-la-Vêtre (Loire), un granite hercynien ordinaire mais riche d'enseignements) Nous avons vu que ce magmatisme acide, volcanisme comme plutonisme, provient de la fusion partielle de la croute continentale. Ce magmatisme acide viséen massif est associé à un magmatisme basique (issu de la fusion partielle du manteau) beaucoup plus limité. Ces magmatismes ont eu lieu en contexte d'extension tardi-collisionnel, qui a débuté au Carbonifère inférieur dans ce secteur de la chaine hercynienne, et impliquent les fusions partielles et de la croute continentale et du manteau.

Nous allons voir que, dans le Sud de la France, des phénomènes apparemment similaires ont eu lieu au Carbonifère terminal / Permien inférieur (310 à 260 Ma) : association de magmatismes acide (en général dominant) et basique, association du volcanisme et du plutonisme. Il semble donc que ce qui s'est produit au Viséen dans le Nord-Est du Massif Central se soit reproduit quelques dizaines de millions d'années plus tard plus au Sud dans la chaine hercynienne. Sans rentrer dans les détails de l'origine de ce magmatisme tardi-collisionnel, nous allons vous montrer que ce volcanisme acide associé aux zones de collision finissante n'est absolument pas un phénomène marginal, mais qu'il est répandu, et qu'il est aussi à l'origine de splendides paysages ce qui ne gâche rien. Nous allons vous montrer paysages, affleurements et roches de l'Estérel (Var), de la presqu'ile de Scandola (Corse du Sud), de la vallée du Guil (Hautes Alpes) et du Pic du Midi d'Ossau (Pyrénées-Atlantiques). Le volcanisme en France métropolitaine n'est pas limité au volcanisme tertiaire et quaternaire du Massif Central  !

Prismes horizontaux de rhyolite permienne rouge vus par la tranche, le long du sentier littoral de la Batterie des Lions, Saint-Raphaël, Var

Figure 2. Prismes horizontaux de rhyolite permienne rouge vus par la tranche, le long du sentier littoral de la Batterie des Lions, Saint-Raphaël, Var

Les prismes se font par fracturation de la roche déjà solide en cours de refroidissement. Ces fractures progressent des zones froides périphériques vers le cœur encore chaud (cf. La formation des orgues volcaniques). Les prismes des coulées de laves, des nappes d'ignimbrites et des sills sont verticaux, ceux des dykes ou des pipes sont horizontaux, ceux des dômes sont perpendiculaires aux bords du dôme… Une cartographie de l'ensemble de la zone suggère qu'on est sur les flancs d'un dôme rhyolitique.





Schémas représentant la structure interne d'un dôme volcanique

Figure 6. Schémas représentant la structure interne d'un dôme volcanique

À droite, la prismation due au refroidissement du dôme déjà solide, à gauche, les plans de fluidalité et d'aplatissement dus à l'écoulement contemporain de la mise en place du dôme. Le rectangle rouge montre la position théorique du secteur de la Batterie des Lions de Saint-Raphaël.


Vue rapprochée d'un prisme rhyolitique du sentier de la Batterie des Lions, Saint-Raphaël (Var)

Figure 7. Vue rapprochée d'un prisme rhyolitique du sentier de la Batterie des Lions, Saint-Raphaël (Var)

À cette échelle, on reconnait les feldspaths potassiques roses et des petits grains sombres constitués de quartz.


Gros plan sur un échantillon de rhyolite de l'Estérel

Figure 8. Gros plan sur un échantillon de rhyolite de l'Estérel

Les quartz sont parfois gris avec un éclat de gros sel (faciès usuel), mais parfois très sombres, voire noirs, ce qui est rare dans les granites mais relativement courant dans les rhyolites.


Échantillon de rhyolite de l'Estérel présentant une fluidalité très contournée

Figure 9. Échantillon de rhyolite de l'Estérel présentant une fluidalité très contournée

En haut à droite, un échantillon de rhyolite rouge “standard”.


Les rhyolites rouges de l'Estérel forment parfois de très grandes masses, comme ici près de la calanque du Petit Caneiret, au pied du Pic du Cap Roux (commune de Saint-Raphaël)

Les rhyolites de l'Estérel sont interstratifiées dans les grès et pélites permiennes, entre Cannes et Saint-Raphaël. Ce Permien sédimentaire et volcanique remplit un bassin semblable aux nombreux autres bassins permiens (et stéphano-permiens) de France (Lodève, Saint-Afrique, Le Creusot…). Ces bassins sont des grabens (ou des demi-grabens) limités par failles normales, conséquences de l'extension et de la relaxation tardi-hercynienne. Ce volcanisme est daté autour de 275 Ma. Le volcanisme de l'Estérel est majoritairement acide, mais pas exclusivement. Il est en effet accompagné d'un volcanisme basique (basaltique) limité, présent sous forme de sills et de quelques coulées. Les laves intermédiaires sont très rares. L'origine de ce volcanisme bimodal (acide et basique) sera discutée plus loin.

Extrait de la carte géologique de Nice à 1/250 000

Figure 11. Extrait de la carte géologique de Nice à 1/250 000

Les rhyolites sont figurées en rouge, les basaltes en bleu, et les rares laves intermédiaires en violet. Ces laves sont interstratifiées dans le Permien sédimentaire figuré en gris. L'ensemble permien (sédimentaire et magmatique) repose sur le socle hercynien des Maures (au Sud) et du Tanneron (au Nord). La flèche rouge localise la Batterie des Lions, la flèche bleue le Pic du Cap Roux.


Log stratigraphique simplifié du Permien de l'Estérel

Figure 12. Log stratigraphique simplifié du Permien de l'Estérel

Ce log montre bien la prédominance du volcanisme acide (en rouge et orange) par rapport au volcanisme basique (en bleu). Le volcanisme intermédiaire (en violet) est encore plus rare.


Front de taille de la carrière de rhyolite du Pont du Duc exploitée par la société CEMEX , commune de Fréjus (Var)

Figure 13. Front de taille de la carrière de rhyolite du Pont du Duc exploitée par la société CEMEX , commune de Fréjus (Var)

Front de taille de la carrière de rhyolite du Pont du Duc (commune de Fréjus, Carrière de Pont du Duc, Fréjus.kmz) exploitée par la société CEMEX. Toutes les roches couleur rosée sont des rhyolites. Les roches violettes très foncées et/ouverdâtres sont des sédiments permiens. On voit bien que ces sédiments permiens remplissent un graben limité à droite et à gauche par deux failles normales. A gauche, les sédiments de la base du Permien viennent buter sur la faille ; ceux du haut cachettent cette faille mais sont défléchis à son passage. On a là la preuve que, dans l’Estérel, le Permien s’est déposé en contexte extensif.

Localisation par fichier kmz de la carrière du Pont-du-Duc (Fréjus, Var).


On retrouve en Corse (et aussi en Sardaigne) les mêmes roches qu'en Estérel, avec une différence majeure : en plus des rhyolites (et d'un faible pourcentage de roches basiques), il y a aussi des granites, de même chimie et de même âge que les roches volcaniques. Cette similitude Estérel/Corse n'est pas étonnante, puisqu'au Permien la Méditerranée occidentale n'existait pas et que la faille Nord-pyrénéenne n’avait pas encore joué. L'actuel bloc corso-sarde était alors contigu du Languedoc. Les cendres rhyolitiques du bassin permien de Lodève (cf. Uranium : des gisements aux usages) ont d’ailleurs peut-être pour origine un volcanisme corse contigu à l’époque. Au Crétacé supérieur, le jeu de la faille Nord-pyrénéenne entraine la dérive du bloc ibérico-corso-sarde vers l’Est et, de fait, la Corse se trouve face à l’Estérel au début de l’ouverture du bassin algéro-provençal (Méditerranée occidentale) (voir figure 19 de Un volcanisme bien méconnu et pourtant si riche d'enseignement : le volcanisme du Crétacé supérieur du Pays Basque, ses pillow-lavas et la salinité de l'eau de mer).

Il y a dans ce secteur Nord-Ouest de la Corse “hercynienne” trois unités magmatiques séparées par chronologie relative et/ou absolue, les unités U1, U2 et U3. L'unité U1 date du Carbonifère inférieur et est comparable aux formations magmatiques (granitiques et rhyolitiques) du Viséen du Nord du Massif central qui ont fait l'objet de l'article précédent et n'est pas concernée par le présent article. Les unités U2 et U3 se sont mises en place entre 308 et 275 Ma, la majorité en un court laps de temps (entre 293 et 278 Ma). L'unité U2 est composée majoritairement de monzogranite et de monzogranodiorite et de leurs équivalents volcaniques (rhyolite, dacite…). L'unité U3 est majoritairement composée de rhyolites et de granites alcalins. Ces deux unités contiennent aussi un faible pourcentage de roches basiques (synthèse d'après Rossi et al., 2015, Bull. Soc. géol. France, 2015, 186, 2-3, 171-192).

L'origine de ce magmatisme bimodal (majoritairement acide) sera, comme celui de l'Estérel, discuté ultérieurement. En attendant, nous vous montrons quelques photographies provenant de la presqu'ile de Scandola (Corse du Sud), une ancienne caldeira, et une carte de l'ensemble Scandola / Monte Cinto. Ces photographies et documents sont complémentaires de leurs pendants continentaux de l'Estérel.

Prismes horizontaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola (Corse)

Figure 14. Prismes horizontaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola (Corse)

Prismes dans une coulée basculée par les mouvements d'effondrement de la caldeira, dyke, bordure d'un dôme… ? Il faudrait cartographier l'ensemble pour répondre à la question, ce que ne permet pas une promenade en bateau.


Prismes horizontaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola (Corse)

Figure 15. Prismes horizontaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola (Corse)

Prismes dans une coulée basculée par les mouvements d'effondrement de la caldeira, dyke, bordure d'un dôme… ? Il faudrait cartographier l'ensemble pour répondre à la question, ce que ne permet pas une promenade en bateau.


Prismes horizontaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola (Corse)

Figure 16. Prismes horizontaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola (Corse)

Prismes dans une coulée basculée par les mouvements d'effondrement de la caldeira, dyke, bordure d'un dôme… ? Il faudrait cartographier l'ensemble pour répondre à la question, ce que ne permet pas une promenade en bateau.


Prismes presque verticaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola

Figure 17. Prismes presque verticaux de rhyolite rouge dans la réserve de Scandola

Prismes dans une coulée à peine basculée par les mouvements d'effondrement de la caldeira, sill… ?


Filon de basalte (avec des prismes perpendiculaires aux bordures) recoupant des brèches rhyolitiques, réserve de Scandola (Corse)

Figure 18. Filon de basalte (avec des prismes perpendiculaires aux bordures) recoupant des brèches rhyolitiques, réserve de Scandola (Corse)

On a là la preuve du caractère bimodal acide-basique du magmatisme permien corse.


Vue aérienne et géologique correspondante de la presqu'ile de Scandola (Corse)

Figure 19. Vue aérienne et géologique correspondante de la presqu'ile de Scandola (Corse)

Il s'agit des restes d'une ancienne caldeira permienne, restes épargnés par la tectonique alpine, par l'ouverture de la Méditerranée et par l'érosion. Sur la carte géologique, toutes les formations de couleur rouge et orange correspondent à différents faciès de rhyolite. La formation bleu foncé correspond à du basalte. La formation bleu clair correspond à des lahars majoritairement rhyolitiques mais avec quelques éléments basaltiques. Les formations vertes et roses correspondent au socle hercynien anté-permien.

Localisation par fichier kmz de la presqu'ile de Scandola, Corse-du-Sud.


Carte géologique simplifiée des unités U2 et U3 au Nord-Ouest de la Corse

Figure 20. Carte géologique simplifiée des unités U2 et U3 au Nord-Ouest de la Corse

L'unité U2 est figurée en jaune et brun, l'unité U3 en rouge et rose. On peut noter la coexistence entre roches plutoniques et volcaniques acides. Un affleurement de roches basiques suffisamment important pour être carté à cette échelle est figuré en bleu.


En plus de l'ensemble Estérel/Corse, ce volcanisme acide permien affleure aussi en zone briançonnaise, la zone des Alpes comprise entre la zone dauphinoise et la zone liguro-piémontaise. Ces affleurements volcaniques permiens sont nombreux en France, mais très petits, trop petits pour être représentés sur la carte géologique au 1/1 000 000. Ils sont par contre abondamment représentés en Italie, au Sud du Piémont et en Ligurie (cf figure 30). Nous vous avons déjà montré des dacites et des micro-granodiorites permiens en Briançonnais, cf. Le Briançonnais, peut-être la meilleure région de France pour découvrir les histoires sédimentaires et volcaniques tardives des chaines de collision (chaine hercynienne) à partir de la figure 20. Pour rester dans le domaine des rhyolites rouges, nous vous montrons un secteur des gorges du Guil (Hautes-Alpes), secteur traversé mais souvent ignoré par les excursions qui vont en Queyras voir les ophiolites en faciès schiste bleu.

Gorges du Guil, Hautes-Alpes, et rhyolites rouges permiennes

Figure 21. Gorges du Guil, Hautes-Alpes, et rhyolites rouges permiennes

En haut, secteur des gorges du Guil creusé dans des rhyolites rouge violacé. En bas, gros plan sur cette rhyolite. Ces photos ont été prises au lieu-dit bien nommé “tunnel de roches violettes”.

Localisation par fichier kmz des rhyolites de la vallée du Guil (Hautes-Alpes).


On trouve des manifestations de ce volcanisme bimodal acide-basique permien ailleurs que dans le quart Sud-Est de la France, en particulier à l'Ouest des Pyrénées, en Pays basque et en Béarn. Le plus emblématique de ces volcans permiens pyrénéens est le Pic du Midi d'Ossau (Pyrénées-Atlantiques). Comme en Corse pour le Monte Cinto ou à Scandola, il s'agit des restes d'un vaste édifice volcanique s'étant effondré en une caldeira, difficile à reconnaitre à cause de l'érosion (en particulier glaciaire) et parce que cet édifice et quelques autres à son voisinage ont été très déformés par l'orogenèse pyrénéenne, contrairement à ceux de Corse ou d'Estérel peu touchés par les orogenèses pyrénéo-provençale et alpine. La notice de la carte géologique à 1/50 000 de Laruns-Somport distingue deux épisodes principaux : un premier cycle essentiellement acide, avec rhyolite, ignimbrites… très dominantes, un second cycle plus basique, avec basalte, andésite, mais aussi dacite… Ce volcanisme est daté entre 304 et 265 Ma.

Le Pic du Midi d'Ossau, Pyrénées-Atlantiques, vu du Nord-Ouest



Détail d'une cassure fraiche d'andésite acide verdâtre, secteur Sud du Pic du Midi d'Ossau, Pyrénées-Atlantiques

Figure 25. Détail d'une cassure fraiche d'andésite acide verdâtre, secteur Sud du Pic du Midi d'Ossau, Pyrénées-Atlantiques

On reconnait des baguettes d'amphiboles noires. De plus près, on reconnaitrait plagioclases et quelques quartz.



Gros plan sur une section “propre” de la rhyolite de la figure précédente

Figure 27. Gros plan sur une section “propre” de la rhyolite de la figure précédente

On reconnait plagioclases, quartz et quelques amphiboles.


Extrait de la carte géologique à 1/50 000 des volcans d'Ossau (au Nord) et d'Anayet (au Sud, déjà en Espagne)

Figure 28. Extrait de la carte géologique à 1/50 000 des volcans d'Ossau (au Nord) et d'Anayet (au Sud, déjà en Espagne)

Les rhyolites sont en rouge, les roches intermédiaires appelées “andésites” sont dans divers teintes d'orange, et les “andésites basiques” sont en gris foncé. La majorité de la carte est constituée de roches sédimentaires allant du Dévonien au Permien. Le trait noir correspond à la coupe de la figure suivante.




Quart Sud-Est de la carte géologique de France au 1/1 000 000 localisant les rhyolites du Carbonifère terminal / Permien (sur-colorées en vert-jaune) et Carbonifères inférieur (sur-colorées en vert-turquoise)

Figure 31. Quart Sud-Est de la carte géologique de France au 1/1 000 000 localisant les rhyolites du Carbonifère terminal / Permien (sur-colorées en vert-jaune) et Carbonifères inférieur (sur-colorées en vert-turquoise)

Des rhyolites du Carbonifère inférieur ont été présentées il y a 2 semaines dans Des rhyolites aux granites d'anatexie : le volcanisme hercynien acide de la région de Roanne (Loire et Rhône), un exemple de volcanisme de zone de collision.

Seules les rhyolites ont été colorisées, mais pas les granites associés et contemporains. Les rhyolites des Pyrénées forment des affleurements trop petits pour être bien visible sur la carte au 1/1 000 000. On voit que la surface totale occupée par ces rhyolites tardi-hercyniennes n'est absolument pas négligeable : ce volcanisme majoritairement rhyolitique couvre au total une surface voisine de celle du volcanisme tertiaire et quaternaire du Massif Central (colorisé en bleu). Et la surface de ces rhyolites devait être beaucoup plus importante au Permien, les 250 millions d'années qui ont suivi en ayant sans doute érodé (ou recouvert de sédiments) la majorité. On peut se demander pourquoi ce volcanisme rhyolitique est si méconnu et négligé malgré son importance quantitative. Tout d'abord, il s'agit d'un volcanisme associé aux collisions, volcanisme très souvent « ignoré » aussi bien pour le volcanisme actif que pour le volcanisme ancien. Ensuite, il s'agit d'une cause purement conjoncturelle et française. Les auteurs de la carte géologique de la France ont choisi, depuis les premières éditions, de bien visualiser les roches granitiques (couleur dans les rouges), le volcanisme tertiaire et quaternaire du Massif Central (couleur dans les bleus pour les basaltes, vert ou jaune pour les laves différentiées). Par contre, ce volcanisme carbonifère et permien n'a pas de couleur propre. Il n'est représenté que par une discrète surcharge sur les différents gris du Carbonifère et du Permien sédimentaires. Il est de facto presque invisible si on ne regarde cette carte que rapidement.


Il reste maintenant à proposer la (les) source(s) de ces différents magmas, et le(s) contexte(s) géodynamique(s) de la fusion de ces sources.

Il n'y a à priori pas de problème pour la source des magmas basiques : ils proviennent de la fusion partielle du manteau. Ces magmas basiques appartiennent aux lignées tholéiitique et calco-alcaline, avec en particulier des basaltes et des andésites. Mais, attention, la présence de roches de la lignée calco-alcaline ne signifie pas “obligatoirement” fusion du manteau à l'aplomb d'une zone de subduction, contrairement à ce que beaucoup croient encore en 2020. Par exemple, pour les roches de l'unité U2 de Corse qui appartiennent à la lignée calco-alcaline, la notice de la carte géologique de Galéria-Osani écrit : « Cependant, d'après B. Cabanis et al. (1990), le rapport Th/Ta de ces andésites (5,2 à 9,1) est élevé mais il demeure toutefois inférieur à celui des andésites calco-alcalines des zones de subduction. Ce rapport est proche des valeurs moyennes de la croute continentale. Ainsi, le caractère « calco-alcalin » des andésites corses ne résulte pas du fonctionnement de paléo-plans de subduction néo-varisques. Ce caractère a été secondairement acquis par un magma basique tholéiitique alumineux qui a subi une hydradation et une contamination par la croute continentale (Rossi, 1986 ; Cocherie et al, 1993). »

Les magmas intermédiaires peuvent provenir (1) d'une différenciation partielle d'un magma basique, (2) d'une contamination d'un magma basique lors de sa traversée de la croute continentale, (3) d'un mélange entre un magma acide et un magma basique. Des études de terrains comme géochimiques suggèrent que les trois processus ont eu lieu. Il reste à déterminer leur importance relative, sans doute variable d'un massif à l'autre.

Les magmas acides devenus des rhyolites, les plus abondants au Carbonifère et au Permien, proviennent soit de la différenciation d'un magma basique, soit de la fusion partielle de la croute continentale. Ce sujet a longtemps été discuté. Mais la prédominance des rhyolites sur les roches basiques ou intermédiaires ne plaide pas pour la différenciation comme origine des magmas acides, les roches différenciées étant en théorie minoritaires par rapport aux roches non différenciées. Les reliques “continentales” trouvées dans certaines rhyolites et surtout des études géochimiques prouvent une origine crustale. Par exemple la notice de la carte de Laruns-Somport écrit : « Les signatures isotopiques, −10 < εNd < −7, des rhyolites et dacites peralumineuses du premier cycle du volcanisme de l'Ossau indiquent que les magmas de ce premier cycle volcanique proviennent de la fusion de matériel continental, comme en témoigne aussi la présence de zircons protérozoïques hérités. »

Jusque dans les années 1980, les derniers granites des Pyrénées, les granites de l'unité U2 de Corse… étaient souvent considérés comme tardi-tectoniques, comme les dernières manifestations de l'orogenèse hercynienne. Les roches volcaniques (et les granites) de l'unité U3 de Corse étaient, elles, souvent considérées comme indépendantes de l'orogenèse hercynienne. On parlait d'ailleurs de magmatisme anorogénique, comme celui des granites intra-cratoniques que sont les complexes annulaires du Niger. Depuis, les progrès et la multiplication des datations ont montré que volcanisme et plutonisme étaient contemporains, et reliés à l'histoire tardi-hercynienne. Les notices des cartes géologiques de carte de Laruns-Somport (Pyrénées) et de Galéria-Osani (Corse), qui synthétisent les derniers résultats connus à l'époque de leur rédaction (2004 et 1996) indiquent aussi que dans l'Ouest des Pyrénées et en Corse, ce magmatisme était contemporain d'un métamorphisme HT-BP affleurant dans la même région.

On peut synthétiser et résumer ainsi le relatif consensus quant à l'origine de ces phénomènes magmatiques du Carbonifère terminal et du Permien dans le Sud de la France. Il faudrait étendre ces études et réflexions au volcanisme rhyolitique permien que l'on trouve dans le Morvan, dans les Vosges… À cette époque, le raccourcissement hercynien vient de se terminer à l'emplacement de la France. La croute continentale épaissie par les chevauchements s'amincit sous l'effet des forces de volume, avec extension généralisée et remontée du Moho. La croute inférieure, chaude, se décomprime ce qui favorise sa fusion partielle. En même temps, il y a délamination lithosphérique (on parle aussi de lithospheric breakdown). Cette chute du manteau lithosphérique entraine une remontée de l'asthénosphère jusqu'au Moho, ce qui réchauffe encore la croute inférieure. Cette remontée de l'asthénosphère entraine sa fusion partielle par décompression et la production d'un important volume de magma basique. Ce magma basique se plaque en partie sous le Moho, et remonte aussi dans la croute inférieure. Cela réchauffe encore plus la croute inférieure. À cause de tous ces phénomènes, la croute inférieure fond partiellement, ce qui produit une grande masse de magma acide. Ce magma acide remonte, et donne des granites s'il s'arrête avant la surface, et des rhyolites s'il atteint cette surface. Une relativement faible quantité de magma basique atteint aussi la surface et la subsurface, magma plus ou moins modifié lors de la traversé de la croute et/ou de son mélange avec du magma acide.

Représentations schématiques idéalisées et simplifiées d'une chaine théorique, sans doute pas trop différente de ce qu'était la chaine hercynienne au Paléozoïque supérieur en particulier au Carbonifère terminal/Permien (schéma 2) lors du volcanisme rhyolitique, conséquence de la délamination lithosphérique

Figure 32. Représentations schématiques idéalisées et simplifiées d'une chaine théorique, sans doute pas trop différente de ce qu'était la chaine hercynienne au Paléozoïque supérieur en particulier au Carbonifère terminal/Permien (schéma 2) lors du volcanisme rhyolitique, conséquence de la délamination lithosphérique

En haut, (1) la situation à la fin de la collision et du raccourcissement, et avant l'extension tardi-collisionnelle et la délamination lithosphérique. Les possibles granites contemporains de cette collision n'ont pas été représentés.

En bas (2), la situation pendant l'extension tardi-collisionnelle et la délamination lithosphérique. Il y a amincissement crustal (avec failles normales et grabens), délamination lithosphérique avec chute du manteau lithosphérique. Cette délamination amène du matériel asthénosphérique au contact du Moho et la fusion partielle par décompression de cette asthénosphère ascendante, avec production de magma basique. Une partie ce cette asthénosphère ascendante a pu être hydratée pendant la subduction qui a précédé, ce qui peut, peut-être, expliquer en partie le caractère calco-alcalin de ce magma basique. Asthénosphère au contact du Moho et remontée de grandes masses de magma basique entrainent le métamorphisme HT et la fusion partielle de la croute continentale inférieure, avec production de grandes masses de magma acide. Magmas acides, intermédiaires et basiques forment des plutons et des volcans.


Remerciements

Merci (1) à Philippe Rossi (BRGM, Orléans) de m'avoir résumé l'état des connaissances actuelles et de m'avoir fourni une abondante bibliographie, et (2) à Jacques Maillos de m'avoir fourni des photographies du Pic du Midi d'Ossau.